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Citations de Alexandre Duyck (26)


Joseph a prévenu Louise, “Là où je t’emmène, il se peut qu’on ne t’aime pas”, elle a répondu qu’elle s’en moquait pas mal, “On verra bien”, et cette seule réponse l’a convaincu qu’elle serait la femme de sa vie. Il est allé la chercher en 1929 au loin, dans un autre village, plus fou encore, dans une autre vallée. Ce sont des choses qui ne se font pas. Plutôt épouser sa cousine qu’une fille d’ailleurs. On laisse encore les parents faire, décider à notre place, on marie une connaissance de toujours, une amie d’enfance, la fille des voisins. Les Alpes constituent un archipel, les villages sont autant d’îles, on ne passe pas aisément de l’une à l’autre, on préfère se tourner le dos. Les femmes d’ici, Joseph n’en veut pas. “C’est un difficile”, disent de lui les plus indulgents. Les autres parlent dans son dos, doutent de lui, raillent le contraste entre ce corps énorme, cette barbe envahissante, cette force, un chêne fait homme, sa voix si grave, si belle, à faire trembler les murs, et sa solitude. Comment peut-on approcher le mètre quatre-vingt-dix, peser quatre-vingt-dix kilos, pas un gramme de graisse, du muscle jusque dans le visage, dans la mâchoire ; comment peut-on dépasser de la tête et des épaules tout homme vivant dans ce pays qui n’enfante que des petits, arborer une barbe noire, longue, si peu taillée, faire peur d’un regard, d’un son articulé, être surnommé sans grande imagination “l’ours”, et vivre seul ? Ils en rient au café, le cordonnier qui ne trouve pas chaussure à son pied. Le colosse qui passe sa vie enfermé, à réparer des godasses plutôt que d’aller couper des arbres, traîner du bois dans la forêt, à quoi lui sert donc ce corps ? Il n’est d’aucune utilité d’être grand dans le monde paysan, la taille constitue même un handicap, les corps sont volontairement ramassés sur eux-mêmes, adaptés au climat et au labeur. Arracher les pommes de terre, couper du bois, se casser en deux à longueur de journée, se plier pour traire les vaches, des corps formés par le travail, pour le travail, façonnés pour être efficaces. Il faut être fort, costaud, racé, du muscle concentré mais grand ? Mais large d’épaules ?
Louise a l’âme d’une insulaire mais surtout d’une voyageuse. Changer d’air ne lui fait pas peur. Elle a six ans de moins que Joseph. Sa mère a toujours voulu qu’elle travaille, elle qui ne jurait que par le savoir, par les livres, pas tant pour elle que pour sa fille, l’indépendance financière, ne pas dépendre des hommes. Louise est devenue la maîtresse d’école, la seule de la vallée. Une célébrité en quelque sorte. Celle qui fait la classe, instruit, ne donne jamais de coups de canne même quand elle les estimerait mérités, même quand les parents la supplient de taper leurs enfants. Elle se dit certaine que sa voix suffit à marquer les esprits.

(INCIPIT)
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Si vous saviez comme c’est dur d’être toute seule aux quatre coins d’une table ronde.
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Alexandre Duyck
■ CYRIL HANOUNA, LE COTÉ OBSCUR DE LA FARCE.
Connu pour ses clowneries et ses provocations à l’antenne, l’animateur vedette de 'Touche pas à mon poste !' et de 'Balance ton post !' sur C8 est, en coulisses, un redoutable homme d’affaires. À 46 ans, ce proche des Bolloré compte bien jouer les premiers rôles cathodiques pour la présidentielle de 2022.
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• article dans Le Monde, 23/04/2021
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Le voici qui s’assoit sur un rocher, toujours le même, au pied d’un sapin, il offre la plus belle vue sur la vallée mais là n’est pas le plus important, il n’en parlera jamais à personne au risque de passer pour un fou mais en le voyant, la première fois, il a ressenti une drôle d’impression, vraiment étrange, Joseph aimerait qu’on ne le juge pas mais il a cru que le rocher l’invitait, comme un copain au café, “Allez, viens t’asseoir !”. Les pierres d’ici ne manquent pas mais celui-ci, par sa forme peut-être, par la douceur de sa surface, comme l’assise d’une chaise, par son ancrage, s’est imposé à lui, c’était son rocher.
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La discussion s’achève sur cette promesse en l’air, ni une prédiction ni une suggestion, un entre-deux, un “toi aussi” qui ne mange pas de pain, n’engage à rien, devrait rassurer quand il plonge dans un océan d’angoisses, d’incertitudes, de sables mouvants.
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Une fois, c'était l'année 1916, un mardi de novembre, il faisait tellement froid, j'ai honte de le dire mais j'ai volé les bottes d'un macchabée, les miennes étaient toutes déchirées, on commençait à voir les pieds au travers, les talons c'était comme si je marchais pieds nus, j'avais peur qu'ils gèlent, mes pieds. Le gars n'avait presque plus de tête mais il avait encore ses deux jambes, je n'avais jamais rien volé de ma vie. Est-ce que prendre les bottes d'un mort, c'est voler ? Les copains trouvent que je me pose trop de questions pour un berger.
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À bout de nerfs n’est pas qu’une expression, c’est aussi une réalité physique, géographique, vous parvenez au bout du chemin et là rien ne vous attend, rien que le vide absolu, le choix se résumant entre la chute et le surplace.
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Il va lui apprendre à rire, malgré la vie, tout le temps, à rire rien que chez eux. Toujours cette retenue, la peur d’être entendue, vue, la terreur de la vulgarité alors d’abord le rire contenu, les lèvres pincées, un défi pour lui qui remet une couche, en rajoute dans la description de la scène à laquelle il a assisté, dans le calembour, la plaisanterie, qu’a-t-il à perdre ? Trente ans qu’il attendait de pouvoir faire rire quelqu’un, qu’il se pensait drôle, des jeux de mots, des fulgurances qui lui traversaient l’esprit mais qu’il ne pouvait partager avec personne, toujours cerné par la peur du ridicule. Quoi à perdre ? Beaucoup, tant l’absence de réaction de la part de Louise le paralyse, le terrifie, le plonge dans des angoisses aussi ridicules que sincères, « Et si je ne l’amusais plus, qu’adviendra-t-il de nous ? ». Il en jouit, vraiment, une véritable décharge comme l’autre, tout son corps parcouru du bonheur, de l’éclair, de l’instant où il la voit enfin lâcher prise, un rire en cascades, une avalanche qui déferle, rien pour le contenir et lui, parfois, dans les grands jours, qui se laisse emporter avec elle. Le rire comme ciment de leur couple, plus fort que celui qui fait tenir les murs de leur maison, plus solide que la charpente en sapin, plus résistant aux vents que l’abri qu’il a construit là-haut. Ils ne sont unis ni par les idées, elle pense mieux que lui, sait bien plus de choses, ni par la violence imposée par l’un, ni par l’origine sociale, les conventions, pas plus que par l’habitude, les contraintes, le fatalisme puisque personne ne quitte personne en ce temps-là. Ils sont unis par le rire, l’humour qui tourne à l’amour.
(pp.18-19)
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Elle avait ajouté cette phrase dont il fallait absolument faire le titre de l’entretien : « Le burn out, c’est pour les forts. » Comme une maladie qui ne s’offre pas à tout le monde, qui choisit son camp, vise précautionneusement ses cibles, leur tourne autour, les renifle comme un chien policier puis s’arrête net et là, c’est foutu. Une tique enfoncée pour longtemps dans la profondeur de la chair des meilleurs.Elle choisit les morceaux de choix, délaisse les faibles, les fainéants, les planqués, les chefs qui se reposent sur leurs subalternes, elle s’attaque à celles et ceux qui s’investissent trop dans leur travail, lui donnent tout, se livrent corps et âme, celles et ceux qui ont idéalisé leur métier dans leurs années de jeunesse puis se retrouvent confrontés au manque de moyens, ou à l’inertie de leurs chefs, ou au cynisme. Ou à tout cela cumulé.
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Je n’aime pas juger les gens mais les poignées de mains en disent long sur la personnalité des hommes, je ne veux pas généraliser mais le plus souvent, les molles et tièdes n’annoncent rien de bon. Il faut s’en méfier comme de la peste, elles manquent d’honnêteté … Il n’y a rien de pire qu’une poignée de mains molle, elle dit le mépris de classe, le dédain, elle annonce la lâcheté puis la traîtrise à venir. 
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Les bêtes ne tuent que pour se nourrir ou quand il leur faut sauver leur vie. Elles ne tuent pas leurs semblables qui ne leur ont rien fait. Et quand elles meurent à la guerre, c’est encore pire que nous, car elles n’ont pas choisi de se battre, elles ne savent pas faire la différence entre un Français et un boche, elles meurent alors qu’elles n’avaient rien demandé à personne. 
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l me répète ce que je sais déjà, dans moins de 30 minutes la guerre va s’achever, nous avons gagné, les boches ont signé l’accord, on va tous pouvoir rentrer chez nous : » Moui dans ma belle maison pour y baiser maman », qu’il dit » Toi dans ton trou à rat de bouseux de Lozérien ». Ne pas réagir, ne pas laisser apparaître la moindre émotion, Pons m’a expliqué comment faire comme si de rien n’était. Comme j’ai peur de le regarder dans les yeux, j’applique la méthode que m’a expliqué un copain, fixer des poils entre les deux sourcils, on fait croire à l’autre qu’on le regarde droit dans les yeux mais en fait on ne fait que compter ses poils entre les sourcils.
Des gars sont morts de froid dans les tranchées, des tas de gars, c’est quand même fin de mourir de froid la guerre. Moi je ne m’en suis jamais plaint. Mais je ne suis jamais endormi les fois où j’ai compris qu’il valait mieux ne pas. Un jour j’ai entendu un jeune sous-lieutenant se vanter :«Les poilus ont de la paille, moi un lit ». C’est la première fois depuis le début de la guerre, je crois, où j’ai vraiment eu envie de tuer quelqu’un.
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C’est notre côté cul-terreux, disaient les Parisiens, les pires de tous, les Lyonnais sont pas mal non plus mais les Parisiens restaient les pires, si certains de tout savoir, les pires des pires étant les instituteurs parisiens devenus lieutenant et qui nous parlaient comme à des demeurés, à des gosses, à leurs élèves, à croire qu’ils n’ont eu que des dégénérés dans leur école, les instits parigots, faudraient les livrer en masse au boches, en cadeau, faites-en ce que vous voulez, montrez leur du pays mais par pitié, ne nous les rendez pas ou alors mort, et encore. Les instituteurs et la science infuse, comme ils disent, la haine du patois, leur beau Français dont ils usent comme d’une arme pour mieux t’humilier, te démontrer leur supériorité, ils emploient des verbes, des temps de conjugaison dont tu n’as jamais soupçonné l’existence ni deviné l’utilité mais il en abuse, ils en jouissent, ils te parlent d’écrivains célèbres dont tu ignores jusqu’au nom, nous des frustrés qui te refusent le droit de moins bien parler qu’eux, qui te jugent parce que tu en sais mille fois moins qu’eux et qui sont incapables de se débrouiller sans une carte
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Les chefs qui jouent les gentils qui m’appellent « mon petit : alors que j’ai quarante ans, qui demande de mes nouvelles et moi comme un con, je leur réponds mais à peine ai-je commencé à parler, il regarde déjà ailleurs, je me plains de mes pieds, ils répondent : » Parfait, c’est très bien continue comme ça mon petit », ces chefs-là sont tous des faux-culs, des lâches qui n’assument pas d’être des chefs mais qui, dans le dos des petits sont pires encore que les autres parce qu’à la fin ils trahissent toujours la confiance.
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Je ne compte pas les boches morts, je ne suis pas un chasseur qui exhibe le gibier le soir venu. A la fin de la journée, je me contente de compter jusqu'a un. Le un, c'est moi seul, je me compte moi et je sais que je suis encore en vie. Il n'y a que ce un qui compte pour moi.
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Foch a décidé trois jours plus tôt d’un horaire est compte s’y tenir. Celui qui lui fera modifier son plan initial n’est pas encore né : on attendra donc sagement 11 heures, le onzième jour du onzième mois, pour que sonne enfin le clairon. Foch aime l’ordre, les symboles, ou la numérologie.
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J’ai dit oui, oui à la guerre, oui à l’Alsace rendue à la France, oui à l’aventure, aux voyages en train et à la marche à pied, oui à la solde et aux vingt centimes journaliers, oui à la photographie, au portrait officiel.
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Un premier avis, rédigé, sur le moment même, a fait décéder Augustin le 13 novembre 1918, suite à ses blessures. Puis un deuxième a raccourci la vie du soldat de trois jours, finalement mort pour la France le 10 novembre 1918, date que l’on a gravée sur la trentaine de tombes, dont la sienne. « Il n’était tout simplement pas possible de mourir pour la France le jour de l’armistice, le jour de la victoire », écrira Charles de Berterèche de Menditte, officier d’infanterie dans ses Souvenirs de la guerre 1914-1918.
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Delalucque retournerait en Normandie, il y serait ouvrier agricole puis clochard, vivant tantôt dans un hangar, tantôt à la rue. On dit que c’est sa compagne qui l’a tué quelques années plus tard à coups de couteau. Personne ne se souviendra qu’il a sonné, le 11 novembre 1918 à 11 heures, sur le dernier champ de bataille français de la Première Guerre mondiale, le clairon annonçant la fin de la Grande Guerre. On l’oublie tellement que ce n’est pas même son clairon qui trône dans les vitrines du musée de l’Armée à paris : c’est celui du soldat Pierre Sellier, originaire de Belfort qui fut chargé, le 7 novembre au soir, de sonner le cessez-le-feu pour permettre aux plénipotentiaires allemands chargés de négocier l’armistice de traverser les lignes françaises à Haudroy dans l’Aisne
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Sa vie d'alpiniste occupe toute la place. Les Alpes ne suffisent plus et les Andes n'ont été qu'un avant goût des hauteurs à venir, un amuse-bouche, un apéritif épicé avant l'appel des cimes asiatiques. En attendant, elle en profite, grimpant pour quelques temps encore avec Pierre, son amour, son compagnon des années de la vingtaine.
(...)
Une seule fois , Pierre Neyret l'a vue perdre son sang froid. Ils venaient de gravir le Supercouloir, une voie de glace extrêmement difficile au mont Blanc du Tacul... La tempête les surprend à la descente, ils se perdent en pleine nuit au milieu des crevasses.
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