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Critiques de Alice Zeniter (1394)
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L'art de perdre

Peut-être que le mot « chef d’œuvre » est excessif et doit être réservé aux romans de Zola, Hugo ou Balzac. Peut-être…

Alors, je vais essayer de vous parler d’un livre magistral, un livre qui habite longtemps le lecteur avec des personnages qui au fil des pages deviennent des compagnons de route pour lesquels on a de la tendresse, qui vous font vibrer et partager leurs souffrances, leurs amours, leurs vies.



Ce livre, c’est « L’art de perdre » d’Alice Zeniter, une saga familiale foisonnante qui débute dans l’Algérie des années 30.

Dans la première partie, nous rencontrons Ali qui, dans sa Kabilie natale, semble promis à un avenir bouché à se casser le dos à essayer de cultiver une terre rocailleuse jusqu’à ce qu’un jour, comme un cadeau du ciel, un pressoir charrié par la rivière croise sa route, manquant de peu de l’estropier.

Dès lors, sa vie se transforme, Ali se lance dans la culture des oliviers et produit de l’huile, les affaires sont florissantes.

Mais ce que l’on appelle pudiquement « les évènements » sont en marche et le destin de bien des hommes et celui d’Ali devenu Harki va basculer, jusqu’à ce qu’un bateau l’emmène sous d’autres cieux.



Dans la deuxième partie, Ali essaie de survivre avec sa famille dans un camp à Rivesaltes et Hamid, son fils va poser des questions qui resteront sans réponse. Le père à jamais blessé, garde le silence. Un fossé d’incompréhension va se creuser peu à peu.



Naïma, la petite fille d’Ali, vit heureuse à Paris, jusqu’à ce que les attentats de 2015, l’obligent à se poser des questions sur le passé de sa famille dont elle ignore tout.



Il y a beaucoup d’émotion et d’amour dans ce livre, même si les sentiments restent muets, faute de mots pour dire je t’aime ou je te comprends.



Ce roman poignant évoque avec subtilité et émotion les destins brisés par l'Histoire et l'irrationalité des hommes, les séquelles de la colonisation, l'exil, le déracinement, le lourd poids de l'héritage familial mais aussi la force de l'amour filial.



La plume d’Alice Zeniter est élégante, tour à tour musicale et brutale. J’ai tourné les pages avec passion. La fin du livre m’a tiré des larmes.

Et j’ai relu ce livre, à haute voix, cette fois-ci, pour en partager l’émotion avec un proche qui a perdu la vue.

L’oralité transcende la beauté de l’écriture et cette relecture me bouleverse.



Alors « Chef d’œuvre » ? Oui, je crois que ce roman mérite ce qualificatif.





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L'art de perdre

Extraordinaire récit que cette saga d'une famille kabyle des années 30 à aujourd'hui.

Avec pour point de départ, Naïma, "immigrée" de troisième génération, qui ne connaît rien de son passé, Alice Zeniter fait valser avec maestria les personnages de son roman, tour à tour français, algériens ou harkis. L'idendité, le rapport de la France avec ses anciennes colonies, sont présents à chaque page et nous donne à voir un tableau saisissant de la société française d'aujourd'hui.



Lu en juin 2017
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L'art de perdre

Ecrire comme un exutoire pour apaiser, sans oublier,

Un roman où explose des vérités assassines,

Des vérités fratricides obombrées par l'écriture romancée…



Et en complément…

Le 6 septembre 1962, deux mois après la reconnaissance officielle par la France de l'Indépendance de l'Algérie , la vie d'un petit village bas-alpin , au pied de la montagne de Lure, ONGLE , 237 habitants, va renaître grâce à l'accueil du maire , Monsieur André Laugier et son adjoint Monsieur Raymond Reybautd, de vingt-cinq familles de réfugiés harkis, majoritairement originaires de la région de Palestro (aujourd'hui Lakhdaria) en Kabylie, 133 personnes parmi lesquelles les grands-parents et le père d'Alice ZENITER qui vont séjourner dans ce hameau de forestage jusqu'en 1966.

Ce rapatriement épique a été possible grâce à la pugnacité de l'ancien officier de Section administrative spéciale (SAS), le lieutenant DURAND , qui s'est occupé, avec son épouse, de l'exfiltration et de l'accueil de cette communauté. Après avoir transité dans une ferme près de Palestro, le camp de Tefeschoun (aujourd'hui Khemisti), puis Alger et enfin ,Marseille, ces familles, oh combien démunies, passent l'été au camp de Millau dans le Larzac . Elles sont dirigées vers les Basses-Alpes, où elles sont attendues, le préfet de ce département ayant accordé l'autorisation administrative de séjour. Jusqu'alors les longues prospections sont restées stériles, ainsi, le préfet de Vaucluse, Jean Escande (celui- là même qui assista aux obsèques de Camus) s'opposa formellement à l'installation d'une arrivée massive de français musulmans dans son département susceptibles de générer des incidents...

C'est finalement dans ce petit bourg en voie de dépeuplement que ces familles trouvent refuge début septembre. Les hommes deviendront ouvriers forestiers. Pendant que les harkis construisent leur hameau, les familles campent sous des tentes militaires. La population locale et les nouveaux venus ne se fréquentent pas, jusqu'à ce mois de novembre où une violente tempête de neige dévaste les installation précaires. Et là, la solidarité des habitants va être exemplaire : ils vont secourir les malheureux en les recueillant chez eux, dans les granges , en leur offrant réconfort et chaleur. En décembre 1962, la construction du hameau de forestage est achevée.

L'arrivée des familles de harkis a permis de sauver l'école de la commune. Un journal de l'époque décrit d'ailleurs les harkis comme de « vrais gars du pays ». A la fermeture du centre de forestage en 1965, certains iront à Cannes, d'autres resteront dans le département, d'autres s'installeront ailleurs.

La Maison d'Histoire et de Mémoire d'Ongles (MHeMO) a été ouverte en 2008 .Une exposition permanente intitulée Ils arrivent demain, conçue avec l'aide des historiens Jean-Jacques Jordi et Abderahmen Moumen. relate l'épopée du lieutenant Yves Durand qui démissionna de l'Armée pour pouvoir ramener des anciens supplétifs en France. Elle montre l'évolution de leur situation, puis la transformation du hameau de forestage en centre de formation professionnelle à l'intention des descendants d'anciens harkis, jusqu'en 1971.

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L'art de perdre

En refermant ce beau livre en mouvement , l'on se dit qu'il va vivre en nous longtemps......longtemps, à travers le récit historique bouleversant, foisonnant , passionnant, prenant et vivant de bout en bout, écrit par une petite fille de harkis, qui ravive la mémoire d'une famille d'Algérie, transplantée, ballotée de 1930 à aujourd'hui ! Une histoire restée sous silence !





J'avais lu " -Sombre-dimanche" qui contait les sinistres existences hongroises avant et après le communisme, une histoire des Peuples aussi et "Juste-avant-l'oubli"de cet auteur .



Ici, en embrassant le passé, elle l'habite vraiment et rassemble les chaînons de son histoire familiale avec brio, sensibilité, doigté, en refusant toute conclusion facile , d'une manière pleine et rayonnante , juste aboutie.......



Elle met en scène la violence des relations France-Algérie qu'elle va suivre à la trace sur trois générations et conte courageusement en pages nourries d'un matériau riche à la fois historique et sociologique le destin , des Zekkar, cette famille d'immigrés , arrivée en métropole, au lendemain de l'indépendance de l'Algérie.





Lors de la 1ère partie est retracée avec exactitude le parcours de son grand- père, Ali, petit propriétaire terrien et notable, devenu harki, presque malgré lui .

Pour sauver sa peau et celle de ses proches, il quitte son pays , se réfugie dans une France froide et peu accueillante , qu'il ne comprend pas .

Ali, Yema et leurs enfants se retrouvent parqués, brutalement déclassés , pendant des mois , dans un camp de transit , une espéce de bidonville, tout près de Perpignan, avant d'atterrir dans une cité HLM de Normandie .

Hamid, , leur fils aîné intériorise avec force leur chagrin et leur honte tout en les aidant à pallier à leurs difficultés , à sa manière .

Avec exactitude, romanesque, un sens pictural très aigu des situations fortes,des rencontres et affrontements poignants , l'auteur conte la tragédie de ces sacrifiés de l'histoire , elle le fait sans préjugés ni certitudes absolues, une saga aux allures de dérisoire Épopée.

Elle magnifie ces déchirements intimes, cette culpabilité mortifère d'une communauté bannie des siens, le silence et la peur , le repli où elle se réfugie , un fardeau qui pèse sournoisement sur elle.



Trois parcours foisonnants et passionnants se croisent : la petite fille, le fils, le père , le patriarche, trois manières d'être au monde et de revendiquer son statut d'homme ou de femme.

Trois pans d'histoire pétris de culture arabe et française, Naima, la fille d'Hamid a peur de faire des fautes de français et qu'on l'assimile aux terroristes!

S'alléger, accepter de perdre, renoncer à la haine, se délivrer du jugement des hommes: "Dans -L'art-de-perdre, il n'est pas dur de passer maître ", refuser les conclusions simplistes et les pensées toutes faites ! Se réconcilier avec soi !

C'est le pari que réussit l'auteur !

Un roman magnifique à la fois violent et mélancolique, sur l'immigration et l'identité de la France d'hier et de maintenant, impeccable de maîtrise, à la beauté affûtée que chacun devrait lire!

Un excellent moment de lecture !

J'ai eu la chance d'apercevoir l'auteur à "La Grande Librairie ", pédagogue, belle et concentrée , habitée par son sujet .....

Merci à Marie , ma libraire de" La Taverne du Livre" à Nancy..

Ce n'est que mon humble avis, bien sûr .





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L'art de perdre

Parce que personne ne lui en a parlé, Naïma pendant longtemps ne connaît que peu de choses sur sa famille et sur l'Algérie - son pays d'origine mais pas de naissance. Ali, son grand-père enrichi dans le commerce des olives et devenu harki avec la guerre d'indépendance, disparaît avant de lui parler. Sa grand-mère Yema ne parle qu'arabe, une langue que Naïma ignore. Son père Hamid préfère taire l'histoire familiale, honteux de son propre père.



Ali, Hamid, Naïma, les représentants de trois générations d'une famille kabyle ballottée par l’Histoire, séparés culturellement par les conséquences de la guerre qui libère de la colonisation ; pour Ali et sa famille, l'exil forcé avec la perte d'identité et l'invisibilité dans les camps de harkis puis dans un HLM normand, pour Naïma, née en France d'une mère française, la barrière de la langue et de la culture. Pour chacun, l'art de perdre en partie sa culture, de celle qui fait le ciment et le lien entre les membres d'une famille, mais aussi pour Naïma la possibilité de se détacher d'un héritage trop lourd pour s'autoriser à être soi.



Alice Zéniter signe ici un roman saisissant sur les harkis et leurs descendants. Leur histoire racontée avec poésie et réalisme par cette jeune et brillante auteure est vibrante et touchante.
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Je suis une fille sans histoire

Ayant eu un véritable coup de cœur pour son roman « L’Art de perdre », je me suis volontiers laissé surprendre par ce texte qu’Alice Zeniter propose dans un tout autre registre. À l’origine, « Je suis une femme sans histoire » est en effet une commande de la Comédie de Valence à l’autrice (et comédienne) pour un spectacle seule-en-scène itinérant, finalement victime de la pandémie.



D’ailleurs, dès les premières lignes, Alice Zeniter installe un dialogue avec ses lecteurs en livrant une sorte de « one-woman-show » où la « professeure » s’adresse à son auditoire, tentant de démontrer l’impact important du récit depuis la nuit des temps. D’ailleurs, dès le début, on s’est fait berner avec ces peintures rupestres montrant l’homme des cavernes chassant le mammouth l’arme au poing alors que le gros fainéant passait 80% de son temps à cueillir des airelles. L’auteure s’amuse également à démontrer que la littérature a toujours été une affaire d’hommes avec des histoires les mettant en avant, de préférence lors d’actions conquérantes, tandis que la femme devait souvent se contenter d’un rôle secondaire d’adjuvant au cœur d’un décor masculin, à l’image de la Schtroumpfette ou des James Bond girls.



Intelligent, érudit et particulièrement didactique, « Je suis une femme sans histoire » se veut surtout extrêmement accessible grâce à une vulgarisation extrême des principes de la narratologie et de la sémiotique. En agrémentant ses propos d’exemples très visuels, elle parvient à livrer un récit non seulement pédagogique, mais également très drôle qui ne manquera pas de faire sourire les lecteurs.



S’il est bien de lire, cet échange complice avec Alice Zeniter vous permettra de mieux comprendre les rouages de la narration, expliquant notamment pourquoi l’on parvient à pleurer la mort d’un personnage fictif alors que l’on parvient à regarder le journal télévisé sans utiliser le moindre mouchoir…
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L'art de perdre

L’on dit qu’en cas d’exil, la première génération n’est que déchirement, la seconde désir d’oubli et d’intégration, mais que la troisième brûle de renouer avec ses racines, en tout cas de retracer l’histoire familiale. C’est ce que semble confirmer Alice Zeniter, petite-fille de harkis, dans ce roman largement autobiographique. Naïma, jeune française d’origine kabyle, tente de reconstituer le passé de son grand-père Ali et de son père Hamid, dans ce qui s’avère une entreprise compliquée : le premier n’est en effet plus de ce monde, et le second n’est que silence obstiné lorsqu’il s’agit de son enfance algérienne et des circonstances qui ont mené les siens à tout quitter pour la France.





Des rudes mais paisibles montagnes kabyles à la relégation dans les cités de banlieue françaises, en passant par la guerre, ses impostures et ses trahisons, puis par les camps de transit où certains ont croupi jusqu’à quinze ans dans des conditions de vie épouvantables, c’est une fresque historique passionnante, en même temps qu’une saga familiale d’une émouvante authenticité, qui nous plonge dans la détresse des harkis - rejetés comme « traîtres » par l’Algérie, mal accueillis comme immigrés indésirables par la France - et dans le désarroi de leurs descendants, encore aujourd’hui ostracisés en même temps que l’ensemble des « Arabes » dans une société française en proie à des débats identitaires.





Face aux lacunes laissées béantes par les non-dits de son histoire familiale, l’auteur, alias Naïma, explore les recoins de l’Histoire officielle, mettant au jour des ombres et des complexités ignorées. Des sombres réalités de la colonisation à la guerre d’indépendance, des manipulations politiques aux terribles massacres perpétrés de part et d’autre, l’on se retrouve aux côtés de pauvres gens transformés, malgré eux et par d’aléatoires enchaînements de circonstances, en fétus balayés par des vents qui les dépassent, et qui les chassent bientôt, après les avoir écartelés entre des choix impossibles, vers une zone grise infernale, épicentre de toutes les hontes et humiliations.





Parias sans pays, les parents et grands-parents de Naïma auront préféré enfermer l’Algérie dans le double-fond secret d’une nouvelle existence malheureuse, se gardant d’en transmettre la moindre bribe. Sans cesse renvoyée à ses origines par le regard d’autrui, la très française Naïma se retrouve pourtant elle aussi dans un déstabilisant entre-deux qui la jette dans une quête identitaire. Et c’est une narration pleine de vie et d’émotions, peuplée de personnages attachants, creusés en profondeur, qui nous emporte, dans un grand souffle où se mêlent exactitude et romanesque, vers une fin ouverte sur une possible réconciliation avec soi, et, peut-être, entre les deux rives de la Méditerranée.





Un grand roman, porté par une belle écriture très picturale, sur l’art de perdre que, sur plusieurs générations, l’on apprend dans l’exil, et un coup de coeur équivalent à celui ressenti pour un autre récit d’une petite-fille de harkis : Le tailleur de Relizane d’Olivia Elkaim.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Sombre dimanche

Budapest, la perle du Danube : c’est là, au cœur de l’Europe, qu’Alice Zeniter a planté le décor de “Sombre dimanche”. L’intrigue couvre une bonne partie du siècle dernier jusqu’aux premières années de celui-ci.



La sanglante bataille de Budapest début 1945, l’entrée des chars soviétiques dans cette même ville en 1956 et la fin de la guerre froide en 1989 servent de supports historiques à cette saga familiale où chaque génération supporte tant bien que mal son lot de malheurs.



Depuis des lustres, les Mándy refusent de céder la maison de bois située sur le petit terrain triangulaire jouxtant la gare imposante de Nyugati.

En ce début des années 80, un grand-père acariâtre, son fils taciturne, sa bru pragmatique et les deux enfants du couple y résident.

Imre, le petit dernier de la famille, a une sensibilité à fleur de peau. Les réactions bizarres des adultes, leurs réponses à demi-mot, leurs non-dits le perturbent. Heureusement la gentillesse de sa grande sœur Ági et la complicité de son copain Zsolt sont rassurantes.



Avec grande habileté Alice Zeniter entrecroise les époques. Les impacts de la marche de l’Histoire sur le destin de cette famille populaire sont relatés par de nombreux flash-back. Plusieurs passages mettent en évidence le lourd tribut payé par le peuple hongrois aux totalitarismes, d’abord nazi puis soviétique.



Cette famille semble imperméable au bonheur. Imre, bientôt adulte, saura-t-il profiter du souffle de liberté qui soudain se répand sur la ville ? Sera-t-il épargné par la poisse qui depuis des décennies colle aux basques des siens ?



La jeune romancière française a choisi le format court, donnant par là même beaucoup de rythme à “Sombre dimanche”. Humour par-ci, poésie par-là, l’attention du lecteur jamais ne se relâche. On aimerait ralentir la lecture, en garder un peu pour plus tard que déjà la dernière page se referme sur un tempo des plus mélancolique.



Du haut de ses vingt-sept printemps Alice Zeniter fait preuve d’une étonnante maturité, mettant en exergue la fragilité de la vie à la merci de tant d’aléas, s’interrogeant sur la vacuité de l’existence et la difficulté extrême à quantifier le bonheur.

“Sombre dimanche” a largement suffi au mien cette semaine !

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L'art de perdre

Ce roman habité ressemble à un long cri enfiévré, parfois de tristesse résignée, parfois de colère révoltée. Il fait le lien entre la guerre d'Algérie, l'immigration forcée et notre société, à travers une saga familiale sur trois générations. Une famille à l'origine algérienne, marquée du sceau du déracinement. Ali le grand-père prospère avec son pressoir à olives tombé du ciel en Kabylie. Hamid le fils construit sa vie entre exil, camp de Rivesaltes, intégration française. Naïma la petite-fille se débat en France contre la chape de silence, rempart de famille.

Un récit toujours au présent comme un coup de poing permanent, sans la saveur romanesque du passé simple imparfait qui éloigne tant de la réalité. L'emploi du présent inscrit le passé dans les gestes quotidiens, empêche de se dire que c'est fini tout ça, au contraire les étages générationnels se mêlent pour ne former qu'une histoire troublée, inscrite dans les gênes harkis de Naïma sans qu'elle sache trop pourquoi.

"Ils taisent leur histoire individuelle et ses complexités, ils acceptent en hochant la tête une version simplifiée qui finit par entrer en eux, par recouvrir la mémoire et quand leurs enfants voudront creuser en dessous ils découvriront que tout a pourri sous la bâche de l'amour sans faille et que les vieux disent qu'ils ne se souviennent plus.".



Il y a dans ce récit comme une urgence à dire les choses pour le narrateur, à les lire pour le lecteur.

J'ai été scotché par la puissance de ce roman (comme beaucoup d'autres lecteurs ici).

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L'art de perdre

C’est avec beaucoup de sentiments négatifs que j’ai abordé le début de ce roman : de la répugnance, à parcourir une fois de plus le récit des exactions des fanatiques de tous poils, de l’aversion pour ses scènes qui , bien que maintes fois lues ou vues, provoquent toujours cette nausée, comme le font celles qui évoquent les horreurs de la shoah. Pas question dans cet épisode de l’histoire de prendre parti, sinon contre celui de la violence extrême « justifiée d’idoles » ou d’utopies qui sont autant de passeport pour exhumer la nature bestiale de l’humanité. Malgré tout Alice Zeniter, au-delà de l’évocation de l'insoutenable , parvient à bien mettre en évidence l’absurdité du destin de ceux qui ont fait le choix qu’ils croyaient juste, qui en furent glorifiés pour devenir des parias apatrides.



Puis vient départ de ce pays auquel la famille doit renoncer , tant la menace est grande et la peur omniprésente. Le chagrin est d’autant plus lourd que ce qui s’efface peu à peu au rythme de la progression du ferry qui s’éloigne, c’était la réussite sociale, la gloire éphémère du héros, la vie en famille, l’espace et un destin choisi.



C’est là que le récit devient captivant , et riche de faits qui n’ont pas été étalés à la une des médias de l’époque. Il n’y a en effet pas de quoi être fier : avoir utilisé ces hommes à des fins de stratégie militaire, au péril de leur vie, pour les délaisser , eux et leur famille, , en proie a des conflits de loyauté insolvables , et dans des conditions de vie quotidienne que l’on réserve plutôt à des criminels, pour aboutir au final dans celui fut la genèse des « quartiers », n’a rien de glorieux.



C’est la dernière partie qui est la plus remarquable : Naïma , née en France, d’un père qui a oublié, dans un processus d’auto-protection, finit par retourner sur la terre de ces ancêtres.

Si Naïma naît sous la plume pour exister au nom d’Alice Zeniter, qui s’est inspirée de la vie de sa propre famille pour écrire ce roman, elle fait partie d’une galerie de personnages dont le portrait est élaboré avec finesse et subtilité, pour le plus grand bonheur du lecteur.



Um mot pour mentionner le magnifique poème d'Elisabeth Bishop qui a inspiré le titre.



Les lycéens ont encore une fois élu un ouvrage brillant, et nécessaire.


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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L'art de perdre

Pour qui (comme moi) n’avait cerné que de très loin la question algérienne au temps de la France coloniale, L’Art de perdre fait résolument office de rattrapage express.



Une fiction qui retrace en effet la réalité historique, mais plus encore puisqu’à travers le destin d’une famille kabyle disloquée par la guerre d’indépendance, le récit se double d’une analyse psychosociologique intéressante et nouvelle. Ainsi la succession des événements et leurs répercussions sur plusieurs générations sont-elles relatées de l’intérieur, sans parti pris aucun, offrant la parole à ces algériens contraints au dilemme d’une tragique alternative entre occupant français et mouvements nationalistes. Charybde ou Scylla, fais ton choix camarade, dans tous les cas ce sera loin d’être la fête au village.



Ce long et pénible voyage dans le passé parle donc de choix, de racines et d’exil, et paradoxalement de silence, ce silence douloureux et incompris qui souvent s’impose en guise de résilience.



Un témoignage édifiant et tristement d’actualité pour tenter d’appréhender le thème de l’émigration en général et des harkis en particulier, si bien occultés dans nos livres d’Histoire, comme par hasard.




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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L'art de perdre

L’histoire d’une famille sur trois générations : Ali, Kabyle, qui vit dans son village et son oliveraie, lorsque commencent ce qu’on appellera les « Événements d’Algérie ». Ayant combattu pendant les deux guerres mondiales dans l’armée française, il choisit son camp, bien malgré lui, car il est fier de ses médailles militaires, s’oppose aux militants du FLN, et au final doit fuir avec sa famille laissant tout sur place.



On voit évoluer Ali, entre ses déchirures : perte de son pays, de sa propriété, de son statut social, et l’oubli qu’il cherche dans le travail répétitif de l’usine.



Puis l’arrivée en France dans le camp de Rivesaltes et les conditions de vie inhumaines, où l’on devient moins que rien, la promiscuité, la violence et les neuroleptiques pour les plus récalcitrants…



Ali se mure dans son silence concernant son passé et ce silence va se perpétuer dans les générations suivantes.



On note aussi la perte du statut de parents, de l’autorité de père : « ce serait contraire à l’ordre des choses qu’un fils décide au lieu d’obéir – c’est ce qu’on lui a toujours appris. Pourtant, depuis qu’ils sont en France, son père lui délègue une partie croissante de ses pouvoirs » P 261



Alice Zeniter parle aussi très bien de la honte de Hamid lorsqu’il compare le travail de son père par rapport à celui des autres enfants, le malaise qu’il ressent en les écoutant parler. Avec le statut, il y a aussi la langue qui se perd d’une génération à l’autre. Pour bien maîtriser le français, il faut « oublier » la langue maternelle.



Son père attend de lui l’obligation d’excellence à l’école, dans la vie, que son père exige de lui pour qu’il mène une autre vie que lui.



Toujours Hamid se demandera ce que son père a pu faire pour que la famille soit obligée de fuir l’Algérie, abandonner la maison et les oliviers… comment faire le deuil de quelque chose qu’on ne connaît pas, qu’on ne peut qu’imaginer.



Sa rencontre avec Clarisse qui n’a jamais eu à s’affirmer à travers ses choix : « Clarisse a la liberté de ceux à qui jamais on n’a dit qu’ils devaient être les meilleurs mais qu’ils devaient trouver ce qu’ils aiment » P 306



La troisième génération, avec Naïma qui se pose des questions, cherche ses racines, et veut aller à la découverte de l’Algérie, alors qu’Ali a fait une croix sur le pays perdu, et encore plus Hamid qui réfute toute idée de racines.



J’ai aimé mettre mes pas dans ceux de Naïma, suivre sa réflexion (et celle d’Alice Zeniter en fait), sa manière de réagir face à la perte de ce pays sur lequel toutes les projections sont possibles, sans oublier le poids des non-dits, ce silence assourdissant qui règne parfois.



« Le silence n’est pas un espace neutre, c’est un écran sur lequel chacun est libre de projeter ses fantasmes. » P 311



Ce livre est un coup de cœur, le seul vrai coup de cœur de cette rentrée pour l’instant (« Cette chose étrange en moi » d’Orhan Pamuk en était presque un). Alice Zeniter m’a fait entraînée dans ce voyage initiatique à travers cette famille dont j’ai aimé tous les personnages, tous les lieux, même les plus sordides.



J’ai appris des choses, retrouvé d’autres que j’avais oubliées car je connaissais très mal les « Évènements d’Algérie » pour employer l’expression consacrée et notamment sur ce qu’ont vécu les Harkis. L’auteure m’a donné envie d’approfondir. Sa réflexion sur les attentats, et surtout les similitudes dans les manières de procéder entre FLN et Islamistes (P 376 377) est très intéressante.



Un tout petit bémol : j’aurais aimé qu’elle parle plus de Hamid adulte…



Ce roman a reçu le prix Goncourt des lycéens avec lesquels je suis souvent beaucoup plus en phase qu’avec les choix de l’Académie Goncourt !
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Comme un empire dans un empire

Oh, le bonheur de retrouver Alice Zeniter après L'art de perdre, ce splendide roman d'une densité et d'une générosité folles. Et le début de Comme un empire dans un empire laisse à penser que ce nouveau livre sera du même tonneau. On y suit, à partir de l'hiver 2019, et avec délectation, les routes parallèles empruntées par les deux personnages principaux du livre : Antoine, assistant parlementaire et L, hackeuse de son état. Il représente le monde du "dehors", elle incarne celui du "dedans'. Le roman parle d'aujourd'hui, de la difficulté de faire de la politique dans notre société malade, des limites de l'engagement, bref, c'est assez passionnant, du moins dans le premier tiers du livre. Le style de la romancière est toujours brillant : les phrases sont ciselées et les formules affutées. Puis, peu à peu, l'intérêt commence à se diluer, notamment quand Alice Zeniter détaille plus que de raison le fonctionnement et les actions des pirates du web. Nul doute qu'elle a acquis une documentation plus que respectable sur le sujet mais ce n'est pas une raison pour nous l'asséner d'une manière aussi didactique et pesante. Le livre ploie sous les explications à n'en plus finir et en perd sa chair humaine qui se résume de plus en plus aux états d'âme et au mal être de ses héros déboussolés. Un peu d'humour aurait peut-être pu desserrer l'étreinte mais non, le livre fait hélas montre d'un sérieux intransigeant. Conséquence : Comme un empire dans un empire, malgré quelques passages enlevés, semble se vider de sa moelle romanesque et le sort de L et d'Antoine finit par nous indifférer. Et ce n'est pas le dénouement, dans une communauté bretonne, avec ses longues descriptions, qui peut régénérer l'ouvrage. Son démarrage laissait espérer un roman balzacien de la plus belle eau. Son excès de gravité et son caractère outrageusement pédagogique n'ont pas confirmé ces alléchantes prémices.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Comme un empire dans un empire

Passionnant mais pernicieux ce roman a l'ambition de répondre à la question : que signifie faire de la politique aujourd'hui ?



Hiver 2019, Antoine Madec, l'un des quatre assistants d'un député socialiste, s'active au Palais Bourbon et prépare en parallèle un ouvrage sur la guerre d'Espagne et les légendaires photographes Robert Capa et Gerda Taro. Les gilets jaunes occupent les ronds points et l'espace médiatique. le PS est en crise suite à ses désastres électoraux à la présidentielle de 2017 et aux européennes de mai 2019. le député est désigné par son parti pour participer à une commission sur la cybercriminalité ; il s'y présente sans préparation et révèle une incompétence et une suffisance sidérante. Antoine laisse tomber son ex et se retrouve provisoirement « poor lonesome cowboy ».



L, brillante autodidacte beurette, et Elias, son compagnon allemand, s'activent dans la mouvance hacktiviste, contribuent au projet Chanologie contre l'église de scientologie et à d'autres opérations. l'gagne modestement sa vie en dépannant des particuliers confrontés à des bugs sur leurs PC. La police arrête Elias qui est incarcéré. l'devient « poor lonesome cowgirl ».



Alice Zeniter explique avec beaucoup de pédagogie et de précision les techniques de l'hacktivisme et rend passionnant et limpide ce qui pourrait être ennuyeux et complexe pour le profane. Elle croise astucieusement les deux couloirs narratifs et déploie son style remarquable.



Le lecteur devine, sans peine, que les chemins de l'et Antoine vont se croiser ; L trouve asile dans l'appartement de l'attaché parlementaire. Selma, militante féministe, et Xavier, une réincarnation bretonne de Robin des Bois accueillant des squatteurs, des SDF, et des asociaux dans le maquis celtique, entrent en scène et l'se réfuge dans cette communauté où « ils dansent et éclatent de rire ».



Conclusion délétère qui masque la toxicité du piratage informatique.



La romancière réussit à rendre sympathiques, voire séduisants, les crackers, hackers et racketteurs, en cachant les multiples ravages de ces criminels :

- En 2022, en France, une douzaine d'hôpitaux ont été victimes de cyberattaques et, à Ajaccio, par exemple, les soins de radiologie et d'oncologie ont été compromis et des établissements ont été rançonnés à hauteur d'un million d'euros.

- L'entreprise Camaïeu, victime d'une cyber attaque détruisant son informatique a baissé le rideau le 1 octobre 2022, condamnant ainsi 2600 employés au chômage.

- La députée Raquel Garrido a été la cible d'une affaire de fake news pour laquelle son adversaire, l'ancien député Jean-Christophe Lagarde, un policier et un journaliste sont poursuivis en justice.



Il n'y a pas ni « gentil » hacker, ni « gentil » squatter, mais des délinquants qui menacent la loi et l'ordre et affaiblissent nos démocraties, parfois au profit d'états étrangers. Attaquer l'état, ce n'est pas, à mes yeux, « faire de la politique aujourd'hui », c'est du terrorisme.



D'où ma déception en terminant cet ouvrage qui donne une image préjudiciable de nos parlementaires et fait l'apologie des terroristes en revendiquant l'héritage de Robert Capa et Gerda Taro.
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Comme un empire dans un empire

Alice Zeniter nous convie à un voyage bicéphale : dans le monde des hackers avec L. et sur le territoire d'un assistant au service d'un député socialiste. Ces deux planètes si éloignées l'une de l'autre finiront par se rencontrer en apportant de l'eau au moulin de la théorie des cinq poignée de main, modifiant ainsi l'orbite de leur trajectoire avec plus ou moins d'angle.





L. est une solitaire, naviguant entre le domaine du dedans (les méandres du web) et du dehors, qui, hormis la présence temporaire mais réconfortante d'Elias, activiste sur le darkweb, représente un univers hostile qui incite à la paranoïa. Mais même les paranos ont des ennemis et la menace rode autour de la jeune femme.



Quant à Antoine, son rôle de subalterne après de son député de patron, lui confère un statut de grenade, et même de grenade dégoupillée, étant donné la popularité décroissante du parti politique qu'il a investi. Alors que les émeutes des « Gilets » gagnent en violence ce qu'elles perdent en popularité, Antoine voit sa carrière, construite malgré ses origines modestes, prendre une tournure déclinante, alors que ses rêves d'écriture s'enlisent dans une impasse créative.



Brillante démonstration d'une collecte de documentation bien retranscrite sur le plan littéraire, qui permet, sinon de comprendre au moins de s'immiscer dans le milieu des aficionados du codage, avec suffisamment de pédagogie pour au moins en expliquer sans effet copié-collé le lexique interne.



Un bémol sur le fil rouge qui s'articule autour des délires (ou pas) de persécution de L. . le récit prend des allures de thriller sans qu'il y ait vraiment de lumière sur ce qu'elle a ressenti comme un danger. Un polar sans conclusion…



Cela reste cependant une lecture prenante, et l'on suit avec plaisir et addiction les aventures du couple improbable.
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L'art de perdre

Naïma est la petite-fille d'Ali, un planteur algérien harki venu en France en 1962 lors de l'indépendance de l'Algérie. Tout cela, elle ne le sait pas, elle va faire des recherches sur sa famille car son grand-père a tu son passé et sa grand-mère ne parle pas le français. Quant à son père Hamid, arrivé en France alors qu'il était enfant. Il reste muré dans un silence concernant ce passé. Il est maintenant marié à une Française d'origine et semble parfaitement intégré.

Naïma ressent un malaise autour de son histoire, elle est galeriste à Paris et prend régulièrement des cuites.

A travers la plume magnifique d'Alice Zeniter qui va faire retourner Naima à ses origines, nous découvrons l'histoire de la famille depuis Ali le grand-père, homme important avant tout ce carnage de la révolution.

Il possédait des oliviers, avait découvert un pressoir et produisait de l'huile.Au début du récit, il nous apparaît comme un homme bon et juste envers ses ouvriers. Il vivait en bonne entente avec les Français et ne tenait pas à l'indépendance envers la France. Ce qui fera de lui un harki qui ne sera plus le bienvenu dans son pays.

Ce qui fait le charme du livre, c'est la façon dont l'histoire est traitée.

L'auteure fait vivre les personnages de façon à ce qu'on s'y attache. Elle ne nous épargne pas les scènes cruelles mais c'est la guerre, pas question de dialogue, il faut faire peur. Les enfants voient toutes ces scènes et on s'étonne qu'ils restent mutiques au sujet de cette période ensuite.

Le passage le plus criant de vraisemblance est pour moi celui ou Alice Zeniter déclare : "la guerre leur a fait tomber une nuit sur le regard qui a sorti leur visage de l'enfance d'un coup."

Un roman magnifique dont j'ai tardé à entamer la lecture car l'histoire de l'indépendance algérienne est assez loin de la mienne mais je ne regrette pas mon incursion dans cette histoire du pays présentée de façon humaine et historique à la fois.



Challenge plumes féminines

Challenge pavés
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Toute une moitié du monde

Pendant le confinement, Alice Zeniter réfléchit à ses pratiques de lectrice et de romancière et nous propose de se promener avec elle pour partager ses étonnements.

Lectrice, elle grandit en compagnie de Claude, l'héroïne du Club des Cinq d'Enid Blyton, de Fifi Brindacier créée par Astrid Lingren et découvre l'oeuvre Alice Rivaz, tiercé gagnant qui nous est commun. Elle fait son miel de Madame Bovary et de Lady Chatterley mais rate son rendez-vous avec Anna Karénine et est peu sensible à « Orgueil et préjugés ». Elle observe que le continent littéraire est un univers masculin où « Toute une moitié du monde » est laissée dans l'ombre des seconds rôles.

Même constat pour les auteurs …inspirée par Toni Morisson, prix Nobel de Littérature, elle découvre « Mais leurs yeux dardèrent sur Dieu » grâce à Sika Fakambi la traductrice de Zora Neale Hurston, « L'autre moitié du soleil » , de Chimamanda Ngozi Adichie et « Plasmas » de Céline Minard puis traduit « I love Dick » de l'américaine Chris Kraus et se régale avec le Podcast « Bookmakers » de Richard Gaitet qui valorisent une littérature féministe, genrée, cosmopolite qui offre aux femmes « issues de la diversité » les principaux rôles.

Poursuivant sa promenade, Alice Zeniter secoue la traditionnelle « intrigue » en récupérant l'héritage du Nouveau Roman, puis remet en cause la nécessité des « Personnages » en imaginant qu'un animal ou une plante puisse être une relation, romanesque … voie sur laquelle j'avoue avoir du mal à la suivre … et elle conclut par une méditation chaotique sur « La forme et le chaos ».

Une ascensions passionnante, instructive, de plus en plus difficile au fil des chapitres, qui m'a sorti de ma « zone de confort » et offert une série de titres à ajouter à ma Pile A Lire.

Un livre à lire, à relire chapitre par chapitre au fil du temps, par celles et ceux qui veulent « toujours comprendre, jamais avoir compris ».

Mais comme le constatait Helen Rowland au siècle dernier : « Une femme n'a besoin de connaître qu'un seul homme pour les comprendre tous, alors qu'un homme peut connaître toutes les femmes sans en comprendre une seule. »
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L'art de perdre

Un titre aussi éblouissant que son contenu !



Découverte émerveillée de cette auteure, avec cette première lecture.

Ouvrage que je souhaitais lire dès sa parution en septembre 2017; en

boulimique invétérée, incorrigible, je me suis dispersée, et j'ai reporté

cette lecture, tout en ayant bien en mémoire cette curiosité première !

Voilà, mon retard réparé ...!



Comme je le fais rituellement, lorsqu'il y a pléthore de critiques [combien

méritées !] je ne les lis qu'après la rédaction de ma propre prose !

Ce que je ferais dès que j'aurai terminé "ma copie" !



Un titre sublime et tragique à la fois, qui exprime si fidèlement la

douleur, les complexités de l'histoire de l'Algérie.



Alice Zeniter, petite-fille de harki, née en France, ne se sentait que

lointainement reliée à la terre de ses ancêtres...Et puis les années

passent...le déclic surviendra pour faire connaissance avec le passé

et les drames vécus par ses aïeux, dont la situation intenable vécus

par les harkis , ses grands-parents !



"Le camp Joffre – appelé aussi camp de Rivesaltes – où, après les longs jours d'un voyage sans sommeil, arrivent Ali, Yema et leurs trois enfants est un enclos plein de fantômes : ceux des républicains espagnols qui ont fui Franco pour se retrouver parqués ici, ceux des Juifs et des Tziganes que Vichy a raflés dans la zone libre, ceux de quelques prisonniers de guerre

d'origine diverse que la dysenterie ou le typhus ont fauchés loin de la ligne de front. C'est, depuis sa création trente ans plus tôt, un lieu où l'on enferme ceux dont on ne sait que faire en attendant, officiellement, de trouver une solution, en espérant, officieusement, pouvoir les oublier jusqu'à ce qu'ils disparaissent d'eux-mêmes. C'est un lieu pour les hommes qui n'ont pas d'Histoire car aucune des nations qui pourraient leur en offrir une ne veut les y intégrer. "



Et voilà notre écrivaine qui repart à l'envers du voyage... remontant

les épreuves, et le parcours de ses grands-parents, dont Ali ( le grand-père), et de son père, Hamid qui sont parmi mes personnages préférés !

Ce grand-père, homme -montagne, géant aux talons d'argile....

Ali, personnage étonnant auquel on ne peut que s'attacher. De l'émotion, du respect, de l'empathie pour cet ancien chef de village estimé, écouté...piégé dans deux guerres, dont une, encore plus insupportable, puisque fratricide !



Une fresque foisonnante où nous suivons l'histoire d'une famille

algérienne sur plusieurs générations, l'exil en France, le sort terrible

et injuste subi par les harkis, la perte irrémédiable d'un pays, d'une langue... les ravages , les déconstructions de la guerre.... et la tentative de

RECONSTRUIRE ailleurs !



"Ils éclatent de rire et Ali s'étonne, alors même qu'il rit lui aussi, que cette plaisanterie guerrière puisse les amuser. Il sent bien qu'il n'est pas le seul à être surpris: les hommes et les femmes présents rient plus longtemps et plus fort que la réplique de Bachir ne le mérite.

Ils rient de pouvoir rire. Ils rient de constater que la guerre a reculé dans leur esprit, comme les flots à marée basse et que sur la plage qu'elle a découverte, ils peuvent employer le vocabulaire de l'affreux sans céder à la panique." (p. 198)



Après un tel ouvrage, il me paraît impossible de garder le même regard,

la même perception vis à vis de tout migrant, tant on ressent grâce au talent narratif de Alice Zeniter l'arrachement à une terre, aux racines,

et les douleurs, les blessures inguérissables qui s'ensuivent tout le chemin

d'une vie...



Un livre magistral, universel... qui aborde tant de sujets, de questionnements humains éternels....Qu'est-ce que perdre son pays, reconstruire ailleurs, trouver un sens , sa place après avoir été "transplanté",bafoué, avoir subi la ségrégation, etc. Un roman foisonnant difficilement "résumable"...



Un immense coup de coeur...et une admiration entière pour le talent ,

les finesses d'analyse ainsi que pour les profils très denses des personnages décrits par cette jeune écrivaine ! Une grande lecture qui restera durablement dans "mon Panthéon personnel" !!...



"Paris, au-dehors, est immense mais l'amour émerveillé qu'il lui porte ne suffit pas à faire disparaître une amère sensation de solitude.

C'est la première fois qu'il se retrouve sans personne avec qui il partagerait une histoire. (...)

Hamid a voulu devenir une page blanche. Il a cru qu'il pourrait se réinventer mais il réalise parfois qu'il est réinventé par tous les autres au même moment. Le silence n'est pas un espace neutre, c'est un écran sur lequel chacun est libre de projeter ses fantasmes. (...)

Pour être sûr d'être compris, il faudrait qu'il raconte. Il sait que Clarisse

n'attend que ça. Le problème, c'est qu'il n'a aucune envie de raconter. Elle

le regarde avec inquiétude dériver sur une mer de silence." (p. 311 )
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Comme un empire dans un empire

J'adore les « Cahiers de vacances »… formule taquine, car en l'occurrence il s'agit juste du plaisir de découvrir un texte avant parution…Le dernier ouvrage à venir d'Alice Zeniter, que m'ont prêté gentiment des amis-libraires, avant leur propre lecture [**Librairie Caractères / Issy-Les-

Moulineaux ]



« Il faut que quelque chose change, se répétait-il à l'automne 2019, incapable de savoir si la phrase concernait ses désirs plutôt que l'ordre du monde. Il faut que quelque chose change. » (p. 22)



Une phrase tout simple pour situer l'ouvrage qui va coller à une actualité très, très récente…



Une chronique sociale très fouillée d'une époque, la nôtre, en totale mutation, en complète tempête. le style d'Alice Zeniter est toujours fluide, plaisant… mais pour ma part, au vue de mes goûts, attirances littéraires… cette absence de recul, tous ces faits d'actualité, trop récents m'ont rebutée ; comme si j'étais à nouveau plongée, matraquée dans un quotidien révoltant, oppressant…dans lequel on est nécessairement confronté et saturé par l'omniprésence des médias et des informations (ou « Désinformations » ) journalières...



Mes envies et mes choix en Littérature sont attirés vers un minimum « D Ailleurs » , d'évasion, de recul, des sujets nouveaux m'instruisant, m'ouvrant de nouveaux domaines, à la fois de la fantaisie, de la documentation…solide [ qui donne envie de prolonger la recherche], un style , le choix des mots …Et surtout un « Elargissement » de mon horizon (de grâce !!..)

Après m'être expliquée sur mes choix littéraires, vous comprendrez mieux mes résistances involontaires quant à cette fiction sociale…qui, pourtant a tout pour plaire…et faire réfléchir !



J'ai persisté, mais sans grand succès ; décidément ce roman trop ancré dans les problématiques du temps, de notre présent immédiat, m'ont complètement bloquée.J'en suis fort chagrinée… car la plume est alerte, virulente, acerbe…lucide, présentant des analyses fouillées, des interrogations brutes envers notre société « malade » de toutes parts !



« Il [le journaliste] évoquait aussi les "casseurs" qui avaient entaché la manifestation du jour (...) Antoine aurait voulu qu'il n'aborde pas la question (...)Antoine croyait savoir, depuis l'intérieur, que ça ne se passait pas comme ça : au milieu d'une foule rassemblée pour une revendication précise surgissait parfois une impression de puissance, ou au contraire de totale impuissance, qui pouvait donner l'envie soudaine de ravager quelque chose. (p. 51)”



L'ouvrage d'Alice Zeniter est de qualité… mais ne me correspond pas à mes accointances littéraires…du moment !!

Envie d'horizons ou plus légers ou surtout différents de ce que nous vivons et de ce qui nous interpelle dans l'immédiateté…Comment réfléchir, agir, vivre autrement sur une planète malade de tous nos excès et de notre narcissisme de « bipède » !!. ..



Alice Zeniter décortique tout de notre société à travers deux personnages qu'elle fait se rencontrer : Antoine, assistant parlementaire, mal à l'aise dans ces coulisses du dit-Pouvoir, lui qui ne rêve que d'écrire un vrai Livre, où « Il parlerait de la guerre d'Espagne ;(où) il y aurait des points-virgules »… Et Elle, qui se fait appeler L, ; elle est hackeuse ; sa vie bascule, est remise en cause à partir de l'arrestation de son compagnon qui a piraté une importante société de surveillance informatique, ce dont elle l'avait pourtant dissuader de le faire… Questions universelles (toutefois) : jusqu'où va-ton pour changer le monde ? Jusqu'où les engagements politiques, sociaux , individuels peuvent-ils mener..?



Une gêne constante dans ma lecture m'a franchement freinée, les thématiques collant vraiment trop à tout notre quotidien, plus qu'imparfait et nous saturant déjà les uns et les autres…lorsqu'on se lève le matin !! Je relirai sans doute plus tard, avec plus de distance… cette fiction des plus réalistes, miroir déformant de tous « nos » travers, et dysfonctionnements, injustices, régressions de notre univers journalier !!



- Les Réseaux sociaux, les dysfonctionnements de la Toile, les faces sombres du web,

L'omniprésence du Net dans nos vies, nos sphères intimes…

- - Les ravages du capitalisme mondialisé

- le Factice des engagements politiques

- - la méfiance généralisée envers les Politiques

- - Les guerres du Pouvoir

- - La violence , la pauvreté, les précarités allant toujours croissants…

- - le mouvement des Gilets jaunes, reflet de ce « casse social » généralisé etc.

En quelques mots, et ce que nous ressentons tous, ou du moins un très grand nombre d'entre nous, la nécessité absolue de changer notre monde, nos comportements, nos manières de penser, de reconstruire sur d'autres valeurs !...



Je remercie encore les amis-libraires de m'avoir prêté ce texte d'Alice Zeniter, avant publication ; Cela m'intéressait vivement ; cet avis n'est qu'un ressenti à un moment sans doute pas adéquat pour l'apprécier à sa juste mesure , surtout que je connais très peu cette auteure, dont je n'ai lu (d'ailleurs très récemment) qu'un texte très personnel, vivement apprécié, situé dans une autre sphère, « L'Art de perdre »… Mais les « fans » plus familiers de son oeuvre auront sûrement un avis plus subtil, plus affiné , que le mien…!



[*** toutes mes excuses pour les trop nombreuses redondances... devant s'expliquer par une sorte de rancune envers moi-même de ne pas avoir su apprécier ce texte... d'être passée à côté ! ...]





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Juste avant l'oubli

Le cadre : Mirhalay une petite ile perdue des Hébrides



Les circonstances : le pèlerinage d’un panel d’intellectuels fétichistes, passionnés par la vie et l’oeuvre d’un maitre incontesté du polar : Galwin Donnell, disparu mystérieusement alors qu’il vivait en reclus sur l’île.



Les personnages : hormis le grand absent qui constitue le pivot de l’intrigue, Emilie, qui prépare une thèse sur les femmes dans l’oeuvre de Donnell, et son compagnon, Franck.



L’intrus dans l’histoire c’est bien lui, Franck, le seul qui ne succombe pas au charme de l’écrivain et ne participe pas à la grand-messe célébrée en sa mémoire, paré d’une aura magnifiée par sa disparition . Franck qui finalement en apprendra beaucoup plus sur la fin tragique de l’auteur par le gardien de l’île, à l’écart des élucubrations des élites universitaires, sur fond de confidences arrosées à l’alcool de céréales maltées. C’est aussi une mise à l’épreuve des sentiments qu’Emilie éprouve pour lui, l’infirmier (elle le déclare docteur!), assez dépressif, avec qui elle partage sa vie depuis huit ans, sur les bases d’un équilibre précaire, et que le voyage pourrait bien mettre à mal. C’est un peu comme si un tableau que l’on est habitué à contempler, apparaissait très différent sous une autre lumière, révélant des reliefs insoupçonnés.



Le lecteur est ainsi sollicité à plus d’un titre



•L’énigme autour de la disparition de Donnell

•L’avenir du jeune couple

•l’oeuvre du fameux auteur de polar, et la lecture qui en est faite, argumentée à coup d’articles issus de wikipédia, de coupures de journaux, d’extraits de critiques, magnifiquement imités! Combien de lecteurs, et j’en fais partie, ne manqueront pas d’ajouter les romans de Donnell à leur PAL?



C'est d'autant plus remarquable que le roman est court, au vu des entrées multiples qu'il propose



Alice Zeniter pointe avec finesse les travers des érudits (« Intellectuel n’est pas toujours synonyme d’intelligent » affirme alexandra David-Néel), sans omettre la question centrale et incontournable en littérature : repérer dans l’oeuvre écrite, fut-elle de la pure fiction, l’empreinte en filigrane de la biographie de l’écrivain.



C’est un excellent roman, l’auteur pratique avec brio le mélange des genres, le pastiche et l’intrigue amoureuse, le polar et la bluette, dans un style parfait.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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