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Critiques de Antoine Choplin (592)
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La nuit tombée

Ecriture simple et narrative, un court moment, une nuit, 3 personnages à Pripiat après la catastrophe nucléaire. Je n'ai pas ressenti d'émotion particulière, je n'ai pas été touchée, désolée.
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La nuit tombée

Deux ans après la catastrophe de Tchernobyl, Gouri, qui vit désormais à Kiev avec sa femme et sa fille Ksenia, entreprend de retourner à Prypiat, dans l'appartement que la petite famille occupait jusqu'au 26 avril 1986, pour récupérer ce qu'il pourra y trouver, notamment la porte de la chambre de sa fille.

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La désormais ville fantôme après avoir compté un peu moins de 50 000 habitants, est située à 2,6 km de la centrale et ses abords sont strictement interdits et gardés par l'armée, Prypiat étant devenue hautement radioactive.

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C'est donc sur une moto à laquelle est attelée une remorque que Gouri va faire le voyage d'un peu plus de 150 kilomètres.

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Une seule halte, à Chevtchenko, où résident ses amis Vera et Iakov. Ayant été exposé aux radiations, ce dernier est en fin de vie quand il atteint la maison.

Piotr, surnommé le gamin aux chats parce qu'il en avait un certain nombre avant qu'il soit ordonné de les massacrer sous ses yeux, est là également, ainsi qu'une poignée d'autres personnes venues dîner ce soir-là.

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J'aurais dû éviter de lire ce livre juste après La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse de Svetlana Alexievitch, parce que bien que poignant, il résiste mal à la comparaison.

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La narration est plus distante, moins élaborée, encore que l'autrice de ce dernier étant restée très simple, on n'a pas non plus de grandes envolées, mais les témoignages m'ont beaucoup plus touchée.

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Bien entendu, le récit ne laisse pas indifférent, mais pour ce qui me concerne, l'émotion venait davantage de ma projection personnelle à la lecture des mots que des phrases de l'auteur proprement dites.

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Je remercie néanmoins mes amis Magali (Ladybirdy), Berni-chou (Berni_29), Sandrinette (HundredDreams), Cicou, Spleen et Wyoming, qui m'ont incitée à lire La nuit tombée, ce que je ne regrette nullement.
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La nuit tombée

Il y a ceux qui sont touchés, comme Iakov ou comme Ksenia la fille de Gouri ; ceux qui ont vécu de près l’horreur et, s’ils s’en sortent indemnes physiquement, ont été détruits intérieurement, comme Kouzma qui a vu son univers s’effondrer littéralement devant lui, devant ses yeux incapables de pleurer tant la douleur était grande. Ils ont tous dû abandonner leur maison, leur vie d’autrefois pour survivre ailleurs, en attendant de voir si la catastrophe nucléaire a laissé des stigmates sur eux.







« La bête n’a pas d’odeur



Et ses griffes muettes zèbrent l’inconnu de nos ventres. » (p.72)







Ils forment un groupe uni dans la détresse, une entité soudée, même si Gouri a choisi d’aller vivre ailleurs, plus loin, à Kiev.







Ce court roman nous parle de l’horreur de Tchernobyl, mais il chante surtout l’amour, la fraternité, l’importance des souvenirs et des témoignages, capitales pour ne pas oublier ces êtres démunis, perdus dans un no man’s land anéanti. Gouri poète écrit un poème chaque jour sur la catastrophe parce que « c’est déjà quelque chose » :







« Il y a eu la vie ici



Il faudra le raconter à ceux qui reviendront



Les enfants enlaçaient les arbres



Et les femmes de grands paniers de fruits



On marchait sur les routes



On avait à faire



Au soir



Les liqueurs gonflaient les sangs



Et les colères insignifiantes



On moquait les torses bombés



Et l’oreille rouge des amoureux



On trouvait le bonheur au coin des cabanes



Il y a eu la vie ici



Il faudra le raconter



Et s’en souvenir nous autres en allés. » (p. 71)







Un très beau texte, poignant, simple, direct, essentiel.




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La nuit tombée

Un court roman qui remue. Une très belle langue qui sait décrire la tragédie (l'après catastrophe de Tchernobyl) avec force mais aussi avec sensibilité, pudeur et poésie.
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La nuit tombée

Il y a eu la vie à Tchernobyl.



«Après les derniers faubourgs de Kiev, Gouri s’est arrêté sur le bas-côté de la route pour vérifier l’attache de la remorque.»



Gouri part en moto vers la zone. La zone interdite de Tchernobyl.

Gouri est un ancien «volontaire» pour nettoyer le réacteur N°4 de la centrale.

«C’était tôt le matin, deux camions militaires sont arrivés ici au village. Une huitaine de gars sont descendus et le chef a pris la parole pour dire qu’ils recrutaient des hommes pour nettoyer la zone. Que s’engager pour ce travail, c’était ni plus ni moins faire son devoir de citoyen.» Ce seront les liquidateurs.



Ecrivain public à Kiev, il revient sur les lieux deux ans plus tard.

Il veut récupérer la porte de la chambre de sa fille.

«Il y a pas mal d’inscriptions dessus. Des choses que nous avions écrites ou dessinées, Ksenia et moi. Un peu de poésie, des mots comme ça.». Et les marques de la taille de Ksenia, à douze ans, à treize et demi, quatorze.

Gouri, sa femme et sa fille habitaient à Priapiat, près du square Pouchkine, pas loin de la centrale.

Aujourd’hui c’est une ville fantôme où dans les jardins brillent des taches violacées de césium, une sorte de jus qui suinte de partout et sombrent des oiseaux aveugles.



Sur son chemin il va rencontrer des survivants. Ils vont raconter, se raconter la catastrophe. Ils vont chanter, au son de l’accordéon, ivres de vodka et de souvenirs le temps…d’avant l’événement.

Véra, Piotr, Pavel, Ivan, Leonti, Kousma, Vassili, Svetlana et les autres.

Et Iakov qui se meurt.

«Le visage est méconnaissable. Il a perdu ses cheveux et la peau du crâne est diaphane. Laissant voir en plusieurs endroits l’épaisse saillie des veines. L’un de ses yeux est presque fermé, comme celui d’un boxeur après un combat. Les joues sont creuses, les lèvres curieusement retroussées, les mâchoires crispées.»



Son précédent livre «Le héron de Guernica» m’avait enchanté.

L’histoire de Basilio, un jeune peintre autodidacte qui peint les hérons cendrés des marais de Guernica. La guerre d’Espagne, Picasso…

Toujours tout en retenue, écrivain économe, pudique, presque magique mais tellement généreux avec le lecteur.

Cette nuit tombée m’a séduit.

L’écriture de Choplin, teintée d’atticisme, jette comme un sort sur le lecteur.

Il nous charme avec ses mots légers, ses courtes phrases lestées d’adjectifs trop qualificatifs.

L’ombre des mots, discrète, à peine visible, invisible presque, déborde d’émotions, nous arrache des larmes, nous prend aux tripes.

L’ombre du drame nous tient le fil à la page.

Merci Monsieur Choplin.



«Sans bon sentiment, l’on ne fait que mauvaise littérature.» écrivait Gide.



«Je suis allé plusieurs fois sur le toit avec lui. Il voulait toujours mettre un ou deux coups de pelle de plus que les autres. Il dépassait les quarante secondes à chaque coup.»



Tchernobyl, 25 ans après : de 25 000 à 125 000 morts et plus de 200 000 invalides, et pour les populations exposées à la contamination un bilan qui sera selon les estimations de 14 000 à plus de 985 000 morts à travers le monde.



Mais ce livre vous en dira beaucoup plus que ces chiffres…

C’est le pouvoir de la littérature.
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La nuit tombée

Un petit bijou d'humanité...



Quelle douceur, quelle quiétude, quel silence sous cette épaisse couche de neige.

C'est ce qu'on pourrait penser. Mais là, pas de neige. L'épaisse couche qui recouvre le paysage est l'accumulation de poussières radioactives.

Le pays c'est l'Ukraine. La grande ville proche est Kiev. le paysage est celui de Tchernobyl et des villages voisins abandonnés.



Plus de deux ans après la catastrophe, Gouri revient dans son ancien village, là où il a vécu heureux avec sa femme et sa fille, mais devenu zone interdite depuis le jour de colère, le 26 avril 1986. Il lui faut récupérer la porte de la chambre de Knesia sur laquelle sont notés tant de souvenirs. Car sa fille est malade. Elle aussi fait partie des innombrables personnes touchées par cette gangrène insidieuse : "La bête n'a pas d'odeur / Et ses griffes muettes zèbrent l'inconnu de nos ventres."



C'est pour lui l'occasion de retrouver, pour une soirée, des amis. Et ce sera pour eux l'occasion d'évoquer la catastrophe, les maisons abandonnées en toute hâte, le travail sur les réacteurs, la maladie, la résignation, le temps disparu, le temps suspendu, la nuit tombée.

Gouri parcourra son ancien village, à la beauté figée dans le temps sous un ciel étoilé, à la senteur des bois résineux alentour, mais englué irrémédiablement dans des poussières post-apocalyptiques. Un village se préparant à la fête, si plein de vie, si plein de rires et si cruellement silencieux aujourd'hui. Ici pas de destruction, pas de guerre, pas de trou d'obus, juste "des fragments de ciel étoilé se faufilent parmi les frondaisons et c'est comme si l'univers dégringolait jusque-là pour se mettre à exister pour de bon, presque à portée de main". Fallait-il vraiment partir, se questionne t'il encore, alors que tout semble endormi...





C'est avec des mots simples, doux et pudiques qu'Antoine Choplin nous dévoile les lendemains de Tchernobyl au cours desquels la solidarité et l'amitié soutiennent les hommes. Un grand moment de lecture à laquelle j'ai associé quelques vers De Lamartine :



Ô temps ! Suspends ton vol...



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La nuit tombée

Ce roman, publié en 2012 aux éditions de La Fosse aux ours, relate le voyage que fait le héros, Gouri en direction de Pipriat sa ville d'origine devenue ville interdite depuis l'accident nucléaire de Tchernobyl en 1986. Gouri est un poète qui travaillait autrefois à la centrale, il vit désormais à Kiev depuis l'évacuation de Pipriat mais sa fille Ksenia est malade, sans doute contaminée et il veut rapporter à Kiev la porte de sa chambre, objet chargé de souvenirs.

Au cours de son voyage, il s'arrête pour revoir son ami Iakov. Celui-ci est très mal en point. Comme les autres, il avait accepté de faire oeuvre citoyenne en allant "enterrer la terre" après la catastrophe mais il en paie très cher les conséquences. Éva son épouse prends soin de lui et aussi de ses voisins qu'elle reçoit chez elle au dîner : Svetlana qui peint des pierres et son époux le vieux Léonti qui a entrepris de reconstruire sa maison, le jeune Piotr, qui semble avoir perdu la tête et le mystérieux Kouzma. Ensemble ils partagent de nombreux verres de vodka, la soupe de poulet le chou. Kouzma met en garde Gouri : "tu me retrouveras rien de ce que tu as connu là-bas." dit-il. Il dresse même un portrait terrifiant de Pipriat : "Mais avec le temps, ce qui finit par te sauter en premier à la figure, ce serait plutôt une sorte de jus qui suinte de partout, comme quelque chose qui palpiterait encore. Quelque chose de bien vivant et c'est ça qui te colle la trouille. Ça, c'est une vraie poisse, un truc qui s'attrape partout. Et d'abord là dedans. De son pouce, il tapote plusieurs fois son crâne. Je sais de quoi je parle"

J'aime beaucoup l'écriture de ce roman, la plongée dans l'univers des personnages, la tendresse avec laquelle l'auteur en dresse le portrait mais je suis très déçue par la fin : je n'ai pas compris le revirement de Kouzma qui choisit d'accompagner Gouri à Pipriat, l'aide à récupérer sa porte et même, bizarrement et à plusieurs reprises, "est contre Gouri" (p 109). Or alors que Gouri attend Kouzma parti guetter les pilleurs à Pipriat, Gouri pense que "ce n'est pas Kouzma qui le tracasse. Kouzma, ce n'est pas important. Qu'il meure, même, et ce ne serait qu'un petit drame de plus [...] Il envisage sa lâcheté." Heureusement Kouzma revient, ils rentrent ensemble jusque Marianovka où Kouzma "disparait entre les arbres".

Gouri aurait-il été un temps victime de la "vraie poisse" dont parlait Kouzma ? Il finit pourtant par tenir sa promesse chez Iakov, l'aidant à écrire à Éva sa lettre d'amour et d'adieu.


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La nuit tombée

Quelques années après la catastrophe de Tchernobyl, Gouri a décidé de retourner à Pripiat à moto pour aller chercher quelque chose. Sur son chemin, il fait halte dans un village à la limite de la zone interdite. Il va voir Iakov, un homme qui comme lui a été l'un des premiers liquidateurs après l'accident. Iakov gravement irradié souffre de séquelles, Gouri, lui, semble épargné. Iakov et sa compagne Vera lui présentent des amis dont Kouzma qui va faire le voyage avec Gouri jusqu'à Pripiat. Un voyage dans la mémoire et dans le temps qui donne la parole à ceux qui ont été oubliés depuis. Un très beau roman.
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La nuit tombée

Magnifique roman d'Antoine Choplin. J'avais déjà lu un roman de cet auteur "Partiellement nuageux" que j'avais beaucoup aimé. C'est un peu par hasard que j'ai vu ce livre "La nuit tombée". Je ne savais pas trop quelle histoire j'allais découvrir mais le fait de voir l'auteur qui l'avait écrit, a suffi pour que je le commence. Le sujet n'est pas bien gai. Cela se passe en Ukraine, deux ans après la catastrophe de Tchernobyl. Gouri, un écrivain public de Kiev se rend avec sa moto et une remorque à l'arrière dans la campagne ukrainienne. Il veut retourner dans son village qui est devenu une zone interdite à cause de la grande contamination autour de Tchernobyl. En route, il passe chez ses amis, Véra et Liakov. Il y trouve de la chaleur humaine, le partage du repas, les échanges joyeux et tristes et la vodka qui coule à flot autour des convives. Gouri attend la nuit pour pouvoir aller à Pripiat, son village natal. Il veut récupérer quelque chose qui lui est cher.

C'est un roman humaniste et chaleureux où la solidarité n'est pas un vain mot. Un sujet rude traité avec poésie, un vrai bonheur malgré le sujet.

Je ne peux que vous le conseiller.
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La nuit tombée

Ce livre, c’est celui des adieux; un livre qui se lit d’un souffle sans oser respirer à nouveau avant la dernière page.



Ce livre, c’est l’après » accident » de la centrale nucléaire de Tchernobyl qui ne sera jamais nommée, c’est » la zone « . Antoine Choplin nous invite – presque en silence ai-je envie d’écrire, par la douceur du regard, ai-je envie de décrire, tant son roman parvient à tout dire et montrer en si peu de mots – autour de la table où se réunissent pour le dîner ses personnages. Évocations de souvenirs quelques années après la catastrophe pour le retour de l’un des habitants de la région sinistrée. Juste une nuit, ce repas partagé et l’expédition dans la ville fantôme irradiée, pillée, interdite, en quête de l’ultime souvenir.



Autour de cette table se racontent la violence des mesures d’urgence, les évacuations condamnant à l’exil, l’absence d’informations, ce qui a été vu aussi, ce qui est vécu, la survie, la maladie, cette région de villages – pour paysages la forêt, un kolkhoze, une centrale nucléaire – et sa population, les employés de la centrale, que l’on a enterré au sens propre comme au sens figuré.



Par petits moments, par petits mots échangés – sur une narration sans les marques typographiques du dialogue – mais le lit-on ce livre ? on écoute et on regarde – juste parfois l’expression » un temps » – temps fixé – le récit dit tout de la désespérance, sans mélo, intime et pudique, c’est franc, c’est froid. Et brûlant des émotions, des sentiments, l’atmosphère autant étouffée que feutrée malgré la désolation; en profondeur, la chaleur, vivante, préservée, au-delà du dépouillement des vies, des mots.
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La nuit tombée

Un tout petit roman d’une incroyable douceur pour une virée à la nuit tombée dans la ville fantôme qu’est Tchernobyl.



Les souvenirs sont encore bien vivants pour Gouri. Il les partage avec ses amis victimes de la catastrophe nucléaire de 1986. Il décide de rejoindre la ville fantôme sur sa moto, accompagné de son ami. La nuit tombée, comme deux fantômes ayant peur du jour et de ce qu’ils pourraient découvrir.

Si tout est silence et vide dans la ville, Gouri tient à retrouver un semblant de vie et d'humanité. Peu de choses suffisent pour réanimer une ville échouée, le vol d’un oiseau, le vole d’un piano, le démontage d’une porte marquée de la taille de sa fille au fil des années.

Les descriptions sont belles, justes, comme un dernier hommage à Tchernobyl, comme une dernière virée de deux hommes vivants là où la vie a déserté faute au nucléaire, faute à un accident tournant à la catastrophe et dépleupant les rues.



Intime, essentiel, c’est à la tombée de la nuit que la lune projette toute son immensité.
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La nuit tombée

Le sujet est grave, poignant, mais Antoine Choplin évite l'écueil du mélo en laissant la parole à ses personnages : des mots simples, pudiques […].
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La nuit tombée

Une tranche de vies prise sur le vif, une écriture au présent qui ne s'encombre même pas de guillemet et de tiret autour des dialogues, un texte qui vient farfouiller dans nos tripes pour provoquer tout ce qu'on possède d'humanité, qui demande de se rappeler, de comprendre, de savoir, qui secoue l'Histoire pour qu'on n'ignore jamais qu'il ne s'agit pas que d'un réacteur au loin et il y a longtemps. Frappant parce que juste, marquant parce que bien dit, beau parce que terrible. A lire.
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La nuit tombée

Le sujet est grave et pourtant quelle douceur dans le partage de ce voyage nocturne aux côtés de Gouri et de ses compagnons d’infortune, quel enchantement que cette errance nocturne dans les terres inhospitalières et empoisonnées d’Ukraine après la tragique catastrophe de Tchernobyl !



Deux ans après l’embrasement de la centrale, Gouri décide de revenir sur les lieux qu’il a été contraint d’évacuer, quand le bonheur familial simple et heureux qui constituait son existence a basculé dans l’horreur et l’incompréhension une nuit d’avril 1986 avec l’incendie du réacteur.

Si Gouri a été jusqu’alors épargné, il n’en a pas été de même pour sa fille Ksenia, gravement contaminée par les retombées radioactives comme beaucoup d’êtres peuplant ces terres devenues le théâtre de la ruine, de la décrépitude et de l’abandon. C’est pour elle, pour récupérer un objet de leur ancien appartement chargé de souvenirs, que Gouri a entrepris le voyage de retour à Pripiat, en « zone interdite ».



Parti de Kiev où il est écrivain public, une remorque attachée à sa moto, Gouri traverse un paysage de plus en plus dépeuplé, de plus en plus désertique et dévasté.

Pourtant, dans les vestiges des villes fantômes, dans les émanations inodores de la pollution nucléaire, la vie rayonne encore ça et là, malgré le sentiment d’abandon et la résignation, malgré l’irradiation et la confrontation à la maladie, malgré le milieu corrompu et infecté dans lequel les êtres tentent tant bien que mal de subsister, dans une sorte d’hébétude, comme rivés à l’attente d’un temps qui ne reviendra plus.



Cette petite vie persistante qui s’accroche comme une fleur d’espoir, passe par une soirée chaleureuse arrosée de vodka avec les amis d’antan dans un village à demi-déserté où Gouri a fait halte avant de reprendre la route.

En compagnie de camarades demeurés dans cette campagne parasitée par un mal invisible, l’on se souvient, l’on parle à mi-mots de la catastrophe, des jours qui ont suivis, des villes évacuées et enterrées par les bulldozers, des liquidateurs, ces héros malgré eux qui ont tenté de stopper l’incendie sans aucune protection, de ce mélange de stupeur, d’angoisse, de fascination trouble et de beauté délétère qu’offrait alors la vision foudroyante de cette petite apocalypse.



Iakov que la radioactivité ronge chaque jour davantage, Vera, Kouzma, quelques autres encore, jalonnent la route de Gouri jusqu’à Pripiat. Un voyage qui sous le ciel pigmenté d’étoiles, éveille un sentiment de vide écrasant comme un tableau de fin du monde mais offre aussi la perspective d’une humanité conviviale et chaleureuse désireuse de faire renaître la vie dans cette partie du monde que l’homme a profanée.



26 ans après la tragédie, Antoine Choplin nous fait le don d’un texte scintillant d’humanisme, d’empathie, de sensibilité, si bien qu’à la tristesse ressentie, viennent se greffer des touches d’espoir rendant lumineux ces lieux redevenus sauvages, où la nature a repris ses droits comme si rien ne s’était passé. Et pourtant…s’il faut, pour se convaincre encore des nécessités de l’exil, « flairer la réalité de ces puissances cruelles, imperceptibles et assassines, préservant si étrangement l’apparence du monde », l’état de Iakov dont la chair en lambeaux se détache du corps, la maladie de Ksenia, les maisons englouties sous les mâchoires des bulldozers, les villes si effroyablement vide de présence humaine, ne peuvent démentir l’ampleur du drame qui s’est joué là et dont on a trop longtemps occulté les terribles répercutions.

Mais Antoine Choplin, par la simplicité d’un ton modéré et bienveillant, tout en retenu et mesure, réussit admirablement à irradier les cœurs et les esprits de chaleur humaine, à éclairer le texte de miséricorde et d’humanité, à apposer sur les brûlures radioactives le baume bienfaisant de la solidarité et d’un devoir de mémoire qui s’illustre sans rancœur ni aigreur.

Après le gros succès public du Héron de Guernica, La nuit tombée fait palpiter notre dosimètre cardiaque dans les irisations d’une grâce pleine de naturel, de modestie et de lumière.

Simple et beau.

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La nuit tombée

Livre écrit dans un style assez simple, puisqu'il est adapté au personnage central, mais c'est cette simplicité qui fait toute sa force, et qui le rend extrêmement touchant et émouvant.
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La nuit tombée

« Ce n'était pas la guerre, ni un tremblement de terre. Nul effondrement, nul cratère d'obus. N'empêche, il fallait partir. »





En seulement 123 pages, Antoine CHOPLIN nous fait toucher du doigt les émotions et sentiments des rescapés de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Rescapés, mais pour combien de temps ? Car même si la population a été rapidement, et de force, évacuée dans les larmes mais en relative sécurité, des symptômes se déclarent chez certains à retardement. Alors la nuit, qui est déjà tombée sur leur monde le 26 avril 1986, retombe sur leur âme et celle de leurs proches. Et que faire dans ces cas-là sinon se raccrocher aux souvenirs ? Enfin, ceux qui n'ont pas été ensevelis par les autorités, pour éviter toute contamination, ni volés par les brigands opportunistes lorsque la zone, désormais interdite, a été obligatoirement désertée…





« Ce dont je me souviens le mieux, c'est des choses qu'on voyait parfois tomber dans le trou au milieu d'une pelleté de gravats. Des choses qu'on n'avait pas eu le temps ou même l'idée d'emporter et qui nous passaient sous le nez. Sauf qu'à chacune d'elles s'accrochaient des petits morceaux de vie et que c'était ça qui défilait devant nous. »





Pour apaiser les âmes, c'est autour de tournées de vodka entre initiés que les souvenirs reviennent. Mais pour Gouri, cette fois, ça ne suffit pas. Il doit retourner clandestinement en zone contaminée et interdite pour récupérer quelque chose de vraiment important, que les pilleurs n'ont pas dû prendre. Lui qui a été chargé dans le passé, avec ses amis, de détruire certaines espèces animales pouvant être vecteur de contamination, espère désormais que sa maison et ses affaires n'ont pas, à leur tour, été démolis et enterrés. Au péril de sa vie, avec le soutien de quelques amis pas tous indemnes, il doit en avoir le coeur net. Il accroche une remorque à sa moto et, après un émouvant tour de table nous offrant les contours du contexte et un panel de conséquences de la catastrophe, c'est à la tombée de la nuit que nous suivons Gouri jusqu'à ce lieu interdit : Pripiat.





« Ils n'auraient jamais dû le faire, Gouri l'avait compris peu après. Ils l'avaient fait pourtant, avec enthousiasme et même, une joie vague. Ils étaient venus ensemble, c'était tout près d'ici, Ksenia et lui, au matin du 26 avril. Voir un peu. le bleu étrange de l'incendie. Les irritations. Cette féérie. »





Un livre extrêmement court mais lourd de sens, jusque dans les pauses et les silences. Surtout dans le contexte actuel.





« Ca colle le vertige, ça, quand on y pense. Un monde qui continuerait sans nous. Hein. »
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La nuit tombée

Gouri part pour un voyage dans La nuit tombée, là où le temps est suspendu, figé dans la douleur, à Tchernobyl. La poésie des décors vides dans la nuit se mêle à la souffrance des survivants de l’effroyable catastrophe nucléaire.

Il vient de Kiev sur sa moto, pour récupérer un objet inattendu qui cristallise ses souvenirs familiaux dans l’appartement qu’il occupait autrefois. Mais la zone est désormais interdite. La quête de Gouri dans ce no man’s land est bouleversante. En chemin, il s’arrête chez chez Eva et Iakov à Chevtchenko, dans un village contaminé. Ceux qui habitent encore là, ont perdu leurs illusions. Mais le temps d'un repas, on partagera une bouteille de vodka.

Son ami Kouzma le prévient : « Faut faire attention au plutonium, par ici. Un millième de gramme dans le ventre et t’es retourné en six mois. »

Un mot, un geste, un frisson dans la ville désertée, un oiseau qui vient se poser dans le silence assourdissant de la nuit, Antoine Choplin décrit subtilement les émotions de Gouri, comme de petites lucioles qui brillent dans la nuit, avec délicatesse et beaucoup d'humanité.

Des phrases courtes qui vont droit au cœur, une belle découverte.

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La nuit tombée

Ce roman se déroule sur deux jours.Gouri veut retourner dans le village qu'il a dû quitter après les événements de Tchernobyl,afin de récupérer dans son ancien appartement une porte.L'objet peut paraître insolite mais cette porte représente beaucoup pour lui et je n'en dévoilerai pas plus.Avant de s'aventurer dans ce village désormais en zone interdite, il s'arrête chez de vieux amis dont l'homme va mourir suite aux radiations.

C'est un roman tout en douceur, en pudeur mais aussi violent par la souffrance qu'il évoque.Il est empreint de poésie, de symboles mais aussi de silence.Un silence qui reflète l'intériorité de chacun.Un silence qui vient ponctuer le temps: Le temps des souvenirs,ceux qu'on partage comme le trésors d'un temps révolu,ceux qu'il est impossible d'énoncer.Ce temps,c'est aussi la marque du respect pour ce que l'autre ressent, une reconnaissance qui se passe de mots, un terrain connu.Ce temps est également celui qui a brutalement scindé la vie:il y a "avant" et "après"; le passé et le présent mais l'avenir n'est pas évoqué.Les descriptions d'une beauté profonde,fascinante mais aussi effrayante et font souvent frissonner...Mais heureusement lecteurs,n'ayez aucune crainte,ce drame ne peut pas se passer dans nos frontiéres!Avec nos centales si performantes, si protégées ,indestructibles comme le Titanic , nous pouvons dormir sur nos deux oreilles...
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La nuit tombée

«La lumière est douce, tamisée par les bois de bouleaux et de résineux qui encadrent la route. Un semblant de voile, moins qu’une brume, paraît ainsi jeté sur le paysage, et on peut en distinguer le grain dans l’air. Il est plus de quatre heures, il ne tardera pas à faire froid.»



Gouri devenu écrivain public à Kiev où il vit avec Teresa sa femme et leur fille Ksenia, s’achemine vers la zone interdite autour de la centrale de Tchernobyl au volant de sa moto à laquelle est accrochée une remorque. Il veut retourner à Pripiat, là où il vivait avec sa famille avant la catastrophe.

Il s’arrête en soirée, chez Eva et Iakov à Chevtchenko, village contaminé et déserté proche de la zone interdite. Deux ans se sont écoulés depuis son départ. «On dirait que rien n’a changé ici» Et pourtant ici règne le silence, les maisons sont abandonnées et d’étranges phénomènes ont lieu mais il est vrai que les rares habitants qui continuent à y vivre le font dans un climat d’irréalité. Les souvenirs d’un temps révolus remontent et la vie se poursuit malgré les risques. Ils ne peuvent pas se faire à l’idée que leur monde soit devenu interdit. Ceux qui ont été contraints au départ ont du mal à l’admettre.



Désespoir ou élégance ? Gouri se pose la question et la pose à ceux qui l’écoutent réunis autour de lui chez Iakov, lui qui a composé un poème par jour depuis la catastrophe..... «Quelques mots chaque jour, oui un poème si on veut, comme un petit crachat de ma salive à moi dans le grand feu. Et ce sera comme ça tous les jours que Dieu me donnera.» :



« La bête n’a pas d’odeur


Et ses griffes muettes zèbrent l’inconnu de nos ventres


D’entre ses mâchoires de guivre


Jaillissent des hurlements


Des venins de silence


Qui s’élancent vers les étoiles


Et ouvrent des plaies dans le noir des nuits


Nous voilà pareils à la ramure des arbres


Dignes et ne bruissant qu’à peine


Transpercés pourtant de mille épées


A la secrète incandescence.»



Un texte intense qui touche car même au milieu d’un monde contaminé, ce petit groupe d’hommes et de femmes reste digne et maintient la vie qui continue à palpiter comme cette bougie tremblotante à la fenêtre de la chambre de Iakov qui accueille Gouri au retour de son expédition à Priapat. Un texte plein d’humanité, à la beauté fragile et tragique.

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La nuit tombée

Antoine Choplin nous donne à vivre une journée et une nuit avec Gouri qui decide deux ans après la catastophe de Tchernobyl de retourner à Pripiat, Zone dorénavant interdite et surveillée. Il fait une escale avant chez des amis survivants puis part avec sa moto , sa remorque et Kouzma pour Pripiat, là où il a vécu. Il veut récupérer la porte de la chambre de sa fille sur laquelle, il avait noté les signes du temps qui passe, les mesures de sa fille qui grandissait au cours du temps. Cette porte , objet symbolique à plusieurs titres est celui qu'il a besoin pour avancer et peut- être aussi fermer une page de son existence.

Ce petit roman sombre nous donne à vivre quelques heures heures dans ce no man's land rafioactif, quelques heures qui suffisent à nous faire comprendre l'ampleur de la catastrophe .

L'écriture est sobre et pourtant sensible, parsemée de petits poèmes, le style EST celui qu'il fallait pour cette histoire. Pas de fioritures, les mots choisis sont emplis de pudeur.

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