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Citations de Alexis Jenni (614)


Le lieu de Dieu n'est pas ce ciel trop haut qui accueille les nuages, pas ce ciel si noir qui accueille les étoiles, car ces cieux-là ne contiennent rien, simplement de l'air puis du vide. Le lieu de Dieu est le corps de l'homme, il n'est pas d'autre lieu où il puisse être perçu, connu, reconnu. Le lieu de Dieu ce sont les cieux repliés dans le corps de l'homme, ces voûtes faites d'os et de chair à l'intérieur, les voûtes du crâne et celles de la poitrine, repliement infini d'une grande surface où son visage serait visible si elle était dépliée ; mais repliée, cette surface où il apparaît constitue notre corps, et l'exploration de ses plis pour enfin voir l'image qu'il contient est la tâche de toute une vie.
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[ Incipit ]

COMMENTAIRES I

Le départ pour le Golfe des Spahis de Valence

Les débuts de 1991 furent marqués par les préparatifs de la guerre du Golfe et les progrès de ma totale irresponsabilité. La neige recouvrit tout, bloquant les trains, étouffant les sons. Dans le Golfe heureusement la température avait baissé, les soldats cuisaient moins que l’été où ils s’arrosaient d’eau, torse nu, sans enlever leurs lunettes de soleil. Oh ! ces beaux soldats de l’été, dont presque aucun ne mourut ! Ils vidaient sur leur tête des bouteilles entières dont l’eau s’évaporait sans atteindre le sol, ruisselant sur leur peau et s’évaporant aussitôt, formant autour de leur corps athlétique une mandorle de vapeur parcourue d’arcs-en-ciel. Seize litres ! devaient-ils boire chaque jour, les soldats de l’été, seize litres ! Tellement ils transpiraient sous leur équipement dans cet endroit du monde où l’ombre n’existe pas. Seize litres ! La télévision colportait des chiffres et les chiffres se fixaient comme se fixent toujours les chiffres : précisément. La rumeur colportait des chiffres que l’on se répétait avant l’assaut. Car il allait être donné, cet assaut contre la quatrième armée du monde, l’Invincible Armée Occidentale allait s’ébranler, bientôt, et en face les Irakiens s’enterraient derrière des barbelés enroulés serrés, derrière des mines sauteuses et des clous rouillés, derrière des tranchées pleines de pétrole qu’ils enflammeraient au dernier moment, car ils en avaient, du pétrole, à ne plus savoir qu’en faire, eux. La télévision donnait des détails, toujours précis, on fouillait les archives au hasard. La télévision sortait des images d’avant, des images neutres qui n’apprenaient rien ; on ne savait rien de l’armée irakienne, rien de sa force ni de ses positions, on savait juste qu’elle était la quatrième armée du monde, on le savait parce qu’on le répétait. Les chiffres s’impriment car ils sont clairs, on s’en souvient donc on les croit. Et cela durait, cela durait. On ne voyait plus la fin de tous ces préparatifs.
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« Le mot de biodiversité est triste. Il se place encore dans une logique comptable et anthropocentrée. Comme si les vivants non humains ne valaient qu’au titre des plaisirs qu’ils nous procurent et des ressources qu’ils nous prodiguent. Comme s’il fallait, finalement, en rester encore à une vision gestionnaire. Ce n’est pas la « biodiversité » qui est en train de de s’effondrer, c’est plutôt la beauté, la magie, l’enchantement et la grâce du vivant qui périclite sous nos yeux et par notre décision. »

Aurélien Barrau.
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- Vous raccourcissez sévèrement votre vie à faire de l'escalade dans ces conditions.
- Qu'est-ce-que je m'en moque, de la longueur arithmétique de mes jours! J'ai déjà eu toute une vie de joie...
Et il va se coucher.
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La vie de la peinture est non pas le sujet mais la trace de ce que vit le pinceau.
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Comment dire un bonheur?
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Nous savons l'effondrement à venir,
mais il y a tant d'argent à faire.
On espère que cela tienne juste un peu.
On espère être le dernier à s'enrichir
juste avant que tout s'effondre.
Pourquoi arrêter ?
Pourquoi obéir aux signaux alors qu'il y a tant à gagner.
p 366
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[A propos de - La Fiancée juive- de Rembrandt]

La main agréable

Plus tard, bien plus tard dans sa vie (...)
il fit un tableau montrant un jeune homme et une jeune femme ensemble, très ensemble: l'un avec l'autre, vraiment. Leur regard est confiant, leurs mains se touchent avec douceur. Etrangement, ils ne se regardent pas: ils se touchent, et ils écoutent leur toucher (...) (p. 118)
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Tous les visages humains se ressemblent, on peut les superposer et cela fait un visage. Le visage humain est un paysage, on y devine les tensions et les relâchements, les circonstances vécues qui ont sculpté l'os et la chair, on y voit la vie même de celui qui le porte, ou le possède, ou l'est, sous forme d'une érosion unique qui en creuse les traits, mais on y voit aussi glisser les ressemblances fantomatiques de ceux qui ont donné naissance à celui que l'on regarde, on voit se superposer à un visage d'autres visages plus anciens à qui il ressemble, les parents, les grands-parents, les frères et les sœurs, tout un peuple flottant présent dans les traits du visage, dont on se demande qui c'est, comme un jeu, une quête, une pratique sociale qui commence dès que l'on se penche sur un berceau où dort un nouveau-né au visage rond
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On voit l'homme de guerre à sa calligraphie, disent les Chinois ; dit-on.
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Tu as remarqué que dans ce pays le nettoyage se fait toujours par le sang ? À grand sang, comme on dit à grande eau. Ici l'eau manque, mais pas le sang.
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Le mimosa géant, lui, a terminé sa mission, il a fracassé l'hiver de sa boule d'un jaune intense, un brusque éclat solaire qui eut dans la grisaille l'intensité d'une explosion atomique, et maintenant ses petites boules jaunes jonchent le sol, picorées par des palombes dont je me demande ce qu'elles y trouvent.
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Les exigences de productivité dépassent les capacités d'un corps, elles le maltraitent, l'usent et le détruisent. Le corps humain n'est pas fait pour la performance, mais pour l'équilibre.
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La controverse n’est pas un signe de faiblesse mais de santé, de dynamisme, de productivité. Un champ scientifique que l’on ne discute pas est un champ mort, qui ne produit plus aucune connaissance.
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Le bois mort entassé autour des géants, tout ce bois empilé pendant des années, brisé par le vent et la neige, écorcé, séché, brûlait en donnant une lumière qui lui aurait permis de lire à trois cents mètres s'il avait eu l'idée de lire; mais il était hypnotisé par les violentes illuminations vacillantes qui éclairaient les arbres disposés en cercle autour d'énormes bûchers.
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Clarté, fraîcheur, griserie
encore une splendide journée de randonnée,
de dessin, de bonheur universel.

Les forêts, les lacs, les prairies,
les allègres ruisseaux qui chantent
j'aimerais passer toute ma vie auprès d'eux.

La solitude toute entière me paraît vivante et familière,
pleine d'humanité.
Les roches elles-mêmes semblent bavarder, fraternelles, débordantes de sympathie.
Ce qui n'a rien d'étonnant,
nous avons tous les mêmes père et mère.
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N'importe quel imbécile peut détruire un arbre, il ne peut pas fuir. Même s'il le pouvait, il serait traqué tant qu'il y aura un dollar à en tirer. Replanter ne sert à rien pour reconstituer les forêts primitives, car pendant une vie d'homme on ne peut cultiver que des gaules, à la place des vieux arbres qui ont mis plusieurs siècles à grandir, et qui ont été détruits en quelques heures. Pendant des siècles, Dieu s'est occupé des arbres, mais il ne peut les sauver des imbéciles.
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J’ai des terres au Mexique, au pied de montagnes dont je ne sais pas dire correctement le nom, car ma bouche est incapable d’imiter les tremblements de leur langue, mes lèvres s’embrouillent dans ces noms longs comme des phrases qu’ils donnent aux villes et aux montagnes, Popocatepetl, Iztaccíhuatl, Matlalcueitl, Dame aux jupes vertes, Princesse endormie, Montagne qui fume, Sol qui monte jusqu’au ciel, Ombilic du lac central, Cité du héron blanc, que sais-je encore, chaque mot contient d’autres mots, tous suggèrent un récit, ils voient partout des signes. Ils distinguent des formes dans les vagues sur le lac, dans le contour des rochers, dans le port des arbres remarquables, et dans les grondements du sol qui tremble : tout ici raconte une histoire que nous n’entendons pas. Et cela faisait rire Elvira quand j’essayais de prononcer le moindre de ces noms, cela faisait rire ma princesse indienne que je trébuche chaque fois que je m’y essayais, omettant des syllabes, inversant celles dont je me souvenais, les déformant toutes ; et ce que je finissais par dire racontait autre chose, qui lui paraissait très drôle. Alors elle riait de son rire éclatant qui me ravissait, elle montrait ses dents si blanches qui étincelaient sur sa peau brune, et elle les cachait de sa main, avec l’élégante pudeur des femmes de son peuple. Ici les princesses portent l’arrogance comme un vêtement de cour, mais Elvira riait de tout, et dans ses yeux très noirs et très brillants ne passait jamais cette méprisante grandeur que l’on enseignait comme un savoir-vivre : ils brillaient d’une insolence qui me la faisait aimer, pour cette liberté que donne la capacité de s’amuser d’un rien. Elle riait souvent, légère et moqueuse, mais c’était avant qu’elle ne s’endorme, avant qu’elle ne s’enfonce dans ce sommeil d’obsidienne où aucun rire n’est plus possible ; et où je ne peux pas la rejoindre.
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Dans la finance, tu te trouves une place, tu t'y accroches, tu te goinfres, et tu espères que tu te seras assez goinfré pour partir avant que tout s'effondre. La banque est une forme de piraterie. Les capitaux sont mobiles, ils ont la vitesse et les armes. La seule différence avec la piraterie est que la banque a persuadé l'Etat de laisser faire...
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Parler des pauvres n'intéresse personne, parce que personne ne veut rien savoir: ceux qui le sont veulent penser à autre chose, et ceux qui ne le sont pas encore en sont si terrifiés qu'ils feront tout pour ne pas l'être, à commencer par n'y plus penser. Quant à ceux qui ne le seront jamais, ils s'y intéressent comme à la vie des kangourous: c'est exotique, distrayant un moment, mais ne les concerne pas.
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