Citations de Camille Laurens (792)
Que tu donnes la vie ou que tu y renonces, c'est la même douleur, me dis-je sans étonnement.C'est une revendication de solitude.
Pucelle et vierge www c'est synonyme, ça veut dire pure. - C'est le contraire de pute ? - Tais-toi quand je parle. Et ne dis pas de gros mots.
Elle croit aux deux. Elle est bise, animal, reine des cœurs, princesse, idole, esclave. Elle est humiliée et adulée, méprisable et première de la classe. Sa vue entière est racontée dans les livres. Elle a onze ans.
Heureusement, il lui reste Jeannine, mais elle ne lui raconte rien, elle a compris qu'il fallait tout garder pour soi, surtout le linge sale, et encore plus celui qu'on n'arrive pas à laver.
Tu regarderas Alice, tu sentiras son hésitation mais elle ne dira rien et tu en seras infiniment soulagée, tu préférerais que personne ne le sache, qu’elle ne le dise à personne. Rien n’existe vraiment tant qu’on ne l’a pas exprimé, tu en as l’expérience, avec sa part de mutilation peut-être, mais d’oubli salvateur aussi, penseras-tu. (p. 221.)
Dans le camion du hasard que même revenu de France tu n'avais jamais cessé de conduire, tu n'admettais que des gens qui allaient bientôt en descendre sans barguigner, à bord de ta vie tu voulais seulement des passagers, fugitive kind, des amis qui seraient partis demain en emportant leur visage et leur nom, près de toi c'était la seule place libre, la place du mort.
Mais tout le monde n'est pas prêt à la vérité. Les gens s'en foutent de la vérité. Ce qui compte, c'est ce qu'ils croient. La vérité, ils écrivent par-dessus. Ils la font disparaître à force de fictions, de récits. Ils vivent de ça, de ce qu'ils racontent. Leur vie est un palimpseste. Inutile d'aller voir dessous.
L'indifférence est un autre genre de burqa - je vous choque? -une autre façon pour les hommes de disposer seuls du désir. Une façon de fermer les yeux. On a servi, on ne sert plus. Hier fantasmes, aujourd'hui fantôme. Vous trouvez ça déplacé, comme comparaison? Mais je suis déplacée, ici, de toute façon. Ici ou ailleurs.
...les hommes mûrissent les femmes vieillissent c'est beau un homme la nuit une femme c'est triste...
La seule façon de se sortir d'une histoire personnelle, c'est de l'écrire.
Marguerite Duras
La suite est floue, je revois le soleil revenu à travers la baie vitrée, un gros galet posé sur un coin de la table basse, les cendres grises, la couverture écossaise où j'étais enroulée, la nuit qui tombait.
Et Géraldy : « Tu m’as dit : je pense à toi tout le jour. Mais tu penses moins à moi qu’à l’amour... M’aimerais-tu beaucoup moins, si j’étais un autre ? »
p 71
Va mourir.
La phrase qui tue.
Il y a des gens qui se défenestrent pour moins que ça, non ? Il y en a plein ici. A force d'être cognés à coups de mots, ils chancellent.
Va mourir. VA MOURIR. Les paroles des autres les poursuivent comme des fantômes hostiles. Leurs voix profèrent des injonctions impossibles à fuir. Du harcèlement textuel, en quelque sorte, ah ah ! Moi aussi j'aime les jeux de mots, vous voyez.
Qu'est-ce qu'un enfant ? Comment vous dire... C'est quelqu'un qui a besoin qu'on s'occupe de lui.
C'est quelqu'un qui veut qu'on le berce.
C'était moi l'enfant. D'accord ? C'est moi. Il n'y a pas d'âge pour être petite.
Enfin, vous êtes une rhapsode : vous brodez du lien sur les trous, vous reprisez. Ce n'est pas pour rien que ça s'appelle la Toile. Tantôt on est l'araignée, tantôt le moucheron.
Difficile à dire. C'est mystérieux, le désir. On veut de l'autre quelque chose qu'on n'a pas ou qu'on n'a plus.
La cruauté physique, c'est le dernier recours, la baffe dans la gueule c'est pour les débutants.
Je venais de me séparer de mon mari, je n'avais pas envie d'être seule, j'avais besoin d'amour, au moins de le faire, d'en parler, d'y croire, enfin vous devez connaître la chanson, on veut vivre, faut-il dire pourquoi ?
J’allais passer professeur. On était sur le point de m’adouber, de me faire entrer dans le monde merveilleux des mandarins. A quarante-sept ans, on peut dire que j’étais un exemple pour les femmes, vous savez que la proportion de femmes aux postes supérieurs est encore ridiculement faible. Et puis patatras ! La grosse tuile ! On m’enferme, on m’examine, et jusqu'à maintenant, on me garde. Vous allez me garder, Marc ? Vous allez me garder avec vous ? Ici, je ne sers plus à rien, je ne paie pas mon tribut à la société. Je suis défunte, au sens strict : je suis défaite de mes fonctions. Oui, voilà, je dysfonctionne, j’ai pété une durite, si vous préférez, un boulon, un câble, et bim dans le décor, je suis morte et vous, vous êtes chargé de me ressusciter, de me remettre dans le circuit, de réenclencher la machine, bref de me réinsérer. C’est bien ce que vous faites, n’est-ce pas ? - de la réinsertion. Vous voulez que la défunte fonctionne à nouveau.