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Critiques de Anna Maria Ortese (27)
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Aurora Guerrera : Et autres nouvelles

Aurora Guerrera est la première publication de Anna Maria Ortese, un recueil de nouvelles par en 1937, grâce au prestigieux patronage de Massimo Bontempelli, l'un des écrivains les plus en vogue de son temps. Ses textes résonnent d'aspects psychanalytiques, avec cette necessité de tuer l'enfant en nous, de tourner le dos à l'enfance qui ne reviendra jamais avec son insouciance et son innocence. Beaucoup d'êtres désoeuvrés peuplent ses nouvelles, des êtres comme en apesanteur dans un monde trop grand pour eux, des femmes qui semblent pouvoir se briser à la première tempête. L'univers de Anna Maria Ortese oscille entre rêveries et errance dans un monde hésitant entre réalité et rêve.



Cette oeuvre hétérogène à la fois fiction, fable, reportage, fragments autopbiographiques, brille surtout par un style lyrique s'exprimant dans des passages sur la nature :



" Mais souvent le retour dans la via del Mare, vers le soir, était encore plus beau : sous un ciel vitreux et vert, les yeux fixés sur la mâture des bateaux qui se profilaient à l'horizon de manière fantastique, pendant que des groupes de matelots et de touristes peuplaient la rue, mon esprit se réjouissait mystérieusement : il tombait, de tout ce vert fleuri de lumières lointaines, il pleuvait, de tous ces dômes, de toutes ces formes irréelles possédées par la merveille du temps, un agréable oubli du passé, une espérance absrde et tendre, de liberté et de futur." p. 53



"La matinée était chaude et magnifique, l'air immobile, et cependant ces fleurs, ouvertes comme des bouches à la lumière, palpitaient imperceptiblement, exprimant la joie infinie d'exister. Pour couronner cette sensation d'extase, deux papillons blancs, enivrés de lumière et de chaleur, allaient de l'une à l'autre de ses fleurs, s'éloignant un moment dans le ciel bleu, comme hésitant sur leur choix, mourant de bonheur." p. 143



Ses textes nous enjoignent à nous arrêter au bord de la route pour observer la beauté du monde qui palpite à la surface des choses.
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Corps céleste

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De veille et de sommeil

La réalité n’est pas la mascarade qui nous étreint chaque jour davantage, ni les lois qui nous gouvernent mais le petit espace de pensée libre, de rêve et d’imagination que nous creusons en nous pour respirer profondément et tranquillement.

https://lescorpscelestes.fr/anna-maria-ortese-ou-la-resistance-salvatrice/
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Femmes de Russie

En 1954, la narratrice (qui semble être Anna Maria Ortese elle-même d'après la préface) fait partie d'une délégation de femmes invitées en URSS. Ayant peur de l'avion, elle est la seule de la délégation à voyager en train jusqu'à Moscou : elle y rencontre des personnages assez atypiques et gentils, notamment une jeune femme russe qui la bouleverse lorsque ses roses disparaissent...

Arrivée à Moscou, elle fait la connaissance des autres membres de la délagation mais également des deux femmes russes chargées de les guider durant leur séjour : là encore, ces femmes la touchent...



Voilà deux nouvelles que j'aurai très vite oubliées ! Je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais lorsque j'ai choisi ce livre à la librairie : un voyage initiatique, de belles rencontres, des portraits de femmes, des paysages effleurés depuis la vitre d'un wagon : sans doute un peu de tout cela mais, ce qui est certain, c'est que je ne m'attendais pas à ce récit quelque peu décousu, très centré sur la narratrice qui m'est apparu assez égocentrique !! Je n'ai rien ressenti et me suis ennuyée, bref, je suis totalement passée à côté de ce récit !
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Femmes de Russie

Ouvrage emprunté à ma médiathèque- août 2023



Tout premier texte que je lis de cette importance auteure italienne...Écrit qui, toutefois, doit être différent de sa " production habituelle"

Il est utile d'ajouter quelques précisions pour ce récit.



Maria Ortese, en 1954 est invitée en Russie avec une délégation de femmes italiennes communistes, de tous milieux sociaux.Cette délégation rejoint Moscou, en avion, alors que "notre" auteure , ayant peur de l'avion, fait ce long trajet , seule, en train...



Dès le départ, elle se met à part ; arrivée à destination, elle se sentira très mal à l'aise avec ses compatriotes...



Le récit se construit à travers six textes, qui se répartissent eux-mêmes en deux parts: celles du " voyage en train" avec ses difficultés, ses premières rencontres et premiers contacts avec le peuple russe...et la seconde, le séjour même à Moscou, et dans le pays....



Même si ce texte est de qualité certaine, j'ai eu un certain mal à " l'intégrer"....à " accrocher" !?



On sent la narratrice-auteure, toujours dans un sentiment de malaise, se sentant décalée par rapport à tout, alors que le groupe- délégation de ses compatriotes s'adapte facilement, en fait même trop à son goût...



Ce séjour de commande...se passe largement dans les visites officielles: visite d'une usine, d'une école ( soi-disante modèle ; ce qu'elle ne trouve pas), visite d'un cirque, participation à un meeting puis à une grande fête nationale...



Même si Maria Ortese ne se laisse guère impressionnée ni convaincre par le " paradis russe communiste " en construction, elle se prend d' affection et d'empathie pour certaines jeunes et moins jeunes femmes russes, qu'elle trouve courageuses et rayonnantes de gentillesse...



Ce qui m'a touchée et intéressée c'est son honnêteté à reconnaître qu'elle ne parvient pas à comprendre ni à saisir l'esprit et l'utopie du peuple russe...



Des moments précieux échangés avec des femmes qu'elle trouve aussi accueillantes qu'émouvantes, attachantes...très dignes dans des quotidiens difficiles...

J'achève ce billet par un de mes extraits préférés



"Mille jeunes filles dansent au Kremlin



"Elle est longue, l'histoire russe, dis-je.

-Longue et obscure, répondit Alexandra.

-Vous avez eu beaucoup de victimes.

-De toute sorte. de la faim, de la tristesse, du sommeil. Il n'y avait que la neige, alors, et sur la neige l'image du Christ.

-Vous détestez le Christ, à présent ?

-Ce n'est pas ça, dit alexandra. Nous cherchons seulement à être meilleurs : plus actifs, plus honnêtes, plus rigoureux, heureux aussi; nous cherchons à ressusciter une image , qui était détruite. Notre image de femmes, d'hommes. ce n'est pas facile. Mais nous n'avons pas d'autre devoir que celui-là; vous aussi en occident, je suppose.

-Oui ", dis-je. et il me sembla qu'il aurait dû en être ainsi, même si je savais que chez nous cette conception était absolument impossible.

Inquiète, je voulus me lever. tandis que je causais avec Alexandra, mon regard était toujours là-bas, sur ce jeune peuple qui se mouvait avec la grâce indicible des colombes. Il y avait une profonde barrière entre ces jeunes filles et moi, un mur invisible entre ces jeunes existences et la mienne, entre cette image merveilleuse et notre Occident; pourtant il me semblait savoir qu'il devait y avoir un moyen pour ouvrir un soupirail sur ce monde, pour le comprendre, entendre ses raisons. Pour savoir si, finalement, il ressemblait à notre monde."



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L'iguane

Daddo, un jeune Milanais, riche célibataire oisif, prend le large sur son voilier pour découvrir de nouvelles terres, car « quand le printemps est là, les Milanais s'en vont de par le monde en quête de terres à acheter. Pour y bâtir des maisons et des hôtels, naturellement, et peut-être même, plus tard, des maisons populaires ; mais c'est surtout après ces expressions de la « nature », restées encore intactes, qu'ils courent, après ce qu'ils entendent, eux, par nature : un mélange de liberté et de ferveur, avec une bonne dose de sensualité et un brin de folie, dont ils semblent assoiffés à cause de la raideur de la vie moderne à Milan».



Mais Daddo, « menacé par la maladie (ainsi pouvons-nous appeler la pensée » n'est peut-être pas tout à fait un jeune bourgeois ordinaire, car il est avant tout sensible, indécis, frappé de « mélancolie » et surtout très éloigné de la « cruelle exigence du réel ».



Il arrive sur une île non répertoriée, appelée l'île du Diable. Les habitants de l'île ont un comportement étrange, ils ne répondent pas au salut du jeune homme, restent immobiles et muets. Ce n'est que le début, car bientôt Daddo verra dans le ciel une double-lune et constatera que la distance retour entre son voilier et l'île est plus longue que la distance aller. Et surtout il fera la connaissance de l'iguanette, une bien étrange créature, entre la petite fille et le reptile, employée comme domestique par les habitants de l'île.



C'est un roman foisonnant, énigmatique, étrange et malsain aussi. le lecteur est sans cesse bousculé, sans cesse délogé de ses certitudes. Il est brinquebalé en eaux troubles (celles de l'inconscient, je pense mais je ne suis pas férue de « psy-choses »), probablement aussi mal à l'aise devant cet amour entre un homme et une iguane, un animal pour le moins peu ragoûtant, et devant l'apathie, que je qualifierai de coupable, et la faiblesse du comte face aux conditions de vie de la petite.



La fin est totalement chaotique, et ce roman reste inclassable. Cette chronique est donc une entreprise vouée à l'échec, que je tente néanmoins … en limitant mon point de vue à deux angles de vue.



D'abord, ce roman est un conte philosophique, un long questionnement « sur l'inexistence d'une véritable ligne de démarcation entre réel et irréel. Chaque chose, fût-elle à peine pensée, est aussitôt réelle», sur notre liberté « Qu'est-ce à dire ? Une liberté peut-elle venir de l'extérieur ? Peut-elle n'être pas le fruit d'une violence exercée sur notre désir de vie confortable et sûre ? Peut-elle se concilier avec l'idéal d'une vie allégée de responsabilités, quand ces responsabilités furent par nous-mêmes librement assumées ? », sur ce qui fait notre humanité comme cette « Iguanette, élevée de sa condition animale précisément par ce qu'en elle voit, ou croit voir, le marquis, n'est plus une Iguanette, un triste petit corps vert, mais une aimable et ravissante fillette de l'homme.».



C'est aussi une satire sociale. Ortese critique les riches Lombards qui « tenaient pour certain qu'un monde opprimé a quelque chose à dire, alors que, si l'oppression est ancienne et avérée, l'opprimé n'existe même pas, ou n'a plus conscience de l'être : seul existe bien que sans une conscience authentique, l'oppresseur, qui, parfois, par afféterie, simule les manières qui seraient légitimement celle de la victime, si elle avait encore une existence. ». Ces riches Lombards « qui des livres ne comprenaient rien ou presque, comme le voulait le siècle », et pour qui les « rencontres avec les indigènes et la ténébreuse noblesse de telle ou telle île, sont parmi les émotions les plus recherchées ; et s'il te vient à l'esprit que la recherche de l'émotion convient mal aux vastes possibilités de l'argent, réfléchis à l'étroite correspondance entre puissance économique et affaiblissement des sens, raison pour quoi, parvenu au sommet du pouvoir d'achat, on est pris de je ne sais quelle torpeur, quelle incapacité générale à discerner, à apprécier ; et celui qui, désormais, pourrait se repaître de tout n'a de goût que pour peu de chose, ou rien. »



Dans cette iguane, j'ai retrouvé aussi l'atmosphère des cinéastes italiens comme Fellini, Ferreri, … avec leurs films complétement baroques et déjantés.



Probablement un roman qui mériterait une deuxième lecture. D'abord pour le style suranné qui fait la part belle aux subordonnées enchâssées et aux subjonctifs passés (des temps beaucoup plus courants en italien qu'en français), pour la finesse du vocabulaire et pour la poésie de la prose. Ensuite, bien sûr, pour la richesse du propos, car j'ai cette impression d'en avoir perçu qu'une infime partie.



L'iguane, bien plus donc que tout ce que j'en dis ici. Et fort probablement tout autre chose.



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L'iguane

Anna Maria Ortese (1914-1998) est une romancière, essayiste, journaliste, nouvelliste et poétesse italienne. Elle mena dès l’enfance une vie vagabonde, d’abord en compagnie de sa famille, puis, adulte, en raison de grandes difficultés économiques. Son travail d’écrivaine évolua d’un réalisme magique dans ses premières nouvelles, vers l’invention fantastique de type surréaliste et l’observation documentaire néo-réaliste dans ses romans de l’après-guerre, jusqu’à la thématique morale et philosophique de ses dernières œuvres. Dans la dernière partie de sa vie elle dénonça dans ses écrits et dans des interventions publiques, les crimes de l’Homme « contre la Terre », sa « culture d’arrogance » et son attitude de tortionnaire vis-à-vis des « Peuples faibles » de la Terre, en particulier les animaux. L’Iguane, roman de 1965, vient d’être réédité.

Le comte Aleardo Daddo de l’aristocratie milanaise part en expédition à la recherche d’un lieu idéal pour y faire construire des résidences de luxe pour ses compatriotes fortunés. Parti de Gênes son navire fait halte sur l’île d’Ocana, un minuscule caillou au large du Portugal. Une île mêlée à de sombres légendes mais en conséquence pense-t-il « le prix en était probablement bas. » A peine débarqué, les surprises ne vont pas manquer quand après avoir été accueilli par trois frères d’une noblesse désargentée, dont le marquis don Ilario, il fera connaissance avec leur jeune servante, Estrellita, une Iguane, « habillée en femme, avec un jupon foncé, un corset blanc visiblement déchiré et suranné (…), sur la tête, pour cacher l’ingénu museau blanc-vert, cette servante portait un fichu. » La suite verra naître l’amour entre Daddo et l’Iguane, l’arrivée des Hopins venue d'Amérique pour un mariage et un projet d’investissement ainsi que d’un archevêque sud-américain…

J’aime autant vous dire immédiatement que ce roman n’est pas pour tout le monde ! Anna Maria Ortese manie une langue maniérée avec virtuosité pour nous servir une sorte de conte auquel j’avoue ne pas avoir compris grand-chose. Peut-être doit-on y voir traité le pouvoir de l’argent, à moins que ce ne soit les amours improbables ? Outre l’écriture déjà complexe à déchiffrée, on baigne dans l’onirisme, la poésie hermétique et toutes ces choses aptes à faire perdre pied aux plus expérimentés lecteurs. Un roman pour les lecteurs raffinés et d’un haut niveau.

Je résume, je me suis copieusement ennuyé (pour être poli) !

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L'iguane

La réalité n’est pas la mascarade qui nous étreint chaque jour davantage, ni les lois qui nous gouvernent mais le petit espace de pensée libre, de rêve et d’imagination que nous creusons en nous pour respirer profondément et tranquillement.

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L'iguane

L'achat et le Mal, l'oppression et les fantasmes douteux dont elle se nourrit, la fantaisie comme expression d'une mélancolie souveraine. Dans son style ondoyant, miroitant comme la mer, Anna Maria Ortese écrit un roman où la métaphysique se fait aventure, la connaissance de soi agonie, la littérature un mensonge magnifique, sombre comme un envoûtement. L'iguane ou l'imaginaire, failles et ténèbres, au pouvoir.
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L'Infante ensevelie

La réalité n’est pas la mascarade qui nous étreint chaque jour davantage, ni les lois qui nous gouvernent mais le petit espace de pensée libre, de rêve et d’imagination que nous creusons en nous pour respirer profondément et tranquillement.

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La douleur du chardonneret

Le royaume de l'enfance, ses douleurs secrètes, ses mensonges et dissimulations et surtout les sur-interprétations surajoutées à ses silences par les adultes  La douleur du chardonneret dessine un éloge de la pureté et offre une défense mélancolique de toutes les souffrances et des interprétations faussées auxquelles elles donnent lieu. Dans une prose rêveuse et rieuse, Anna Maria Ortese réanime la Naples souterraine du XVIII siècles, déchiré entre le progrès et l'irrationnelle, dans un roman qui oscille entre magie et perversion des manipulations.
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La douleur du chardonneret

perplexité, surprise, étrangeté, para normalité... quelques impressions s à la fin de la lecture du roman d'Anna Maria Ortese La douleur du chardonneret.

Roman n'est pas le terme approprié plutôt conte voilà un conte napolitain de surcroît ..

A la fin du siècle des lumières un prince, un sculpteur et un riche négociant quittent Liège le sourire aux lèvres. Jeunes, beaux et riches (le sculpteur est le protégé du prince), ils partent en direction de Naples .L'y attendent Don Mariano Civile gantier reconnu de par le monde, ses filles toutes plus belles les unes que les autres entre autre Elmina l'aînée et Naples la belle, la miséreuse, la mystérieuse.

Commencent alors pour nos trois amis une période heureuse mais des phénomènes étranges surviennent, le mystère s'épaissit, les non-dits s'accumulent,et quelle est cette présence incontournable Le Cardillo , le chardonneret , est-ce un oiseau comme son chant de joie et de douleurs pourrait le laisser supposer , est-ce un individu de la pire espèce , est-ce un lutin ?Nos amis le découvriront au fil du temps au risque de leur vie pour certains...

Anna Maria Ortese (1914/1998) est une figure importante de la littérature italienne du XXème siècle.;"’l' œuvre d’Anna Maria Ortese oscillera entre un néoréalisme nourri par les enquêtes et reportages qu’elle effectuera pour divers journaux, et un fantastique où se mêleront figures allégoriques, épiphanies de bonté dans un monde régi par le mal, enfances mises à mort, innocences prostituées."(présentation de l'auteur éditions Verdier )

une lecture surprenante, un univers comparable à aucun autre, une lecture à "digérer" , mais une lecture marquante !!!





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La douleur du chardonneret

Sur la fin du siècle dix-huitième, dit des lumières, trois jeunes messieurs, le prince Neville, le sculpteur Dupré et le riche commerçant Nodier, tous trois de Liège (...) résolurent de faire un voyage à Naples.



Ainsi commence La douleur du chardonneret avec ses trois héros masculins qui vont faire la connaissance de la belle et mystérieuse Ermina, qui va les séduire tous les trois tour à tour.

Car un mystère tourne autour de la belle. Son père est-il bien Don Mario Civile, tenu pour le roi des gantiers ? Et sa mère la belle Brigitte Helm ? Et que dire de cette légende selon laquelle Elimina, dans son enfance, aurait étouffé l’oiseau préféré de sa sœur, dans sa cage, le Cardillo tant aimé, ce Chardonneret qui reviendra ponctuer tout le récit ?



Il plane autour d’elle une série de mystères incompréhensibles



Son père est-il bien Don Mario Civile, tenu pour le roi des gantiers ? Et sa mère la belle Brigitte Helm ? Et que dire de cette légende selon laquelle Elimina, dans son enfance, aurait étouffé l’oiseau préféré de sa sœur, dans sa cage, le Cardillo tant aimé, ce Chardonneret qui reviendra ponctuer tout le récit ?

Elle recevra au cours du récit pas moins de trois demandes de mariage.

Et le mariage justement est une des thématiques favorites de Anna Maria Ortese. Est-ce pour donner un statut aux enfants orphelins dont elle a la charge que Ermina accepte par dépit l’un puis l’autre des prétendants ?

Ou bien tous ces atermoiements autour de la belle ne prennent-ils pas la source dans des questions d’argent ? L’argent tient en effet un rôle particulier dans ce livre : objet de tractation, il est au cœur des problématiques du mariage ou de la volonté d’indépendance que manifestent ceux qui ont un tempérament artistique.



Le lecteur est embarqué dans un labyrinthe qui suit les méandres des états d’âme d’un Prince aussi désemparé que nous le sommes devant une vérité qui s’échappe sans cesse.

Comme lui nous sommes souvent perplexes devant cet imaginaire débordant.



Il y a encore en effet plein de personnages étranges dans ce livre : un Duc qui lit l’avenir dans une loupe magique, un lutin vieux de 300 ans réincarné en enfant terrible, une jeune fille, La Paumella, qui s’envole parce qu’elle contrariée, mais aussi des noms apparaissent sur une tombe puis disparaissent subitement …laissant apparaître de lourds secrets de famille qui ne seront révélés qu’à la fin.

Mais le plus étrange reste cet oiseau magique, ce chardonneret, ce Cardillo, dont on se demande même s’il existe.



Ce livre étrange, sur lequel plane un parfum de nostalgie, traite aussi de l’enfance.

« Nombre de narrateurs, dit encore Anna Maria Ortese dans ce livre, ont l’habitude, au demeurant superficielle, quand ils veulent retenir l’attention de lecteurs peu exigeants sur des histoires où des adultes sont en cause, de relater des scènes, des dialogues ou d’éventuelles pensées, en introduisant dans lesdites scènes, sous la forme d’élément sans grande importance, voire purement fortuit, le personnage d’un enfant. [..] A notre avis, la plupart des enfants ne sont ni sains, ni heureux, ni protégés pas des sentiments élémentaires. Et ils n’interfèrent pas peu dans les mystères de ce monde comme dans les passions des principaux protagonistes de ces mystères. »



On ne sait trop, en refermant le livre, ce qu’il faut retenir de plausible dans cette histoire, mais on retient par-dessus tout le chant douloureux, parfois moqueur parfois tendre, d’un chardonneret apparemment victime d’une fillette cruelle ou innocente.



Ce roman inventif, avec un imaginaire hors du commun, révèle donc une écriture qu’on pourrait croire surgie d’un autre siècle.



On retrouvera ici la plupart des thèmes qui sont chers à Anna Maria Ortese - trop injustement méconnue, alors qu’un vrai « cas littéraire » pour reprendre la formule de René de Ceccatty - : la présence du mystère, du temps (marqué par une profonde nostalgie pour les temps anciens), l’enfance oubliée, mais aussi la pitié pour les êtres à part, ceux qui sont privés de l’accès à la parole et broyés par un système de plus en plus féroce.



En cela, La douleur du chardonneret est un livre plus que jamais d’actualité.
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La douleur du chardonneret

Ils sont beaux , ils sont jeunes , deux ont de l’argent , un du talent .Au Siècle des Lumières ,trois amis , un prince diplomate, ,un riche commerçant et un sculpteur s’en viennent à Naples en quête d’aventure et attirés par la réputation de beauté d’Elmina , fille d’un gantier fameux . Entre ces quatre personnages va se dérouler une pavane amoureuse et fatale sur un grand nombre d’années . Mais c’est surtout Naples et ses mystères , ses masques , ses mensonges et ses enchantements qui occupe le devant de la scène. Un roman étrange , un style très original entre réalisme et fantastique . J’ai été envouté aussi par la beauté de la langue (je l’ai lu en VO) .
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La douleur du chardonneret

Très belle écriture
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La mer ne baigne pas Naples

Curieux recueil, en apparence disparate, mais au fond d'une grande cohérence. Deux nouvelles touchantes et deux chroniques, dont la première, La ville involontaire, est tout simplement bouleversante. Ce sont les textes de 1954. Ils sont encadrés par une préface et un texte final de 1994. on y apprend que l'auteure, accusée d'avoir mal parlé de sa ville, a été en quelque sorte poussée à l'exil.

Pour tenter de comprendre, il faut replacer les récits dans le contexte chaotique de l'Italie des années 1940. Après la chute du fascisme en 1943, l'Italie a perdu tous ses repères: est-elle désormais alliée contre l'Allemagne? est-ce un pays occupé? Une fois la guerre terminée, le communisme monte en puissance, comme un peu partout en Europe. À Naples, un groupe d'intellectuels et de militants, qui s'intitule "Le Sud", pense que désormais tout est possible. Mais il aura fallu peu d'années pour que les espoirs soient déçus. Anna Maria Ortese attribue cette évolution à la nature qui sort victorieuse de la raison, à une sorte de mystique désolée qui est celle du Sud. Et elle décrit les injustices persistantes, l'extrême dénuement, et la désillusion mortelle des militants. C'est une écriture précise et dure, qui oscille entre le réalisme et la magie, et laisse sa part au mystère.
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La mer ne baigne pas Naples

Les nombreuses dietes essayees n'ont servi a rien. Ma pal reste dodue (vous remarquerez que je reste politiquement correct). Pourtant je pousse le vice jusqu'a me glisser dans les recommandations que m'envoie l'ordinateur de Babelio. J'y retrouve cet Ortese, qui pique ma curiosite. J'avais ecrit un billet, qui avait fini noye, emporte par les vagues, par le temps, par l'oubli. Est-ce que j'avais interesse d'autres lecteurs? Attire d'autres critiques? Sans grande surprise, et a mon grand dam, je vois que non. Il est donc temps que je reposte quelque chose. Ma B.A. du moment.





C'est un livre que devraient lire tous les amateurs de la Naples de Ferrante, tous les ferus (comme moi) de la Naples de De Luca. Et avant de le lire abandonner tout espoir en une quelconque poetisation de cette mythique ville, des quartiers populaires ou des quartiers plus chics. Parce que dans une prose imposante dans son acrete Ortese decrit une Naples accablee et accablante. Vivante mais mortifere. Elle s'en est excusee beaucoup plus tard, invoquant un etat de nevrose, mais pour le lecteur d'aujourd'hui comme pour celui des annees 50-60 du siecle dernier, le resultat, l'atmosphere qui se degage, est decidement obscure: la mer ne baigne pas Naples. Et le soleil ne l'illumine pas non plus mais la rend noire.





Ce n'est pas un roman mais une sorte de puzzle. Des nouvelles. Des reportages journalistiques, peut-etre romances. Et un long rapport de la vie litteraire, ou plutot de l'etat des litterateurs de la ville.



3 nouvelles qui decrivent la misere de ceux qui habitent des “bassos”, ces rez-de chaussee qui ne recoivent de la lumiere que par la porte, ceux qui peuvent difficilement payer des lunettes a une petite “aveugle” (“pour ce qu'il y a a voir!”), ceux qui frequentent assidument les monts-de-piete, ceux qui – meme quand ils gagnent assez d'argent – doivent subvenir aux besoins de familles elargies.



Puis nous entrons dans “La cite involontaire”. La commence le delire. L'immeuble Granilli: une des choses a voir a Naples, apres les ruines, la Solfatara et le cratere. Des ruines humaines. 3 etages, 348 “appartements”. En moyenne 3 familles par appartement, 3000 personnes. “Seule une societe profondement malade pourrait tolerer, comme Naples tolere, la putrefaction d'un de ses membres”. 95% des gosses sont rachitiques, tuberculeux, syphilitiques comme leurs parents, dont ils imitent comme jeu les gestes de copulation: il n'y a pas d'autres jeux ici, hormis les lancers de pierres. Ortese crie la douleur, le desespoir qui s'en degage. Si dans les premieres nouvelles il y avait un propos d'individualiser la vie napolitaine, ici le sujet est la multitude, “cette grande multitude de spectres, melant la decadence humaine a l'immutable decence des choses, obtenait ce sourire equivoque, ce sentiment d'une mort en cours, surgi de la pourriture”. Il n'y a de raison qu'en le sexe et de conscience qu'en la faim. Et meme hors des Granilli, “sous le soleil les rues se teignent de noir, le soir les ruelles sont grises, pleines d'immondices de toutes sortes, parmi lesquels jouent des enfants aux gestes obscenes”. “Tout le monde crie, avec une voix douce, cassee, chanteuse, mais plus proche de la plainte que de la si louee allegresse napolitaine”. Partout “on marche sans objet, on parle sans raison, on se tait sans motif”.

Respirons. du moins, essayons de respirer pour continuer la lecture.



Ortese se surpasse quand elle essaye de faire un reportage sur les jeunes litterateurs napolitains, ses anciens amis du groupe “Sud”. La majorite a succombe a la ville. Prunas, qui editait la revue du groupe, Compagnone, Grassi, Gaedkens, Prisco, Incoronato, sont finis; ils sont immobiles, ce sont des spectres de qui ni la litterature, ni la ville, ni la vie ne peuvent rien attendre. Il y en a qui ont eu un leger succes, comme Rea, La Capria, Pratolini, mais Rea mis a part c'est parce qu'ils ont quitte la ville pour de meilleurs cieux, Milan, Rome. Naples fait fondre tout talent, toute ambition. Ou, dans les mots de Gaedkens: “Par chance, rien ne peut nous offenser. C'est le seul avantage de Naples”.





Ortese avait quitte Naples avant d'ecrire ce livre. Avec lui elle a signe sa bannition definitive. Ses tardives excuses ne peuvent effacer ses ressentis quand elle parcourait les “rues defuntes”, les “paysages immobiles” de Naples de l'apres-guerre, cette “coulee de lave faite de pus et de dollars”. La mer ne baignait pas Naples et “tout, ici, sentait la mort, tout etait profondement corrompu et mort, et la peur, seule la peur, errait entre la foule de Posilippo a Chiaia”.



Ortese nous sert une Naples noire de noir, desesperante, un antidote aux descriptions mythiques, poetisees. Voir Naples et mourir? Oui, peut-etre. Mais pour d'autres raisons que celles transmises par les cartes postales.

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Le chapeau à plumes

Paru en Italie en 1979, "Il cappello piumato" est une histoire écrite sur le texte, effacé, d'une première histoire dont les traces transparaissent toutefois entre les lignes de la nouvelle;

Dans le premier chapitre la narratrice raconte comment elle a retrouvé un ancien ouvrage qui contenait, dans le passé, un petit livre.

Ce petit livre s'intitulait "Pauvres et simples" publié en 1967.

La réapparition de ce texte, par une nuit de tempête, à Milan, le fait sortir de son oubli , le remet en circulation.

"Le chapeau à plumes" n'est pas autre chose que l'ancien récit, jamais totalement épuisé, reécrit ou revécu à des années d'intervalle.

(Le résumé en est donné dans la présentation ci-dessus.)



Le livre vit une discordance entre les années cinquante où se déroulent les événements avec Bettina, Gilliat et leurs amis, le moment où est écrit l'avant-texte en décembre 1960 et le temps de la rédaction du roman que nous avons entre les mains.

Bettina doit certainement beaucoup à Anna-Maria Ortese. Comme elle, elle a effectué un voyage découverte en Russie.

Elle vit , parmi les grandes espérances du renouveau, le traumatisme du XXè congrès et l'invasion de la Hongrie, une double illusion-désillusion, aussi bien côté sentimental que côté politique.

Elle connaît la faiblesse des hommes, la trahison des idéologies. le "mariage de papier" avec le ténébreux Gilliat.
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Le murmure de Paris

«Le murmure de Paris» est composé de récits de voyage effectués en train par Anna Maria Ortese, récits qui relatent ses impressions et ses rencontres dans le train et dans cinq villes : Paris, Londres, Palerme, Gênes. A les parcourir on va d’enchantements en enchantements.

Car Anna Maria Ortese c’est avant tout un regard qui a su garder une candeur enfantine, étonnée et bouleversée par la beauté fugace, toujours renouvelée du monde qu’elle décrit comme dans un rêve coloré.



Paris :

p 31« L’eau et l’air s’en allaient par-dessous ses trente ponts, et des barques coloriées, et des péniches peintes avec des pavillons, et la foule, et des lumières. Et tout autour, quand l’oeil réussissait à embrasser les deux rives à la fois, il y avait des arbres transparents sous la nouvelle lune, une lune verte, et Paris s’élevait (ou avait l’air de s’élever ?), oui, petit à petit il s’élevait, quittait la terre, se perdait dans le ciel.»



Arrivée à Palerme

p 84 «La ville qui, le matin, depuis la mer, m’était apparue modeste, quelconque, sans même élever un cri, une voix, s’étaient merveilleusement animée. De forts beaux jeunes gens et des femmes allaient et venaient, continuellement, sur les trottoirs, en conversant sur un ton vague et bas, avec une langueur de cygnes. Et les cloches ! Et ce parfum aigu de vanille, d’amande, de mandarine ! La ville ressemblait à une tarte lisse, blanche, verte et jaune de durs fruits confits. Oui, elle est peut-être trop sucrée.»



Elle est aussi attentive aux êtres qu’elle croise qu’ils partagent un compartiment de train ou qu’elles les côtoient dans la rue, dans un café, chez des amis. Elle sait deviner leur souffrance et elle les entourent, les caressent en employant des mots bouleversants de douceur et de délicatesse et empreints de bonté ; oui, de bonté un mot qui n’est plus beaucoup utilisé par les temps qui courent.

Ainsi de Roger qu‘elle entrevoit dans la cuisine chez son ancien professeur de piano, Roger un coeur simple qui, à trente ans, reste un enfant.

«Roger n’avait pas beaucoup grandi, il était resté un petit garçon ; un enfant du Paradis, tout simplement.

Sa petite silhouette (celle d’un garçon de douze ans) s’achevait par une tête presque rouge, fine, avec deux yeux plein de joie et de silence, pleins d’un rire humble et d’une antique stupeur. Des yeux gais, sans histoire, et avec toutes les histoires possibles ; sans espoir, et cependant brillants de paix, d’amour. Comment cela pouvait se faire, je ne le comprenais pas.»p 44



Je laisse la parole à Claude Schmitt qui préface ce livre pour qu’il achève de vous convaincre de lire Anna Maria Ortese, une grande dame solitaire et humble.

«Nuages. Des diverses hallucinations dont les récits d’Anna Maria Ortese sont le recueil infiniment troublant, la mutabilité du ciel est le plus souvent cause. Le livre est comme parcouru de nuées qui métamorphosent sans cesse les lieux, les objets, les êtres, l’âme du narrateur, son regard sur les choses, sa confiance dans l’être humain, sa peur. Rien de confortable, rien d’assuré pour cet éternel voyageur sur la terre.



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Le murmure de Paris

Par hasard j'ai fait la connaissance de cet auteur en lisant le livre "Une traversée de Paris" de Eric Hazan....

Je me suis laissée fasciner par le thème de la Ville Lumière, leitmotiv des mes études à l'Université ....

C'est pour cette raison que je lirai son livre "Le murmure de Paris" ....



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