On se sait comment elle s'appelle peut-être pour la rendre plus anonyme ou parce que c'est un phénomène qui peut survenir à toute femme (et pourquoi pas à un homme). Elle est mariée et mère de deux enfants : Esther 8 ans et Alban, le plus jeune, âgé de quelques mois et lors d'une visite chez le pédiatre le doute s'installe, s'insinue et se confirme. Et ce qu'elle croyait inébranlable, son couple parfait, son amour maternel, sa famille, vacillent et sombrent dans un cycle infernal.
J'avais déjà entendu parler de cette auteure pour son premier roman Trancher (que je n'ai pas encore lu) qui abordait déjà des thèmes durs, violents axés sur le couple et la famille et elle le fait à nouveau ici avec une écriture très particulière et c'est ce qui m'a le plus marqué dans ce roman. Une prose rythmée et sonore tellement les phrases, les mots se répondent les uns aux autres, comme une longue tirade qui résonne comme un poème sombre, noir, des phrases sèches comme les pensées qui se succèdent et qui tournent en rond, s'accumulent et qui reflètent l'angoisse d'une mère qui perd pied. Ce rythme, ces mots qui riment m'ont parfois gênée, ils étaient parfois trop présents et au bout d'un moment presque attendus, recherchés mais qui donnent à l'écriture et au rendu une identité particulière et surtout un son.
C'est un roman très marqué par les couleurs, de la maternité heureuse ébranlée à la propre enfance de l'héroïne, ayant perdu à double titre l'image maternelle, de la filiation, la sienne mais aussi celle vis-à-vis d'Alban, aux non-dits, aux questionnements qui resteront sans réponse. J'ai trouvé habile la façon dont l'auteure a choisi la manière dont son héroïne focalise sa propre blessure sur son enfant.
Amélie Cordonnier évite tous les stéréotypes qui peuvent mener une femme à cette sorte de "folie", rien ne la prédestinait à y sombrer peu à peu, à s'isoler mais le trouble est là, qu'elle ne peut s'empêcher de s'identifier à Gregor Samsa, le personnage central de La métamorphose de Kafka, elle hallucine, elle est obsédée par cet enfant qu'elle a sous les yeux, dont elle observe la mutation en un être qu'elle ne reconnaît pas comme fruit de ses entrailles.
Comme pour Chanson douce de Leïla Slimani, on ne comprend pas l'aveuglement de l'entourage qui ne voit pas la détresse, la lente descente aux enfers de cette femme mais également celle de l'enfant car parfois le trait est tellement forcé, va à l'extrême que cela semble incroyable et pourtant combien d'exemples dans l'actualité de cas semblables. Mais passons, c'est un roman et il faut accepter le deal car à l'évidence ce qu'il en ressort c'est le cheminement des pensées, le processus de lamination, son mécanisme et toutes les ruses mises en place pour tenir.
Alors ai-je aimé ? Oui malgré le sujet difficile, oui parce qu'il y a un travail d'écriture singulier et original, oui parce qu'elle évite de sombrer dans le glauque même s'il est présent et effleuré et oui parce qu'elle évite un final qu'il aurait été facile d'imaginer..... Cela se lit d'un trait, on retient presque sa respiration, à chaque page tournée on espère que le pire n'est pas arrivé, on secoue Vincent, Elsa pour qu'ils ouvrent les yeux mais nous-mêmes est-on à même de voir un proche qui sombre ?
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