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Citations de Alexis Jenni (614)


On fait de lui un des fondateurs de l'écologie, mais ses représentations, ses méthodes et sa façon de l'exprimer n'ont rien à voir avec l'écologie contemporaine, qui est une science qui s'exprime en articles austères dans des revues spécialisées : s'il est le père de l'écologie, c'est au sens de l'ancêtre mythique, comme dans les légendes indiennes de fondation du monde.
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Et voilà, c'est ça : ce dieu des enfants grimpeurs et casse-cou, avec son regard clair et bienveillant, sa barbe douce et son sourire amusé, ce dieu du salto improvisé et du matelas protecteur, qui veille en toutes situations à ce qu'il ne leur arrive rien, c'est lui : John Muir.
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John Muir a contribué à ce qu'il y ait encore des séquoias, et que cent ans après on s'en émerveille encore.
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Il aime les feux, toutes les occasions sont bonnes pour en faire, il aime les feux de camp comme tout le monde, mais il les aime démesurés, il aime les montagnes de branches d'où jaillissent des flammes plus hautes que lui qui illuminent les lieux et les arbres, qui les transforment en colonnes palpitantes sur le fond très noir de la nuit.
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Le monde entier depuis quinze ans connaissait une augmentation progressive de la gravité. Dans les années quarante ce facteur physique atteignit une intensité difficilement supportable pour l'être humain. Les tendres en souffraient davantage. Ils s'affaisaient, devenaient mous, perdaient leurs limites et collaient, ils finissaient en compost, qui est la purée nutritive idéale pour d'autres qui poussent plus vite, plus violemment, et gagnent ainsi la course au soleil.
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Je ne me soucie de vivre que pour inciter les gens à regarder la beauté de la Nature.
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Un seul instant vécu contient plus que n'en peut décrire une caisse entière de livres. Il y a dans un événement quelque chose que son récit ne résout pas. Les événements posent une question infinie à laquelle raconter ne répond pas.
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La réalité suggère des images, l’image met en forme la réalité
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Cela a dû arriver, que ma mère me prenne dans ses bras, ne serait-ce que pour des raisons techniques, pour me baigner, m'habiller, me mettre dans ma chaise haute, mais je ne m'en souviens pas. Dans toute ma vie consciente, dont je sais bien qu'elle n'est qu'une part de la vie, pas la plus vaste, pas la plus profonde, je n'ai pas le souvenir qu'elle m'ait touché affectueusement, comme on dit que les mères font avec leur enfant. C'est une chose que j'ai observée chez d'autres, que j'ai apprise au cours de ma vie, mais que je n'ai pas vécue. Je ne me rappelle rien d'autre que les bises qu'elle faisait pour dire bonjour, nettes comme les formules de politesse au bas des messages électroniques, même pas celles d'une lettre que l'on écrivait sur du papier, incompréhensibles, mais qui savaient prendre le temps, veuillez agréer, etc., l'expression de mes sentiments les meilleurs, etc., non, c'était : cordialement, smack. De la peau d'une mère je ne me rappelle que ça : la bise piquée à toute vitesse, comme le pivert pique le tronc ; ou comme l'avion d'assaut pique sur sa cible avant de se cabrer après qu'il a lâché sa bombe, en se désintéressant de l'effet que ça fait, c'est passé, c'est derrière.
Ce qui n'empêche pas un lien fort, mais distant ; donc obscur.
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L'imagination est une folle qui se plaît à faire la folle, elle est inépuisable et légère, elle va selon sa pente, elle va où ça lui chante sans s'occuper de rien. Ses saillies surprennent et divertissent, ses écarts effraient, elle crée ce qui n'est pas en faisant croire que cela est, et on n'y croit pas, on affecte de s'en amuser, mais on y croit tout de même un peu ; car sinon, comment aurait-on imaginé ça ?
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Il malaxait sa peine, sa tristesse, son malheur, avec retard et longuement, car on ne sait l'amour que quand il est trop tard.
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À un certain moment de ma vie, je crois que je cherchais noise à mon corps, et l'été j'allais à vélo dans tous les reliefs que je pouvais trouver, en plein midi toujours, et torse nu, cherchant la côte et la gravissant, sans hâte mais avec une détermination de forgeron. Je cherchais alors noise à mon corps, je crois, je lui cherchais querelle, je lui cherchais bruit, je l'assourdissais d'efforts et de chaleur, je laissais le soleil vissé en son zénith cogner sur mon dos nu, doré et luisant comme le bronze d'une cloche, et il cognait, et je n'entendais plus rien dans ce vacarme ; tête baissée, je grimpais.

  J'allais souvent dans le Mâconnais où les côtes sont courtes mais raides, et les étés brûlants. Sur les routes bordées de vignes et de calcaire, le thermomètre explose, le soleil joue des cymbales  à grands gestes, le cœur bat directement dans les oreilles où il fait comme un gros tambour ; il ne s'agissait pas de souffrance, mais d'excès : je cherchais un excès physique dans les quelques heures que me laissaient les tâches obligées d'une vie très banale.

  Ce jour-là dont je veux parler, errant sur la foi d'une carte approximative, je me perdis sur les crêtes, passai par des forêts sèches, et entrai dans un village que je ne connaissais pas, un village de pierre blanche, désert comme sont les villages l'été à cette heure-là, et au milieu s'élevait une église romane massive, presque sans ouvertures, comme taillée dans un seul roc. Dans cet état d'éblouissement et d'assourdissement voulu où je m'étais mis, ruisselant de sueur, j'eus l'idée qu'elle pouvait contenir, cette masse de pierre immobile, une grotte pleine d'ombre et de silence. J'entrai. L'ombre fraîche me fit frissonner, et tout s'arrêta. Mon corps à qui je cherchais noise dans ce brusque silence se ralentit et se tut. Le silence était parfait. Une lueur douce glissait par les ouvertures étroites, effleurait les murs nus et leur donnait un calme d'éternité géologique, ce qui pour nous, êtres animés, trop agités, trop vite périssables, se confond avec l'éternité tout court. La nef épurée, courbe de pierre blanche, tenait debout par douze piliers énormes, les plus gros que j'aie jamais vus, gros comme des tilleuls de trois cents ans. Leur puissance tranquille, leur poids manifeste, donnait à rêver d'un soutien invincible, comme ces mythes qui racontent que le monde repose sur le dos de trois éléphants. Les piliers seraient leurs pattes, trois éléphants très calmes, attentifs, cosmophoriques, et il émanait d'eux une éternelle stabilité. En ces douze piliers on pouvait avoir confiance, et en cette voûte, et en cette lumière douce qui n'éblouissait plus, filtrée par de fines ouvertures, enfin accueillante.

   Je m'assis sur un des bancs polis qui luisaient dans l'ombre fraîche, et m'asseoir, ne plus penser à me tenir debout, ne plus entendre l'écho de mes pas sur les dalles, ce fut plonger d'un coup dans un grand silence, silence d'église redoublé du silence de mon corps, mais silence vivant, qui ne faisait pas disparaître la présence. Je bus ce vide heureux comme une eau vivifiante. J'avais affronté le soleil et ses cymbales, les routes en pente, mon corps grinçant et pulsant, mon corps pétaradant, et j'étais arrivé là : l'esprit vidé par l'épuisement physique, disponible à ce qui est encore quant tout s'arrête et se tait.

   Le vide bruissait, il était tout imprégné d'un être profond qui n’avait nul besoin d'en dire plus, et son silence était tout empreint de paroles avant qu'on les prononce - pas la peine - mais frémissantes, dont je devinais l'apaisement, et cela suffisait.

   J'y restais longtemps assis ; j'en concevais un bonheur tellement grand qu'il n'avait pas de limite, un bonheur immense, vraiment. J'étais là et mon esprit flottait autour de mon corps calmé, et le monde soutenu de douze énormes piliers vibrait à mon unisson. 

   Quelque chose de tout petit, de très fin, d'infime vis-à-vis des efforts que je venais de faire sur la route, et de la masse du bâtiment où j'étais entré, palpitait en moi comme une toute petite respiration, comme un murmure, comme le ressac des images verbales avant qu'on les prononce, dont on ne sait pas d'où elles viennent, et elles passent, et reviennent, sans insister ni s'arrêter. Ceci à quoi je ne laissais d'habitude jamais place, je l'écoutais. Cela pouvait durer, je pouvais rester là tout le temps qu'il faudrait. Le monde avait une présence tranquille et m'accueillait enfin.

   Quand je repartis, je remarquai une tirelire fixée sur la porte, et un petit mot du conseil municipal qui en appelait aux dons, car entretenir une si belle église coûte cher à un petit village, et si les subventions avaient été demandées, elles tardaient.

   Je revins dans le même village des années plus tard, en voiture. Les subventions avaient dû arriver car le village avait été refait, et un parking construit face à l'église. Elle avait été grattée pour montrer sa pierre, et son intérieur était éclairé de spots. Une sono dissimulée passait en boucle des chants de monastère.

   En faisant quelques pas dans la nef rénovée, je compris ce que Kundera voulait dire en parlant de l’imbécillité de la musique, quand elle est utilisée à des fins de décoration. L'église avait été mise en valeur, mise en scène comme représentation d'une expérience spirituelle, figurée par l'éclairage et la musique ; on pouvait la visiter. " Vous entendez la bande-son si reconnaissable de la spiritualité ? Retournons aux cars maintenant."

   Je ne restai pas. Je ne pouvais pas, l'espace était rempli, je ne pouvais rien écouter. Auprès de la porte je vis un petit interrupteur où l'on précisait : " Si vous voulez interrompre la musique pendant trois minutes, pressez le bouton". Trois minutes m'auraient soulagé, mais je n'essayai pas.
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Dans l'Hexagone, dans ce pays neuf du général Ensemble que l'on décrivait maintenant par une figure compacte, régulière et tournée sur elle-même, tout était à réinventer. La France entière se couvrait de chantiers, autoroutes, aéroports, villes et stations-service, aérotrains et centrales nucléaires, bâtiments de toutes tailles moulés d'un même béton géométrique, comme pour changer du tout au tout l'aspect de ce vieux pays, pour effacer le poids de son passé, pour oublier enfin son histoire et bondir, allégés, vers un avenir entièrement issu de la claire volonté, qui serait différent de ce que nous venions de vivre. Nous souhaitions cela, et Ensemble le savait, et il était là pour ça : bondir hors des temps devenus trop lourds pour atteindre un avenir de lumière crue, d'angles droits et de couleurs claires où nous oublierons tout, les violences et les regrets, les trahisons comme les déceptions, les morts pour rien et les oubliés au bord du chemin. Sans regrets et sans heurts nous vivrions tous dans le grand ensemble, tous transformés en un flux qui passe sans s'arrêter.
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Elle tendit une main délicate, ses doigts très longs, chacun de ses ongles brillait d'un reflet noir. Elle toucha sa poitrine, descendit le long de son ventre, referma sa main avec beaucoup de délicatesse sur ses testicules à peine bourgeonnés ; pour la première fois, il sut où ils étaient. (p.25)
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« Au commencement était le bafouillage. Les lèvres tétanisées, les mots qui s’entrechoquent, les paroles qui se bousculent, tambourinent et ne parviennent à se libérer qu’avec peine. Alexis Jenni s’est délivré d’un carcan, celui d’une enfance muette, presque recluse. L’écrivain et essayiste s’empare de notre collection et dit avec une sincérité toute pétillante : apprivoiser l’écriture afin que naisse la parole vivante. »
(Préface de Martine Laval)
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On sait ce qu’on a vécu intensément, et pleinement, mais ce qui a eu lieu n’est pas de la nature du langage.
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Alors je parle de la France comme de Gaulle en parlait, en mélangeant les personnes, en mélangant les temps, confusant la grammaire pour brouiller les pistes. De Gaulle est le plus grand menteur de tous les temps, mais menteur, il l'était comme les romanciers. Il construisit par la force de son verbe, pièce à pièce, tout ce dont nous avions besoin pour habiter le XXe siècle. Il nous donna, parce qu'il les inventa, les raisons de vivre ensemble et d'être fiers de nous. Et nous vivons dans les ruines de ce qu'il construisit...
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Gascard, lui, se voyait bien rester à étouffer comme ça. La noyade est la mort la plus douce, dit-on bêtement; ce sont des bruits qui courent, comme si on avait essayé. Alors pourquoi pas, surtout si la noyade au pastis est possible. Il s'y employait, c'était doux. Il sentait l'anis étoilé du soir au matin, et le jour n'était pas assez long pour tout évaporer. Salagnon l'engueula, lui ordonna de réduire sa consommation, mais pas trop, pas totalement, car maintenant Gascard était un poisson de pastis, et lui retirer son eau l'étoufferait sûrement.
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Charles sentait l’odeur douce de la sueur toute imbibée de plaisir. Le corps de Marie sentait la gaufre tiède, les épices douces, la fleur entrouverte… et pourtant, certains se déodorent et ceux-là ont tout perdu…
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Je ne sais pas comment la peinture fait ça, d'être touchante alors que simplement on la voit. Je ne sais pas comment la cervelle fait ça, de mélanger ce que je vois et ce que je touche. (p. 54)
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