Comment parler de ce roman ? C’est un OVNI que j’ai lu sans m’arrêter une seconde, tellement j’étais assoiffée… comme sous perfusion de vodka ou d’autre chose…
Constantin, alias Kostia, est un rescapé. Il a été laissé pour mort lors de l’accident où le tank dans lequel il se trouvait a été attaqué en Tchétchénie. Donc, c’est lui qui a été sorti en dernier, quand on s’est aperçu qu’il vivait encore. Il a été gravement brûlé, son visage est déformé et on s’en sert pour faire peur aux enfants !
Il survit grâce à la vodka, et surtout grâce à Alexandre Stépanovitch, un professeur qui a été impressionné par ses dessins, et l’encourage à persévérer. Le professeur boit comme un trou, il boit sa vodka dans des grands verres qu’il vide cul sec. Mais il transmet des conseils à Kostia, comment voir le monde, notamment. Il ne le ménage pas:
» Constantin? C’est un très beau nom. Tu dois être quelqu’un de persévérant.C’est bien. Tu es persévérant Constantin? Ou bien tu n’as de persévérant que le nom? »
C’est un peu un père de substitution, un mentor. Tellement peu d’hommes ont pu lui servir de modèle : son père est parti, il a refait sa vie ; le nouveau compagnon de sa mère le dénigre…
Il a gardé des liens avec ses camarades militaires et lorsque l’un d’eux, Serioja, disparaît, les trois autres vont se lancer dans un périple à travers les villes russes alentour. Kostia boit, roule en voiture avec eux mais dessine : un bras pour remplacer celui qu’un militaire a perdu, une famille imaginaire pour un qui est mort au combat. Il va peu à peu trouver un sens à sa vie.
L’accident en Tchétchénie aurait pu le détruire, l’anéantir, mais il a su conserver une amitié forte avec ses copains, transcender la souffrance physique et morale, dans cette Russie où la vie n’est pas simple, l’exprimer dans ses dessins, toujours en noir et blanc.
Je redoutais cette lecture, car j’avais peur de voir des hommes consommer de la vodka au litre, comme seuls les Russes savent le faire, un éloge de l’alcool. Ce livre a donc pris la poussière quelques temps avant que je ne l’ouvre car les histoires d’alcoolisme, d’alcoolisation me rebutent en général. Ce petit roman, 129 pages à peine, est d’une telle densité qu’il est un uppercut pour le lecteur, un voyage initiatique, une leçon de vie, très loin des « feel-good » à la mode aujourd’hui.
L’écriture est incisive, les phrases sont parfois lapidaires, et le style d’Andreï Guelassimov tellement percutant que j’ai envie de continuer à découvrir son œuvre. J’ai un autre de ses romans, récupéré dans une corbeille, sorte de livre voyageur, en attente lui-aussi : « Fox Mulder a une tête de cochon », recueil de nouvelles. « L’année du mensonge » devrait être bien aussi…
Un auteur à découvrir absolument.
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