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Citations de Anne-Marie Garat (317)


… il se trouve que j’atteins juste l’âge, au milieu de mon siècle, d’ouvrir enfin les yeux : d’accéder à deux monstres de l’Histoire qui n’en sont qu’un, le racisme esclavagiste et le racisme antisémite dont Bordeaux a été assez excellemment le théâtre, comment l’ignorer, comment l’imputer à un accident de son histoire ? Port de la traite et de la chasse au Juif, où domine la mentalité coloniale, plaque tournante commerciale d’une Europe qui assoit sa domination sur la dégradation de l’autre en déchet, imaginaire dont le socle, comme le formule en 1950 Aimé Césaire, a une structure apocalyptique. Le colonialisme a décivilisé le colonisateur, au final l’a littéralement colonisé, l’a « abruti » au sens d’un devenir brute, régressant à un état antérieur à toute civilisation et versant, par haine démente de la vie, à une néantisation de tout principe d’humanité : « L’Europe est comptable devant la communauté humaine du plus haut tas de cadavres de l’histoire » et la démesure du massacre initié par l’esclavage trouve sa fin – sa finalité – dans l’autodestruction de l’Occident par lui-même avec les « Einsatzgruppen » et le camp d’extermination nazis. Barbarie qui ne lui est pas du tout étrangère, qu’il a au contraire cultivée, légitimée et absoute avant de la subir : « Hitler est son châtiment, dit encore Césaire, et l’Europe a tiré sur elle-même le drap de mortelles ténèbres. » (pp.219-221)
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De manière constante tout disparaît ici, s’annule et s’engloutit d’eau ou de sable, je crois vous l’avoir expliqué hier. Combien de sauvetés, de commanderies et de prieurés, seigneuries et tenures absentés du paysage ! Des siècles, des millénaires que celui-ci se remanie, se rature et se recompose : on ne sait plus ce qui a ou non véritablement existé, où sont les restes fantômes, les fossiles ou les vestiges en ce milieu amphibie qui les abîme sans laisser de traces. Tant de bétail, tant d’hommes et de charrois disparus dans les sables mouvants.
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Bien que prévenue, je me laissai surprendre cette fois encore en voyant derrière mon pare-brise son insolite allure de cottage, découpant en ombre chinoise sa silhouette anachronique contre la clarté mourante du soir, avec sa façade de brique et de bois délavés, ornée de bow-windows à l’étage, son toit de tuiles bordé de lambrequins ajourés, rongés par le sel et le vent – la vision surgit du crâne cabossé d’un énorme fossile aux orbites creuses émergeant du sable, ce genre d’image horrifique qui fait rire au cinéma – cela me fit donc rire : c’est vraiment de cette ruine dont tu es la proprio, bravo ma fille !
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...parfois, quand on se laisse aller au plaisir brillant des mots, ce pouvoir charmeur et empoisonné du délivrement des fables qui réduit l'auditoire à sa magie, alors inspiré par l'ivresse de de dire, nous oublions la prudence et nous découvrons à ceux qui nous écoutent des vérités qque nous ignorions, ce sont eux qui nous induisent, vils suborneurs, à l'aveu de ces choses secrètes que le récit défigure, c'est pourquoi l'auditoire nombreux et commun et si redoutable, il multiplie la tentation et aggrave le risque de livrer en pure perte ce qu'on ne s'est pas encore dis à soi même, dont la version qui monte à nos lèvres, nous révèle trop tard qu'il fallait la taire.
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... je me sentais dériver, envahie de la même nostalgie qu'on a en finissant de lire un livre, quand au nombre limité de pages s'annonce qu'il faudra bientôt le fermer, être quitté par le monde qu'il charrie, duquel nous sommes encore captifs mais déjà prévenus qu'il faudra bientôt renoncer aux êtres et aux lieux, à leur existence fictive, c'est un deuil que de lire, me disais-je, le deuil de ce que nous fûmes en imaginaire ;
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La Terre n’appartient qu’à elle-même.
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Cette petite cabane d’Herman vaut dorénavant à mes yeux le cher chalet de Heidi. N’y manquent que les chèvres de Peter. Et tous les animaux de ma fermette en bois peint. Or les vaches, le cochon, les poules, le dindon ne survivraient pas dans la prairie de Kloo Lake. Tout pousse et meurt si vite durant le court été nordique que les fermiers blancs voient dépérir leurs cultures et leur bétail dès le premier froid, dire qu’ils tiennent pour feignants les indiens qui dédaignent de travailler la terre ! Kaska rit de ces imbéciles qui importent leurs manières de faire d’autres pays sans admettre qu’ici plantes, bêtes et éléments ont leurs lois et leur volontés propres, qu’on ne glane, pêche et chasse que pour le besoin de se nourrir, se vêtir et s’abriter grâce aux ressources que la Terre offre gracieusement ; quand elle en décide. Eux croient la plier à leurs caprices. Souvent ils en deviennent dingos, parfois ils en meurent. Elle s’en félicite.
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où donc est la folie? de se résigner, se laisser décomposer sur place, talée avant l'âge, jeune fruit promis à la pourriture, gâté au coeur; ou prendre le risque d'être salie, traînée dans la boue, mais sauve, intacte, vivante !
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le fabuleux est dans la réalité, le fantastique c'est la réalité même.
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« Le mien chagrin crève la surface de l’eau, tout ruisselant d’écume et d’algues mon papa émerge des vagues. Assise sur la dune, j’enfonce mes orteils dans le sable mouillé et le regarde marcher vers moi grandeur nature, tel Poséidon dans sa gloire. Il est noyé mais son visage rayonne de bonté, son sourire joyeux et sa bedaine je les connais, son crâne chauve de méduse luisant au soleil rose, il sort des brumes d’aube de l’océan lavande pareilles aux couleurs fanées du calendrier collé au mur de notre cabane (…) »
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À quelle échelle mesurer la distance entre cette déchirure insensible et la douleur à rejoindre
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page 90 La tête et les épaules couvertes d'une pèlerine, elle portait un panier très lourd empli de pommes qu'elle venait de marauder dans ce qui restait de verger, me dit-elle en guis de bonjour, mais je commençait à connaître sa manière abrupte d'aborder les gens. Les fruitiers ont plus que mon âge cependant ils donnent encore à foison, bien que ratatinées ce sont de fameuses pommes que celles-là. Des Fières bien acides, au goût super, excellentes pour la compote comme la Cabarelle, plus sucrée, leur chair se défait vite à la cuisson, et celle-ci des Louquottes, assez bonnes au couteau et de longue conservation.
Ecoutez: elles grillottent riait-elle en en secouant une à son oreille. Ce sont ses pépins détachés dedans qui font ce grelot.
Les faire tinter nous amusait, enfants, on se distrayait de peu alors.
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J'ai fermé la maison à clé, et je suis partie, l'aube pointait à peine. A l'heure où blanchit la campagne, il y a encore des étoiles clouées dans la brume, les couleurs délayées dans leur bain sont si pâles qu'on dirait les limbes du monde, l'on marche dans ce rêve comme le premier à y pénétrer.
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"c'est chose fréquente que les veufs s'arsouillent mais il mit à ce penchant la même démesure qu'au reste."
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Voici Vitalie Ardenne avec Anaïs. Le bébé avait dû bouger car sa physionomie était floue, aussi vaporeuse que sa longue robe d'apparat en mousseline couvrant jusqu'aux pieds la robe de Vitalie, seules les petites mains ouvertes en corolle étaient nettes mais la femme assise sous le figuier près du puits, qui le tenait sur ses genoux d'un geste possessif, devait savoir garder la pose et se tenir immobile pour figurer bien distincte, braquant son regard vers l'objectif comme si elle commandait elle-même le déclanchement. J'aurais voulu avoir une loupe pour agrandir le détail du visage , c'est au visage que se porte notre passion de connaître , aux traits de l'être mort ou absenté, et même de l'inconnu, comme si en approcher allait éventer le secret de son présent d'alors et son devenir, son humeur, son caractère et même l'impensé qui l'habite au moment de la prise, la mémoire qu'il a de son passé et la prescience obscur de son avenir.
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Il y a des manières de s'épargner la souffrance en s'en infligeant une de son choix...
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Le coffre m'a paru moins dur, je m'habituais. Aussi à l'odeur fauve de la couverture SNCF, à la mienne de sueur et d'herbe écrasée, à celle de la chevrette recuite, du vieux cuir de mon père, celle du pétrole et de la fumée de bois, tout s'est mélangé en quelque chose de doux et profond qui était du sommeil d'enfant.
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Elle me dit aussi plus tard combien lui avait plu que je déclare aimer marcher hors de chemins balisés, elle se méfiait de ceux qui roulent dans la bonne ornière, en ayant connu tant et plus qui n'étaient Jamais par ce moyen arrivés nulle part. Parvenus,ça oui,ils l étaient,mais comme le coq sur le fumier de sa basse-cour.
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... mais sa face à la mâchoire décrochée par la sénilité, ses yeux larmoyants sans paupières s'apparentaient à la figure universelle du délabrement séculaire d'un corps humain, et rien ne laissait à penser qu'il avait pu être un échantillon de cette humanité qui ne s'est pas rencontrée ni connue, qui est peut-être restée au cœur des ténèbres dont parle Conrad, pour qui l'histoire n'a pas commencé et qui erre en liberté dans notre imaginaire comme une bête d'épouvante, dont la dérisoire réalité ne résout rien, n'annonce rien, reste sans guérison ni rédemption, et qui pousse ce cri inarticulé, inaudible, du crime immémorial.
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Cette chose si délicatement ordinaire et cruelle qu’est l’expérience de la mort, comment la dire, comment l’écrire ? Comment lui trouver un traitement approprié (…) ? Comment collecter sans vomir cette langue noire de la mémoire, ce mal ?
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