Lagos (Nigeria) Année 1990 - Ifemelu et Obinze se rencontrent au lycée et s'aiment mais, afin de poursuivre leurs études et rêvant de ce que l'ailleurs peut leur offrir ou leur faire miroiter, loin de leur pays d'origine gangrené par la corruption, le sous-développement et les luttes politiques, ils partent, elle aux Etats-Unis, lui en Angleterre. Cet exil va leur faire découvrir le fossé qui existe entre deux mondes mais également le regard, les aprioris et les comportements des blancs vis-à-vis d'eux, personnes de couleur venus d'ailleurs.
C'est le parcours initiatique et d'apprentissage de deux nigérians en pays dit "développés" avec leurs espoirs, leurs désirs d'intégration mais sans jamais se renier, sans jamais oublier qui ils sont et d'où ils viennent.
C'est un roman dense, une fresque sociale, documentée sur les fonctionnements de deux sociétés d'un même monde et pour le faire, l'auteure utilise parfois un ton désinvolte et humoristique pour revenir sur les attitudes des deux bords : celles des africains cherchant à s'intégrer et s'identifier au pays qui les accueille mais également celles des blancs et leurs comportements vis-à-vis d'eux et parfois l'humour est grinçant.
Et c'est justement le côté sociétal qui m'a le plus intéressée, comment vivent, découvrent et s'intègrent (ou non) deux jeunes pleins d'espoir, vivant leurs rêves et comment ceux-ci vont se confronter à une réalité qu'ils n'avaient pas imaginée, n'omettant pas de souligner la violence subie, les injustices mais aussi les espoirs portés, entre autres, par l'élection de Barack Obama. Assez privilégiés depuis leur enfance, ils devront faire face à l'exclusion, à la catégorisation et au désenchantement.
C'est finement analysé, observé, sans concession sur deux sociétés éloignées dans leurs valeurs, leurs façons d'être, de vivre. C'est le choc de deux cultures, de deux mondes et Ifemelu et Obinze décideront en connaissance de cause du choix de rester ou rentrer chez eux . J'ai trouvé le personnage d'Ifemelu très lumineux, fort, féminin et lucide sur sa position et ses espoirs.
Chimamanda Ngozi Adichie utilise comme fil rouge les cheveux et la présence d'Ifemlu dans un salon de coiffure comme point d'ancrage de l'histoire, comme symbole du choix fait par les femmes noires : nattés ou lissés, assumant son ethnie ou se dissimulant. C'est brillamment décrit, fluide, vivant mais percutant et ironique car l'auteure n'hésite pas à y glisser les contradictions et poncifs des populations des deux origines.
Je l'ai écouté avec intérêt et plaisir, sourit parfois mais surtout interpelée souvent sur les positions de chacun des personnages, les interprétations à double sens des mots, attitudes ou expressions auxquelles on ne prête pas toujours attention et qui sont parfois lourdes de sens pour l'autre.
C'est un roman ambitieux, maîtrisé dans sa construction, avec une écriture fluide, vivante et qui met en lumière le chemin parcouru, principalement par son héroïne, de son pays natal à son pays idéalisé, avec pour chacun un regard perspicace et affuté.
J'ai beaucoup aimé et je le recommande.
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