Ce livre est né d'une révolte.
Il relate un rechange de lettres entre un professeur d'université: le narrateur: Arnaud Rykner,et un ex- détenu, professeur, jugé et condamné pour une tentative de meurtre contre une femme qu'il aimait, un amoureux éconduit, Éconduit et violent, avec entre les lettres, son ressenti.
Ce n'est pas un roman social, l'auteur ne désire pas donner de leçons, c'est beaucoup plus que cela.
L'auteur se révolte contre le refus par l'Éducation Nationale de réintégrer en son sein, l'ex- détenu, professeur, qui a purgé sa peine.
Il s'identifie et rejette la bonne conscience, et, plus profondément encore il explore avec force nos enfermements!
Un texte intense et court qui nous pose des questions peut- être sans réponses:
Sort -on un jour de prison même après une libération?
Pouvons nous vivre libres ou demeurons nous toujours enfermés?
Arnaud Rykner nous conduit à une réflexion sur sa propre prison intime ainsi que sur l'autre:
"Qu'est ce que je fais d'autre,qu' inventer cette figure de "bagnard"que je fantasme à partir de clichés, de peurs,d'images plus ou moins éculées, plus ou moins justes. Et puis, faisons -nous autre chose, jamais, qu' inventer ceux que nous côtoyons, leur coller des identités?Qui peut dire qu'il atteint l'autre, en face de soi?
En contrepoint il nous questionne aussi sur la double peine infligée à ceux qui connurent la prison:peine pénale purgée, il leur faut encore payer, en étant tenu à l'écart de la société, à cause du casier judiciaire, l'ex- détenu parle:"Au dehors, c'est peut- être pire qu'au dedans."
"Comment pouvais- je comprendre que dehors n'existerait plus pour moi?
"Comment pouvais- je nommer ce Dedans dont je ne peux m'échapper?"
La lecture de ce roman émouvant, fluide et facile sauf si certaines tournures,répétitions,retour à la ligne, m'ont un peu gênée questionne :
Qu'est que la liberté?
Peut- on être enfermé à vie?
L'ex - détenu sort libre d'une prison dont il ne sortira jamais?
Combien de temps un homme doit - il payer sa dette à la société ?
Arnaud Rykner a perdu toutes ses illusions sur le bon fonctionnement de l'institution.
Il s'agit d'une expérience intense, intellectuelle et humaine qui dérange...
Une écriture dépouillée, juste et forte, une indignation réelle, un désespoir intime, un ouvrage qui se lit d'une traite, qui fait réfléchir et qui nous interpelle, par rapport aussi au métier d'enseigner!
Un opus pas habituel ni anodin semblable à l'écriture du "Wagon",autre livre fort de l'auteur que j'ai eu l'occasion de rencontrer en 2013.
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Dans ce roman aux courts chapitres, on vit avec quelques enfants venus là le temps des vacances. Des petits moments ensemble, des moments seuls où on se sent perdu. Dommage j'aimais bien l'idée mais l'écriture de Rykner n'a pas réussi à me convaincre complètement de cette solitude avec son style "poétique" et métaphorique. Je suis passée à côté de ce roman...
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Récit troublant et dérangeant de cette correspondance entre deux hommes. L’un sort de prison pour un acte qu’il a commis par amour, dont il a été jugé et condamné. Enfin la liberté ? Mais maintenant il va falloir affronter ses semblables et surtout l’éducation nationale pour y subir une double peine.
L’autre correspondant est l’écrivain Arnaud Rykner, professeur à la Sorbonne, son alter ego. Histoire vraie et fausse comme il est dit dans le livre.
Texte coup de poing qui donne à réfléchir sur la liberté, la prison, la justice, la tolérance, la vie, le mal être, la reconstruction et l’enfermement.
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Un détenu récemment libéré écrit à un homme qui l’aide à se réinsérer dans la société. Par le biais des mots, des lettres qui s’échangent, c’est une correspondance qui se noue. Mais au-delà des mots, le trouble va s’installer dans l’esprit du destinataire. L’ancien détenu tente de se libérer par l’écriture du regard oppressant, dévaluant, des hommes du dehors, et, ce faisant, il va tendre à l’homme censé l’aider le miroir de ses propres enfermements. Car cette correspondance vient poser à chacun la question cruciale de ce en quoi ils correspondent l’un et l’autre.
J’ai pu lire « La belle image » d’Arnaud Rykner dans le cadre de l’opération « Masse critique » organisée par Babelio.
« La belle image » est l’histoire d’une mutation, d’une conversion d’un homme, pas forcément celui auquel le lecteur pourrait s’attendre. Le style des lettres va venir en rendre compte. Au départ très soigné, érudit, porteur de multiples références littéraires, il se libère petit à petit, au fur et à mesure que l’image est interrogée, que le miroir se brise. Comme si la contenance de départ, d’un soi social lisse, venait s’éroder faisant jaillir un « je » libéré d’un masque social. Et avec ce « je », c’est le jaillissement, l’explosion d’une rage aussi intense qu’était l’effort réalisé pour la contenir, la pressuriser en soi. Alors l’écriture et ses convenances volent en éclat et les mots se heurtent presque, le style se libère, laissant la déraison parler, et avec elle, une poésie en deçà, au-delà des mots.
« La belle image » est une intrigue touchante, emplie d’énigme, d’une empathie qui se mue au fil des mots en sympathie. Proximité déraisonnable qui semble conduire à l’envers de la « belle image ». Un récit qui nous conduit à nous interroger sur nos propres prisons, en premier lieu, notre enfermement en nous-même, qui nous conduit, parfois, souvent, à nous fuir en fuyant…
Je tiens à remercier Babelio ainsi que les éditions du Rouergue pour cette belle découverte.
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2 juillet 1944. Un convoi roule vers l’impensable. 24 wagons en tout. A son bord, 2166 hommes parqués. Dans un des wagons, un homme raconte, se raconte, dans cet enfer. Dans trois jours, il aura 22 ans. Il s’efforce de penser pour ne pas perdre une parcelle de son humanité. Rester humain, jusqu’au bout.
Dans « Le wagon », Arnaud Rykner reprend une page sombre de l’Histoire, celle du convoi 7909, qui le 2 juillet 1944 est parti de Compiègne à Dachau. Les hommes parqués dans les 24 wagons du convoi ont été arrêtés par la police française ou par la Gestapo. Le périple a duré 3 jours dans des conditions particulièrement atroces : la chaleur fut notamment extrême. Ainsi, très rapidement, des hommes périrent dans les wagons : des survivants côtoyaient des morts qui s’accumulaient, rajoutant à l’horreur du périple.
L’auteur a voulu ici « donner une voix à l’autre. Prendre la place de l’autre. Faire parler l’autre en moi » (p. 13). Il s’est beaucoup documenté sur ce qu’un historien, Christian Bernadac, a appelé « Le Train de la mort » (1973). Dans le préambule de son livre, Arnaud Rykner essaie d’éclairer la part de vérité et de fiction que comporte son récit.
Si d’un côté, « Tout ce qui est raconté ici est vrai. Tout ce qui est inventé ici est vrai aussi. Bien au-dessous de la réalité. Ce n’est pas une fiction. » (p. 13), d’un autre, « tout ce qui est raconté est faux. Ce n’est pas un livre d’Histoire. L’Histoire est bien pire. Irréelle. Ceci est un roman. » (p. 14).
Un roman écrit en « je ». Dans l’un des wagons, un homme s’efforce de mettre en mots l’impensable. Dès le départ, j’ai été frappée par le contraste entre le style assez raffiné de l’écriture et l’horreur de ce qui est décrit, entre l’humanité que laisse transparaître le langage écrit et l’animalité que les tortionnaires renvoient à leurs victimes.
Raconter, se raconter, mettre en mots, pour soi, l’impensable, c’est peut-être cela qui permet de se dire humain dans un univers où l’autre nous ramène à la condition animale.
Ainsi, quand, pour la première fois du périple, un soldat allemand ouvre la porte du wagon, il hurle à ses occupants : « Tous des porcs ! », tellement il est saisi par l’odeur insupportable qui se dégage des wagons. L’homme se dit alors : « Nous sommes cela. Vous avez fait cela de nous » (p. 86)
Le regard de ce soldat lui donner envie de rire. Mais d’autres regards peuvent blesser infiniment plus, ceux de femmes, par exemple, qui viennent porter secours :
« C’est extraordinaire.
Il y a devant nous trois femmes en uniforme d’infirmières. […]
Mais dans ces six yeux braqués sur nous, c’est la vérité de ce que nous sommes devenus qui nous regarde, et nous sommes capables de la regarder en face.
Ça ne dure qu’un instant. Le temps de se dire qu’il aurait mieux valu ne rien voir.
Ça ne dure qu’un instant, mais ça nous saute dessus.
Et l’on voudrait fermer les yeux. Nous comme elles. » p. 119.
Ce roman décrit les mouvements de désespoir absolu, d’espoirs ténus, qui surgissent parfois, l’absurdité, en creux, de ce périple vers l’impensable. Si prier, par exemple, paraît exacerber l’incroyable absurdité de la situation, cela peut procurer, paradoxalement, un certain bien-être :
« Nous prions. Nous prions tout haut. Nous prions fort. Je hurle presque les phrases que je me suis forcé à apprendre il n’y a pas si longtemps. Ces mots des autres que j’ai faits miens pour ne pas me trahir. « Notre Père… »
Notre Père qui êtes aux cieux et pas sur la terre.
Notre Père qui êtes partout mais pas dans ce wagon.
Notre Père qui n’êtes pas mon père et certainement pas celui de tous ces morts qui chantent votre louange à leur façon, faite de gargouillis, de bruits de marécage.
Je récite le Notre Père avec mes camarades.
Et je m’aperçois qu’il me fait du bien. » p. 67.
Certains passages m’ont semblé particulièrement insoutenables, quand les cadavres s’accumulent dans le wagon, aux côtés des survivants. Mais l’humanité demeure. Rester humain, jusqu’au bout. Mettre en mots, pour soi, pour l’autre, pour se dire dans son humanité.
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Étrange ce roman. L'auteur, créée Joseph, alias Robert Walser ( 1878-1956) transféré contre son gré en clinique psychiatrique par sa sœur.
"Au début pas voulu, pas venir. J'ai résisté. Ma sœur voulait pourtant. Alors je suis resté".
Il imagine le quotidien, les pensées de cet homme.....
Joseph, a besoin de constance dans tout ce qu'il fait.... L'écossage des petits pois, faire des sacs en papier, bêcher et butter la terre du jardin, manger, se promener, et dormir.... Il nous parle aussi de ronds, de zéros... Si j'ai bien tout compris, dans sa tête, il devient un zéro....
Un très long monologue d'un malade atteint de schizophrénie
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Apocalyptique, c'est l'adjectif qui convient à ce livre. C'est un témoignage hurlant des atrocités nazies. D'autant plus que ce convoi est le dernier a quitter la France alors que le débarquement a déjà eu lieu et que chaque détenu sait que l'Allemagne est vaincue. Néanmoins, gratuuitement, par orgueil ou par dépit, voire par vengeance, on les emmène en direction des camps pour les faire tous disparaître et ce voyage sera effectivement mortel pour nombre d'entre eux. A inscrire dans nos mémoires d'hommes pour ne pas devenir des "bêtes".
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Il est des livres qui ont de résonances particulières, personnelles.
Celui-ci en est un.
Libre à chaque lecteur de trouver l'histoire abracadabrantesque, elle ne l'est pas tant que cela.
L'Amour peut rompre des tabous, tomber sur des gens qui n'y sont pas préparés.
Le livre est court et dense.
Je l'ai trouvé bien écrit. Même s'il y a longtemps que je l'ai lu, il reste en moi accroché quelque part.
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...Et moi aussi j'étais perdue dans cette histoire d'enfant/ adolescent qui ne sait pas très bien qui il est et à qui l'auteur ne donne jamais ni prénom, ni nom! L'auteur nous fait part d'une analyse de l'adolescence très noire et surtout très adulte. C'est nébuleux, artificiel et j'ai trouvé l'ensemble sans âme. Poétique?
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Un livre d'une poesie rare
La legereté d'un Haiku
sur 145 pages
Une vraie decouverte...
Comme un baume
A lire d'un souffle
ou en petites respirations
Vitales
Une ile .
Un lac
Une barque qui
Des bambous geants .
La flute
et le silence
Beau.
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Long monologue intérieur d'un malade psychique interné.
Cet homme (prénommé Joseph mais qui se désigne comme il) est rassuré par l'automatisme des taches données aux malades telles que la fabrication des sacs en papier et "l'écossage" des petits pois. On apprend en cours de lecture qu'il s'agit d'un écrivain reconnu, qui se retranche dans un comportement clownesque avec les pensionnaires au sein de l'institution et dans le silence avec le personnel encadrant qui essaie de le ramener à l'écriture par des moyens détournés. Notamment en l'autorisant à sortir se promener et même d'aller au village voisin pour relater ses sorties par écrit.
Cette liberté encadrée, lui ouvre des perspectives nouvelles de rêves et de rencontres animales et humaines qui l'angoissent et le rendent triste, il se sent par moment, envahi par ses démons intérieurs.
Un jour d'hiver froid et neigeux, il part se promener sur un lac gelé accompagné par un chien imaginaire, la pellicule de glace cède sous son poids, il se noie.
Ce livre est largement inspiré par la fin de vie du grand écrivain suisse du début du XXe siècle, Robert Walser, qui fut interné en 1929 à 49 ans jusqu'à sa mort en 1956. Il cessa d'écrire après son transfert contre son gré, dans une nouvelle clinique psychiatrique en 1933. Il meurt lors d'une marche dans la neige jusqu'à épuisement à 78 ans.
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livre fort lu lors du prix Jeand´heurs spécifique à la région où j'habite .trois jours dans un wagon de la mort .Le lecteur se sent fortement Impliqué tant ..par le style que par la force des mots
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“Se dit : J’écosse des petits pois” comme on se dit, en refermant le roman, Arnaud Rykner : maîtrise l’art de nous faire passer dans les pensées d’un autre. Sans désir d’enjoliver la réalité, en disant simplement ce qui est, puisque c’est ce à quoi s’attelle le personnage de Dans la neige. Puisqu’il est interné en hôpital psychiatrique, on pourrait se dire que les propos de Joseph sont peut-être altérés et pourtant, l’illusion est si parfaite que l’on adhère immédiatement à ce qui nous est donné à lire. Cette phrase inaugurale reflète déjà l’écriture qui s’ensuit : simple, honnête, efficace.
A la fiction se mêle un fond de vérité : le roman est inspiré de la vie de Robert Walser. Après un internement forcé en hôpital psychiatrique, les jours de l’écrivain Suisse prennent fin dans l’épuisement d’une trop longue promenade dans le froid de l'hiver bernois. Il est retrouvé mort dans la neige le 25 décembre 1956. S’il fonde son histoire sur les derniers mois de la vie de Walser, Arnaud Rykner ne prétend pas avoir été fidèle à la réalité. Il a conscience qu’il ne connaîtra jamais ses vraies pensées, ce qui ne nous empêche nullement de plonger dans celle du personnage que nous suivons au fil des pages. Nous nous glissons dans l’esprit de ce Joseph, parfois Tobias, aussi bien “je” que “on”, qui nous délivre un récit dont le morcellement reflète le rythme des pensées. D’abord témoins de ses songes instables, nous nous laissons peu à peu imprégner par ce qu’il ressent et vacillons avec lui entre peur, solitude, révolte, mais aussi joie, parfois. Alors que comme le directeur de l’asile, nous avions d’abord nous aussi envie de pousser Joseph à reprendre l’écriture, qui aurait pu lui être salvatrice, nous en arrivons finalement à comprendre son détachement du monde.
Avant d’arriver ici, Joseph était écrivain. L’interruption de son travail d’écriture est un choix délibéré qui reflète des questionnements de l’auteur lui-même. Rykner a conscience que le fait d’arrêter est peut-être le plus grand choix qui soit. Ainsi, peut-être cherche-t-il à observer ce que peuvent être les conséquences de tels choix en les projetant sur son personnage. Il trouve également une occasion de développer une autre réflexion qui lui tient à cœur dans le contexte de la mort de Walser. Puisqu’il s’intéresse aux traces qu’on laisse après la mort et à la façon dont une identité peut se dissiper, la neige s’avère être un cadre propice. Disparaître dans la neige, c’est se donner à la nature. C’est peut-être revenir à l’essence de toute chose.
Le tour de force d’Arnaud Rykner en vient alors à se révéler. Le personnage devient le reflet des préoccupations de l’auteur qui lui donne vie. En lisant Dans la neige, on ne fait pas simplement face à un homme schizophrène ; il se pourrait bien que le propos soit élargi à des questions qui concernent tout un chacun, en nous faisant prendre conscience de l’instabilité dont est touché l’humain qui, au fond, ne recherche peut-être rien d’autre que la liberté.
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Feutré, pudique, et incroyable coup de poing dans la face de l’hypocrisie socio-judiciaire.
Désormais sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/04/28/note-de-lecture-la-belle-image-arnaud-rykner/
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Recommandé par Christian, je décide de tenter le bouquin "qui résiste". Encore une bonne idée de départ (l'amour passion qui se passe de mots, se rit des barrières culturelle, linguistique, en fait même un atout), mais c'est un peu cliché quand même. Et puis on a du mal à croire à la liberté que s'accorde cette femme, quand on sait à quel point les musulmanes en sont privées culturellement. Et pourquoi « nur » en allemand?
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