Citations de André Malraux (846)
Qu'avaient vu, jusqu'en 1900, ceux dont les réflexions sur l'art demeurent pour nous révélatrices ou significatives, et dont nous supposons qu'ils parlent des mêmes oeuvres que nous ; que leurs références sont les nôtres ? Deux ou trois musées, et les photos, gravures ou copies d'une faible partie des chef-d'oeuvre de l'Europe. La plupart de leurs lecteurs moins encore. Il y avait alors dans les connaissances artistiques une zone vague qui tenait à ce que la confrontation d'un tableau du Louvre et d'un tableau de Madrid, de Rome, était celle d'un tableau et d'un souvenir.
On peut tromper la vie longtemps mais elle finit toujours par faire de nous ce pour quoi nous sommes faits. Tout vieillard est un aveu, allez, et si tant de vieillesses sont vides c'est que tant d'hommes l'étaient et le cachaient.
Celui qui cherche aussi âprement l'absolu ne le trouve que dans la sensation.
Il est très rare qu'un homme puisse supporter, comment dirais-je, sa condition d'homme.
Les hommes ne sont pas mes semblables, ils sont ceux qui me regardent et me jugent, mes semblables, ce sont ceux qui m'aiment et ne me regardent pas, qui m'aiment contre la déchéance, contre la bassesse, contre la trahison, moi et non ce que j'ai fait ou ferai, qui m'aimeraient tant que je m'aimerais moi-même.
La mort n'est pas une chose si sérieuse ; la douleur oui.
Il n'y a rien de plus prenant chez un homme que l'union de la force et de la faiblesse
Son père tué,sa mère, qui avait quitté son mari depuis longtemps, vint voir l'enfant. De nouveau, elle vivait seule. Le vieux Vannec l'avait acceuillie; il avait si bien pris l'habitude de mépriser l'action des hommes, qu'il les enveloppait toutes dans une même indulgence haineuse.Le soir, il l'avait retenue, indigné à l'idée que, lui vivant, sa belle-fille pût habiter un hotel dans SA ville: il savait d'expérience que l'hospitalité n'empêche pas la rancune. Ils avaient causé, ou plutôt elle avait parlé: une femme abandonnée, obsédée par son âge jusqu'à la torture, certaine de sa déchéance, et qui considérait la vie avec une indifférence désespérée. Quelqu'un avec qui il pouvait vivre... Elle était ruinée sinon pauvre. Il ne l'aimait guère, mais il subissait l'influence d'un étrange esprit de corps: elle était, comme lui, séparée de la communauté des hommes qui demande tant d'acceptations stupides ou sournoises; la cousine, trop vieille maintenant, dirigeait mal la maison...Il lui avait conseillé de rester, et elle avait accepté.
(p.40)
Lorsque " les lumières " feront du surnaturel une province de l'imaginaire, le Moyen Age deviendra l'époque de l'imaginaire. Mais il ne connaît le surnaturel que comme réalité. Les anges ne le surprennent pas plus que les éléphants; il les connait mieux, et en voit davantage. Certes, les éléphants ne sont que les envoyés de quelque prince sarrasin, alors que les anges sont les envoyés de Dieu - et les démons, ceux de Satan. Anges et démons ne font pas partie de la terre, mais ils font partie de la Création au même titre que les éléphants - et que les hommes.
L'imaginaire médiéval n'est jamais ce qui ne saurait exister: C'est ce qui existe par Dieu; ou au loin, au pays de l'arbre-qui-chante et des cynocéphales, peuple de saint Christophe; ou " ailleurs ", au pays où les chevaliers tuent les géants et les dragons -au pays du merveilleux, dont on connait mal les frontières : le dragon, c'est peut-être un éléphant qu'on n'a pas encore vu. Mais le tueur de dragons est un vrai chevalier. Ulysse, si l'on veut; ni Achille ni Hercule, descendants des dieux. Créature de Dieu.
Dans un univers passablement absurde, il y a quelque chose qui n’est pas absurde, c’est ce que l’on peut faire pour les autres
André Malraux
Et maintenant, il y avait le gosse. Que pouvait-il pour lui? À peine le nourrir. Il ne gardait de force que pour la douleur qu'il pouvait infliger; il existait plus de douleur au monde que d'étoiles au ciel, mais la pire de toutes, il pouvait l'imposer à cette femme: l'abandonner en mourant.
L'approche de la faillite apporte aux groupes financiers une conscience intense de la nation à laquelle ils appartiennent.
La culture c'est ce qui répond à l'homme quand il se demande ce qu'il fait sur terre.
La mort qui tourne autour de moi me livre à ceci, qui me parvint, il y a trente ans, de l'autre côté de la vie.
Le mot : convulsion me hante. Le texte que je corrige depuis onze jours pourrait le prendre pour titre? Pourtant sa violence s'éloigne (non son égarement). J'avais envie d'ajouter à ce récit les souvenirs qu'il appelle aujourd'hui en moi.
Ses idées l'avaient fait vivre; maintenant, elles allaient le tuer.
Vous connaissez la phrase :"Il faut neuf mois pour faire un homme, et un seul jour pour le tuer." May, écoutez : il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans pour faire un homme, soixante ans de sacrifices, de volonté, de... tant de choses ! Et quand cet homme est fait, quand il n'y a plus en lui-même rien de l'enfance, ni de l'adolescence, quand, vraiment, il est un homme, il n'est plus bon qu'à mourir.
Etrange sensation que l'angoisse : on sent au rythme de son coeur qu'on respire mal, comme si l'on respirait avec le coeur..."
Les hommes ne sont pas mes semblables, ils sont ceux qui me regardent, et me jugent ; mes semblables ce sont ceux qui m'aiment contre tout, qui m'aiment et ne me regardent pas, qui m'aiment contre la déchéance, contre la bassesse, contre la trahison, moi, et non ce que j'ai fait ou ferai, qui m'aimeront tant que je m'aimerai moi-même -jusqu'au suicide compris.
On ne connaît jamais un être, mais on cesse parfois de sentir qu'on l'ignore.
Car il existe des rêves tombés en poussière, le bon sauvage par exemple ; des paradis invincibles comme la justice, ou séculaires comme la liberté, l'âge d'or, et un monde de rêves passionnés dont la cendre devient poésie comme celle des dieux devient mythologie : la chevalerie, les Mille et Une Nuits...