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Citations de Anne B. Ragde (457)


Le grand-père était assis devant une tasse sans soucoupe, des miettes sur la table et sur les genoux – elle lui avait donné une part de gâteau fourré aux amandes. Il portait son dentier, en haut comme en bas, la télé était éteinte, elle jeta un rapide coup d'œil aux plantes vertes sur le rebord de la fenêtre, celles qu'Erlend avait achetées, et fut intimement persuadée qu'elles seraient crevées d'ici quinze jours. Ou bien complètement desséchées, ou bien trop arrosées. Elle était également persuadée qu'il ne se raserait pas avant longtemps. Ni ne changerait de caleçon. Comment vont-ils se débrouiller ? se demanda-t-elle. Et moi qui m'en vais. Mais elle pensa aussitôt qu'Erlend aussi s'en allait, et il était quand même plus proche d'eux, pour autant qu'on puisse établir une telle hiérarchie. Erlend était le frère cadet, elle était la fille : qui des deux devait avoir davantage mauvaise conscience ? Mais Margido habitait de l'autre côté de la colline, à lui maintenant de venir en aide à sa famille à Neshov ! Il y serait obligé, en tant que frère. La question était de savoir comment il pourrait s'y prendre et si Tor le laisserait faire, alors qu'il s'était tenu à l'écart de la ferme pendant sept ans.
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En tout cas, pour ce qui était de l’approvisionnement en alcool, j’étais rassurée. L’État norvégien n’allait quand même pas supprimer juste avant mon départ les lois sur les produits hors taxes en vigueur au Spitzberg depuis toujours. Cette pensée me mettait du baume au cœur, et le prix exorbitant du voyage m’a paru, du coup, moins dur à digérer. Je pourrais picoler à mon aise, sans risquer d’avaler de travers en pensant à tout l’argent dépensé. J’ai toujours été très douée pour dissimuler mon taux d’alcoolémie. J’allais donc pouvoir me soûler de manière quasi permanente sans perdre de vue la vraie raison de mon voyage, car j’étais bien décidée à mener mon plan à terme, avec précision et sans aucun laisser-aller. Mon caractère joyeux et insouciant tromperait tout le monde, j’en avais déjà fait maintes fois l’expérience. Une bonne rasade d’alcool hors taxes me procure toujours le bagou nécessaire pour être tout à fait moi-même. Après quelques verres, j’arrive sans problème à convaincre mon entourage que mon attitude dans la vie est foncièrement positive et optimiste.
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Elle a débarqué dans un endroit si boueux que ses chaussures de ville ne lui sont plus d’aucune utilité et qu’elle a dû enfiler une paire de gros sabots, un endroit où elle ne peut plus porter ses vêtements noirs d’avant. C’est pourquoi il lui a acheté une combinaison de travail rouge à manches longues, un modèle bon marché. Elle n’est jamais venue dans un endroit comme celui-ci, n’a jamais connu un homme comme lui, n’aurait jamais cru qu’elle serait capable de coucher avec quelqu’un aux mains si crasseuses et au jean si crotté, un homme taciturne qui n’ouvre la bouche que pour parler de ses chiens.
Elle déplace le dernier sac de croquettes et le range à côté des autres. Voilà. Maintenant, le passage est dégagé.
- C’est pas à toi de traîner ces gros sacs, lui dit-il dans son dos.
Elle ferme les yeux.
Prends-moi par derrière, là, tout de suite, enlève ce que j’ai sur le dos et […]
- Mais j’y arrive très bien, proteste-t-elle en se redressant.
Il croise son regard.
- Ce genre de corvée, c’est moi qui m’en charge. Qu’est-ce-que t’as ? Tu chiales ?
- Non, pourquoi ça ?
- T’as les yeux qui brillent.
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ça rapporte les morts.
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"Elle posa la paume de sa main sur l'herbe sèche et chaude, couchée sur le côté en petits paillassons touffus, après avoir été tassée sous la neige. Elle avait l'impression de toucher de la peau, de la peau de porc. C'était dans ses paumes qu'elle gardait les porcs constamment avec elle, le matin elle se réveillait avec eux dans les mains. Les oreilles minces et brûlantes, le ventre de velours des porcelets, les soies raides des truies, les groins humides et vivants,plats comme des assiettes en porcelaine, les pieds minuscules des nouveau_nés piétinés par les cochettes, sanglants et tremblants, petits bouts de bois recouverts d'une mince peau chamoisée, la fermeté et la tonicité de l'arrière-train des truies, quand elle les repoussait pour nettoyer leur loge.
Sa responsabilité vis-à-vis ds porcs l'envahissait entièrement, de la tête aux pieds, elle n'était sûrement pas une vraie paysanne si elle s'apitoyait sur le sort d'un porcelet qui ne s'ébattrait jamais dans une cour de ferme. Et qui était condamné à mourir. A vivre avec elle et pour elle, et puis mourir
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Tant d’hommes ont été estampillés courageux, uniquement parce que leur intelligence était rudimentaire.
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Or la neige de Noël, il ne s’en passerait jamais. C’était l’ingrédient optimal, qui pouvait tout recouvrir et cacher à la vue, et rendre même le manque d’ambiance de Noël sans importance. C’était en soi quelque chose de symbolique et de vrai, bien que ce ne soit rien d’autre que de l’eau gelée, comme disait Krumme. Gelée en forme d’étoiles, rectifiait toujours Erlend. Ce n’était pas par hasard que l’eau se transformait en étoiles de glace symétriques, c’était la nature qui voulait réjouir les hommes. Et l’eau elle-même voulait être plus belle qu’une simple boule et prenait une forme de goutte.
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Tous les hommes débarquent chez le bijoutier au dernier moment pour acheter un cadeau à leurs femmes. Des hommes qui ont mauvaise conscience avec toutes leurs heures supplémentaires et leurs innombrables passades de l'année, qui brandissent leur carte bancaire et la passent dans le lecteur pour des sommes astronomiques, au point que peu s'en faut qu'elle ne se recroqueville sous la chaleur de la friction. Et pas seulement à leurs femmes, mais aussi à leurs maîtresses, surtout à leurs maîtresses ! D'ailleurs ça continue encore après Noël, c'est ce qu'il y a de bien. En tout cas, jusqu'au début de janvier, peut-être.
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Ne pleure pas sur ma tombe. Je ne suis pas là, je ne dors pas. Je suis les mille vents qui soufflent, je suis la lumière du soleil sur les collines boisées. Je suis la douce caresse de la neige, je suis la pluie fraîche de l'automne.
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La dessinatrice en moi est fascinée par les marques du temps sur les visages. Certains se transforment complètement et deviennent méconnaissables. D'autres gardent les mêmes traits, même si la peau se fripe de partout. Il suffit alors de plisser les yeux pour les retrouver, juste comme floutés par un voile.
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Les experts se chamaillent sur la psychologie de la haine de l'étranger. Ils feraient mieux de passer une journée dans le hall d'un aéroport, et le phénomène leur apparaîtrait clair comme de l'eau de roche.
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Au-dessus des arbres s'étend un ciel d'un bleu éclatant, un ciel provisoirement vidé de ce qu'il avait dans le ventre et qui laisse le soleil se montrer dans toute sa splendeur.
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Il a posé les mains sur ses seins, des mains de travailleur à la peau si rugueuse qu'elles semblent froides. Il les serre et les malaxe, sa respiration s'accélère, il se met à lui lécher la nuque, à sucer un lobe d'oreille.
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Quand il redescendit l'allée au volant de sa voiture, il eut l'impression que quelqu'un était à la fenêtre et le regardait partir. Il ralentit et se retourna, scruta les carreaux vides, puis il appuya doucement sur l'accélérateur et s'engagea sur la grand-route en direction de Spongdal.
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Ces trois soutiens-gorge étaient le Bon, le Mauvais, et le m et propre à tout moment. Il n'y avait bien sûr aucun sèche-linge dans le petit appartement de Stovner alloué par la municipalité, elle ne possédait même pas de machine à laver, alors Eline ou moi emportions le Bon à la maison et le faisions bouillir dans une casserole. Si nous ne disposions pas de la nuit pour le faire sécher, il fallait utiliser le sèche-cheveux avant de revenir la voir. Nous savions qu'elle attendait, impatiente, en portant le Mauvais ou le Moche. Si nous l'avions seulement lavé à la main, elle le sentait immédiatement à l'odeur. Il fallait qu'il bouille.
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- Donc ce n'est qu'après la mort de ton grand-père que tu t'es mis à songer à partir.
- Oui. Moi, je croyais que j'allais toujours rester là. Avec lui. Ce que j'étais bête, hein ? Mais lui, il était comme ça. Tellement vivant, tellement présent, qu'il donnait l'impression... d'être immortel. Je vais faire une de ces déprimes quand je serai rentré. Avec Krumme, je ne parle pas de la Norvège. Je suis en quelque sorte... devenu moi-même au Danemark.
- Pas complètement. Ca aussi, ça compte.
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La lumière surnaturelle, d'un jaune gris, qui sortait du brouillard, le silence impressionnant, les oiseaux qui dormaient sur la surface paisible de l'eau... je n'avais jamais vu quelque chose de semblable, jamais vu une telle lumière qui écrasait les ombres. Puis au loin, là-bas, j'ai aperçu la terre ferme. Une plage noire et une montagne dont le sommet disparaissait dans les nuages. 
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Ce soir, elle s'autoriserait à être aux abonnés absents. oublier sa responsabilité, enfiler un peignoir et de grosses chaussettes, manger et boire du vin, trouver un navet à la télé, se coucher de bonne heure et avoir hâte d'être au lendemain soir.
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Je me sens toujours un peu mal à l'aise avec les Japonais et leurs sourires automatiques qui semblent venir de je ne sais où, sans raison apparente. Comment font-ils quand ils sont vraiment heureux?
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Quand ils étaient ainsi ensemble, tous les trois, l'air était empli de choses qu'elle ne comprenait pas, de mots non prononcés qui se transformaient en regards, en mouvements du visage dont ils croyaient qu'elle ne les voyait pas.
Ou alors ils se mettaient à parler en anglais et leurs voix en colère exprimaient la peur, surtout celle de sa mère, qui semblait à tout moment sur le point d'éclater en sanglots. Si le père n'avait pas été la veille au soir, ils parlaient anglais au petit-déjeuner, en chuchotant, tandis que Lotte regardait fixement la radio Kurér. Son père pouvait tout à coup quitter la table, sans presque toucher sa tasse de café. Lotte s'imaginait alors jeter quelque chose à la tête de sa mère- un verre de lait ou une assiette -, la blesser et lui ouvrir le front.
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