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Critiques de Alexandre Kouprine (29)
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Le bracelet de grenats

"Le bracelet de grenat" est un cadeau d'anniversaire à la princesse Vera d'un inconnu, son admirateur secret depuis sept ans. Nous somme dans la province russe, dans la Russie tsariste et Vera sans enfants est la femme d'un maréchal de la noblesse de province.....

Un petit pamphlet sur l'Amour, le pouvoir de l'Amour, si elle existe. "En vérité, mon cher, est-il coupable d'aimer, et peut-on vraiment se rendre maître d'un sentiment tel que l'amour -un sentiment qui n'a jamais trouvé d'exact commentateur ?" demande le mari de Vera, s'adressant à son beau-frère outragé. Alors que Vera suite aux événements sera gagnée d'un trouble indicible et lui reviendra en mémoire les paroles d'un ami, " Qui sait ? Peut-être as-tu croisé sur ton chemin le véritable, le tout puissant Amour ."

Un magnifique récit émouvant d'un auteur russe du début du siècle dernier,"sanctifié" par la sonate nr.2, op .2, Largo appassionato de Ludwig van Beethoven !
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Olessia

Olessia est un conte magnifique de 1898 qui se déroule au fin fond de la Polésie à la fin du XIXème siècle.

Le narrateur, Ivan, est un jeune barine pétersbourgeois et écrivain en herbe que le destin a jeté dans un trou perdu pour six longs mois. Il s'ennuie horriblement. Les moujiks du coin n'ont rien de chaleureux, ils sont renfermés et ils ne cessent de lui baiser les mains suivant une coutume datant du servage. L'intelligentsia du district est réduite à quatre personnes inintéressantes. Alors en attendant les jours où il pourra enfin chasser, Ivan s'occupe à jouer les médecins avec les habitants du bourg : un peu d'iode par-ci, un peu d'huile de ricin par-là. Et puis il entreprend également d'alphabétiser Iarmola le garde-forestier alcoolique qui lui sert de domestique. Dehors la tempête fait rage, l'hiver est dur, le vent hurle et la maison tremble au milieu du village perdu. Ivan demande soudain à Iarmola d'où vient le vent et celui-ci nonchalamment lui répond :

"Quand une sorcière vient au monde, le magicien s'amuse".

Le garde-forrestier lui raconte alors qu'au village il y avait une sorcière mais que les gars l'ont chassée avec sa petite fille en la traînant par les cheveux comme une bête. Elle empoisonnait les gens, tordait le blé et avait provoqué la mort d'un enfant parce que la mère lui avait refusé l'aumône.

Le jour de la chasse tant attendu arrive. Ivan se perd dans la sombre forêt. Ses pas le conduisent alors dans une humble chaumière où vivent deux femmes : une vieille femme édentée qui ressemble fort à une baba-yaga et sa charmante petite fille aux beaux yeux noirs...

le jeune petersbourgeois éduqué va tomber amoureux d' Olessia, la belle et pure sauvageonne. Elle est belle mais aussi très clairvoyante. Elle sait les choses, elle cerne la personnalité d'Ivan et prédit l'issue funeste de leur amour. L'intellectuel peut-il changer le cours des événements ?

Kouprine décrit avec beaucoup de lyrisme leur amour tragique. La nouvelle est très riche. Kouprine n'avait pourtant que vingt-huit ans quand il l'a écrite. Il connaissait bien le coin pour y avoir effectué son service militaire. le récit tient en haleine de bout en bout, l'alliage entre le naturalisme et la romance est réussi, les personnages secondaires sont intéressants, le narrateur est perçu de différents points de vue et on peut faire de cette histoire une lecture réaliste ou symboliste. Elle explore sans lourdeur morale un certain nombre de problèmes sociaux et spirituels : la misère, l'ignorance, la superstition engendrent la violence et arrangent la petite intelligentsia locale ainsi que l'église. Elle réunit enfin le temps d'un beau printemps deux Russie qui s'ignorent d'habitude.



J'ai lu cette nouvelle sur le site de la bibliothèque russe et slave dans la traduction fluide de Marc Semenov ( 115 pages).

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Quand les chevaux parlent aux hommes

Ce recueil, agrémenté de quelques photographies de Tolstoï avec des chevaux, regroupe trois nouvelles d'auteurs différents:

- Kholstomier de Leon Tolstoï (1885)

- Emeraude d'Alexandre Kouprine (1907)

- Libussa de Carl Sternheim (1920)



Tolstoï et Kouprine étaient passionnés par les chevaux, ils les ont beaucoup observés et cela se ressent dans leurs nouvelles. Je ne sais si Sternheim l'était aussi mais c'est moins perceptible dans sa nouvelle.



La première nouvelle de Tolstoï, Kholstomier (aussi intitulée le cheval dans d'autres éditions), a eu un immense succès à son époque, même si elle semble aujourd'hui dans l'ombre d'autres de ses grandes oeuvres. Kouprine et Sternheim ne s'y sont pas trompés puisque tous deux lui ont adressé un clin d'oeil dans leur propre nouvelle. Même si j'ai trouvé le passage à la parole du cheval (quand il s'adresse à ses congénères au chapitre V pour leur raconter sa vie) assez brutal, Tolstoï n'en demeure pas moins un formidable conteur. Il parvient à nous embarquer en distillant des réflexions philosophiques. J'ai eu cependant le sentiment qu'il cherchait à mettre en évidence ce qui unissait et différenciait l'homme du cheval à travers des thèmes comme la vieillesse (le parallèle entre la vieillesse de Kholstomier et celle de son ancien maître est superbe), la mort, l'instinct de propriété. La construction est très habile et le récit poignant.



La seconde nouvelle, Emeraude de Kouprine, est très courte (une trentaine de pages) mais dégage une aura magnifique. C'est sans doute elle qui a ma préférence. Sa force est de ne pas utiliser d'artifices destinés à donner la parole ou un sens critique au cheval. Non, elle se met à la place du cheval et tente de nous transmettre l'essence de ce qu'il est. le cheval, bien qu'humanisé pour les besoins de l'histoire, reste un cheval. C'est un récit superbe d'une grande sensibilité, tout en rythme, en gestes, en postures mais qui s'attache peut-être plus à la forme qu'au fond. Toutefois, je doute que l'on puisse comprendre toute la profondeur de ce récit sans les éclaircissements apportés dans la préface par Jean-Louis Gouraud sur le scandale des années 1900 dont a été victime l'étalon qui a inspiré cette nouvelle. Quand je les ai lus, je me suis prise une seconde gifle !



La dernière nouvelle, Libussa de Sternheim, est celle qui m'a le moins convaincue. le subterfuge utilisé pour amener la jument à la parole n'est pas très crédible. Libussa est bien trop humanisée, au point que l'on finit par ne plus faire la distinction entre l'homme et le cheval. En plus, elle est, selon moi, un peu trop prude et puritaine, surtout au début. Si l'objectif de l'auteur était de pointer du doigt les contraintes des juments/femmes, en ce qui me concerne, c'est un peu raté. En revanche, il a le mérite de d'aborder la grande Histoire sous un autre éclairage. Car Libussa a appartenu successivement, excusez du peu, à la tsarine Alexandra Féodorovna, Edouard VII et Guillaume II. Alors elle en a des choses à raconter sur les hommes… D'après moi, les passages les plus intéressants concernent les échanges de Libussa avec l'un de ses congénères prorévolutionnaires ainsi que ceux sur Guillaume II, qui apportent une dimension inattendue sur le monarque.



Mais chacun à leur manière, ces trois chevaux murmurent à l'oreille des hommes l'étendue de leur folie...

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Le soleil liquide

Londres, fin XIXème, début XXème siècle (la date n'est pas précisée mais on peut logiquement le supposer). le narrateur Henry Dibbl relate l'extraordinaire aventure qu'il a vécue. Malgré des études scientifiques, il vit de petits boulots jusqu'au jour où il postule, grâce à une petite annonce, à une mystérieuse mission scientifique en Equateur, dont le but est d'oeuvrer au bonheur des générations futures. C'est inespéré. Enfin ! Enfin, il va peut-être pouvoir participer à des recherches d'envergures ! Bien qu'il ne sache pas exactement en quoi consistera cette mission, il ne peut que supposer que cela le rapprochera de ses inclinaisons scientifiques...



Parue en 1907, cette courte nouvelle aux connotations SF, et dans une moindre mesure écologiques, est étonnante à bien des égards.



Rien que les méthodes de recrutement valent leur pesant d'or. Les techniques ont certes évolué depuis lors, mais le concept n'est pas si éloigné du XXIème siècle.



Elle est étonnante également, car bien qu'écrite par un auteur russe, les protagonistes principaux sont Anglais. Ce sont les moeurs anglais qui sont ici présentés. Les personnages sont d'ailleurs ancrés dans leur époque, ils affichent assez souvent un irritant sentiment de supériorité ainsi qu'un flegme nonchalant. L'un des passages, quand deux des protagonistes discutent sereinement alors tout part en live autour d'eux, m'a rappelé la scène du film Titanic, celle où ces lords anglais sirotent leur brandy et fument le cigare alors que le bateau est en train de couler.



Elle est étonnante surtout car elle est à contrecourant des idées de l'époque sur les bienfaits de la science, ou plus exactement sur l'usage que l'homme fait de la science. Elle dénonce l'inconscience de ces savants qui manipulent des éléments sans les maitriser, sans tenir compte des dangers et des conséquences, ainsi que les inévitables dérives. C'est une vision assez sombre de l'humanité, et qui malheureusement perdure un siècle plus tard.



Alors certes, les explications scientifiques n'ont pas très bien vieilli mais elles ont un certain charme. Je ne parvenais pas à me débarrasser en les lisant de l'image d'un savant fou construisant un monument avec des matériaux de récup. Mais bon, c'est moi et je ne suis pas scientifique.



Le truc qui m'a cependant le plus dérangée, c'est que l'ensemble manque de cohérence. La mise en place est très longue pour une si courte nouvelle. L'auteur semble avoir cherché à créer une atmosphère de mystère, une espèce de suspens, autour de cette mission scientifique mais, en ce qui me concerne, c'est tombé à plat. Sans compter le dénouement final qui lui aussi tombe, comme un cheveu dans la soupe cette fois : le revirement à 360 degrés de l'un des protagonistes est difficilement crédible et s'empêtre même dans des contradictions. Quelques pages supplémentaires n'auraient à mon avis pas été superflues. Là, c'est trop saccadé selon moi. Et c'est vraiment dommage car cela diminue la portée du message.



Mais, même si globalement mon ressenti est mitigé, cette petite nouvelle a de quoi surprendre et est très agréable à lire.

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Olessia

🎵 C'est un beau roman, c'est une belle histoire

C'est une romance … 🎶

… d'autrefois.



Je poursuis ma découverte de cet auteur.

Cette histoire d'amour où se mêlent destin, superstitions, sorcières, relève dans une certaine mesure du paradoxe : alors même qu'elle sort des sentiers battus, elle n'en demeure pas moins sans surprise et on ne peut plus prévisible.



En revanche, elle a un charme fou.



Ivan Timopheevitch, le narrateur, vient de la ville et se gorge de nature. Il faut dire qu'il s'ennuie. Elle est donc omniprésente avec ses odeurs, ses couleurs, ses murmures et ses râles, et nous enveloppe dans une ambiance feutrée.



Et puis, il y a le folklore. Aaaah, le folklore… c'est lui qui selon moi rend cette nouvelle particulièrement irrésistible.



Sans même nous en rendre compte, nous sommes transportés au XIXème siècle dans la culture et la langue d'un village isolé de Poliessié (quelque part entre l'actuelle Ukraine et Biélorussie), à travers les habitudes quotidiennes des habitants et leurs traditions. Nous côtoyons des moujiks, des panitch (seigneur), l'ouriadnik (celui qui veille à l'ordre du village). Nous pénétrons dans l'isbouchka (cabane) de présumées sorcières. J'ai adoré. Bravo à la traduction de Marc Semenoff !



Les personnages secondaires ont également beaucoup de charisme et volent même parfois la vedette aux deux personnages principaux. La babouchka et le garde forestier, Iarmola, par exemple, sont truculents. Ils sont certes enfermés dans leurs certitudes, mais tous les personnages de cette nouvelle se débattent avec leurs croyances. Il n'y a guère que nos deux amants qui tentent de les dépasser. Pas toujours très bien. le narrateur laisse aussi parfois transparaitre une condescendance assez agaçante mais c'est minime.



Parue en 1896, cette nouvelle reste cependant intemporelle. Les sentiments et les doutes y sont plutôt bien analysés et exprimés. En plus, l'écriture est vraiment agréable, elle oscille entre poésie et réalisme. Il m'a cependant manqué un je-ne-sais-quoi pour être complètement conquise. C'est un peu exaspérant, c'est comme si je sentais que l'auteur avait la capacité de faire beaucoup mieux mais qu'il gardait une partie de son talent en réserve et ne parvenait à le libérer que par intermittence.

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Le bracelet de grenats





Russie au début du XXème siècle. La princesse Vera et son époux, un maréchal de province, forment un couple aimant mais sans passion, désargenté et sans enfant. Ils organisent l’anniversaire de Vera à la campagne. Durant le repas, un inconnu, amoureux de Vera depuis sept ans, lui fait livrer un bracelet de grenats.



Cette courte nouvelle pourrait se résumer à « Il n’y a pas d’amour heureux ». Car comment savoir si vous avez croisé l’amour véritable de votre vie ? C’est très romantique, peut-être inspiré par un Werther empli d’un amour fou pour une femme inaccessible. A lire en écoutant la sonate 2 opus 2 de Beethoven.





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Le bracelet de grenats

Le Bracelet de grenats, publié en 1910, dépeint dans une teinte crépusculaire l'aristocratie russe, à travers la passion chaste et pure d'un homme pour une dame inaccessible.

Traduction d'Henri Mongault, 1922, 1933.



Au fil de ses livres, Kouprine s'est imposé comme le chantre de l'amour idéal, le chantre des passions terrestres et des élans les plus romantiques.



«...L'amour a mille visages, et chacun d'eux a sa couleur, sa douleur, son bonheur et son parfum. L'une des plus suaves et des plus déchirantes histoires d'amour que j'aie jamais lues — et l'une des plus tristes —, est sans aucun doute Le Bracelet de grenats de Kouprine...»,

a dit l'écrivain soviétique Constantin Paoustovski.





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Emeraude

Anthropomorphisme littéraire

Emeraude est un trotteur. Le narrateur nous raconte ses pensées, souvenirs et rêves. C'est très bien écrit, très bien traduit. Cela passionnera sans doute les amateurs de chevaux. La fin est abrupte et cruelle. Mais le Petit Cheval de Paul Fort chanté par Brassens m'a davantage émue.

Lu gratuitement sur l'excellent site de la bibliothèque russe et slave ( 26 pages). Traduction de Henri Mongault, 1924.

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Le bracelet de grenats

L'action se déroule au bord de la mer noire en automne au début du XX ème siècle. La princesse Vera, une femme élégante et froide, s'apprête à recevoir à l'occasion de sa fête. Il y aura quelques membres de sa famille ainsi que des relations ennuyeuses de son mari, au bord de la ruine. Arrivent sa soeur, coquette et exubérante, mariée à un riche benêt ; un vieux général conteur d'histoires passionnantes qu'elles appellent grand-père et puis les amuseurs que l'on retrouve à tous ces dîners où il faut sauver les apparences. Le dîner arrive, tout se déroule comme prévu mais la Princesse reçoit un colis accompagné d'une lettre. Le paquet contient un bracelet de grenats et la lettre est signée G.S.J...

La nouvelle se lit d'une traite et c'est un petit bijou, de finesse, de subtilité.

Je l'ai lue gratuitement sur le site de la bibliothèque russe et slave dans la traduction d'Henri Mongault.
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Paisible existence 1904. Traduction d'Henri..

Ivan Vianorytch Nassiedkine est un paisible retraité et un fidèle fervent de la Sainte Eglise Orthodoxe de Russie. Il travaille consciencieusement au bien commun, ce qui lui procure une grande paix intérieure. Quand il le faut, il met en garde, avertit, ouvre les yeux, ramène la brebis égarée dans le droit chemin.

Comment ?

Vous le saurez en lisant cette brillante petite pépite sur le site de la bibliothèque russe et slave. ( 20 pages très faciles à lire). Elle date de 1904.
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En famille

Décarême

Le narrateur se remémore l'époque où il vivotait à Kiev, dans un très modeste meublé. Ils sont six pensionnaires, tous sans famille : un joueur invétéré, un savant déchu cuvant son vin, un gros Allemand buveur de bière, un étudiant joufflu et Mademoiselle Zoé, fille publique. Pour Pâques, le narrateur erre tristement dans la ville. Mais Mademoiselle Zoé lui a réservé une surprise. Elle a invité tous les locataires, à l'exception de l'étudiant joufflu à "décarêmer".

Une toute petite nouvelle naturaliste de 12 pages qui réchauffe le coeur. Des portraits saisissants et très émouvants. On apprend également beaucoup sur les traditions russes orthodoxes.

A découvrir gratuitement sur le site de la Bibliothèque russe et slave.
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Le duel

Le Duel, roman d'Alexandre Kouprine, va être à sa sortie en Russie en 1905 plébiscité par à la fois le public et par ses pairs comme Léon Tolstoï, Ivan Bounine, Anton Tchékhov, Maxime Gorki, Léonid Andréiev. C'est l'oeuvre qui va lui permettre d'accéder à la notoriété.

A travers ce livre Kouprine ne dresse pas un réquisitoire contre l'armée, il s'emploie à pointer sous une forme romancée à la fois les carences et les excès du régime afin de les réformer.



Kouprine n'est pas comme les autres, c'est à ce titre qu'il attire l'attention sur lui. Outre sa vocation d'écrivain, c'est un homme de haute lignée princière de par sa mère, Son altérité d'aventurier et d' épicurien ne fait pas de lui forcément le bon candidat pour être un Kamarade accompli à la veille de la révolution. Sa relation avec Gorki semble bien faible pour contenir les ardeurs de ce personnage haut en couleur, elle ne résistera pas à sa volonté de passer outre les injonctions des bolcheviks qu'il ne peut voir en peinture. Il choisit la France pour terre d'exil et son idéal de vie s'en trouvera contrarié..



En France, aujourd'hui, je demande à voir, en Russie il est connu, largement connu, il est étudié à l'école. du Duel, un film a été tiré qui a connu un grand succès ..



Au plan littéraire, Kouprine est un homme qui a des choses à dire, qui a observé de par sa riche vie et qui va les dire avec discernement, les analyser de manière ni péremptoire à la Soljenitsyne, ni révolutionnaire. Un simple examen des choses suffit et son intuition fera mouche.



Le Duel qui déconcerte ici est un roman sur les conditions de vie militaire, la vie des officiers, qui sont accablantes sous le régime impérial finissant. Tolstoï L expert le conforte de son soutien indéfectible, lui qui a tant bataillé sur le sujet pour arriver à une position radicale : il y aura un retour à ce signe de destins croisés : Kouprine le verra un jour prendre le bateau à vapeur et il racontera cette scène dans Souvenirs de Yalta. Ca me fait penser à cette rencontre si belle entre le jeune Ivan Bounine qui cherche alors sa vocation et Tolstoï, homme célèbre, rue Arbat à Moscou, le premier sera fort intimidé et conservera de ce moment non seulement un souvenir impérissable mais il est probable qu'il devra à Tolstoï une partie de sa vocation. le hasard faisant bien les choses, après Tchékhov, Kouprine et Bounine seront probablement les meilleurs écrivains à s'inscrire dans la lignée des géants russes qui ont marqué le 19 e siècle.



En 1905 Kouprine est au zénith dans la société russe, sa notoriété dépassera le cadre de la Russie impériale. le présent ouvrage s'intitulera : Une petite garnison russe et sera traduit en France en 1905 par S. Nidvine et P. Yail ; le Duel sera traduit en 1922 chez Gallimard par l'insigne H. Mongault. Celui-ci récidivera la même année avec La Fosse aux filles : récit au parfum de scandale dans la Russie tsariste, Kouprine dénonçant la prostitution dans les maisons closes in situe.



Oui il faut vraiment compter avec Kouprine pour évoquer l'âge d'or des géants littéraires précitée qui après Bounine ira jusqu'à Soljenitsyne. Mais alors pourquoi ce quasi-oubli de Kouprine dans l'opinion française alors que celui-ci séjourna en France pendant près de 18 ans. Je lis sous la plume de M. Hoffmann historien à propos de Bounine que la Révolution et l'exil l'ont fait souffrir profondément , elles ont probablement aiguisé sa pensée et ses sentiments, elles lui ont fait aimer sa patrie lointaine avec une passion redoublée". La voix des russes blancs émigrés était peu écoutée en France. Je pense qu'on peut dire la même chose de Kouprine. Son sort sera plus malheureux encore puisque l'alcoolisme le gagnera, il en sera très éprouvé à tel point qu'en 1937 il laissera son exil pour rentrer au pays, mais ce sera " pour y mourir", dira-t-il.



Autre part de son tourment en exil, il est probable qu'il connaîtra comme Stephen Zweig un monde fini, invivable à ses yeux à l'approche de la guerre, contrairement à ses aînés qui croyaient à un monde meilleur, toutes les belles espérances s'effondreront avec lui. Et puis cette France généreuse dût-elle faire le tri entre ces émigrés russes qui n'affluèrent pas toujours pour des motifs avouables et d'autres humanistes pour qui c'était le seul choix !.. Il lui aura manqué vraisemblablement ce lustre qui entourait les légendaires écrivains russes du 19e siècle qui ont conquis le monde entier.



Mais l'Histoire est là pour nous réparer quelques oublis fort injustes et faire que les grandes oeuvres d' écrivains ou d'artistes ne peuvent subir à tout jamais l'érosion du temps quand le talent s'en mêle . C'est Walter Benjamin qui disait quelque chose dans ce goût là
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Olessia

Je ne connaissais pas Alexandre Kouprine, j'ai découvert ce court roman grâce à une suggestion de Babelio. Une bonne suggestion...

J'y ai lu d'abord un conte : un jeune homme qui occupe un certain rang social - même si on ne sait pas exactement ce qu'il fait, on comprend qu'il vient de la ville, qu'il est relativement aisé, arrive sur son cheval au coeur d'une forêt, en quête d'une sorcière. Il trouve effectivement une vieille femme ridée, mal peignée, un peu infirme, qui prétend lire l'avenir dans les cartes. Il va aussi trouver une bergère ou une fée, en tout cas, il devient amoureux d'une jeune femme vivant comme une paysanne dans la forêt. Olessia est belle, intelligente, sensible, et elle aussi connaît des sorts. C'est un beau personnage tragique, elle connaît l'avenir, elle sait que sa passion sera funeste puisque le destin l'a décidé ainsi, mais elle s'y livre quand même.

On pourrait douter de l'époque durant laquelle se déroule le récit : les deux femmes vivent de façon traditionnelle dans la forêt, ignorant tout du monde, de la ville, de sa modernisation. Les paysans continuent à baiser la main des hommes puissants, comme au temps du servage, ils ne savent pas lire ni écrire. Et, surtout, ils sont dominés par la religion et surtout la superstition. La scène d'une véritable chasse aux sorcières pourrait évoquer la période de l'Inquisition en Europe occidentale.

Cependant, le texte date de la fin du XIX ème siècle. Le servage a été aboli, la Russie est traversée par des chemins de fer, les terres incultes et sauvages doivent être domestiquées pour devenir rentables et productives. Quand au Narrateur lui-même, il porte un regard distancié sur ces paysans et leur mode de vie, un regard supérieur et paternaliste, comme une sorte de colon sur des peuples colonisés. J'y ai lu une forme d'hypocrisie bienveillante. D'ailleurs, il s'intéresse aux sorcières, pensant y trouver un sujet d'inspiration littéraire, il cherche du pittoresque, pour, lui aussi, l'exploiter. Il désire Olessia, mais l'aime-t-il vraiment ? Je n'ai pas apprécié ce personnage, ne le trouvant pas sincère.

Un texte intéressant donc par ses différents niveaux de lecture.
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Le soleil liquide

Cette nouvelle de 1913 est assez courte et surprenante, atypique. Si je n’avais eu le nom de l’auteur, je n’aurais jamais pensé que l’auteur était russe. D’abord parce que les protagonistes sont anglais et que l’histoire débute à Londres. Cette partie où nous faisons connaissance avec le narrateur, sa vie londonienne, ses divers petits métiers, l’entretien d’embauche, est une réussite et très agréable à lire, mais elle occupe une part disproportionnée dans la nouvelle. L’atmosphère est celle de certains auteurs anglais ou français, avec un petit quelque chose de Poe, de Lovecraft ou de Jules Verne. Probablement parce que l’auteur retranscrit bien le flegme britannique, l’ambiance réelle de l’époque. On peut donc dire que ce récit est très daté, mais en même temps, alors que Kouprine n’est absolument pas un auteur ni de fantastique, ni de Science-Fiction, il y a une idée totalement d’avant-garde pour l’époque : le soleil comme source d’énergie (même si cela part d’une idée que l’on savait déjà fausse à l’époque). La description de la machine à fabriquer du soleil liquide sent bon les premiers auteurs de fantastique et de science-fiction. Quant au revirement du savant qui peu avant de mourir pressent que son invention ne serait pas utilisée à bon escient, c’est à rebours total des idées du début du XXème siècle. Tous ces éléments créent un contraste étonnant, mais pas déplaisant, entre le texte daté et le texte avant-gardiste.
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Le bracelet de grenats

Qu'est-ce que l'amour véritable, et où le trouver ? Dans une union conjugale sans surprise, sereine mais sans véritable passion ? en flirtant avec les officiers de passage ? En acceptant les lettres d'amour d'un inconnu ?

Véra est riche, Véra est une princesse, mais Véra n'est pas particulièrement heureuse. Elle mène une vie mondaine classique, son mari est un homme bon, mais elle ne ressent pas un torrent d'amour pour lui. Elle n'est véritablement émue que par les lettres qu'elle reçoit d'un inconnu, dont elle ne connaît justement que la signature. Cet homme modeste sait tout d'elle, il la suit à l'opéra, au spectacle, il connaît les robes qu'elle portait... Cela pourrait être inquiétant, voire pervers, elle le prend comme une preuve d'amour et rêve sur ses lettres. L'imagination est plus forte que la réalité...

Néanmoins, le format est celui de la nouvelle. Il est dommage qu'on n'en sache pas plus sur les sentiments de Véra, plutôt que de la voir dans son quotidien de femme du monde choisissant les plats servis pour sa réception. De même, l'homme m'a davantage fait paniquer que rêver, je lui trouve plus le comportement d'un pervers narcissique que d'un amoureux fou...

Le véritable amour, celui que les deux sœurs cherchent, c'est sans doute l'amour paternel - voire grand-paternel, que leur porte le vieux général : c'est un amour inconditionnel, qui n'attend pas de retour.

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La fosse aux filles

Bienvenue à la Fosse. 



Un nom qui, à lui seul évoque la décadence. Et pour cause, il s’agit du quartier abritant les maisons closes d’une ville russe méridionale, au 19ème siècle. 



Bienvenue au sein de la maison d’Anna Marcovna, établissement de second ordre entre l’hôtel de passe à soldats et l’établissement de luxe. Une sorte de milieu de gamme pour les fonctionnaires et étudiants qui viennent s’encanailler. 



Un terme légèrement coquin qui vient masquer une réalité beaucoup moins reluisante : celle des filles vendues par leurs parents, abusées par des professeurs, passant de mains en mains avant d’atterrir dans la Fosse. 



Un microcosme à part entière mais qui accueille tous les hommes de la ville : qu’ils soient riches ou pauvres, vieux ou jeunes, beaux ou difformes. Tous viennent se servir d’une femme pour quelques pièces.



C’est dans cette société de parias qu’évoluent Jenka, Liobcka, Tamara et les autres. 



L’une est malade de la syphilis mais décide de contaminer le plus d’hommes possibles. L’autre est emmenée par un homme qui rêve de la sauver et de l’éduquer. 



Mais, échappe-t-on jamais à une vie prématurément brisée ? 



Kouprine livre un récit très cru sur la prostitution, sans angélisme, ni solutions. Un récit comme une fenêtre ouverte sur l’exploitation sexuelle. Il dénonce l’hypocrisie des hommes qui, quelque soit leurs opinions politiques, se retrouvent au bordel sans considération pour les prostituées. 



D’ailleurs, l’auteur n’hésite pas à offrir davantage la parole aux hommes entourant les prostituées qu’à ces dernières, comme si elles étaient encore dépossédées de leurs paroles, cibles de la curiosité malsaine. À moins qu’il n’ait pas oser prendre la parole à la place de ces femmes, leur voler ce dernier pouvoir. Il appartiendra à chaque lecteur de se faire son opinion. 



Ce roman est dur, mais excellent. L’on y retrouve encore la plume sans fioritures, efficace de Kouprine. Ce récit qui fit, sans surprise, scandale à sa sortie mérite d’être davantage reconnu aujourd’hui.  
Lien : https://allylit.wordpress.co..
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Récits de vie dans la Russie tsariste de 1900..

J’avais été séduite par mes précédentes lectures de Kouprine, à savoir « Olessia, la sorcière » ou « La fosse aux filles » et j’ai donc continué ma découverte de cet auteur.



Les éditions L’harmattan ont réuni, dans ce livre, une douzaine de ses nouvelles.



Ce qui m’a frappé, c’est le ton ironique, mordant de certains de ses textes, aspect bien plus présent que lors de mes précédentes lectures de l’écrivain. C’est le cas, notamment, avec « L’interview » qui caricature le travail des journalistes, peu scrupuleux, brodant des réponses pour leurs articles ; ou avec « L’offense » qui voit une réunion d’avocats perturbée par des représentants de voleurs s’offusquant d’être tenus responsables d’un pogrom. Une ironie qui permet de dénoncer la violence des exactions commises.



Mais d’autres nouvelles sont très touchantes comme « Courageux fuyards » où des enfants élèves d’un pensionnat, pas vraiment entourés d’amour, décident de s’enfuir, ou «Un pianiste » d’une grande simplicité mais très efficace.



Ces textes sont aussi l’occasion de découvrir des corps de métiers que l’auteur a pu exercer, éclairant, par exemple, de son expérience personnelle, le rôle d’acteur dans une troupe de province ou de militaire.



Je déplore que Kouprine ne soit pas davantage lu mais, voilà encore, un bon moyen de remédier à cette situation !
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Olessia

Un fonctionnaire part pour une mission de 6 mois dans une région reculée, la Polésie, correspondant à une zone comprise entre l'Ukraine, la Biélorussie et la Pologne actuelles. 



Ses journées se passent entre ennui, parties de chasse, lorsqu'un soir, il entend parler d'une sorcière qui vivrait cachée dans la forêt. 



Il décide alors de rencontrer cette femme, friand d'anecdotes qui pourront lui servir à nourrir un futur récit pittoresque. Pourtant c'est une autre surprise qui l'attend au final.



Voilà une merveille de nouvelle, dès les premières pages, la magie opère. L'auteur nous entraîne à sa suite dans ce récit en partie autobiographique. 



Cette nouvelle est touchante, simple et pleine de poésie. Elle raconte l'émoi amoureux, la superstition et le destin.



La nature est décrite avec un charme et une délicatesse incroyable. 



Je n'avais jamais lu cet auteur mais me voilà conquise et j'ai hâte de découvrir d'autres de ses écrits.
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La fosse aux filles

Alexandre Kouprine fit un peu tous les métiers, connut les bordels, la Fosse aux filles est une dénonciation minutieuse qui fit scandale , du sort des filles de maison close.



Autres temps, autres moeurs, aujourd'hui on se promène dans les bordels d'Allemagne pour en vanter tous les bienfaits, mais il est vrai qu'on n'a ni la plume de Kouprine, ni le charme slave des bordels d'une ville russe méridionale en prime.
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Premier amour

Le premier amour chez quelques grands noms de la littérature russe, on peut se demander pourquoi n'est-il venu plus tôt à l'idée de personne d'enquêter par là, quand on sait la place importante qu'ont occupé leur coeur et leurs sentiments charnels à chacun dans leur oeuvre ?

Une bonne idée, c'est d'abord une idée originale. Comme si le premier amour n'allait pas de soi !





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