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Critiques de Annie Ernaux (2608)
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J'ai choisi de lire ce livre pour trois raisons.

La première, c'est Annie Ernaux elle-même. Cette auteure m'a déjà interpellée longuement lors de mes lectures précédentes. Sans être des coups de coeur, La place, Passion simple, Une femme m'ont marquée profondément par leur finesse, leur simplicité et leur complexité en même temps. Les mots d'Annie Ernaux touchent... au coeur.

La deuxième raison, c'est le titre. "Je ne suis pas sortie de ma nuit"... Ce cri du coeur d'une femme envahie petit à petit par une maladie sournoise qui ôte ce que l'homme a de plus précieux : les mots, la mémoire, les souvenirs, la réflexion...

La troisième raison, c'est le thème de ce livre : le départ d'une maman que l'on a accompagnée depuis longtemps. J'y ai vu un lumineux clin d'oeil à mon histoire personnelle. Ma maman qui s'en est allée il y a un peu moins d'un an, que j'ai accompagnée durant de longues années, faisant mes petits deuils à chaque fois qu'elle perdait une de ses facultés. Inexorablement.

Je ne suis pas sortie de ma nuit... mais je suis entrée dans la lumière.

Telle aurait pu être la suite de l'histoire qu'aurait pu écrire ma maman, tant son départ a été paisible, serein, partagé.



Ce livre, c'est un condensé d'émotions, de petites révoltes et de grands émerveillements. C'est un remerciement pour les moments partagés et un cri douloureux face à l'absence de celle qu'on aime.

C'est le journal intime d'une proche aidante, d'une proche aimante.

C'est un livre simplement... bouleversant.
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Beaucoup de bons retours et de très bonnes critiques, et en dépit du titre ( aucun mauvais jeu de mots ), j'ai consacré la fin de ma soirée à la lecture de ce livre.

Je ne connais pas les chiffres, mais il n'est pas difficile de déduire de par nos lectures, de par ce qu'en rapportent les médias, des témoignages d'amis ou d'amis d'amis, notre ou nos expériences personnelles que cette cochonnerie de maladie n'est ignorée de personne.

Mes défunts père, tante maternelle et oncle paternel, sont entrés un jour dans cette nuit dont ils ne sont jamais sortis.

Un sujet que je connais bien, hélas !...

Que pouvais-je donc attendre des trois ans vécus par Annie Ernaux auprès de sa mère frappée par un mal qui m'est devenu familier ?

Rien en fait, si ce n'est la confirmation que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Sur les malades.

Sur leur entourage proche.

Sur les structures qui les "accueillent" et sur les "aidants" dont quelques-uns s'efforcent, et dont beaucoup d'autres sont dépassés.

Une heure à lire ces notes prises après chaque visite pendant trois ans.

Du tripal, de l'émotion brute ( non travaillée, non cérébralisée, non travestie )... livrée comme nous le sommes tous à " la grande conjoncture pathétique ..."

Rien donc de "littéraire" dans ce petit bouquin, juste le besoin de mettre des mots sur l'incompréhensible qui s'impose... et comme le dit Ernaux : " Quand j'écris toutes ces choses, j'écris le plus vite possible ( comme si c'était mal ), et sans penser aux mots que j'emploie."

Ceux qui veulent avoir une "approche" de ce qu'est cette maladie, de ce qu'elle génère, de ce qu'elle emporte... c'est un témoignage.

Ceux qui ont eu affaire dans leur vie à cet affreux mot : Alzheimer... ils n'apprendront rien de plus qu'ils ne savent déjà.

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"J'ai peur qu'elle meure. Je la préfère folle."



Ce n'est pas une lecture confortable du tout.



Annie Ernaux a écrit à la volée ce qui lui venait après ses visites à sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer et hospitalisée, "non, dire la maison de retraite de l'hôpital" durant deux ans, de 1984 à 1986.



C'est sans fard, comme ça vient, des notes jetées sur le papier pour se sortir les images de la tête, conjurer le sort, éloigner l'inéluctable.



Il n'est pas question de faire œuvre littéraire autour de ces pages dont Annie Ernaux n'a pas changé une ligne avant de les faire publier dix ans plus tard.



Elles nous renvoient forcément nos propres expériences avec nos parents ou des proches.

Râpeux, désagréable, surprenant, gênant, drôle, avec ce surgissement de souvenirs au détour d'une phrase, voire d'un regard, ces questions étonnantes qui nous viennent et cette inquiétude sourde, toujours présente, "jusqu'à quand, jusqu'à quand ?"



Ce n'est pas une lecture confortable du tout, mais la similitude des souvenirs, paradoxalement, m'a allégé le cœur.

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C'est un peu en apnée que j'ai lu ce récit poignant d'Annie Ernaux sur la fin de vie de sa mère. J'ai vécu la même chose il y a quelques mois et ce journal tenu entre 1984 et 1986 montre les évolutions certaines s'il y a eu dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

A l'époque, les soignants les tutoient, les laissent en blouse ouverte par derrière toute la journée et ne les changent pas souvent. Il faut dire qu'à l'époque, il n'y avait pas le matériel d'aujourd'hui et moins de respect des personnes en fin de vie.

Annie Ernaux a accueilli sa mère chez elle durant six mois avant qu'elle soit hospitalisée. Je ne sais pas comment elle a fait pour supporter cela.

Sans évoquer la maladie, elle raconte le retour en enfance de celle qui l'a élevée et l'inversement des rôles. "Je ne suis pas sortie de ma nuit" est la dernière phrase qu'elle a écrite dans une lettre ne pouvant plus le faire ensuite. C'est pour cela que sa fille a choisi de laisser les guillemets dans le titre de ce livre.

Ce sont les années 80 et c'est l'hôpital qui prend en charge sa mère en long séjour. Elle partage une chambre avec une autre femme mais son énergie est souvent concentrée sur l'acte de manger, ce qu'elle fait avec de plus en plus de mal. Sa fille va donc l'aider quand elle lui rend visite même si elle souffre de voir devenir une enfant qui ne grandira pas.

Annie Ernaux décrit parfaitement sa culpabilité, son sentiment d'impuissance face à l'inexorable dégradation du corps et de l'esprit de sa mère qui a été forte avant d'être malade. le mot horreur revient quasiment à chaque page même si elle préfère la voir folle et vivante plutôt que morte.

Pour autant elle n'oublie pas de préciser que son témoignage n'est pas objectif et que les soignants étaient dans la majorité d'un dévouement attentif.

Une écriture directe, sans détour, qui fait de ce court récit un grand livre.





Challenge Riquiqui 2021

Challenge XXème siècle 2021

Challenge Nobel illimité

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🌑 « « Je ne suis pas sortie de ma nuit » est la dernière phrase que ma mère a écrite. »

(P.13)



Annie Ernaux a 44 ans lorsqu’elle est confrontée à la maladie d’Alzheimer, dont sa mère est atteinte. Consciente de la gravité de la pathologie, démunie face à cette mère jadis si forte, elle décide de collecter dans un carnet des moments clés, des instants d’une banalité insignifiante, le quotidien d’une femme dont la vie s’échappe petit à petit…



🌑 « J’ai peur qu’elle meure. Je la préfère folle. »

(P.20)



L’angoisse. La peur. Les pages de ce récit en sont habitées. Annie Ernaux livre sans réfléchir, sans embellir, sans enlaidir : elle ne veut dire que la vérité, sa vérité, la maladie qui emporte, qui déstabilise et avilit, la déflagration à l’intérieur, la force qu’il faut pour tenir le cap, ne pas flancher.



🌑 « Son menton est tombant, sa bouche est ouverte. Jamais je n’ai éprouvé autant de culpabilité, il me semblait que c’était moi qui l’avais conduite dans cet état. »

(P.65)



A tous ces sentiments contraires s’ajoute la culpabilité : celle de ne pas pouvoir être là, tous les jours, de devoir « abandonner » sa mère à des inconnus, des étrangers qui l’abandonnent à leur tour à son sort, et qui accélèrent sa chute. Pourtant femme, la mère redevient un enfant fragile, insouciant, résigné.



🌑 « Je ne sais pas si c’est un travail de vie ou de mort que je suis en train de faire. »

(P.99)



S’agit-il de littérature ? Pourquoi rédiger ces mots, dépourvus de toute mise en beauté, sinon pour consigner la peine, une thérapie nécessaire, le besoin de s’accrocher à la vie et un jour, plus tard, se souvenir qu’elle existait, que malgré la maladie, malgré la déchéance, cette femme était vivante, elle vivait, se souvenait, riait, pleurait. Elle était là.



🌑 « Quand j’écrivais sur elle après les visites, est-ce que ce n’était pas pour retenir la vie ? »

(P.110)
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Un coup de poing au cœur avec ce livre très court mais tellement dense. Je n’aurais jamais pu le lire avant et pendant la maladie de maman. Je peux maintenant, 2 ans après son décès. Elle n’a pas eu alzheimer comme celle d’Annie Ernaux, mais j’ai retrouvé tellement de points communs ! Alors attention, c’est très très dur, voir insoutenable et pourtant, c’est la vérité crue des tripes.

Alors, oui, il faut s’attendre à ce que nos parents redeviennent des enfants, qu’ils perdent toute pudeur, mangent avec les doigts, n’ont plus de retenue physique, mélangent tout et aient parfois des propos violents .

C’est difficile et pourtant, il faut être là, ils attendent notre visite et qu’au fin fond de leur conscience, ils ont besoin de nous.

Remontée des souvenirs d’enfance, bouillie du temps qui n’a plus de logique et la peur de les perdre, tout en étant parfois tellement en colère de les voir ainsi.

Je ne sais pas si l’on peut aimer ce livre sans avoir vécu ce passage, sans doute, mais là, j’ai revécu cette période si douloureuse mais aussi formatrice parce ce forcément, je ne pourrais pas aborder ma vieillesse de la même façon, j’y suis quelque part préparée même si mémoire m'aura fait oublier ces souvenirs aussi.

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Dans"Je ne suis pas sortie de ma nuit", Annie Ernaux a tenu un journal de bord pour mettre en mots les trois dernières années de la vie de sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer.Dans son style très particulier, s'attachant aux faits , au constat de l'évolution de la maladie, l'auteur arrive à donner une valeur universelle à sa propre histoire.Les difficultés du début à reconnaître la maladie, la perte progressive de l'autonomie jusqu'à la mort sont bien décrites ainsi que l'ambivalence des sentiments: le déni, la terreur et l’effarement, la colère. Dans toutes ces phases de sentiments, le lecteur pourra facilement se reconnaître si'il a été confronté à la maladie de ses parents.

"A chaque fois que j'arrive, j'ai du mal à la reconnaître, son visage n'ai jamais le même, aujourd'hui la bouche tirée vers la droite." La force de ce texte est le constat impitoyable de cette déchéance qui montre que sans les facultés intellectuelles, l'être est réduit à un corps, une simple enveloppe charnelle.Un fait, un détail, une situation suffit à nous transporter dans le quotidien des soignants qui accompagnent ces malades.

Un témoignage bouleversant !

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"Quand j'écris toutes ces choses, j'écris le plus vite possible (comme si c'était mal), et sans penser aux mots que j'emploie" nous dit Annie Ernaux dans ce témoignage poignant sur l'accompagnement en fin de vie de sa mère atteinte de cette "saloperie" qu'est la maladie d'Alzheimer.

Après chaque visite à sa mère, résidente d'un service hospitalier de long séjour, et ce durant deux longues année, elle ressent le besoin d'écrire ce qu'elle voit, éprouve, les souvenir de ce que sa mère a été, des phrases qu'elle prononçait lorsque Annie était enfant. Un texte brut, dérangeant, où rien n'est épargné au lecteur, il faut dire qu'Annie n'a rien retouché à ses notes. Une description clinique de sa dégradation, de ses incohérences, des odeurs, du corps qui se délite, du deuil que l'on fait, avant l'heure de celle qui a été sa maman alors que désormais les rôles sont inversés. Je voudrais qu'elle soit morte, qu'elle ne soit plus dans cette déchéance nous dit-elle et comme on la comprend.

Quel courage faut-il à celui ou celle qui rend une visite hebdomadaire à une personne qui ne vous reconnait plus, et quel sentiment de culpabilité si on ne le fait pas.

Un témoignage bouleversant.



Challenge Multi-Défis 2023.

Challenge Riquiqui 2023.

Challenge ABC 2022-2023.
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Il y a eu cet accident en 1981.

Tu t'étais parfaitement remise.

Et puis en 1983, des absences.

Un malaise durant l'été.

Tu as quitté Yvetot pour venir t'installer près de moi à Cergy.



Tu as commencé à nous demander plusieurs fois les mêmes choses.

Je me disais que tu étais fatiguée.

Que c'était anodin. Qu'à partir d'un certain âge, cela pouvait arriver.

Les mots du médecin se sont posés sur nous.

Alzheimer, ce mot terrible qui est venu te prendre à moi.



Quand tu es rentrée dans cette maison de retraite, j'ai eu envie d'écrire.

Peut-être que je sentais que tu allais partir un jour.

Les souvenirs me reviennent. Comme des vagues qui s'abattent sur le sable.

Chaque jour, mes yeux prennent en photo ton visage, tes mains, tes sourires.

Pour qu'ils soient à jamais gravés dans ma mémoire.



Je t'amène des petites brioches que je pose délicatement sur tes mains.

Je t'aide à les approcher de ta bouche.

Tu redeviens une petite fille et je prends la place de ta mère.

Je t'aide chaque jour qui passe à garder ta vie de femme, de mère.

Je t'apporte ta jolie robe fleurie. Celle que tu aimais tant.



Je cours après le temps mais le vent te pousse un peu plus vers le ciel.

Les souvenirs d'enfance semblent éternels.

Pourtant celle qui dicte ta vie est invincible.

Les colombes sont venues te chercher à 79 ans.

Le ciel était devenu ta nouvelle demeure.



Tu es partie.

Le monde s'écroule.

Je cherche un remonteur de temps.

Pour te revoir.

Je t'aime maman.

Eternellement.



" Je ne suis pas sortie de ma nuit " d'Annie Ernaux est un merveilleux hommage de l'autrice à sa mère décédée de la maladie d'Alzheimer.



Une plume sublime, poétique, délicate pour évoquer l'amour d'une fille à sa mère.
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« Quand je revenais de mes visites, il fallait que j’écrive sur elle, son corps, ses paroles, le lieu où elle se trouvait »



C’est donc ce « carnet » intime d’Annie Ernaux que je viens de lire ; Les dernier mois de sa mère, malade de l’Alzheimer, placée en maison spécialisée à Pontoise.

Ses visites sont rythmées par les soins qu’elle doit donner à sa mère ; lui couper les ongles, la raser, la changer… et les paroles cinglantes qu’elle doit entendre et subir de la part de la pauvre femme qui perd les pédales…



Dans la poursuite de ma découverte de l’œuvre d’Annie Ernaux, dont je suis devenue une inconditionnelle, j’ai lu ce court roman… un condensé de souffrances mais aussi de souvenirs et d’amour.



Je ne suis pas sortie de ma nuit… C’est la dernière phrase que la maman d’Annie a écrite dans une lettre à une amie…



Annie a tenu ce journal de 1984 à 1986, date de la mort de sa mère. Et c’est 10 ans plus tard qu’elle le publiera.



L’Alzheimer, la dégradation, la dépendance, les derniers jours… C’est difficile, douloureux à lire. La mémoire flanche, le corps se détériore…

L’autrice va droit au but, sans ménagement, sans paillettes autour… Récit cru, parfois brutal… mais tel qu’est la réalité.

Et c’est tout ce que j’aime chez l’écrivaine, elle ne ment pas, ne surjoue pas.

Elle me touche beaucoup
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Témoignage bouleversant autobiographique d'Annie Ernaux sur sa mère.

L'auteure tient une sorte de journal de bord, un journal des visites rendues à sa mère à l'hôpital durant ses dernières années, alors qu'elle était malade d'Alzheimer.

Elle relate avec des mots forts, violents, émouvants ces jours qui ne se ressemblent jamais, étant donné que l'attitude de sa mère et de ses camarades résidents pouvait passer du noir au blanc du jour au lendemain.

L'odeur d'excréments environnante dès la sortie de l'ascenseur, les pertes de mémoire sur l'identité de sa fille, ou sur des évènements de sa vie passée, la déchéance de son corps au fur et à mesure du temps qui passe, la culpabilité d'Annie Ernaux qui a dû se résigner à laisser sa mère entre les mains du personnel hospitalier car elle ne pouvait plus s'occuper de sa mère chez elle, les souvenirs d'enfance qui ressurgissent incluant beaucoup de traumatismes.

Tout cela constitue ce livre, ce journal écrit par une fille sur sa mère.

C'est le moment où la réalité bascule, où le parent qui nous a éduqué fait inverser les rôles et nous fait devenir son parent, faisant oublier l'enfant.



"D'une certaine façon, ce journal des visites me conduisait vers la mort de ma mère."

Phrase qui donne des frissons quand on a terminé le livre et que les dernières pages évoquent la mort de sa mère et le début du deuil si difficile.



On ne peut qu'être touché à la lecture de ce livre qui est inclassable, d'autant plus que le titre choisi est la dernière phrase écrite par la mère de l'auteure dans une lettre.
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Lu dans la foulée d’Une Femme, Je ne suis pas sortie de ma nuit est son indispensable complément, tout aussi difficile à lire pour moi.



« Longtemps j’ai pensé que je ne le publierai jamais. Peut-être désirai-je laisser de ma mère et de ma relation avec elle, une seule image, une seule vérité, celle que j’ai tenté d’approcher dans Une Femme. Je crois maintenant que l’unicité, la cohérence auxquelles aboutit une œuvre (…) doivent être mises en danger. »



Un complément donc en forme de journal rédigé au fil des visites d’Annie Ernaux à sa mère désormais en maison spécialisée en raison de sa démence.



Un mélange de faits cliniques, froids et souvent insupportables de celle qui part peu à peu, et de souvenirs d’enfance de celle qui reste, une nouvelle fois confrontée à ces deux vies d’incompréhensions.



Deux vies qui semblent parfois inconciliables, à l’image de cette réflexion inverse à la situation vécue. « J’ai l’impression que c’est en mourant à mon tour qu’elle m’aimera »

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"Je ne suis pas sortie de ma nuit" est la dernière phrase que la maman d'Annie Ernaux a écrit avant son décès survenu le 7 avril 1986.



Ce livre couvre deux ans et demi de leur vie, de 1984 à 1986.



C'est le journal des visites que fait l'autrice à sa mère à l'hôpital.



"Quand j'écrivais sur elle après les visites, est-ce que ce n'était pas pour retenir la vie?"



Sa mère était atteinte de la maladie d’Alzheimer.



"Elle était à nouveau un enfant mais elle ne grandirait pas."



Avec beaucoup d'émotions, Annie accompagne sa mère dans la fin de sa vie, elle doit accepter sa régression, accepter de la voir perdre une à une ses facultés, accepter de l'avoir déjà perdue, non sans colère parfois, avec beaucoup de tristesse surtout. 



Annie revient sur leur vie de famille, les souvenirs, les phrases que sa mère disait, ce qu'Annie faisait enfant dans telle ou telle situation et que sa mère fait à présent dans la vieillesse, quand elle perd ses repères. 



Ce livre est bouleversant !!! 



"Je suis allée la chercher à Us. Elle est définitivement au service de gériatrie de Pontoise. Elle se promène peut-être pour la dernière fois en voiture, elle ne le sait pas. Quand nous arrivons dans la cour de l'hôpital, son visage se défait. Je comprends qu'elle croyait revenir chez moi. Sa chambre est maintenant au troisième étage. Un cercle de femmes nous entoure, elles tutoient ma mère. «Tu vas être avec nous?» On dirait des gamines avec une « nouvelle » à l'école. Quand je pars, elle me regarde d'un air perdu, affolé : «Tu t'en vas? »

 Tout est renversé, maintenant, elle est ma petite fille. Je ne PEUX pas être sa mère."

Page 29
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« Je ne suis pas sortie de ma nuit » Annie Ernaux (Folio 110p)

Près de trois ans de prises de notes, des lignes sans retouche, à propos de la déchéance de sa mère qui, sombrant dans la maladie d’Alzheimer, est hospitalisée en EHPAD jusqu’à sa mort. Le très beau titre reprend la dernière phrase que la vieille femme a été capable d’écrire.

Qu’est-ce que ce livre ? Je ne sais pas trop, mais est-ce vraiment nécessaire de chercher à le coller dans une case ? Dans une sorte de prologue, postérieur de bien des années à la période de prise de notes telles qu’elles sont éditées ici, l’autrice (puisqu’après avoir revendiqué pendant des décennies le titre d’auteur, Annie Ernaux a déclaré il y a peu s’être trompée et a choisi de se faire désormais nommer au féminin recomposé) nous dit surtout et d’abord ce qu’il n’est pas : « En aucun cas, on ne lira ces pages comme un témoignage objectif sur le ‘long séjour’ en maison de retraite, encore moins comme une dénonciation (les soignantes étaient, dans leur majorité, d’un dévouement attentif) », avant de le qualifier de « seulement comme le résidu d’une douleur. »

Pourtant, c’est d’abord pour ce qu’il n’a pas la prétention d’être que je l’ai apprécié. La dénonciation des conditions de vie dans un établissement gériatrique qui doit ressembler à beaucoup d’autres n’a pas besoin d’être explicite ni de prendre le ton de la déclamation révoltée, les faits si quotidiens simplement cités sans commentaires se suffisent : indifférence face à la perte des objets personnels (lunettes, dentier), des heures dans des couches souillées, une forme de promiscuité agressive…

Les odeurs écœurantes d’urine ou de selles (que A.E. retrouve parfois dans le tiroir de la table de nuit), prennent le lecteur à la gorge, la perte de toute forme de pudeur et l’exhibition des corps abimés bouleversent, la crudité des descriptions est la force première de ce livre au point que : « Je me dis brusquement qu’au train où va le monde, dans vingt, cinquante ans, on ne gardera pas vivants des êtres comme ma mère. Je ne sais pas juger une telle éventualité, son bien-fondé ou non. »

Mais oui, aussi, l’expression page après page de la douleur intime d’une femme perdant sa mère aimée et parfois haïe depuis si longtemps est très émouvante. Le terme de culpabilité revient sans arrêt, page après page. On ne peut pas dire que c’est « bien écrit », en fait, ce n’est pas écrit, c’est crié, gémi. Ce n’est pas un texte construit, mais des éclats mis bout à bout. Très souvent les phrases ne sont pas terminées, il n’y pas le temps de l’écriture posée, réfléchie, pas même une pensée qui file, seulement des écorchures, des souvenirs qui surgissent, des pleurs qui s’imposent, une souffrance présente à chaque page…

« J’ai partout cherché l’amour de ma mère dans le monde. Ce n’est pas de la littérature ce que j’écris. » Qu’est-ce que ce livre ? Je ne sais pas, mais le très particulier n’est-il pas la meilleure manière de frôler le plus commun, ce qui nous concerne tous ?



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Etrange chose que ce livre, où Annie Ernaux raconte la longue détérioration des fonctions cognitives de sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer dès 1983. Pour ce faire, elle se base sur les notes qu'elle prenait à l'époque pour consigner l'évolution de la maladie, et elle les retranscrit ici sans filtre.

C'est donc un texte brut, plein d'une douleur rentrée : "Eviter, en écrivant de me laisser aller à l'émotion", preuve qu'on est bien chez Ernaux. Un texte violent également : "Elle est ma vieillesse, et je sens en moi menacer la dégradation de son corps", et c'est ce que je me dis aussi parfois en regardant ma grand-mère (mais en espérant, si j'atteins un jour son âge, lui ressembler tant elle est belle). Un texte court, qui choque, claque et dérange, mais n'est jamais impudique car ce n'est pas Annie Ernaux que nous observons, mais nous-mêmes, avec nos peurs, nos révoltes, notre impréparation et notre impuissance.

Ce n'est donc pas la lecture la plus gaie de l'année, mais étrangement, elle fait se sentir moins seul face à la vieillesse, la maladie et la mort en rappelant leur universalité. Et sur un plan plus concret, elle permet d'apprécier le progrès que représentent les EHPAD (même si tout n'y est pas parfait), par rapport aux anciens services de gériatrie hospitaliers et malgré le professionnalisme du personnel soignant.

Carpe diem, quand même.
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Maladie d'Alzheimer, vieillesse, mère.

"Je ne suis pas sortie de ma nuit": dernière phrase que sa maman a écrit. Sa mère est atteinte de la maladie d'Alzheimer, Annie Ernaux est obligé de la mettre en Ehpad; ce sont 3 années de prise de notes lors de ses visites à l'Ehpad.

Ce sont des phrases brutes, douloureuses sur ce que l'autrice voit, vit. Et les souvenirs...

C'est la déchéance, ce sont des faits terribles: une hygiène déplorable ( elle se fait pipi dessus, des excréments au sol), des cris , des couches, des odeurs. La culpabilité sans pouvoir agir et puis les mots qui ne seront jamais dits.

Un ouvrage fort, perturbant. Le début du deuil, la solitude.

Touchant.
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Tout ou presque a été écrit ici pour présenter cette publication des phrases qu'Annie Ernaux écrivait après ses visites hebdomadaires - ou presque - à sa mère, qui partait en morceaux car son cerveau était rongé, étouffé par le phénomène de la maladie d'Alzheimer ( beaucoup moins connue à l'époque qu'aujourd'hui). Je n'insisterai donc pas sur le caractère brutal, perturbant et bouleversant de ce qu'elle y décrit. Au passage je ne pense pas que les progrès de "prise en charge" (comme on dit de manière révélatrice) soient si importants depuis les années 1980.

La publication de ces écrits lui a posé problème et question : au début elle n'y pensait même pas. J'ai envie d'ajouter "bien sûr". Mais elle s'est décidé à le faire, de nombreuses années après pour "mettre en danger la cohérence d'une œuvre" (quelque chose comme ça, je cite de mémoire). Ce que j'ai lu d'A. Ernaux à ce jour (dans l'ordre du livre "Écrire la Vie") me semble on ne peut plus cohérent, par le sujet ( sa vie, des événements forts dans sa vie, son père, sa mère, la complexité de l'évolution de ses relations avec eux, la condition des femmes, le mépris de classe etc..) et par l'écriture - rejeter l'émotionnel, le pathétique, décrire, dire, le plus précisément sans être long, le plus juste et proche des pensées, ressentis..

Pour ce "journal" publié, la fonction cathartique me semble évidente : sortir de soi en écrivant des mots des émotions submergentes ( ça se dit ça ?), garder des traces, redire la vie de sa mère (une Femme), formuler l’indicible, se débarrasser de ses affects et pensées inconfortables ..

Depuis 5 ans Annie Ernaux est plus âgée (84 ans) que sa mère quand celle-ci est morte (79 ans) et, je crois, heureusement pour elle en bien meilleure condition psychique, pour le bénéfice de tous ceux et celles qui apprécient et sont, paradoxalement à son style descriptif, touchés, émus par ses livres dont celui-ci, dont les dernières pages, principalement, sont à mon avis bouleversantes, qu'on ait vécu ou pas le même genre de situation.
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Après avoir lu "l'autre fille" et compte tenu du thème, c'est avec hâte que j'entamais la lecture de "Je ne suis pas sortie de ma nuit". Et quelle déception...



Bien que l'auteure précise qu'il s'agit de notes prises rapidement, je m'attendais tout de même à plus de profondeur dans le partage des sentiments, les ressentis, quelques analyses etc. Or, "Je ne suis pas sortie de ma nuit" en manque cruellement à mon goût.



Du début à la fin, je n'ai pas réussi à ressentir la moindre empathie, ni aucune émotion particulière. Surprenant au regard du thème couver me direz-vous.. Moi qui apprécie pourtant tant les histoires tirées de faits réels et à émotions fortes...



Les anecdotes sur les résidents d'ehpad que ma mère me contait lorsqu'elle y travaillait me paraissaient bien plus poignantes. Attendais-je trop de ce livre ? Sûrement.



La plupart des lecteurs semblent avoir apprécié ce qui m'a personnellement paru être une simple description chronologique sans intérêt particulier pour le public. Cet avis ne regarde que moi bien sûr :). N'hésitez donc pas à le lire si vous êtes curieux, d'autant qu'il se lit très bien et rapidement.
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Annie Ernaux tient un journal des visites qu’elle rend à sa mère,Blanche Duchesne qui est hospitalisée en long séjour dans « la maison de retraite de l’hôpital » de décembre 1984 à 1986.

Anni Ernaud décrit son impuissance face à la dégradation du corps et de l’esprit de sa mère. Elle « préfère la voir folle et vivante plutôt que morte ».

Elle écrit les incohérences, les odeurs, le sentiment de culpabilité qu’elle a face à la déchéance de sa mère, « l’immense douleur de voir sa vie finir ainsi », les mots qui restent en suspend , ses souvenirs.

C’est aussi un livre sur le début du deuil.

« Je ne suis pas sortie de ma nuit » est la dernière phrase que sa mère a écrit c’est pour cela que le titre a des guillemets.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Ce qu'ils disent ou rien

Annie Ernaux nous plonge dans les mots - en désordre et datés (le langage d'une fille de 1976 n'est plus du tout à l'ordre du jour !) d'une adolescente de 16 ans qui s'ennuie, remet en question le monde sans richesse dans lequel elle vit, et se voit grandir par le biais des garçons et de la sexualité. C'est un livre sur l'impossibilité de communiquer qui met mal à l'aise devant tant de souffrances (cette fille aurait besoin d'un bon psy !) et par moments touche à l'adolescence universelle.
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