Bien souvent, entre moi et une novella de chez Le Bélial, ça passe ou ça casse. Ici, ça passe tout en cassant la baraque !
Cette novella fantastique a tout d’un Game Of Thrones (en version non sanguine), tant la politique et les manipulations en tout genre sont légion.
Le plus haut poste est à pourvoir, au Tribunal Suprême et les prétendants au trône sont des pions que quatre joueurs vont déplacer au fil du jeu, utilisant d’autres personnes comme des cartes à jouer.
Thene, notre joueuse, est une jeune fille juive, mariée de force à un crétin qui avait des vues sur son argent. Si son mari perd des sommes indécentes au jeu, Thene, elle gagne et c’est pourquoi elle sera choisie pour participer à ce jeu grandeur nature, mis au point par la mystérieuse Maîtresse des Jeux, la maîtresse de la Haute Loge.
Ce jeu, c’est comme un jeu d’échec grandeur nature, une sorte de partie de cartes, un jeu de tarot, sauf que c’est tout ça, sans être ça… C’est le jeu des rois. Le principe est de faire gagner son pion, oups, pardon, sa pièce. Interdiction de tuer l’adversaire.
Thene est une jeune fille intelligente, attachante, même si on saura peu d’elle (comme quoi, il est possible de créer des personnages attachants sans en dire trop).
La novella se suffit aussi à elle-même, avec peu de pages (154), tout est dit : le suspense est maîtrisé, le jeu est abouti, d’une grande stratégie, les personnages clairement identifiables, l’univers est riche, travaillé, ce qui donne un jeu politique des plus subtils où rien n’est jamais vraiment sûr et où les illusions pourraient être présentes. Politique et illusion sont des synonymes.
On est tellement pris dans le récit que l’on arrive à oublier que les pions sont des êtres vivants et que c’est avec leur vie que l’on joue, puisque ceux-ci sont redevables à la Maison des Jeux et qu’ils sont "prisonniers" des tentacules de la maîtresse. Et on peut tenir les gens de mille et une façons.
Et puis tout à coup, paf, l’autrice nous rappelle que ce ne sont pas des numéros ou des cartes à jouer, mais des êtres humains ! Merci pour cette piqûre de rappel au travers des pensées de Thene.
Bravo aussi d’avoir mis une femme en premier plan, alors qu’à cette époque, la femme n’avait aucun droit et on nous le rappellera quelques fois, notamment au travers du comportement des hommes. Une femme est sous-estimée, ce qui est une grave erreur (mais pas grave, continuez de le penser).
Une novella magistrale, faite de complots, d’alliances, de crochets du pied, de poignard dans le dos, de pardon ou non, de stratégie implacable, de calculs savants, de lâcher prise pour mieux sauter, de retournements de situation, de réflexions poussées…
C’est implacable, c’est retors, c’est magistral et on le lit d’une traite afin de savoir ce qui va se passer.
Le petit plus est ce narrateur, qui semble tout observer, être omniscient et qui s’adresse à l’héroïne Thene comme s’il était une sorte de Jiminy Cricket virevoltant autour de sa personne.
Une lecture captivante, une lecture où le fantastique est présent, mais c’est ténu, tout en étant une pièce maîtresse de l’échiquier. Pas de magie à la HP, mais un univers qui est clairement différent et où certaines choses sont possibles, comme de vivre très longtemps.
Une fois de plus, j’ai bien fait de persévérer avec les novellas de cette collection. Ce n’est pas toujours des rencontres marquantes ou appréciées, j’ai eu mon lot de déception littéraire, mais quand ça paie, ça paie bien !
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