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Citations de Asli Erdogan (389)


Le soleil est déjà haut mais c'est comme si la couleur du sang restait pendue à un crochet sur l'horizon. (Sur le pont, les lynchages ont commencé.) Davantage qu'un jour nouveau, il semble que la nuit continue et se prolonge... Venue d'un soleil plus lointain et plus froid, la lumière ne réchauffe ni ne console, elle ne promet rien aux vies qui ont été sauvées ou perdues.
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« L’air s’obscurcit tôt, la pluie se change en blizzard. Le vent âpre de la steppe tourbillonne au-dessus de la ville et de la vallée déjà couverte de neige. Le long hiver de l’Europe de l’Est, rude et impitoyable… Les chutes brutales de température, les orages, le froid insoutenable, l’obscurité… Les heures et les années pétrifiées dans une nuit devenue bloc de cristal. Monde d’horizons lointains et brumeux, presque imaginaires, dans la léthargie opaque et pesante d’un hiver qui ressemble au coma. La vie retirée au plus loin d’elle-même, attirée vers l’arrière, vers l’intérieur, vers ses propres profondeurs. Toutes les étoiles sont invisibles, et la lune surgit entre les nuages lourds et effrayants telle une plaie violacée, une flaque de sang qui goutte puis coagule dans des bandelettes de toile. Un œil injecté de sang, la pupille éclatée, qui essaie péniblement de s’arracher à l’obscurité, mais dont le regard révulsé, empli de douleur, se refuse à voir. Il ne dit rien, ne donne aucune réponse.

Je marche dans la nuit froide, sinistre et terrifiante, dans le silence glacé. Je suis seule dans la forêt spectrale. Comme la dernière survivante sur terre, comme une petite plaie surgie d’entre les bandelettes… Les arbres, secs et nus, ont perdu la mémoire en même temps que leurs feuilles, désespérés ils ont renoncé à être eux-mêmes, à se souvenir, à se tourner vers la lumière… De leurs longs doigts griffus, ils invoquent un temps vierge où les jours et les saisons n’ont pas cours, un temps réduit à une pure attente. Pure attente, pure perte… Je marche sur les traces d’une voix, d’un mot qui éclipsera la nuit. En route pour les tréfonds de la forêt nocturne… Pas une étoile en vue, on dirait que les mots s’éparpillent dans le silence comme des cristaux de glace que mon souffle exhale, les souvenirs, les existences et les émotions reposent inertes et sans vie sous l’épaisse couche de neige. Je ne ressens plus que le froid, et mes doigts gelés au point ne plus rien tenir, la nuit s’obscurcit au fur et à mesure que je marche, mes morts se retirent dans leurs tombes et grelottent… »
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Dans LIBERATION

10.11.16
17:30
La prison à vie requise en Turquie contre la romancière Asli Erdogan
Purge.

Des procureurs turcs ont réclamé la prison à vie pour la célèbre romancière turque Asli Erdogan, 49 ans, accusée avec huit autres personnes d'avoir collaboré avec un journal pro kurde, Ozgür Gündem, selon l'acte d'accusation préliminaire dévoilé jeudi par des agences de presse locales. On leur reproche d'être «membres d'une organisation terroriste armée», d'«atteinte à l'unité de l'Etat et à l'intégrité territoriale du pays» et de «propagande en faveur d'une organisation terroriste».

Asli Erdogan est traduite dans plusieurs langues. Son dernier roman paru traduit en français, le Bâtiment de pierre (Actes Sud, 2013), dénonce la torture et les conditions de détention en Turquie.
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IIs marchaient d'un pas dolent, très lentement, comme s'ils étaient chargés de chaînes et traînaient un écrasant fardeau. Ils avaient tous les pieds blessés. Le plus grand - il avait seize ou dix-sept ans - avait entouré d'un morceau de linge sale sa jambe cassée au-dessous du genou. Faute de béquille, il s'appuyait sur le gamin le plus proche, qui avait à peu près la même taille que lui. II avançait en sautillant, les dents serrées, au prix d'efforts qui déformaient son visage et faisait palpiter ses joues comme des ailes chétives. Il semblait sauter à cloche-pied en un cruel jeu de marelle... IIs passaient, la tête basse, les yeux fixes, le regard éteint, sans dire un mot. Un instant, j'ai oublié où j'étais, je me suis crue dans un hôpital de campagne proche du front, parmi des soldats revenant de guerre. Un bataillon de blessés laissant traîner derrière eux leurs bandages, portant les morts sur leur dos, vaincus, couverts de boue et d'un sang noir prêt à couler encore. C'étaient les enfants du bâtiment de pierre. Tout noirs, décharnés, des enfants coupables, battus sinon à mort, du moins sans pitié. Dépositaires des fautes commises au fil des générations, plus habitués que nous au froid et aux humiliations, leurs os se ressoudent plus rapidement que les nôtres... Enfants des rues impitoyables, des marchés désertés, des châlits, tous semblables sur leurs photos d'identité, résistant à la mort, ne trouvant pas de tragédie à leur mesure, et dont quelques-uns "sont susceptibles de se corriger". Surgis au cœur de l'invisible, ils venaient des vallées dépeuplées, des marécages, des sombres rêves souterrains. Lointains et solitaires, comme en plein désert. On aurait dit qu'ils marchaient depuis des mois et des années et qu'ils allaient marcher encore des mois des années. Même s'ils n'avaient plus la force de faire un seul pas.
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Le ciel s'enflamma une dernière fois, les nuages flambèrent puis s'éteignirent parmi les braises, le monde devint une immense coquille bleu marine.
Enfin, le nuage de nuit arriva, et il avala l'île.
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Il était devenu sans le savoir le centre de gravité, l'oeil du cyclone autour duquel tourbillonnait mon existence. Et les moments que nous passions ensemble étaient des cristaux sertis de foudre bleue.
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Il me sourit aussi, et je compris à l'éclat de ses yeux qu'il éprouvait la même attirance sexuelle impérieuse que moi.
En l'espace d'un seul échange de regards, nous avions fait voler en éclats les rôles du vendeur et de la touriste, du Noir et de la Blanche.
Nous n'étions plus qu'un homme et une femme face à face.
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Peut-être qu'il ne faut pas juger le passé à l'aune des critères du présent, mais en nous taisant et en faisant la sourde oreille, c'est notre crime originel que nous perpétuons. Une oreille sourde non seulement aux événements de 1915 et de 1938 mais aussi à ceux d'aujourd'hui...
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Si tu ne profites pas de la vie, c'est elle qui profitera de toi.
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Je me suis noyée dans bien des fleuves...
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Parfois, quand il jugeait le moment venu, il cassait une vitrine d'un coup de pied, se hissait dans l'étalage et prenait la place d'un père Noël, d'un garçonnet déguisé, pour sa circoncision, en pacha ou en général, ou de tout autre mannequin qu'il déshabillait pour enfiler ses vêtements ou s'en faire une cape. Puis il préparait son numéro de conteur. Fier comme un prince de retour d'exil, dans la vitrine dévastée, il s'installait sur son trône et s'adressait à la foule comme quelqu'un qui s'est enfin résolu à livrer publiquement un secret. Aveuglé par les enseignes lumineuses, il se lançait dans un récit confus et bizarre qui mettait sa vie à nu. [...] Il n'avait aucune envie de se confier mais il fallait absolument qu'il donne une voix, des mots et une substance à sa propre histoire. Là, dans un déploiement de couleurs, parmi les tissus délicats, les lettres géantes des enseignes clignotantes, les rideaux de velours et les étiquettes... "J'ai enfin trouvé ma place, l'endroit qui me convient, ce monde en creux, cet étalage de scintillantes étoiles domestiquées..." disait-il, impatient, désespéré, conscient de la fuite du temps.
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... ces Kurdes que nous informons, au cas où ils voudraient continuer à vivre parmi nous, qu’ils pourront le faire en se pliant à nos conditions et à nos conceptions… Mais nos réactions, au mieux, ne font que trahir nos propres mensonges et nos propres crimes…
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Cette prodigieuse faculté à répondre par l’absence et à nous laver les mains des ravages, des massacres et catastrophes que nous avons perpétrés..
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J’essaie désespérément de me rendre invisible, de me fondre et de m’évanouir dans l’obscurité pâlissante, de me mêler aux ombres, à la pierre, à la terre, de m’enrouler dans un ultime bout d’étoffe arraché aux lambeaux de la nuit…
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C'est seulement après la perte d'un amour que j'ai pu vivre et je n'ai pu apprendre la passion qu'après en avoir éprouvé la souffrance. (p. 44)
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Défendre la liberté et la paix, non le crime ni l'héroïsme, est notre devoir...
Plus que de les défendre, restaurer la signification sacrée que ces mots ont perdue... autant que nous pouvons...
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La terre de Mésopotamie qui depuis douze siècles, sans dire un mot, écoute et colporte l'histoire de l'homme... Terre où le commencement a rendez-vous avec la fin, les racines avec les morts, terre absorbante donnant vie à toute chose, au sang et aux cris, aux os et à la pierre, sans distinction, terre aux entrailles couvant ses mystères et ses germes futurs.
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L'homme est enfermé dans un cercle plus vaste que l'existence, il parcourt des chemins silencieux, pavés de pierre, sur les franges obscures de la vie. Il ne se révèle qu'au fond des impasses et aux carrefours.
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Plus rien désormais ici n'existe qui dissocierait les mots les uns des autres, tous dans la même pelote d'ombre, les mots comme leur négation s'écoulent puis se dispersent, rien ne sépare plus l'espoir du désespoir, avoir peur de ne pas avoir peur, être mort de ne pas être mort.
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Je suis dans l'un des angles morts du destin, un nœud formé de toutes ces routes qui n'en finissent plus de se chevaucher, sans lumière, sans issue et sans retour comme dans un cercueil...
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