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Citations de Camille Kouchner (318)


Dans son dossier médical, il est indiqué : "elle décède en présence de ses proches", mais aucun de ses enfants n'était là. Ma mère, toute petite dans son lit d'hôpital, est morte sans moi. Et je dois vivre avec.

J'écris "ma mère est morte", mais, à ce moment précis, je ne ressens pas son absence. Bien sûr, j'ai la gorge nouée, les larmes affleurent, mais l'arrachement est irréel.

À l'enterrement de ma mère, le souvenir des fleurs partout et de ces gens que j'ai longtemps aimés. À l'enterrement de ma mère, le souvenir des ces gens au loin, qui ne se sont pas approchés. Ceux de l'enfance, du Sud, de la famille recomposée. La familia grande.

Elle disait que l'important c'était de se parler, que tout s'expliquait, que la télévision était une fenêtre sur le monde, la liberté la valeur suprême. J'avais le droit de tout faire tant que j'étais responsable. Et je serais responsable si je tentais de comprendre. Comprendre tout, tous et tout le temps.

Petite, ma mère me désignait le Mal et, avec bonheur, je le combattais. La main dans celle de ma mère, je courais.

Depuis, j'ai peur. Qu'un événement survienne, qu'il arrive quelque chose aux gens que j'aime. J'anticipe, j'analyse, je préviens. J'ai peur. Un pressentiment irrémédiable. Et ma raison n'y fait rien. Des peurs irrationnelles. Le coeur qui bat au moindre bruit. À l'insupportable sonnerie du téléphone, tout le temps. La peur de la voiture. La peur de l'avion. L'impossibilité de respirer, vingt fois dans la journée. Plus tard, la peur pour mes enfants. La peur de tout, tout le temps.

Dans le regard de ma mère, pour moi, plus rien, plus jamais. Le jour où ma grand-mère s'est suicidé, c'est moi que ma mère a voulu tuer. L'existence de ses enfants lui interdisait de disparaître. Nous étions le rappel de sa vie obligée. J'étais sa contrainte, son impossibilité. Le jour où j'ai perdu ma grand-mère, j'ai perdu ma mère. À jamais.

À la maison, ma mère buvait le soir, mon beau-père la servait, et la servait encore. Ça l'aidait à dormir, ça l'aidait à s'en sortir. Il ne fallait surtout pas lui en parler. Lèvres noires. Dents noires. Haleine épaisse. Visage effacé. Et souvent une telle méchanceté. Des mots vulgaires, des mots perçants, des mots terrassants. Jusqu'à l'oubli, heureusement. L'oubli de tout, l'oubli de nous. Le soir, ma mère me parlait, et le lendemain elle ne se souvenait plus de rien.

Leur départ est pour eux une chance. Un soulagement, même. Je ne leur en veux pas. Mais je suis seule et je comprends, pour la première fois, que je le resterai.

Mes amis vont mal, et c'est en cela que je leur trouve un intérêt. De manière générale, je n'arrive à entretenir que faiblement les amitiés ; je suis très présente et puis je disparais, Charlotte me le reproche. D'autres après elle. Je le sais.

Les garçons que je choisis sont des étoiles filantes. C'est ma condition, aucun n'est autorisé à s'arrêter. Aucun n'est autorisé à creuser. Leur indifférence est, pour moi, la seule marque de respect.

Rien ne m'amarre. Je suis loin de moi, d'eux, comme droguée. Je ne m'attache à rien. Je suis dans mes pensées en permanence mais ma tête est vide. Avec le départ de mes frères, j'ai quitté la réalité. Je poursuis toujours le même rêve : me faire pardonner.

Le soir, ivre, ma mère m'appelait. Sa mère morte... Elle m'insultait. Et puis elle oubliait.

Toi qui as agressé mon frère pendant des mois, tu le vois, le problème ? Quasiment devant moi, en t'en foutant complètement, faisant de moi la complice de tes dérangements. Tu les vois, les angoisses qui nous hantent depuis ? Mais toi aussi t'es prof de droit. T'es avocat. Tu sais bien que, pour cause de prescription, tu t'en sortiras. Tout va bien pour toi. Vingt ans. Sinon c'était vingt ans.

Je n'ai pas protégé mon frère, mais moi aussi j'ai été agressée. Je ne l'ai compris qu'il y a peu : notre beau-père a aussi fait de moi sa victime. Mon beau-père a fait de moi sa prisonnière. Je suis aussi l'une de ses victimes. Victime de la perversité. Pervertie, mais pas perverse, maman.
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Ma mère m'expliquait : "Tu comprends, j'ai fait l'amour à l'âge de 12 ans. Faire l'amour c'est la liberté. Et toi, qu'est ce que tu attends?" j'étais très impressionnée.
À 11 ans, je m'évertuais à séduire tous les garçons du collège, ma mère et ma tante pour modèles. Je roulais des pelles et j'invitais à danser. Dans un sourire, je faisais la leçon à mes copi,es coincées : "Le sexe est un jeu, pas un enjeu!"
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Rue JB, mon beau-père organisait ma joie, m𠆚pprenait à respirer. Il me faisait faire mes devoirs et m𠆞nseignait le jeu. Poker, black jack, tarot, belote. Mon beau-père m𠆞mmenait aux concerts de Johnny Hallyday. Il me faisait écouter des morceaux de piano, il m’inscrivait au tennis et me lisait des passages de ses polars préférés. Il me proposait de prendre part à leurs débats politiques. Consensus et dissensus. Peu importait l’âge, chaque point de vue était respecté tant qu’il était argumenté. Et il aimait tellement ma mère, ma tante et ma grand-mère. Il avait tout compris, tout conquis. Rue JB, mon beau-père remplaçait mon père.
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Depuis mes 14 ans, le reptile ne cesse de me torturer. Ce monstre qui vit en moi et qui rejaillit dès que je crois respirer. Cette hydre qui distribue ses attaques au fil du temps, sans jamais que le poison premier ne se dissolve dans le dernier. Son venin s'accumule; les morsures ne se succèdent pas, elles se superposent.
Camille Kouchner, la Familia Grande
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Pour un enfant intelligent, rien ne doit être surprenant. Colin est un jeune adolescent quand ma mère lui envoie une de ses copines, une Sanaryenne dévouée, pour le déniaiser. Vingt ans de plus que lui, on va s'gêner ! Mon frère est flatté mais largement effrayé.
Moi, encouragée par les parents, depuis petite je masse les plus grands. Pendant des heures, des après-midi entières, à la piscine, dans le dortoir, dans les champs, je caresse, gratte, soulage les tensions.
Plus tard, l'une des enfants me racontera : "A Sanary, j 'avais 12 ans quand ton beau-père est venu me rouler une pelle derrière le dos de mes parents. Et je n'ai rien dit."

Croire qu'on a de la chance d'être ainsi entourés.

P114.
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Quand j’ai six ou sept ans, je dévore la comtesse de Ségur. Elle se fout de moi : « Camille et Madeleine sont des nunuches. Il n’y a que Sophie qui vaille le coup. S’il te plaît, planque-toi, quand tu lis des trucs pareils ! »
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Les garçons que je choisis sont des étoiles filantes. C’est ma condition. Aucun n’est autorisé à s’arrêter. Aucun n’est autorisé à creuser. Leur indifférence est, pour moi, la seule marque de respect.
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Ma culpabilité est celle du consentement. Je suis coupable de ne pas avoir empêché mon beau-père, de ne pas avoir compris que l'inceste est interdit.
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Je me suis renseignée: la liberté coûte cher, ce n'est pas une nouveauté.
page 39.
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Mais je le voyais: mon frère n'y était pas. Sur le long chemin de la reconstruction, les victimes se croient longtemps coupables.
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Il m’apprenait qu’autorisé » et « interdit » relèvent d’une affaire personnelle.
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«  Le monstre est pervers. Il diffuse des contre-vérités : « Ce n’est pas ton combat. Simple dépositaire d’un secret d’enfant, tu n’as pas le droit de te plaindre. À toi, il n’est rien arrivé. Tu n’a aucune légitimité. »
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Mon frère m’avait prévenue : Tu verras, ils me croiront, mais ils s’en foutront complètement. Merde. Il avait raison.
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Je n’ai pas protégé mon frère, mais moi aussi j’ai été agressée. Je ne l’ai compris qu’il y a peu : notre beau-père a aussi fait de moi sa victime. Mon beau-père a fait de moi sa prisonnière. Je suis aussi l’une de ses victimes. Victime de la perversité. Pervertie, mais pas perverse, maman. Où étiez-vous ? Que faisiez-vous quand sous vos yeux nous sombrions ? Vous que j’aimais tant… qu’avez-vous fait depuis que vous savez ?
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longtemps, j’ai préféré garder l’amour de mon beau-père plutôt que de m’en éloigner.

La culpabilité que porte mon frère, je la porte aussi. Je savais, et je n’ai pas voulu l’empêcher. Je le sais, maman. Le regard de mon beau-père, sa tendresse, le père que j’en ai fait font de moi sa complice. Je l’ai accepté, peut-être même souhaité. Je suis coincée.

Et de cette pensée naît aussitôt le remords de voler à mon frère la violence qu’il a, seul, subie.
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J'entends ses étudiants. Ils l'admirent. Je suis fière. Je l'attends à la sortie. Elle rit. "Viens, on s'tire ! J'ai été excellente ! Dépêche, avant qu'ils ne découvrent l'imposture !".

Ma mère, mon Evelyne à moi, ne mise que sur l'intelligence. Celle de son étudiant de première année, de sa fille à 5, 8 ou 16 ans. Elle appelle la discussion, essaye de convaincre, et présuppose toujours, chez ses interlocuteurs, les plus hautes qualités. Mais elle fuit l'institution. L'université et ses robes de professeurs vantards l'insupportent.
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L'une des dernières fois que j'ai vu ma mère, c'était en 2011, à l'enterrement de Marie-France, à Sanary. (...)
Yeux bleus cachés. Lunettes de soleil-paravent, lunettes de soleil pare-feu. Interdiction de nos regards échangés. Baisers fâchés. Un "Bonjour" mou et deux bises sur la joue. Je suis glacée.
Un "Bonjour" mou mais une douceur de fou. Douceur de ses joues. Son odeur. Soleil et cigarettes. Pour quelques instants, je retrouvais ma mère.
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Petit, mon frère m'avait prévenue : "Tu verras, ils me croiront mais ils s'en foutront complètement." Merde. Il avait raison.

Bon, ben s'ils ne comprennent pas, on va leur expliquer.

Je vais t'expliquer, à toi qui professes sur les ondes, toi qui fais don de tes analyses aux étudiants et pavanes sur les plateaux télé.
Je vais t'expliquer que tu aurais pu, au moins, t'excuser. Prendre conscience et t'inquiéter.
Je vais te rappeler que, au lieu de ça, tu m'as menacée. Message sur mon répondeur : "Je vais me suicider.*

Je vais t'expliquer, à toi qui dis que nous sommes tes enfants. Quand un adolescent dit oui à celui qui l'élève, c'est de l'inceste.
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Nous sommes un duo et nous sommes chacune.
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" souviens-toi, maman; nous étions tes enfants. »
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