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Critiques de August Strindberg (83)
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Amour maternel

Une mère qui veut que sa fille de 18 ans vienne jouer aux cartes avec elle plutôt que d'aller se baigner avec des jeunes gens de son âge. Seulement, la fille vient tout juste d'arriver à un tournant de sa vie ; c'est la prise de conscience que le soi-disant amour maternel toujours vanté haut et fort par la mère est avant tout mensonge, égoïsme et volonté d'empêcher toute émancipation de la fille. Deux personnages extérieurs se font l'écho de deux points de vue radicalement différents ; la "tante" Augusta, soutenant la mère envers et contre tout, taxant la fille d'ingratitude, et Lisen, une des rares amies de la jeune fille (peut-être même la seule), qui tente de la réveiller et de l'inciter à prendre son envol, quitte à la brusquer carrément.





Le sujet valait largement la peine d'être scruté par Strindberg. Même s'il n'est pas le premier ni le dernier à le traiter, il fait bon voir un auteur s'attaquer intelligemment à la relation mère-fille, qui relève parfois du tabou tellement on peut avoir tendance à la nimber d'une sainte auréole (rassurez-vous, je ne pense pas pour autant que toutes les mères soient maltraitantes ou que l'amour maternel ne soit qu'un vaste mensonge universel !) La pièce est subtile dans son étude psychologique - c'est-à-dire tout le contraire de Mademoiselle Julie (hum). Ce drame a ceci de spécifique qu'il ne nous conduit pas là où on l'attendrait : Strindberg montre comment s'émanciper est extrêmement compliqué pour une jeune fille, comment elle peut à la fois éprouver du dégoût pour sa mère et ne pas être capable de s'en détacher, jusqu'à en vouloir à la seule personne qui cherche à la tirer de son cloaque, jusqu'à choisir de s'enfermer dans cette relation malsaine de mère à fille.





C'est une histoire ordinaire, mais riche d'implications et de méandres psychologiques, avec des personnages et des dialogues qui sonnent juste. Et qui, pour le coup, aurait mérité un traitement plus long, d'autant que les personnages d'Augusta et, surtout, celui de Lisen, recèlent des ambiguïtés ici non développées. Si je me serais bien passée des dialogues fatigants de Mademoiselle Julie, je reste donc un chouïa sur ma faim en ce qui concerne Amour maternel, qui, cependant, ne manque pas d'intérêt, loin s'en faut.
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Au bord de la vaste mer

Figure nietzschéenne scandinave, Axel Borg, intellectuel et touche-à-tout incompris, mis à l'écart par ses supérieurs hiérarchiques obtus, qui le cantonnent à des tâches subalternes en réponse à ses idées novatrices, demande son affectation dans une île comme inspecteur des pêcheries. Conscient de sa supériorité intellectuelle, il se trouve très vite en bute à l'hostilité des pêcheurs, dont il ne peut s'empêcher de mépriser la vulgarité, ses projets de réforme pour une meilleure gestion des ressources ichtyologiques rencontrant leur inertie foncière. Lors de l'une de ses coutumières sorties en mer, il fait la connaissance sur un ilot, d'une femme de trente-quatre ans, dont il s'avère qu'elle s'est installée avec sa mère dans une maison à proximité de ses quartiers, et qu'il convoite immédiatement, sans nourrir cependant d'illusions à son sujet, ayant déceler chez elle la fausseté, l'inconstance, la puérilité, pour tout dire un terrain propice à l'hystérie. L'homme se fait tout de même un peu violence pour combattre sa pente à l'isolement et répondre à leurs invitations.



Au bord de la vaste mer ménage de très belle description des richesses géologiques, de la faune et de la flore du pays chéri du très fameux dramaturge suédois. Il sourd de ses pages une indiscutable et très lourde misogynie, symptomatique d'une peur viscérale des femmes et d'une conception de l'amour fusionnel inatteignable et forcément déçu. À déposer sous le sapin de votre amie féministe pour égayer le réveillon.
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Au bord de la vaste mer

On l’a surnommé le Zola de Suède. Et ce n’est pas pour rien ! Longues longues descriptions, personnages torturés et victimes de leur temps, réflexions sur la société… Le personnage principal est un scientifique, un passionné de l’érosion qui a une idée bien définie de ce que la société idéale devrait être : la passion amoureuse, lui, ça ne lui dit pas grand-chose ! Et pourtant, c’est bien ce qui va lui arriver, sur la petite île des marins d’Oesterskaer… Mais pour gagner le cœur de celle dont il s’est épris, il lui faudra mettre de côté ses certitudes sur sa supériorité intellectuelle. Ce qui, bien entendu, ne va pas marcher bien longtemps. Dilemmes intérieurs, interrogations de la condition humaine, un récit à la fois pesant et haletant.
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Au bord de la vaste mer

Axel Borg est un être doué d’une intelligence supérieure à la moyenne de ses concitoyens. Conscient de sa valeur, il n’a de cesse de travailler et d’étudier afin de pouvoir exercer sa soif de domination et de pouvoir et ainsi créer une nouvelle race humaine à son image et à son niveau intellectuel rien de moins… Borg se distingue partout où il passe mais son savoir lui attire la haine des autres et surtout, fait de lui un être dangereux qu’il faut à tout prix neutraliser. Ses études universitaires terminées, il obtient un poste de préparateur à l’Académie des Sciences, s’étant spécialement adonné à l’étude des sciences naturelles. Ses supérieurs ayant tôt fait de voir en lui une menace et un intrus, ils s’empressent de l’accabler de travaux d’importance secondaire et rebutants. Borg endure tout et supporte bravement les persécutions pendant sept longues années. Il demande ensuite un poste d’inspecteur de pêche et obtient facilement la place d’inspecteur principal dans l’archipel de Stockholm. Sa tâche consiste à enseigner aux pêcheurs à moins dépendre du stroemming, principale ressource qui menace de disparaître. Borg doit donc leur trouver un nouveau moyen de subsistance qui puisse remplacer l’ancien. Il s’installe donc dans la petite île de Oesterskaer et commence à travailler. Mais, bien que se démenant pour aider les habitants de l’île à améliorer leur sort, il est bientôt en butte à l’hostilité générale de la population qui voit en lui un être qui les méprise et ne cherche qu’à les dominer. Un thème développé dans "Le bouc émissaire". Notre héros commence à trouver la situation intenable quand une jeune femme et sa mère débarquent dans l’île. Borg, qui jusqu’à ce jour, n’a accordé d’importance qu’au savoir et à ses capacités intellectuelles découvre l’amour, ce qui vient bouleverser sa vie et sa façon de fonctionner. La machine commence à s’humaniser mais le savant constate que pour pouvoir conquérir cette femme, il devra laisser de côté sa supériorité et s’abaisser au niveau de celle qu’il aime plus que tout mais qu’il considère comme très inférieure à lui. Comment réussira-t-il ce tour de force de pouvoir concilier cette dualité en lui et s’abaisser sans pour autant renier tout ce qu’il est lui-même ?



Encore une fois, Strindberg m’a fait vivre un grand moment de littérature avec ce livre d’une densité et d’une profondeur d’analyse remarquables. Je sais, le firmament Strindbergien brille de nombreuses étoiles mais comment faire autrement quand on plonge dans l’univers d’un tel génie ? Outre l’histoire d’amour de Borg et de Mademoiselle Maria, Strindberg nous gratifie de magnifiques descriptions de la faune marine, de la flore et du monde minéral d’un archipel suédois. Mais ce qui domine le récit, c’est la personnalité monstrueuse et pourtant attachante de Borg, cet homme tourmenté, solitaire, angoissé, élitiste, supérieur et perfectionniste. Comment ne pas faire le rapprochement avec l’auteur car c’est bien lui que je percevais à travers ce personnage de fiction. Un homme qui essaie de diriger sa vie à sa guise en évitant le contact des autres qu’il juge inférieurs et dont la société le fait dévier de son but et lui fait perdre des capacités intellectuelles acquises au prix de grands sacrifices. La solitude constitue un refuge mais elle mène aussi souvent tout droit à la folie... Je ressors de cette lecture totalement bouleversée ! La fin est tout simplement hallucinante !



« Il s’enivrait de cette idée, sentait comment son Moi croissait, comment les cellules de son cerveau germaient, crevaient leurs écorces, se multipliaient et engendraient de nouvelles espèces de représentations qui, un jour, jailliraient sous forme de pensées, tomberaient dans la substance des autres cerveaux comme des champignons de levain, forceraient des milliers d’êtres à servir de couches pour ses idées germantes — ne fût-ce qu’après sa mort… »



« Fini, l’espoir de sa jeunesse de trouver la femme qu’il cherchait ! « Une femme ayant assez de raison pour comprendre l’infériorité de son sexe à l’égard de l’autre. » » (Strindberg était reconnu comme ayant de fortes tendances à la misogynie et cela transparaît souvent dans ses écrits.)



« Tu vois, Borg, que tu crains la mort ! — Parbleu ! Comme tout ce qui vit et qui, sans la crainte de la mort, n’aurait jamais vécu ! Mais le jugement, vois-tu, je ne le crains pas ; car c’est l’œuvre qui fait juger le maître, et ce n’est pas moi qui me suis créé ! »
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Au bord de la vaste mer

d'une beauté rare........
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Au bord de la vaste mer

Un homme arrogant et précieux qu'un séjour sur une île va faire progressivement basculer dans la folie.

Puissant, drôle et désespérant.
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Au bord de la vaste mer

Quelle lecture fastidieuse ! Le style n’est pas arrivé à capter mon cerveau. J’ai trouvé sublime, de cet auteur suédois, Le bouc émissaire. Est-ce une histoire de traduction ? Borg, inspecteur en pêcheries ayant une haute opinion de lui-même, va bien sûr se faire détester par les habitants de ce port d’une île suédoise. De jolies phrases sur la nature et le fond des mers, rebutant sur les scientifiques. Ensuite ça part sur une histoire d’amour avec des comportements tordus qui m’ont échappés. Trop misogyne à mon goût, manque d’humour. Désolée de faire baisser la note à ce roman qui n’a, jusqu’à maintenant, que des critiques élogieuses.
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Au bord de la vaste mer

Qui lit encore August Strindberg de nos jours ? J'avoue qu'avant de découvrir ce roman paru en 1890, le nom de son auteur ne m'évoquait pas grand-chose, j'aurais même pu le prendre pour celui d'un coéquipier de Zlatan en équipe nationale. Direction la Scandinavie : la vaste mer du titre est la Baltique, pas si vaste que ça en réalité. C'est aussi une mer allégorique, ainsi que la fin du roman nous le suggérera.



L'histoire est centrée sur le personnage d'Axel Borg, fonctionnaire de l'État suédois, envoyé sur une île pour y superviser l'activité des pêcheurs locaux. À première vue, le sujet peut paraître assez austère... Et oui, ça l'est. Pas d'humour ou de légèreté ici, il s'agit d'un roman aussi riant et chaleureux que les paysages nordiques. Strindberg se plaît d'ailleurs à nous offrir de longues descriptions de la nature, ainsi que des développements scientifiques et philosophiques tel que cela se pratiquait au 19ème siècle. Cet aspect sert surtout à appuyer le caractère très intellectuel, réfléchi, introspectif de son personnage principal... qui, durant tout le roman, va contraster avec l'environnement fruste où il se trouve plongé dans le cadre de sa mission d'inspecteur des pêches.



Jamais Borg ne parviendra à s'intégrer à la population de l'île, il en est tout à fait incapable : il est l'archétype de ces individus intellectuellement supérieurs, mais handicapés par un manque criant d'intelligence sociale et émotionnelle. C'est un homme très (trop ?) conscient de ses qualités, et qui souffre de n'avoir jamais trouvé sa juste place dans la société, de tout temps persécuté "d'en bas par les inférieurs, d'en haut par les médiocres". Quand il demande pourquoi les habitants de l'île le haïssent et qu'on lui répond que c'est parce qu'il leur est supérieur, il dit : "Je ne le crois pas, car leur intelligence est insuffisante pour apprécier ma supériorité"... À ce stade, Borg a sans doute perdu la sympathie de pas mal de lecteurs, et il s'en fichera bien d'avoir gagné la mienne. Et que dire de sa vision des relations sociales, des femmes et de l'amour – ou plutôt de ces "instincts féroces qui se dissimulent sous le grand nom d'amour" !



Car le flot des sentiments vient chambouler le bel ordonnancement de la vie de notre scientifique, lorsqu'il rencontre Maria, jeune femme plus si jeune puisqu'elle a déjà trente-quatre ans, dont on apprendra plus tard qu'elle est de celles que "l'homme n'épouse pas", et qui en fin de compte ne semble pas du tout assortie à lui... Mais même la personne la plus rationnelle ne peut lutter face au court-circuitage des fonctions de son cortex préfrontal (voir ma récente critique sur "Les souffrances du jeune Werther"). Faute de pouvoir trouver une compagne à son niveau, Borg se résigne à s'abaisser à celui de la modeste Maria. C'est peine perdue, ils rompent presque aussi vite qu'ils se sont fiancés. La romance est donc courte, ce ne sont pas ses développements qui intéressent l'auteur, mais plutôt ses causes (s'étant longtemps préservé des sentiments, Borg y est d'autant plus vulnérable, de la même manière qu'un organisme surprotégé perd ses défenses immunitaires) et surtout les funestes conséquences de cette passion amoureuse : sans trop spoiler, on devine que tout cela ne se terminera pas par "Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants".



Au-delà de la question de l'amour, les idées qui irriguent "Au bord de la vaste mer", telles que les inégalités fondamentales entre les différents groupes sociaux, devaient déjà faire grincer certaines dents en 1890, et ces pages sont teintées d'une misanthropie et surtout d'une forte misogynie. J'ignore si le personnage de Borg est un avatar de Strindberg ou si l'auteur a fait en sorte de pousser le curseur au maximum pour faire réagir son lectorat. En tout cas cela a fonctionné chez moi, songeant plusieurs fois "Non, il n'a quand même pas osé !" avec ce plaisir de l'enfant qui entend proférer des gros mots. Sans dire que j'adhère à tous les propos et analyses de Strindberg, je mentirais si je prétendais les rejeter totalement... Mais là encore, de nombreux lecteurs ne seront peut-être pas aussi réceptifs. À l'heure où on en est à caviarder Roald Dahl ou frapper J.K. Rowling de damnatio memoriae, il faudrait presque ajouter un trigger warning en tête de chaque chapitre. On peut imaginer ce qui arriverait à l'oeuvre de Strindberg si nos nouvelles Ligues de Vertu avaient la curiosité de se pencher sur elle...



En attendant, la lecture de "Au bord de la vaste mer" reste autorisée, et si ce n'est clairement pas un roman que je conseillerais à tout le monde, il mériterait néanmoins d'être un peu plus mis en lumière.
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Correspondance - Tome 1 (1858-1885)

Critique de Lionel Richard pour le Magazine Littéraire



Pas un jour ne passait sans qu'August Strindberg (1849-1912) prît la plume pour deux ou trois missives. Sa correspondance est donc un réservoir d'informations sur les aléas de son existence, les milieux fréquentés, ses réactions à l'égard de son entourage. De ses privations d'étudiant à ses déboires de journaliste tenu en laisse et, après avoir abandonné son emploi miteux à la Bibliothèque royale de Stockholm, à ses rêves de conquérir une renommée d'auteur dramatique à Paris, notre homme toujours tout feu tout flamme n'arrête pas d'écrire aux membres de sa famille, aux littérateurs qu'il connaît, à des directeurs de revue ou à des éditeurs. Il leur dévide ses anathèmes, ses invectives, ses convictions, ses interrogations. Envoyer des lettres lui sert principalement à crier sa révolte et son individualisme indéfectible. Bien qu'écrasé de dettes, il tient à exprimer son refus de toute compromission qui, dans l'ordre de son activité littéraire, aliénerait une parcelle de son indépendance. Il ne veut « marcher avec personne ». Il veut « rêver » quand son coeur le réclame. « Je ne permettrai jamais que mon activité dépende de la critique ou des caprices du public, je n'obéirai qu'au besoin de ma propre nature », prévient-il à l'intention de l'un de ses éditeurs en 1884. S'affirmant disciple de Jean-Jacques Rousseau, il se proclame un opposant définitif des « réactionnaires », l'adversaire à jamais de « la classe supérieure ». Orgueilleusement, il se résigne à ne voir autour de lui, jusqu'à la paranoïa, que des ennemis. Que cherche-t-il à fuir en choisissant de s'exiler en France ou en Suisse ? Les « miasmes de la pourriture suédoise ». Mais, sous les allures du matamore, affleure le noeud de souffrances non étalées. En attestent ses contradictions. Tout en professant l'athéisme, il souhaite ne pas perdre la chance d'obtenir l'intervention charitable de Dieu au cas où il aurait besoin d'être sauvé de la misère. Il est à la fois partisan d'une émancipation de la femme et contre le « féminisme », tour à tour amoureux et misogyne, admirateur de la solitude aristocratique de Nietzsche et adepte du « socialisme ». Quant à la littérature, elle le « dégoûte ». Il trouve « ignoble » de « se mettre à nu ». En ne cessant, pourtant, d'accumuler romans, pièces de théâtre et confessions autobiographiques.

La candeur n'est pas son fort. Il scandalise en toute conscience. Avec cynisme, il se félicite de ses provocations. En une langue imagée, nerveuse, débridée, voire vulgaire, il tranche sur tout et fustige sans pitié. En français, le choix de ses lettres, une fois sa publication terminée, couvrira l'ensemble de sa vie, ou presque. Trois volumes sont prévus. Le tout représentera, en dehors de simples messages ou billets, un dixième seulement de ses 70 000 envois. Cette rage épistolaire, qui se matérialise par près d'un tiers des 72 tomes de ses ?uvres complètes, ne nous était que fort mal perceptible jusque-là. Elle confirme une évidence : avec Strindberg, la Suède possède son génie littéraire, et sans égal.
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Correspondance : Tome 3 (1894-1912)

On retrouve dans celles de ce dernier volume la violence et la combativité attachées à chaque œuvre de l’écrivain.
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Créanciers

Un hasard incroyable me fait lire cette pièce de Strindberg après "Un amour insensé" de Tanizaki : les deux oeuvres ont bien des points communs, notamment les relations de Tekla et de son second mari Adolphe, pygmalion dépassé par sa créature.

Cependant la perversité qu'on attribue à Tanizaki ne peut se comparer à celle de Strindberg qui dévoile à travers cet écrit une âme de comptable bien peu reluisante : le mari "donne donne donne". La femme "prend prend prend".

C'est ce qu'Adolphe confie au premier époux de Tekla, Gustave, manipulateur ayant pour dessein secret la destruction du nouveau couple. Non par pure vengeance, ce qui le rendrait en somme plus humain, mais pour récupérer sa mise.

Car pour Strindberg seul l'homme donne : l'homme étant "le père de la femme", comme il le dit crûment, l'épouse est redevable de tout à son mari : de l'avoir épousée, de l'avoir "éduquée" (comme l'imagine Tanizaki ou Molière dans l'Ecole des femmes, ce qui introduit le soupçon d'un fantasme quasi incestueux), de lui avoir fourni maison, parure, amis, loisirs. Bref le mari est le créancier de sa femme et la femme qui quitte son mari est une voleuse, tout simplement.

Avec pareille mentalité, on comprend que Strindberg ait été un homme aigri et qu'il ait raté sa vie sentimentale et conjugale.

Cette pièce fut mise en scène avec beaucoup de succès en 2018 par Anne Kessler pour la Comédie Française. Elle fut interprétée par Adeline d'Hermy, Sébastien Pouderoux et Didier Sandre.

J'aurais beaucoup aimé savoir comment Anne Kessler a fait vivre ce texte. Monter une pièce de théâtre, c'est la ré-écrire avec un souffle, une tonalité propres, parfois très différents de ce qu'un lecteur seul face à l'écrit peut percevoir. Le théâtre est fait pour la scène.



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Créanciers

Trois personnages. Tout d'abord Adolphe, qui se plaint de sa femme Tekla, dont il ne peut se passer, dont les absences le rendent malade, et qui n'arrête pas de se plaindre. Gustave, plus ou moins un ami, du moins pour le temps de la scène un confident, qui s'échine à convaincre Adolphe que Tekla lui pourrit la vie et qu'il doit s'affranchir de sa tutelle dévastatrice. Pas d'acte, pas de scène à proprement parler, mais une construction très efficace puisque répartie entre trois confrontations successives, rythmées par les sorties et les entrées des trois personnages : Adolphe / Gustave - Adolphe / Telkla - Telkla / Gustave.





Nous voici donc repartis, après Mademoiselle Julie, dans le monde de souffrances de Strindberg, de ses récriminations contre les femmes, et des malheurs qui découlent des relations entre les deux sexes. Certes, Strindberg a évité les écueils de sa pièce précédente : pas de personnage franchement caricatural ou hystérique ici. Encore que... encore que Tekla la castratrice, telle qu'elle est montrée par Strindberg, c'est un peu lourd à mon goût. Donc, impossibilité de communiquer entre hommes et femmes, relations malsaines de couples, etc., etc. Alors oui, on sait que Strinberg était malheureux en mariage avec Siri à l'époque. Mais, personnellement, je m'en contrefous.





Je ne trouve pas la pièce novatrice, je ne trouve pas l'idée de la vengeance ourdie en sourdine d'une originalité débordante, et, même si je ne considère pas la pièce comme inintéressante, elle ne restera pas marquée au fer rouge dans ma mémoire. Et je considère que Strindberg a tout de même poussé le bouchon un peu loin en accusant Ibsen de l'avoir plagié avec Hedda Gabler. Mais bon, il est bien connu qu'ils se détestaient et nous mettrons cet accès de mauvaise humeur sur le compte de leurs relations pour le moins difficiles.





Ah, il faut que j'ajoute un petit quelque chose : d'habitude, je lis scrupuleusement les préface des livres, plutôt après le texte principal, d'ailleurs. Là, j'ai tenté très fort de lire celle de Marc-Vincent Howlett, avec ses phrases toutes sur le même modèle, telle "Un tel truisme n'infirme pas la thèse foucaltienne de l'absence de l'auteur ; il ne fait que déplacer la position de l'auteur, le sujet est décentré, pour..." Rassurez-vous, j'arrête là. Cette préface pompeuse, destinée avec ostentation à un public qui serait le plus étriqué possible, a eu raison de moi ; d'autant que j'en avais lue une autre, dans une autre édition, bien plus accessible et donc bien plus intelligente. Je ne dis donc pas merci aux éditions Circé pour ce morceau de grandiloquence pontifiante et ennuyeuse à souhait. de quoi vous dégoûter de Strindberg, du théâtre, et de la littérature tout court.









Challenge Théâtre 2018-2019
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Drapeaux noirs

D'une incroyable dureté...



Un des derniers livres écrits par Strindberg dans lequel il règle des comptes avec beaucoup de gens. En effet, tous les personnages décrits dans ce livre sont inspirés de gens ayant réellement côtoyé l’écrivain. Il a d’ailleurs eu toutes les misères du monde à le faire publier car aucun éditeur ne voulait prendre ce risque de peur des poursuites.



Lars Petter Zachrisson dit « Zachris » est un écrivain et rédacteur au journal « Le Bien du Peuple frère ». Ce journal est dirigé par Lögnroth, le rédacteur en chef assisté de son secrétaire Smartman. Ici, Strindberg nous introduit dans le monde de la presse et de la littérature suédoise. Un monde qu’il nous présente comme irrémédiablement corrompu et décadent. Zachris ne recule devant aucune bassesse pour avancer et se faire une renommée. Il vole la fiancée de son meilleur ami, la sublime Jenny et en fait sa créature qu’il domine et manipule à sa guise. Au contact de Zachris, Jenny se transforme et sa divine beauté n’est bientôt plus qu’un souvenir car son sinistre époux s’arrange pour la mettre enceinte deux fois en la violant, la réduisant ainsi à sa merci complète et totale. Jenny deviendra une espèce d’épave morphinomane et ayant perdu complètement contact avec la réalité.



Mais les perfidies de Zach ne s’arrêtent pas là. Il ruine un de ses amis écrivain et l’accule au désespoir. Il se sert des gens et les piétine lorsqu’ils ne lui sont plus d’aucune utilité. Il règne sur son entourage en despote et se pousse vers le haut à coups de mensonges et de fourberies. Comme il est avocat, il connaît la loi à fond et s’arrange toujours pour ne jamais être coupable de rien. C’est un funambule qui jongle avec la vie et le destin de ceux qui ont le malheur de croiser son chemin. Sa vie est un véritable enfer ! Son ménage est une gigantesque farce et d’une décadence encore inégalée, mais Zach trouvera son salut comme toujours contrairement à Jenny…



Ce livre est une saga avec une foule de personnages dont j’ai suivi les déboires avec beaucoup d’intérêt. La méchanceté et la ruse dominent cette petite société mais on y trouve aussi de la camaraderie et un havre de paix en un établissement appelé « l'Abbaye », appartenant au comte Max, qui sert de refuge aux hommes trop meurtris par leur vie de débauche et qui souhaitent y trouver un peu de paix et de sérénité.



Strindberg atteint ici le sommet de son art. C’est écrit d’une magistrale façon. C’est dense, compliqué, tortueux, avec plein de références à des personnages célèbres et à des événements marquants de l’époque de l’écrivain. Il y a beaucoup de notes de fin de page extrêmement intéressantes et instructives. De plus, Strindberg s’accapare des chapitres entiers pour nous faire de petites leçons de morale, de sciences naturelles, de parapsychologie et de chimie ! Moi, j’ai aimé mais certains pourront trouver cela ennuyeux un brin.



Tous les thèmes et obsessions strindbergiens s’y retrouvent soit l’absence de morale, l’argent, les femmes et leur émancipation, les mœurs, la saleté de la vie, les bassesses humaines et les luttes pour le pouvoir et l’ascension sociale. Un livre d’une extrême dureté.



J’ai éprouvé toute une gamme de sentiments pendant ma lecture… J’ai souri, j’ai ri, j’ai été émue souvent mais le dernier chapitre constitué de la lettre de Smartman à son fils m’a littéralement tiré des larmes. Strindberg nous livre une confession si émouvante et si belle sur la vie, j’ai senti que son âme rejoignait la mienne et que nous ne formions plus qu’un tout tellement sa vision de la vie est semblable à la mienne.



Deux âmes en parfaite communion …



Le livre comporte une préface de Strindberg lui-même et une postface des deux traducteurs.



« Lögnroth n’était pas d’un aspect séduisant. Il était monté en graine comme une laitue pendant un été sec et portait les couleurs pâles du céleri. »



« Il était évidemment agréable d’en être débarrassé. Mais pour la fête de Noël il fallait les enfants ; ils étaient décoratifs et formaient la toile de fond. »



« Les tulipes sont des êtres gais qui aiment la lumière, la joie et la musique. Si on joue pour elles, elles rient aux éclats, se penchent sur le bord du vase comme si elles voulaient être de la partie. »



« La première fois de l’automne que l’on voit, en sortant le matin, les arbres nus, on est pris d’une sensation de solitude, de vide et de malaise. Mais le lendemain on découvre de nouveau horizons. On voit à travers les objets, on voit plus loin, on se sent libéré ; tout est plus aéré, plus spacieux. Ensuite, on cesse de ressentir quoi que ce soit, jusqu’au jour où le givre décore les arbres de quelque chose de métallique, de rose et d’argent. »



« Kilo s’enfonça dans la chaise longue et « éteignit ses yeux » pour mieux entendre et mieux comprendre. »
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Drapeaux noirs

Satire ou règlement de compte de l'auteur avec le milieu littéraire suédois? D'un côté, les dîners mondains, la vie affairiste des professionnels de la littérature, et de l'autre, la retraite à l'abbaye de Sikla, des hommes en quête d'une nouvelle époque spirituelle. Livre manichéen, mais aussi attachant que révélateur des différents thèmes de l'écrivain, et où l'on retrouve également d'amples échos de la tourmente sentimentale que fut son existence.
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Inferno

La folie est comme une île qui s'enfonce lentement dans la mer. Elle vous isole et vous noie. Et si Sartre déclarait "L'enfer c'est les autres ", August Strindberg témoigne que son enfer à lui est surtout la peur irraisonnée de l'autre, de tous les autres, même les plus proches, les plus chers. Cette constante méfiance fait d'un homme, pour sa plus grande souffrance, un damné, un maudit, un être voué à une douloureuse solitude.



Inferno est le récit autobiographique de cette "damnation". Entre 1894 et 1896, Strindberg va traverser une profonde crise intérieure. Malgré l'amour, le couple qu'il forme avec sa deuxième épouse, Frida Uhl, est devenu pour lui une véritable prison. Ils sont alors établis à Paris où le dramaturge jouit d'un certain succès. Pourtant, cette reconnaissance qui devrait le combler ne suffit pas à le rendre heureux. Strindberg aspire à un idéal bien plus haut et le couple se déchire sans fin. Une séparation provisoire est alors décidée. Frida repartie en Suède, Strindberg éprouve un immense soulagement. Il va enfin pouvoir se consacrer à l'alchimie, science obscure et mystérieuse pour laquelle il se sent appelé. Totalement seul, dédaignant les quelques amis qui le réclament encore, il travaille à ses expériences.

Pourtant il se sent mal, plus mal que jamais. Persuadé d'être constamment surveillé, il perd le sommeil. La nuit, des courants électriques lui traversent le corps, le laissant exsangue. Des puissances occultes voudraient le châtier et des gens qu'il n'arrive pas à nommer souhaitent sa mort. Tout lui devient symbole et signe funeste. Il s'essaye même à la magie noire. Strindberg est en train de perdre la raison.

C'est une perte qui vient logiquement s'ajouter à toutes les autres. Car Strindberg a déjà perdu sa femme, sa fille, son désir d'écrire et sa foi. Cela est plus que suffisant pour ébranler l'âme d'un homme. Malheureux, sans cesse tourmenté, il se console en buvant de l'absinthe, ce qui ne fait qu'aggraver ses hallucinations. Se sentant persécuté, il fuit d'un logement à l'autre et même d'un pays à l'autre, en proie à des délires paranoïaques de plus en plus grands. Sa solitude lui est alors comme un poison qui le ronge. "La terre c’est l’enfer, la prison construite avec une intelligence supérieure, de telle sorte que je ne puis faire un pas sans froisser le bonheur des autres, et que les autres ne peuvent rester heureux sans me faire souffrir." Il voudrait retrouver sa fille, conscient que cette enfant lui permet d'exprimer le meilleur de lui-même, mais il se défie de sa belle famille et de sa femme. Cette expérience douloureuse lui inspirera d'ailleurs l'une de ses meilleures pièces, "Père".

Puis, viendra la découverte de l'œuvre de son compatriote, Emanuel Swedenborg, scientifique et théologien dont les écrits feront basculer Strindberg dans le mysticisme et le repentir.



Durant cette période difficile pendant laquelle il faillit plusieurs fois être interné, August Strindberg tenait un journal. Inferno en serait, selon ses dires, une "reproduction". Il a choisi de l'écrire en français et bien qu'il ne possède pas parfaitement cette langue d'adoption, l'écriture est précise, fluide et le récit s'organise avec méthode, attestant probablement d'un travail de réécriture. Malgré toutes ces qualités, la lecture fut éprouvante parce que dérangeante. Plus le récit progresse vers un état de folie, plus les pauses deviennent nécessaires et j'ai dû souvent reprendre mon souffle pour venir à bout de ce récit oppressant. Car Strindberg ne nous épargne pas et  livre un vrai témoignage de ces années de souffrance psychique. On devine bien dans quel enfer il est descendu, dans quelle solitude il s'est enfoncé, poussé toujours plus loin par ses angoisses et ses peurs qui ont fini par le couper du monde.

Mais parallèlement au malaise, j'ai ressenti une profonde compassion pour cet homme qui se croit menacé de toutes parts et dont le pire ennemi n'est autre que lui-même. Durant ces années, Strindberg se détruit et fait le vide autour de lui. Ceux qui l'aiment encore n'ont d'autre choix que de le quitter, tant il leur fait du mal, sans toujours le vouloir. Et la conscience aiguë qu'il a de ce gâchis lui cause un chagrin profond. Il sait tout ce qu'il manque. Mais il est comme "à côté" des autres et les démons dont il sent sans cesse la présence autour de lui ne sont peut-être, au fond, que les tourments de sa culpabilité. 

Alors, bien sûr, il y a quelques considérations misogynes et aigrelettes qui parsèment le texte deci delà, fortifiant sa légende et faisant de lui un personnage parfois très irritant. Strindberg avait, semble-t-il, un don pour ne laisser personne indifférent, suscitant l'engouement ou le rejet. Mais lire Inferno nous le rend plus proche, presque plus "humain". C'est une vraie confession, que je pense sincère, et dont certains passages m'ont bouleversée car plus encore que la folie, l'enfer est peut-être la peur de devenir fou, la pleine conscience de ce lent enlisement. 





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Inferno

Un livre difficile à catégoriser : autobiographie ? Roman ? Le narrateur peut en tout cas être assimilé à l'auteur. Celui-ci est en fuite, dans une situation presque toujours précaire, au bord de la crise qui l'enverrait à l'asile d'aliénés. Angoissé, paranoïaque, il s'imagine poursuivi, persécuté et en danger. Au-delà des hommes, ce sont les forces occultes auxquelles il croit et par lesquelles il s'imagine persécuté ou mis à l'épreuve. Dans l'urgence de sa terreur, analysant et théorisant chaque détail, il apparait enclin à embrasser n'importe quelle doctrine susceptible d'expliquer ce qui lui arrive. Je n'ai pas été emballé par cet ouvrage, malgré une écriture très agréable.
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Inferno

Angoisse, délire, paranoïa, remise en question spirituelle et dérive psychique : telles sont les épreuves subies par l’un des plus grands hommes de lettres suédois et racontées dans un récit autobiographique : Inferno.



Critique complète à lire sur le webzine.
Lien : http://www.undernierlivre.ne..
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Inferno

Inferno (1897) est l’un des deux livres que le suédois August Strindberg a écrit en français, et si cet ouvrage est moins connu que ses œuvres théâtrales, il est central pour connaitre l’écrivain car c’est l’autobiographie, l’autoportrait puissant en forme de roman, d’un homme qui a beaucoup souffert de sa paranoïa. Il a aussi écrit des dizaines d’articles dans des revues françaises entre 1883 et 1911, et déclara d’ailleurs en 1894, «Écrire en français dans le Figaro fut la réalisation d’un rêve de jeunesse». Comme d’autres artistes de son époque, il rêvait de conquérir Paris.

Sa vie privée et ses écrits, notamment Mademoiselle Julie, ont suscité un tel scandale qu’il a été amené à quitter son pays. Et à l’hostilité réelle de la société suédoise conservatrice et pétrie de luthérianisme, s’est ajouté le harcèlement incessant de multiples ennemis imaginaires, sans compter l’échec de ses trois mariages, échec prévisible quand on sait qu’en 1895, il a écrit un article intitulé De l’infériorité de la femme. Ce délire paranoïaque de persécution se superpose à un fond d’instabilité qui l’ont conduit à être non seulement écrivain, mais aussi peintre, photographe, télégraphiste, chimiste, et même alchimiste. Il s’est installé à Paris et sa région (Versailles, Passy, Neuilly) en 1894, et a déménagé chaque fois qu’il croyait que ses ennemis avaient découvert son adresse, en partie - semble-il - intoxiqué par l’absinthe. Sa femme l’espionne, ses ennemis le jalousent et devinent ses pensées. Il même pensé qu’ils s’étaient installés dans une chambre voisine de la sienne pour le tuer avec une machine électrique. Comme ses ennemis arrivaient toujours à le retrouver, poursuivi par «les puissances», il a fui à Dieppe, puis est rentré en Suède chez un ami médecin qui l’a soigné un moment, et chez qui il a trouvé le réconfort, avant de s’en aller, persuadé que cet homme était jaloux de ses succès comme scientifique. Il part alors en Autriche, puis revient en Suède, et sa vie vagabonde l’a aussi amené à Berlin, en Suisse romande, au Danemark, et à Bruxelles.

C’est en Suède, et donc en français, qu’il a rédigé son autobiographie Inferno, présentée comme un journal, mais en réalité journal retravaillé, et cela après avoir déjà publié également en français, outre ses articles, Plaidoyer pour un fou (1887) où il avait décrit les déboires du premier de ses trois mariages. Inferno aborde son instabilité, qui conduit à l’échec de son deuxième mariage, et à sa grande crise psychologique, morale, spirituelle et artistique des années 1895-1897. Sa deuxième épouse le quitte lorsqu’il se lance dans des expériences de chimie, voulant trouver l’or des alchimistes, et prouver que le soufre n’est pas un corps simple. D’autres articles expliquent que l’iode est un dérivé de la houille et que la terre n’est pas ronde. De protestant, il devient un athée virulent, puis tombe à Paris dans la superstition et le mysticisme, sans oublier une brève phase de catholicisme, passant chaque fois d’une certitude à l’autre. Dans son enfance, il avait déjà eu une phase de ferveur religieuse intense. Il correspond avec Nietzsche, et finalement, il croira trouver son port d’attache et une explication à ses maux dans les théories de son compatriote Emmanuel Swedenborg (1688-1772), curieux mélange à la fois de vrai scientifique et de théologien mystique imprégné des thèses illuministes. Swedenborg influença les débuts de la psychologie, et semble lui-même avoir été atteint de troubles psychiatriques. Son œuvre, écrit-il, l’a été après dix-sept ans de conversations avec les anges. Il a été surnommé le Léonard de Vinci du Nord ainsi que l’Aristote de Suède. Strinberg a eu connaissance de ses travaux à la lecture à Paris de Seraphîta (1835), déconcertant récit de Balzac qui date de sa période gnostique, pas la meilleure !

Inferno commence par une introduction sous forme de courte pièce inspirée des théories de Swedenborg, qui annoncent la mort de l’Église, remplacée par une «Nouvelle Jérusalem» et un «Nouveau Ciel». Strindberg commence ainsi son autobiographie par planter le cadre mystique de sa crise et de ses croyances. Lucifer (étymologiquement porteur de lumière), y prend la tête d’une croisade contre Dieu, cruel manipulateur cynique, pour défendre les hommes, et cela sous le regard d’un esprit encore supérieur, l’Éternel. La «fin heureuse» de cette introduction, rassurante pour Strindberg, voit Dieu acculé à la repentance.

Le roman est ensuite divisé en une vingtaine de chapitres décrivant donc sa vie et sa paranoïa, les forces invisibles qui l’encerclent et décident de son destin, son obsession de trouver l’or des alchimistes, sa vaine recherche du sens des «signes» qu’il reçoit, sa peur d’être interné, son gout pour la liturgie, pour l’occultisme, son culte des symboles…



Plus tard, il écrira notamment La Danse de mort (1900), reprenant le thème du couple uni de manière inséparable, autant par la haine que par l’amour Pas découragé pour autant, semble—t-il, il se remariera encore en 1901.



Ne manquez pas de voir sa maison-musée si vous passez à Stockholm.

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Jouer avec le feu

Dans cette courte pièce en un seul acte, August Strindberg s'attaque à la figure classique du triangle amoureux : le mari (Knut), la femme (Kirstin) et l'amant (Alex). Sauf qu'ici le mari est volage, ce qui ajoute un quatrième personnage : la maîtresse (Adele), et que l'amant est plutôt un amoureux résigné. Les infidélités de Knut vont réveiller les désirs de son épouse et du même coup la flamme d'Alex.

Ici Jouer avec le feu, c'est jouer avec les sentiments, chacun et chacune ayant la main sur une partie du cœur des autres qu'il s'agisse d'amour ou d'amitié. Strindberg tente finalement de tester sur ses personnages la différence entre "aimer" et "aimer bien", de tester comment chaque personnage va réagir face aux émotions qu'il provoque lui-même.

La pièce est un peu datée et la notion de couple y prend une importance trop marquée à mon goût mais la subtilité des dialogues de Strindberg est au rendez-vous bien que ce ne soit pas sa pièce la plus connue.
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La Danse de mort

C est assez bizarre, pas commun. À lire
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