Citations de Camille Laurens (795)
Mon désir était le lieu de ma résistance, mon blockhaus intime, l'abri de mon corps et de ma langue, je le croyais inataquable, insubmersible, indestructible. "Je désire, donc je vis", mon cogito inoxydable.
Le problème dans le jeu de cache-cache, c’est quand vous restez caché sans que personne s’en aperçoive. Si tout le monde abandonne la partie alors que vous êtes toujours derrière votre buisson, qu’est-ce que vous devenez ? Perdre à ce jeu, ce n’est pas être trouvé ; c’est quand personne ne vous cherche.
Mais je me répétais la phrase d'Antonioni dans je ne sais plus quel film: "L'Amour , c'est vivre dans l'imagination de quelqu'un."
C'est dans l'espoir de retrouver chaque fois la première fois que j'ai aménagé le salon pour Chris, je me disais "s'il se sent libre, il restera!" l'amour c'est rester alors qu'on pourrait s'en aller.
Nous sommes tous, dans les fictions continues de nos vies, dans nos mensonges, dans nos accommodements avec la réalité, dans notre désir de possession, de domination, de maîtrise de l'autre, nous sommes tous des romanciers en puissance.
Les hommes mûrissent les femmes vieillissent
C’est le contraire qui s’est produit. Je croyais lui redonner de l’espoir : personne n’était mort pour elle. Et je lui ai apporté le désespoir : personne n’était mort pour elle. J’ai compris trop tard que c’était ce mort qui la faisait vivre. Cette passion tragique la justifiait : elle avait été follement aimée. Au fond, elle ne résidait ici, à la Forche, que pour pouvoir continuer à vivre dans cet amour. Une clinique psychiatrique, c’était le lieu idéal pour elle, l’endroit où vivre : les fous et les amoureux appartiennent à la même espèce, d’ailleurs on dit « amoureux fou ». Ici, on ne la dérangeait pas dans sa jouissance morbide. Sa tragédie était merveilleuse. Si elle me parlait si volontiers lors de nos entretiens, c’était pour le plaisir de rester dans l’histoire. Et j’ai tout détruit. J’ai cru que la vérité la ramènerait à la vie. Mais tout le monde n’est pas prêt à la vérité. Les gens s’en foutent, de la vérité. Ce qui compte, c’est ce qu’ils croient. La vérité, ils écrivent par-dessus. Ils la font disparaître à force de fictions, de récits. Ils vivent de ça, de ce qu’ils racontent. Leur vie est un palimpseste. Inutile d’aller voir dessous. Nous autres, psys, nous prétendons à la vérité. N’importe quoi. L’HP, c’est tout le contraire : c’est pour se protéger de la vérité.
Tout sauf léger... douloureux mais terriblement vrai et actuel.
Roman sur le désir, l'envie de susciter le désir, le bonheur d'être désirable, la soif de vivre...
Voilà un de ces "livres qui prennent soin de nous" comme le dirait R. Detambel en en mettant à nu ce qui se passe en soi, même après soixante ans...
"Les gens heureux n'ont pas d'histoire."
"Il faut trouver les mots, faire cet aveu : l'amour.
Amand, oui je n'invente pas, ça existe, c'est dans le dictionnaire des prénoms, c'est le masculin d'Amandine, du latin Amandus qui signifie choisi pour l'amour.
Elle il l'aime, elle est sa femme, son épouse, son épousée, il s'efforce de lui être fidèle ainsi qu'il l'a promis, il trouve ce courage en lui pour l'amour d'elle.
Peut-on, dès lors croire au progrès, se projeter dans un futur où ne reviendraient pas les mêmes erreurs, les mêmes fautes, les mêmes défaites ? Peut-on encore attribuer cette belle et utopique avancée à la science, au socialisme, à la foi ? Ou rêver avec Nietzsche à l'Eternel Retour, qui ne ferait revenir que l'affirmation et la joie, pas la mauvaise conscience et le nihilisme ? N'est-il pas plus raisonnable de penser, comme Shakespeare, que c'est un idiot qui mène la barque avec "bruit et fureur", sans aucune direction, aucun projet, cap au pire ? Que tout se répète, mais sans produire le moindre enseignement, comme en expiation de vivre : c'est Sisyphe roulant toujours sur la même pente son même rocher - pour rien ?
Maîtresse à l’oreille absolue, je faisais la leçon aux petits Dumas, Montesquieu, Boileau, Balzac, les sommant d’aller revoir leur copie ; j’aurais eu plus de travail encore avec Hemingway, qui refusait les variations mondaines, mais on s’en tenait à la littérature française. Les vrais cancres restaient George Sand et surtout Stendhal qui, ne laissant jamais refroidir son texte pour le relire à tête reposée, préférait écrire en courant la poste, semant en moins de dix lignes trois fois le mot « transport », deux fois le verbe « admirer » et trois ou quatre variations de l’amour. Même Gustave, le fayot de service, qui se relisait à voix haute dans son jardin pour s’assurer qu’il n’y avait pas deux fois le même mot dans la même page, laissait passer quelques boulettes, et pan sur les doigts !