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Critiques de Antoine Choplin (588)
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Nord-Est

Plonger dans un livre d’Antoine Choplin, c’est entrer dans un monde bien à lui, se fondre dans une atmosphère à la fois mystérieuse et envoûtante.

J’avais vraiment aimé lire Le Héron de Guernica, L’Impasse, La Nuit tombée, Une forêt d’arbres creux et Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar et je reconnais que Nord-Est est de la même veine avec cette qualité d’écriture inimitable, à la fois simple et soignée.

Antoine Choplin m’a embarqué sur les pas de Garri, Emmette, Jamarr et Saul qui rêvent de rejoindre les plaines du Nord-Est. Ils étaient dans un camp qui semble avoir ouvert ses portes et n’en peuvent plus d’attendre des camions pour les emmener. Ils décident donc de partir à pied et de passer au plus court, par les montagnes, pour retourner dans ces plaines dont ils sont originaires et dont ils éprouvent une nostalgie bien compréhensible.

Dans quel pays sommes-nous ? En quelle année nous trouvons-nous ? Quel est ce régime totalitaire qui a enfermé, torturé ces hommes ? Impossible de le savoir précisément. À chacun de se faire sa propre idée. L’auteur est assez fort pour ne donner aucun indice trop précis.

Par contre, il raconte le périple de ces hommes - auxquels une femme, Tayna, se joint dès le pied des montagnes – d’une façon qui captive l’attention, faisant craindre le pire à chaque page.

Le sauvetage de Ruslan, un homme qui recherche les pétroglyphes gravés autrefois dans la montagne, ajoute un nouveau compagnon à l’équipe conduite par Garri, un homme très avisé.

Avec ces pétroglyphes, ces gravures, j’apprends que des hommes ont tenté de les effacer. Cela fait penser aux destructions de vestiges archéologiques au Moyen-Orient. Ruslan, pour sauver ces traces d’une civilisation disparue, passe son temps à rechercher ces pétroglyphes et à les dessiner pour en conserver malgré tout la mémoire.

La traversée des montagnes est décrite avec une précision remarquable. J’avais l’impression d’être avec ce petit groupe. J’ai ressenti la chaleur, le froid, la pluie, les violents orages, l’humidité pénétrante de la brume mais aussi les tensions, les hésitations de certains, leurs doutes et admiré leur courage.

Sans rien révéler de plus, j’ai été profondément ému par une scène, au cœur des montagnes, après de violents orages, où la poésie est mise à l’honneur grâce à Saul.

Nord-Est, ses plaines, est-ce un mirage, une destination rêvée, idéalisée ? Pour le savoir, il faut lire et se laisser emporter par le dernier roman signé Antoine Choplin.


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Partie italienne

Gaspar, plasticien français reconnu, vient de quitter Paris pour Rome. Il aspire à un peu de liberté et de tranquillité, « loin des sollicitations, des figures d’apparat et des tensions de ces derniers temps ». Nous le trouvons en ce début de printemps, attablé à la terrasse du restaurant Virgilo sur le Campo de’Fiori, avec son jeu d’échecs.

Au centre de cette place très achalandée, se trouve la statue de Giordano Bruno, ce moine dominicain philosophe et astronome de génie brûlé vif le 17 février 1600 pour avoir un peu trop affirmé sa liberté de pensée par rapport aux autorités ecclésiastiques.

Mais Gaspar ne la remarque pas immédiatement, les étals du marché la masquant en partie.

Même s’il est censé être venu préparer une conférence sur Henry Darger et son œuvre dont cet ouvrage autobiographique de plus de cinq mille pages « L’Histoire de ma vie », pour le musée d’art brut de Lausanne, sa seule préoccupation actuelle est de disputer de belles parties d’échec contre des inconnus de passage et de savourer ces instants.

Voilà qu’une jeune et séduisante jeune femme hongroise, Marya, s’installe à sa table et s’avère être une adversaire redoutable. Si, rapidement, une histoire d’amour naît entre eux, Marya est venue avant tout pour enquêter sur son histoire familiale, sur les traces de son grand-père gazé à Auschwitz. Elle cherche à retrouver les parties d’échecs que celui-ci, célèbre dans ce domaine, a disputées avec son geôlier nazi, lui-même amateur d’échecs.

C’est ainsi qu’en partant du jeu d’échecs, l’auteur nous entraîne dans une belle histoire d’amour et aussi peu à peu dans les sombres pages de l’Histoire…

Hommage à la puissance de la mémoire, Partie italienne, dont le titre fait référence à une ouverture du jeu d’échecs s’obtenant avec certains coups particuliers est un roman rythmé, musical et fascinant, un roman de la réparation, un roman très fort et très doux, immensément poétique, faisant une grande place à l’art, un roman d’une grande richesse.

Antoine Choplin (À contre-courant et Nord-est), avec une écriture sobre, pleine de sensibilité, par ces récits courts, d’apparence légère, porte un regard toujours singulier mais acéré sur le monde, cultivant même l’art du silence, s’attachant à faire revivre les oubliés. Il n’est pas sans me rappeler un autre auteur que j’apprécie également beaucoup, Hubert Mingarelli.


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Nord-Est

À force de penser à ces longues et douces plaines du Nord-Est, Garri prend l'initiative de partir du camp, maintenant que c'est possible, à pied, pour tenter de les rejoindre. C'est par une belle journée de printemps qu'il se met en route. Jamarr, Saul qui est muet et Emmett un jeune adolescent sont les seuls à avoir décidé de l'accompagner dans ce long périple, espérant pouvoir y reconstruire leur vie. Ils sont tous porteurs d'un sac à dos et Garri et Jammar ont en outre un ballot en bandoulière sur le devant du buste où se trouvent les rations. Deux jours plus tard, ce sera une rencontre inattendue avec un homme qui est en train de s'enfoncer dans une sorte de marais. Ils vont réussir à le ramener sur la terre ferme, lui et ses précieux dessins de pétroglyphes. Il s'agit de Ruslan qui, le lendemain, les conduira à son village où vit entre autres, Tayna. Ces deux personnes se joindront alors à eux pour escalader les montagnes qui paraissent infranchissables afin de pouvoir gagner ces fameuses plaines.

C'est ce voyage ou plutôt cette expédition qui est relatée dans ce roman composé de trois parties : le plateau, la montagne, et enfin les plaines. Cette équipée sera essentiellement physique, notamment lorsqu'il s'agira de triompher de cette barrière redoutable que sont ces hautes montagnes. Elle sera aussi aventureuse quand il s'agira de choisir le bon chemin et pénétrer dans ces villages en ruines.

Mais c'est avant tout le cheminement humain et les personnages qui ont retenu toute mon attention. Des personnages sobres qui parlent peu, mais qui pourtant, chacun à leur manière, expriment leurs sentiments tout au long de ce que l'on peut appeler un exode vers un lieu accueillant. Dans les difficultés et l'inconnu vers lequel ils se dirigent, il est impossible de ne pas être charmé par ce jeune Emmet égrenant ses mélodies tout au long du parcours et par Saul, ce poète muet qui ne l'a pas toujours été. De magnifiques moments de poésie nous sont offerts notamment avec la réaction d'Emmet lors de l'agonie de ce cheval trouvé dans les ruines ou cette séquence bouleversante lors de l'achat de livres par Tyna. Superbement évoquée également la connivence entre ce gamin et Saul. Un grand sentiment de fraternité traverse tout le roman.

J'ai vraiment cheminé et bataillé à leurs côtés, sentant les graminées m'effleurer, appréhendant l'entrée dans ces maisons en ruines et surtout j'ai craint de ne jamais arriver à franchir ces montagnes et descendre cet immense pierrier, avec toujours l'espoir chevillé au cœur, tout ceci grâce au talent de l'auteur également passionné de montagne.

Comme à chacun de ses romans (Le héron de Guernica, La nuit tombée, L'impasse, L'incendie, Une forêt d'arbres creux, Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar, Contre-courant), j'ai été conquise par l'écriture d'Antoine Choplin, une écriture très sobre et pudique, pleine de sensibilité et à la fois très puissante. Sans aucun nom de lieu, sans que l'on sache où se situe ce récit, l'auteur nous embarque dans une quête de liberté à valeur universelle où l'espoir et la solidarité sont les moteurs. Il donne vie ainsi, à tous ces exilés obligés de fuir, prêts à tout supporter pour retrouver la liberté, qui rêvent d'un lieu où enfin pouvoir s'établir et revivre.

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Partiellement nuageux

J’ai la sensation que ce livre est contenu dans cet extrait : « Embrasser, c’est exactement ça, j’ai poursuivi. C’est tenir en même temps ce qui est proche et ce qui est lointain. C’est ça, embrasser. » Il y a mille et une façons d’embrasser. En tourbillon, en aller et retour, en effleurant les lèvres tout en plongeant dans les yeux de son partenaire, de façon pudique, de façon contemplative et méditative, de manière intense comme si notre vie en dépendait…d’ailleurs la première scène est un baiser, un baiser métaphorique, Ernesto tournant autour du musée de la mémoire de Santiago, inlassablement, pour à la fois être proche de son fantôme contenu à l’intérieur de ce musée et en même temps pour essayer de comprendre, de prendre du recul…Tourner autour...S’en approcher, s’en éloigner…



Embrasser un paysage, embrasser un fait, embrasser un événement, embrasser une personne, avec ce mélange magique à la fois d’intimité et de pudeur, tel est à mes yeux l’objet de ce livre poétique et délicat. En effet, à sa lecture, nous embrassons les magnifiques paysages de Santiago, de Valparaiso, de l’île aux morts, de Quidico souvent en surplomb, à la fois avec proximité et recul, les observer dans leur immensité pour mieux regarder à l’intérieur de soi ; nous embrassons les constellations qu’observe Ernesto à l’aide de son télescope, constellations à la fois si proches, dont l’intimité donne des noms étonnants (la nébuleuse de la Tarentule par exemple), et en réalité si lointaines ; nous embrassons les secrets et les failles qu’ont vécu Ernesto et Ema lors de la dictature chilienne de Pinochet, nous comprenons l’horreur de ces faits immédiatement et pourtant un voile de pudeur y est déposé. C’est présent tout en étant accepté avec distance, c’est là sans aucun détail superflu. Juste évoqué et pourtant, nous le sentons, terriblement lourds. Ernesto et Ema qui se rapprochent, se fuient, et finissent par s’embrasser. Telle une danse. Le livre démarre et finit dans un tourbillon amoureux délicat. Deux boucles enchainées, l’une prenant le relais de l’autre.



Ce livre est la rencontre à Santiago, au musée de la mémoire, entre un homme, Ernesto, qui vit avec Crabe et le bon vieux Walter dans son modeste observatoire à Quidico, en territoire Mapuche. Crabe et Walter, à savoir son chat et son télescope. Et Ema, jeune femme à la mystérieuse fossette. Cette rencontre me fait penser aux astres qu’observe Ernesto, ces astres éloignés qui, parfois, rarement, par le fruit du hasard, se percutent. Se rapprochent et s’éloignent, se rapprochent de nouveau. Deux êtres en souffrance, blessures soignées l’un par l’observation des étoiles, l’autre par la danse. Soignées par les tourbillons.



Ce que j’ai particulièrement aimé dans ce livre est l’écriture épurée, poétique, cette façon élégante de relater les événements avec pudeur, presque l’air de rien alors que nous le sentons : sous ces apparences calmes se cachent de profondes douleurs. Ça crie, en silence et en retenue. Je retrouve cette délicatesse avec les livres asiatiques, japonais particulièrement. Oui, ce livre semble avoir été écrit par un japonais. Un japonais dans la torpeur chilienne. C’est un beau récit qui nous parle d’amour, de résilience. Je ressors de cette lecture éblouie.





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Partie italienne

Ce court roman, bien écrit, aborde en peu de pages plusieurs thèmes découlant de la rencontre entre un homme et une femme sur la place Campo de'Fiori à Rome.



Tous deux sont joueurs d'échecs et le jeu est au coeur de leur ballet amoureux et de leurs quêtes bien différentes. Celle de Marya est bien précise, Gaspar, lui, se souvient à peine pourquoi il est à Rome, se laissant peu à peu porter par les désirs et les charmes de Marya auxquels il succombe tranquillement.



Il reste néanmoins relié à sa vie antérieure et, même si le lien est ténu, il ne rompt pas, la fin du livre laissant imaginer au lecteur l'avenir des deux protagonistes principaux.



Célébration de la capitale romaine autour de quelques quartiers, évocation de la déportation des juifs durant la deuxième guerre mondiale, mathématiques, et bien sûr échecs, tout cela est au coeur de la rencontre entre Gaspar et Marya.



C'est agréable à lire et, si quelques beaux sentiments sont développés, ce roman pèche par un certain vide qui l'habite, ses personnages sonnent un peu trop creux et ne parviennent pas à faire aboutir une histoire dont le lecteur finalement se détache peu à peu.



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La nuit tombée

Le sujet est grave et pourtant quelle douceur dans le partage de ce voyage nocturne aux côtés de Gouri et de ses compagnons d’infortune, quel enchantement que cette errance nocturne dans les terres inhospitalières et empoisonnées d’Ukraine après la tragique catastrophe de Tchernobyl !



Deux ans après l’embrasement de la centrale, Gouri décide de revenir sur les lieux qu’il a été contraint d’évacuer, quand le bonheur familial simple et heureux qui constituait son existence a basculé dans l’horreur et l’incompréhension une nuit d’avril 1986 avec l’incendie du réacteur.

Si Gouri a été jusqu’alors épargné, il n’en a pas été de même pour sa fille Ksenia, gravement contaminée par les retombées radioactives comme beaucoup d’êtres peuplant ces terres devenues le théâtre de la ruine, de la décrépitude et de l’abandon. C’est pour elle, pour récupérer un objet de leur ancien appartement chargé de souvenirs, que Gouri a entrepris le voyage de retour à Pripiat, en « zone interdite ».



Parti de Kiev où il est écrivain public, une remorque attachée à sa moto, Gouri traverse un paysage de plus en plus dépeuplé, de plus en plus désertique et dévasté.

Pourtant, dans les vestiges des villes fantômes, dans les émanations inodores de la pollution nucléaire, la vie rayonne encore ça et là, malgré le sentiment d’abandon et la résignation, malgré l’irradiation et la confrontation à la maladie, malgré le milieu corrompu et infecté dans lequel les êtres tentent tant bien que mal de subsister, dans une sorte d’hébétude, comme rivés à l’attente d’un temps qui ne reviendra plus.



Cette petite vie persistante qui s’accroche comme une fleur d’espoir, passe par une soirée chaleureuse arrosée de vodka avec les amis d’antan dans un village à demi-déserté où Gouri a fait halte avant de reprendre la route.

En compagnie de camarades demeurés dans cette campagne parasitée par un mal invisible, l’on se souvient, l’on parle à mi-mots de la catastrophe, des jours qui ont suivis, des villes évacuées et enterrées par les bulldozers, des liquidateurs, ces héros malgré eux qui ont tenté de stopper l’incendie sans aucune protection, de ce mélange de stupeur, d’angoisse, de fascination trouble et de beauté délétère qu’offrait alors la vision foudroyante de cette petite apocalypse.



Iakov que la radioactivité ronge chaque jour davantage, Vera, Kouzma, quelques autres encore, jalonnent la route de Gouri jusqu’à Pripiat. Un voyage qui sous le ciel pigmenté d’étoiles, éveille un sentiment de vide écrasant comme un tableau de fin du monde mais offre aussi la perspective d’une humanité conviviale et chaleureuse désireuse de faire renaître la vie dans cette partie du monde que l’homme a profanée.



26 ans après la tragédie, Antoine Choplin nous fait le don d’un texte scintillant d’humanisme, d’empathie, de sensibilité, si bien qu’à la tristesse ressentie, viennent se greffer des touches d’espoir rendant lumineux ces lieux redevenus sauvages, où la nature a repris ses droits comme si rien ne s’était passé. Et pourtant…s’il faut, pour se convaincre encore des nécessités de l’exil, « flairer la réalité de ces puissances cruelles, imperceptibles et assassines, préservant si étrangement l’apparence du monde », l’état de Iakov dont la chair en lambeaux se détache du corps, la maladie de Ksenia, les maisons englouties sous les mâchoires des bulldozers, les villes si effroyablement vide de présence humaine, ne peuvent démentir l’ampleur du drame qui s’est joué là et dont on a trop longtemps occulté les terribles répercutions.

Mais Antoine Choplin, par la simplicité d’un ton modéré et bienveillant, tout en retenu et mesure, réussit admirablement à irradier les cœurs et les esprits de chaleur humaine, à éclairer le texte de miséricorde et d’humanité, à apposer sur les brûlures radioactives le baume bienfaisant de la solidarité et d’un devoir de mémoire qui s’illustre sans rancœur ni aigreur.

Après le gros succès public du Héron de Guernica, La nuit tombée fait palpiter notre dosimètre cardiaque dans les irisations d’une grâce pleine de naturel, de modestie et de lumière.

Simple et beau.

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Partie italienne

Partie double pour ce séjour italien. Parle t-on des parties d’échecs proposées à tout joueur volontaire, à la terrasse d’un café ? Ou parties plus fines jouées avec une adversaire coriace mais charmante ?



Gaspar s’est exilé à Rome pour peaufiner une exposition prochaine. Mais le coeur n’y est pas. Le temps s’écoule aux rythmes des parties d’échec. Et puis, cette statue sur la place, hommage tardif à un savant des temps passés, brûlé en place publique pour hérésie, l’intrigue. L’arrivée de la belle hongroise le sort de cette torpeur, les instants partagés sont propices aux confidences. La jeune femme cherche les notes des dernières parties d’échec que son grand-père a joué contre son geôlier à Auschwitz.



Autour de thèmes universels, la sensualité et les remous de l’histoire, créent une ambiance propice pour évoquer l’amour, la mort, la guerre, articulés autour du jeu d’échec, central dans le roman, Antoine Choplin nous propose une escapade romaine agréable, bercée par son écriture séduisante. Centré sur l’idylle amoureuse, c’est un roman léger, que même les épisodes historiques sombres ne parviennent à plomber.



176 pages Buchet-Chastel 18 Août 2022

#Partieitalienne #NetGalleyFrance
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Le héron de Guernica

Hier, je me promenais dans le fond de la rade de Brest, dans un coin solitaire que j'aime beaucoup et où des oiseaux aiment à se retrouver. À marée basse, on les voit mieux, puisque le paysage maritime est à découvert, ici c'est un paysage de marais et de vase, idéal pour observer les aigrettes et les hérons qui viennent s'y poser et se nourrir. Les hérons sont plutôt rares, j'en ai cependant vu un hier. Un héron cendré. J'adore cet oiseau. Un de mes voisins, beaucoup moins. Il avait eu l'étrange idée d'installer dans son jardin un petit bassin avec des poissons et un jour un héron y est venu pour en faire son goûter... Moi, j'ai ri de cette histoire... Depuis, il a remis de nouveaux poissons dans son bassin et a installé un grillage au-dessus, il est vraiment bizarre mon voisin. Un jour, si j'ai la patience, je l'emmènerai visiter la nature, mais je crois que je n'aurai pas la patience... Je n'aurai pas l'infinie patience des oiseaux...

Voir un héron avancer dans un paysage de cailloux et de vase, s'envoler brusquement dans un vol majestueux empli de grâce, c'est pour moi une vision de toute beauté. Dans cette légèreté, je me suis senti brusquement protégé de tous les malheurs du monde...

Cela m'a donné envie de relire le héron de Guernica, d'Antoine Choplin.

À Guernica, il y avait aussi des marais et des hérons cendrés. Je ne sais pas vraiment à quoi ressemblent les paysages de là-bas. Sont-ils différents d'ici ? C'était en avril 1937.

Le jeune Basilio passe son temps dans les marais à observer et peindre des hérons cendrés, un en particulier au bord d'un pont, alors que la population fuit dans la crainte de l'arrivée des Nationalistes. La guerre est là, une guerre civile entre Républicains et Nationalistes, elle est imminente, pourtant ce sont des jours de bonheur, des jours ensoleillés qui nous accueillent ici, nous découvrons le bonheur de vivre que partagent Basilio et sa compagne Celestina. La guerre est là sans être là, comme une menace à laquelle on ne croit pas...

La guerre vient brusquement sur Guernica un certain 26 avril 1937, elle vient déverser ses bombes sur la ville, un jour de marché où il y avait la vie, des femmes, des hommes, des enfants, qui ne faisaient pas la guerre.

C'est une ville en feu, Basilio voit cela avec des yeux plutôt habitués à regarder jusqu'alors des oiseaux. Basilio voit ce massacre.

Il y avait ce héron là toujours près du pont... A-t-il survécu au massacre, aux bombes qui tombaient comme des pluies... ?

Basilio, peintre des hérons, peintre des hérons à Guernica. Basilio était là sous les bombes ce jour-là...

Un autre peintre n'était pas là ce jour-là et pourtant deviendra célèbre, Pablo Picasso, il l'était déjà, immortalisera l'événement dans un tableau sublime où il n'y a pas de hérons...

Basilio était là ce jour-là mais ne recherche pas la célébrité. Les deux hommes ont cependant un point commun, dire l'horreur avec l'art de peindre...

Basilio veut dire ce qui s'est passé... Veut rencontrer Pablo Picasso dont il a entendu parler... La suite continue d'être un texte sublime...

Hier, en observant les oiseaux tranquilles, je me disais que cette douceur, cette beauté fragile, immuable, était comme un de nos derniers remparts pour nous protéger des barbaries humaines, des haines quotidiennes, des guerres à venir parfois toutes proches...

J'aurais voulu avoir le talent de Picasso, ou de Basilio, peindre, inlassablement, ces vols d'oiseaux qui n'empêchent pas les guerres, mais tentent de nous les faire oublier...

Les regarder simplement, c'est peut-être déjà appartenir à une citadelle imprenable. Dire non aux guerres à venir, parfois imminentes.

J'ai adoré ce livre qui m'a fait entrer de plein pied dans l'univers atypique, empreint de pudeur d'Antoine Choplin.

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La nuit tombée

Un tout petit roman d’une incroyable douceur pour une virée à la nuit tombée dans la ville fantôme qu’est Tchernobyl.



Les souvenirs sont encore bien vivants pour Gouri. Il les partage avec ses amis victimes de la catastrophe nucléaire de 1986. Il décide de rejoindre la ville fantôme sur sa moto, accompagné de son ami. La nuit tombée, comme deux fantômes ayant peur du jour et de ce qu’ils pourraient découvrir.

Si tout est silence et vide dans la ville, Gouri tient à retrouver un semblant de vie et d'humanité. Peu de choses suffisent pour réanimer une ville échouée, le vol d’un oiseau, le vole d’un piano, le démontage d’une porte marquée de la taille de sa fille au fil des années.

Les descriptions sont belles, justes, comme un dernier hommage à Tchernobyl, comme une dernière virée de deux hommes vivants là où la vie a déserté faute au nucléaire, faute à un accident tournant à la catastrophe et dépleupant les rues.



Intime, essentiel, c’est à la tombée de la nuit que la lune projette toute son immensité.
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La nuit tombée

J'ai longtemps hésité à lire ce roman pour diverses raisons. La nuit tombée est un court roman d'Antoine Choplin qui m'a entraîné dans le voyage de Gouri sur sa moto qui tire une remorque brinquebalante. Nous sommes en Ukraine. C'est un voyage entre Kiev et Pripyat, deux ans après le drame de Tchernobyl, rappelez-vous c'était un certain 26 avril 1986. Gouri, sa femme et sa fille, comme des milliers de personnes ont dû fuir rapidement la zone contaminée dans les jours qui suivirent l'événement.

Il revient là-bas deux ans après, il revient sur ses pas. Pourquoi revient-il ? Il revient avec une idée dans la tête. Retourner à l'appartement de Pripyat qu'ils habitaient, la grande ville aux abords de la centrale nucléaire, la grande ville effervescente qui étaient grouillantes de vies il y a encore deux ans, où les habitants vivaient de cette proximité.

Sur cette route il fait halte dans un petit village chez Vera et Iakov, un couple d'amis et c'est brusquement une longue rencontre faite de retrouvailles et d'émotions. Il y a de la joie à se retrouver. Les gestes se retiennent, s'effleurent un peu. La vodka coule dans les verres, les langues se délient, les souvenirs aussi s'invitent, les larmes se retiennent cependant encore derrière des digues que l'on sent aussi fragiles que le sarcophage qui recouvre désormais le réacteur de la centrale de Tchernobyl.

Avec l'évocation des souvenirs récents et tenaces, des scènes sidérantes se reconstituent sous nos yeux pour dire ce qui fut l'innommable. Comme cette vieille femme qui ne voulait pas fuir sa maison et que deux hommes sortent de chez elle de force à bouts de bras comme si elle était un cadavre... Comme cette maison qu'on décide de démolir et d'engloutir dans une fosse creusée à cette effet par des pelleteuses.

Le père et le fils contemplent ce désastre, ils pensaient avoir vidé la maison et brusquement surgit parmi les décombres une petite Tour Eiffel dans sa bulle de verre où coulait la neige, souvenir désuet de Paris... Comme cet homme, un de ces volontaires chargés d'accompagner l'évacuation des lieux et qui, une nuit, courut tel un illuminé vers cette forêt dont les arbres s'étaient mis soudainement à rougeoyer. C'était comme le chant des sirènes...

Tchernobyl est une de ses catastrophes violentes et insidieuses dont on ne sent pas le mal immédiatement.

Le paysage au début semble comme n'avoir jamais changé. Les gens aussi. Rien ne se voit dans l'air ni dans le vol des oiseaux. C'est après...

Il paraît que, lorsque l'endroit fut vidé de sa population ou presque, les animaux se réapproprièrent ce territoire y compris dans les rues désertes de Pripyat. Des oiseaux entraient dans les maisons et les fenêtres lorsque les fenêtres étaient restées ouvertes. Et puis vinrent aussi des pillards, par centaines, bien que l'accès fût surveillé et protégé sans cesse par les forces de l'ordre...

Gouri, en revenant sur les lieux du drame, sur ce lieu qui restera contaminé durant des centaines d'années encore et sans doute bien plus encore, risque sa vie pour pas grand-chose... On saura plus tard pourquoi il va là-bas, et pourquoi son voyage ultime doit s'effectuer à la nuit tombée...

Mais peut-être l'instant le plus émouvant dans ma lecture fut lorsque Iakov, qui sait qu'il n'en a plus pour très longtemps à vivre, demande à Gouri de l'aider à écrire une lettre pour Vera, parce qu'il ne sait pas bien poser les mots sur une feuille de papier... C'est peut-être là que les digues que j'évoquais plus haut commencèrent à se fissurer, pas celles qui retenaient ce maudit atome en fission, mais celui d'un coeur en sanglot.

Voilà ! Tout ce texte est ainsi tissé par l'écriture empathique d'Antoine Choplin, pudique, tout en retenue. L'horreur de cet événement est dit par ellipse, le sujet n'était pas facile à aborder, il y a une poésie à la fois lumineuse et saisissante qui ne fuit pas cette horreur, qui ne se complet pas dedans, qui dit simplement avec des mots touchants le drame humain qui s'en est suivi pour des milliers de familles...

La trajectoire de Gouri sur sa petite moto fragile ressemble à un chant crépusculaire. Sa quête est comme un geste aussi dérisoire qu'éprise de sens. Elle est belle.

J'ai été ému jusqu'aux bords des larmes par ce magnifique récit porté par beaucoup d'humanité. En refermant ce livre, je n'ai pas pu m'empêcher de penser au père d'une amie de mon épouse, elle s'appelle Svetlana, habite aujourd'hui dans le Finistère à quelques kilomètres de chez nous, son père était pompier là-bas au moment de « l'accident », dont la cause, il faut le rappeler, n'était rien d'autre qu'un essai technique de sécurité qui fut mal maîtrisé dans l'enchaînement de très mauvaises décisions. Il fut avec une quinzaine de ses collègues les premiers à intervenir auprès du réacteur en fusion. Ils furent aussi les premiers à décéder... Certains dès le lendemain...
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La nuit tombée

« Ce n'était pas la guerre, ni un tremblement de terre. Nul effondrement, nul cratère d'obus. N'empêche, il fallait partir. »





En seulement 123 pages, Antoine CHOPLIN nous fait toucher du doigt les émotions et sentiments des rescapés de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Rescapés, mais pour combien de temps ? Car même si la population a été rapidement, et de force, évacuée dans les larmes mais en relative sécurité, des symptômes se déclarent chez certains à retardement. Alors la nuit, qui est déjà tombée sur leur monde le 26 avril 1986, retombe sur leur âme et celle de leurs proches. Et que faire dans ces cas-là sinon se raccrocher aux souvenirs ? Enfin, ceux qui n'ont pas été ensevelis par les autorités, pour éviter toute contamination, ni volés par les brigands opportunistes lorsque la zone, désormais interdite, a été obligatoirement désertée…





« Ce dont je me souviens le mieux, c'est des choses qu'on voyait parfois tomber dans le trou au milieu d'une pelleté de gravats. Des choses qu'on n'avait pas eu le temps ou même l'idée d'emporter et qui nous passaient sous le nez. Sauf qu'à chacune d'elles s'accrochaient des petits morceaux de vie et que c'était ça qui défilait devant nous. »





Pour apaiser les âmes, c'est autour de tournées de vodka entre initiés que les souvenirs reviennent. Mais pour Gouri, cette fois, ça ne suffit pas. Il doit retourner clandestinement en zone contaminée et interdite pour récupérer quelque chose de vraiment important, que les pilleurs n'ont pas dû prendre. Lui qui a été chargé dans le passé, avec ses amis, de détruire certaines espèces animales pouvant être vecteur de contamination, espère désormais que sa maison et ses affaires n'ont pas, à leur tour, été démolis et enterrés. Au péril de sa vie, avec le soutien de quelques amis pas tous indemnes, il doit en avoir le coeur net. Il accroche une remorque à sa moto et, après un émouvant tour de table nous offrant les contours du contexte et un panel de conséquences de la catastrophe, c'est à la tombée de la nuit que nous suivons Gouri jusqu'à ce lieu interdit : Pripiat.





« Ils n'auraient jamais dû le faire, Gouri l'avait compris peu après. Ils l'avaient fait pourtant, avec enthousiasme et même, une joie vague. Ils étaient venus ensemble, c'était tout près d'ici, Ksenia et lui, au matin du 26 avril. Voir un peu. le bleu étrange de l'incendie. Les irritations. Cette féérie. »





Un livre extrêmement court mais lourd de sens, jusque dans les pauses et les silences. Surtout dans le contexte actuel.





« Ca colle le vertige, ça, quand on y pense. Un monde qui continuerait sans nous. Hein. »
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Radeau

Le Radeau est un récit fuyant comme le temps qui passe. Il raconte l’éphémère du lien qui relie les hommes en cette période de guerre, en 1940. L’écriture fait l’économie du superflu pour marquer la tension qui anime les corps et les esprits. Louis a des directives strictes pour parachever une livraison précieuse en lieu sûr afin de mettre hors de portée de l’ennemi des œuvres monumentales provenant du musée du Louvre. Il ne doit pas s’arrêter et pourtant il recueille Sarah, une jeune femme qui chemine, désemparée. Ils échangent quelques mots mais avec parcimonie tant et si bien qu’ils se devinent plus par des attitudes que par l’effet du langage propre. Leur rapprochement n’a de réciprocité que l’urgence qui les pousse comme par un élan vital et par opposition à la menace qui pèse sur eux. C’est alors que l’équipée décide d'exposer dans un carré d'herbe, quelques tableaux dont le Radeau de la méduse de Géricault afin de les ventiler, tandis que plane un air de tragédie.
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Partie italienne

Troisième roman d'Antoine Choplin que je viens de terminer après "Partiellement nuageux" et "La nuit tombée". Trois univers différents pour ces trois récits mais toujours poétique, élégamment écrit sur des thématiques pas toujours très joyeuses. Ce roman qui est le dernier en date m'a transporté à Rome sur la terrasse du Campo de'Fiori. Son héros, Gaspar, un artiste parisien reconnu dans le monde de l'art contemporain s'installe pour quelques semaines à Rome. Officiellement c'est pour y préparer une conférence, officieusement c'est pour prendre un peu de recul de son attachée de presse et amie un peu présente à son goût, Amandine. Sa passion, les échecs où il excelle. Installé sur une terrasse de café, il joue contre des amateurs de passage où il gagne à tout les coups. Mais un jour Marya, une belle hongroise s'assied en face de lui, et c'est elle qui gagne...

Une bien belle histoire d'amour, de complicité, une belle découverte des quartiers romains et de la dolce vita. Sur des décors de rêves se cache une partie plus sombre concernant le passé de Marya, mais je ne vous en dirait pas plus.

Un beau roman très agréable à lire. Petit bémol qui, je trouve, alourdi le texte au niveau des dialogues, la répétition à chaque fin de phrase "je dis" ou "elle dit". Mais sans doute est-ce voulu ?

Ceci ne va pas m'empêcher de lire d'autres livres de cet auteur.
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La nuit tombée

Une véritable merveille bien que les sujets abordés dans cet ouvrage ne soient guère réjouissants, bien au contraire !



Gouri, le personnage principal, revient, après deux ans d'absence, dans sa région natale de l'Ukraine, non seulement pour revoir ses amis, Iakov et Svetlana mais surtout parce qu'il a une mission à accomplir : celle de retourner dans Sa ville, celle où il a vécu heureux avec sa femme et sa fille, et qui est désormais en ruines afin de récupérer une porte. Vous allez croire que je raconte n'importe quoi mais lisez la suite et tout prendra peut-être sens pour vous ! Gouri s'est exilé à Kiev suite au 26 mai 1986. Cette date ne vous évoque-t-elle rien ? L'accident nucléaire de Tchernobyl bien évidemment ! Même si ce dernier n'est pas clairement mentionné par l'auteur, le lecteur, lui, lit entre les lignes puisqu'il parle de "zone", d'évacuation à grande échelle de villages entiers et, bien évidemment de plutonium. Le rapprochement ne fait donc plus aucun doute. Et su Gouri tient tant à retourner dans cet endroit pillé, dévasté et surtout interdit, c'est pour se rendre à Pripiat, la ville dans laquelle où il habitait et de se rendre, illégalement bien entendu, dans son ancienne demeure pour récupérer la porte de la chambre de sa fille.

Pourquoi celle-ci et pas une autre ? Et dans quel but ? Je ne vais quand même pas vous dévoiler toute l'intrigue donc je m'arrête là, ne serait-ce que pour vous tenir sur votre faim...



En tout cas, je vous recommande vivement la lecture de cet ouvrage qui se lit très vite, qui est extrêmement bien écrit et très touchant. Il a d'ailleurs obtenu le Prix France Télévisions 2012, dans la catégorie "Romans". A découvrir absolument !
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Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar

Valclav Havel, dramaturge et essayiste tchécoslovaque, devient président de la République socialiste tchèque en 1989. Après la révolution de velours, cet opposant actif au pouvoir communiste remplace le président Gustáv Husák. Cette investiture, pour laquelle celui qu'on a souvent appelé le président-philosophe se fait un peu prier, met fin à plus de quarante ans d'oppression.



Antoine Choplin revient sur le parcours de ce personnage atypique et raconte sa rencontre avec un jeune garde-barrière alors que, bien qu'écrivain reconnu, les persécutions du pouvoir le contraignent à travailler dans une brasserie. Une amitié, qui est aussi improbable que sincère, entre un intellectuel et un homme simple (Tomas Kusar, c'est lui) proche de la nature, poétiquement (du pur Choplin) rapportée par l'auteur.



Cette histoire exemplaire, inspirée d'un fait réel, commence et se finit au château de Prague, alors que l'exercice du pouvoir n'a pas séparé les deux amis. Elle montre de Vaclav Havel une volonté indéfectible de résister à l'oppression, mais surtout une belle générosité et une très grande humanité. Voilà, sans aucun doute, un portrait très attachant de celui dont la vie a été qualifiée d'oeuvre d'art par Milan Kundera
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La nuit tombée

Deux ans après la catastrophe de Tchernobyl, Gouri, qui vit désormais à Kiev avec sa femme et sa fille Ksenia, entreprend de retourner à Prypiat, dans l'appartement que la petite famille occupait jusqu'au 26 avril 1986, pour récupérer ce qu'il pourra y trouver, notamment la porte de la chambre de sa fille.

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La désormais ville fantôme après avoir compté un peu moins de 50 000 habitants, est située à 2,6 km de la centrale et ses abords sont strictement interdits et gardés par l'armée, Prypiat étant devenue hautement radioactive.

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C'est donc sur une moto à laquelle est attelée une remorque que Gouri va faire le voyage d'un peu plus de 150 kilomètres.

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Une seule halte, à Chevtchenko, où résident ses amis Vera et Iakov. Ayant été exposé aux radiations, ce dernier est en fin de vie quand il atteint la maison.

Piotr, surnommé le gamin aux chats parce qu'il en avait un certain nombre avant qu'il soit ordonné de les massacrer sous ses yeux, est là également, ainsi qu'une poignée d'autres personnes venues dîner ce soir-là.

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J'aurais dû éviter de lire ce livre juste après La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse de Svetlana Alexievitch, parce que bien que poignant, il résiste mal à la comparaison.

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La narration est plus distante, moins élaborée, encore que l'autrice de ce dernier étant restée très simple, on n'a pas non plus de grandes envolées, mais les témoignages m'ont beaucoup plus touchée.

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Bien entendu, le récit ne laisse pas indifférent, mais pour ce qui me concerne, l'émotion venait davantage de ma projection personnelle à la lecture des mots que des phrases de l'auteur proprement dites.

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Je remercie néanmoins mes amis Magali (Ladybirdy), Berni-chou (Berni_29), Sandrinette (HundredDreams), Cicou, Spleen et Wyoming, qui m'ont incitée à lire La nuit tombée, ce que je ne regrette nullement.
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Le héron de Guernica

Je ne connaissais pas Antoine Choplin. C'est en lisant une critique d'un de ses romans par Hordeducontrevent que m'est venue l'idée de découvrir cet auteur.

Mon choix s'est porté tout simplement sur « le héron de Guernica » parce que j'aime les oiseaux et l'Art.

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Ce qui frappe le lecteur est cette ambiance de calme avant la tempête.

Nous sommes le 26 avril 1937 à Guernica.

Le jour se lève. La place du marché se remplit de monde.

Avant de s'y rendre, Basilio part dans les marées alentours peindre le héron. Il a promis à Célestina de lui offrir une de ses peintures.

« Les eaux lisses et peu profondes ont perdu leur robe de mercure des premières clartés et s'allument maintenant de mille scintillements. »





Basilio est un contemplatif, un doux rêveur.

Le héron est là, toujours près du pont.

« Comme chaque fois, il s'émerveille de la dignité de sa posture… C'est d'abord ça qu'il voudrait rendre par la peinture. Cette sorte de dignité, qui tient aussi du vulnérable, du frêle, de la possibilité du chancelant. »





Et puis, dans tout ce silence résonne les vrombissements des avions.

"Visages bons à tout

Voici le vide qui vous fixe

Votre mort va servir d'exemple"



C'était jour de marché, beaucoup de femmes et d'enfants.

"Les femmes les enfants ont le même trésor

De feuilles vertes de printemps et de lait pur

Et de durée

Dans leurs yeux purs"



*

La lecture de ce roman m'a rappelé le magnifique roman « L'infinie patience des oiseaux » de David Malouf qui offre également un contraste saisissant entre la beauté des paysages, la sérénité de la nature, le chant des oiseaux et l'horreur de la guerre et des massacres, la souffrance, la barbarie.

Le récit de Basilio fait alors corps avec l'oeuvre « Guernica » de Pablo Picasso. Je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de la lecture.

Le récit, très visuel, marque les esprits.



"La peur et le courage de vivre et de mourir

La mort si difficile et si facile"



Les cinquante dernières pages sont magnifiques.

Magnifiques de cruauté.

Magnifiques de pudeur.

Magnifiques de poésie.

Magnifiques de résilience.



L'oeuvre de Basilio rejoint alors celle de Picasso, l'une anonyme, l'autre célèbre, connue dans le monde entier, symbole de la dénonciation des violences franquistes. L'art, témoin de la réalité de notre monde.



"Parias la mort la terre et la hideur

De nos ennemis ont la couleur

Monotone de notre nuit

Nous en aurons raison."

La victoire de Guernica, Paul Eluard



*

J'ai été séduite pas l'écriture d'Antoine Choplin, sombre, profonde et vibrante d'émotions, son style assez original où les dialogues dénudés de ponctuation se mélangent au récit.

Ce que je retiens également, ce sont les personnages, leur sensibilité et leur compassion.

*

Ce court récit, de 150 pages environ, est une très belle découverte sur le drame de Guernica qui offre une belle réflexion sur l'art et le devoir de mémoire.



« La peinture n'est pas faite pour décorer les appartements, c'est un instrument de guerre offensif et défensif contre l'ennemi. »

Pablo Picasso

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Le héron de Guernica

Basilio n'est encore qu'un très jeune homme en avril 1937. Un peu à l'écart de la ville, il aime passer du temps à observer et peindre les hérons dans les marais. Avec ce don des peintres de la nature, il sait attraper les couleurs comme personne. Mais lorsque les bombes allemandes tombent sur la ville de Guernica, ce 26 avril, il veut mettre son art au service de la représentation de la guerre dont il est, comme tant d'autres, le témoin, mais avec ce regard unique. Quelques semaines à peine après cette journée tragique, débute l'Exposition Internationale de Paris. Dans le pavillon espagnol, le monde s'apprête à découvrir Guernica, le chef-d'oeuvre de Picasso. Peindre l'horreur de la guerre, représenter avec autant de force cette bataille sans l'avoir vue de ses propres yeux, c'est ce qui interpelle Basilio au moment même où il vient à la rencontre du maître pour lui montrer ses propres peintures.



De cette rencontre fictive, Antoine Choplin fait naître une boucle qui interroge sur la représentation du réel et la part de ressenti dans l'art. Tout en sensibilité, par touches fines entre fiction et réalité historique, il parvient à élever le personnage de Basilio au rang d'artiste, le faisant s'interroger aux côtés d'un des plus grands artistes du XXe siècle sur la nécessité de voir dans l'art le moyen de dire le réel en le dépassant. C'est une jolie rencontre d'une grande richesse à laquelle nous fait assister Antoine Choplin, et elle aurait sans nul doute plu à Picasso lui-même.



Un roman porté par une écriture très poétique qui vous touche droit au cœur, tout en finesse, délicatesse, tel le pinceau de notre peintre espagnol pris dans l’horreur du massacre de Guernica. Bouleversant !
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La nuit tombée

Magnifique roman d'Antoine Choplin. J'avais déjà lu un roman de cet auteur "Partiellement nuageux" que j'avais beaucoup aimé. C'est un peu par hasard que j'ai vu ce livre "La nuit tombée". Je ne savais pas trop quelle histoire j'allais découvrir mais le fait de voir l'auteur qui l'avait écrit, a suffi pour que je le commence. Le sujet n'est pas bien gai. Cela se passe en Ukraine, deux ans après la catastrophe de Tchernobyl. Gouri, un écrivain public de Kiev se rend avec sa moto et une remorque à l'arrière dans la campagne ukrainienne. Il veut retourner dans son village qui est devenu une zone interdite à cause de la grande contamination autour de Tchernobyl. En route, il passe chez ses amis, Véra et Liakov. Il y trouve de la chaleur humaine, le partage du repas, les échanges joyeux et tristes et la vodka qui coule à flot autour des convives. Gouri attend la nuit pour pouvoir aller à Pripiat, son village natal. Il veut récupérer quelque chose qui lui est cher.

C'est un roman humaniste et chaleureux où la solidarité n'est pas un vain mot. Un sujet rude traité avec poésie, un vrai bonheur malgré le sujet.

Je ne peux que vous le conseiller.
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Partiellement nuageux

Un grand merci à @hordeducontrevent d'avoir fait une si belle critique qui m'a donné envie de lire ce livre. Un roman poétique, ciselé qui me fait penser à de la littérature japonaise. Un sujet grave puisque le récit se situe après la dictature de Pinochet. C'est une douleur sourde que l'auteur Antoine Choplin nous décrit.

Ernesto est astronome, il vit au Chili en territoire Mapuche à Quidico. Il habite avec "Le Crabe" son chat et Walter son télescope vieillissant. C'est pour ce dernier qu'il se rend à Santiago pour avoir une aide pour financer une pièce de son télescope : la lame de Schmidt. Il en profite pour visiter le musée de la mémoire, hommage aux disparus sous la dictature de Pinochet. Ernesto a lui-même perdu sa fiancée Paulina et s'en remet difficilement. De cette visite, il va rencontrer une jeune femme Ema, qui elle aussi a des disparus à pleurer. Ensemble, ils vont essayer de surmonter ce passé douloureux.

Malgré le sujet, on passe un très bon moment avec ce court récit. L'écriture est magnifique, poétique, douce et d'une lenteur digne des auteurs japonais.

Un bien beau roman que je vous recommande.
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