Citations de André Malraux (847)
La forêt s’était refermée sur cet espoir abandonné. Depuis des jours, la caravane n’avait rencontré que des ruines sans importance ; vivante et morte comme le lit d’un fleuve ; la Voie Royale ne menait plus qu’aux vestiges que laissent derrière elles, tels des ossements, les migrations et les armées. Au dernier village, des chercheurs de bois avaient parlé d’un grand édifice, le Ta Mean, sittué à la crête des monts’ entre les marches cambodgiennes et une partie inexplorée du Siam, dans une région Moi. « Plusieurs centaines de mètres de bas-reliefs … »
Ce qui m'intéresse dans un homme quelconque, c'est la condition humaine ; dans un grand homme, ce sont les moyens et la nature de sa grandeur ; dans un saint le caractère de sa sainteté.
Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie.
L’art peut aider à faire prendre conscience de la grandeur qu’on ignore en soi.
Juger, c'est de toute évidence ne pas comprendre puisque si l'on comprenait, on ne pourrait pas juger.
Sur le fond vert déjà jauni par l'été, de grandes vagues d'ombelles déferlent dans le vent. La première ligne allemande est un peu plus bas, au-dessus de fleurs blanches à demi sèches ; le vent, qui dessine au loin sur elles de longs ramages, les secoue furieusement devant les trous d'observation. Deux versants opposés, la rivière au fond. Le versant russe s'élève dans une telle sérénité, que les barbelés semblent des clôtures champêtres. Pas un homme, pas un animal. Le canon s'est tu. Il fait beau comme avant la guerre.
La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert.
Ensuite, nous nous battrons et nous prendrons la ferme. Que la Provi…chance nous assiste ! Que Celui qui voit tout, je veux dire… la Nation espagnole, soit avec nous, garçons, qui combattons pour ce que nous croyons juste…
Étrange sensation que l'angoisse: on sent au rythme de son coeur qu'on respire mal, comme si l'on respirait avec le coeur.
Il y a des artistes maladroits, il n'y a pas de styles maladroits.
" S'ils avaient été tués , nous ne verrions que ce qu'il y a de meilleur en eux, "
On ne possède que ce qu'on aime.
Je veux des cam'rades et pas des saints. Pas confiance dans les saints...
Par les paroles, il ne pouvait rien ; mais au-delà des paroles, il y avait ce qu'expriment des gestes, des regards, la seule présence. Il savait d'expérience que la pire souffrance est dans la solitude qui l'accompagne. L'exprimer aussi délivre ; mais peu de mots sont moins connus des hommes que ceux de leurs douleurs profondes.
..."Les hommes ne sont pas mes semblables, ils sont ceux qui me regardent et me jugent; mes semblables, ce sont ceux qui m'aiment et ne me regardent pas, qui m'aiment contre tout, qui m'aiment contre la déchéance, contre la bassesse, contre la trahison, moi et non ce que j'ai fait ou ferai, qui m'aimeraient tant que je m'aimerais moi-même - jusqu'au suicide, compris...
Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas.
« Tous souffrent, songea-t-il, et chacun souffre parce qu'il pense. Tout au fond, l'esprit ne pense l'homme que dans l'éternel, et la conscience de la vie ne peut être qu'angoisse. Il ne faut pas penser la vie avec l'esprit, mais avec l'opium. Que de souffrances éparses dans cette lumière disparaîtraient, si disparaissait la pensée... » Libéré de tout, même d'être homme, il caressait avec reconnaissance le tuyau de sa pipe, contemplant l'agitation de tous ces êtres inconnus qui marchaient vers la mort dans l'éblouissant soleil, chacun choyant au plus secret de soi-même son parasite meurtrier. « Tout homme est fou, pensa-t-il encore, mais qu'est une destinée humaine sinon une vie d'efforts pour unir ce fou et l'univers... » Il revit Ferral, éclairé par la lampe basse sur la nuit pleine de brume, écoutant : « Tout homme rêve d'être dieu... »
Les hommes ne sont pas mes semblables, ils sont ceux qui me regardent et me jugent ; mes semblables ce sont ceux qui m’aiment et ne me regardent pas, qui m’aiment contre tout, qui m’aiment contre la déchéance, contre la bassesse, contre la trahison.
Ils s'étaient alignés de nouveau, au bord de la fosse cette fois, face aux mitrailleuses, clairs sur la neige : chair et chemises. Saisis par le froid, ils éternuaient sans arrêt, les uns après les autres, et ces éternuements étaient si intensément humains, dans cette aube d'exécution, que les mitrailleurs, au lieu de tirer, avaient attendu - attendu que la vie fût moins indiscrète.
L'humanité était épaisse et lourde, lourde de chair, de sang, de souffrance, éternellement collée à elle-même comme tout ce qui meurt.