Pangée. Une terre ceinturée par un insondable océan, l’Unique. Chaque fin de cycle, tous les 25 ans, voit les peuples de Ghiom rassembler leurs efforts dans la construction d’une flotte de nefs immenses afin de donner la chasse à un être mystérieux et redoutable, le roi des mers, l’Odalim. Du résultat de la chasse dépend l’avenir de Pangée : malheur ou félicité. Le récit s’ouvre sur le retour infructueux de la 9ème chasse…
Une construction au service de l’émerveillement
Christian Chavassieux nous gratifie d’un world building très intéressant et profond sur la plupart des aspects. C’est notamment le cas quand il décrit merveilleusement la nature de Pangée ; autant de paysages différents que l’on perçoit à travers les yeux d’un Memphéite ou d’un Basalien par exemple (et pour cause, Basal étant la plus grosse ville du monde, son paysage est essentiellement urbain). Quant à eux, la faune et la flore sont à la fois suffisamment exotiques pour que le dépaysement fasse son œuvre sans que cela soit non plus totalement improbable et par conséquent inimaginable. Le monde de Pangée en ressort à nos yeux d’autant plus vivant et riche que cet environnement apporte sa contrainte dans les choix et les parcours de nombre de protagonistes.
Un autre élément particulièrement bien décrit sont les us et coutumes des peuples habitants Pangée (les différentes nations qui la composent sont unifiées sous l’appellation Ghiom, sans que ceux-ci diffèrent au niveau racial). Chaque peuple se démarque ainsi par ses particularités culturelles (plus ou moins guerrier), son style de vie (nomade ou sédentaire), etc. C’est la somme de toutes les nations qui forme la civilisation Ghiom de Pangée.
Si ces éléments démontrent un gros travail de la part de l’auteur (avec une belle carte et un conséquent glossaire en fin de volume, d’ailleurs) pour immerger au mieux le lecteur et stimuler son imaginaire, il n’en demeure pas moins que, paradoxalement, d’autres aspects de la construction de l’univers m’ont paru beaucoup moins développés. On pourra regretter que certains épisodes soient totalement négligés, comme le pèlerinage mystique, par exemple, que j’aurais personnellement estimé intéressant de développer afin de comprendre le parachèvement de la formation de commandant suprême de la flotte, mais pour lequel on ne sait finalement… rien. On tourne la page et c’est expédié (littéralement). Ou encore, bien qu’ayant quelques éléments de description permettant d’imaginer la forme générale des immenses nefs (et encore, chaque nation semble orienter la construction de ses nefs selon son expérience de la chasse) la méthode de fabrication a proprement parlé reste survolée, pour l’essentiel. Toutefois, il s’agit le plus souvent d’épisodes peu importants au regard de l’intrigue et on ne peut reprocher à l’auteur d’être passé un peu vite sur certains aspects (le livre faisant tout de même déjà près de 600 pages)
Un style soigné
Autre gros point positif : le style de l’auteur. J’ai été très agréablement surpris par son style poétique, enlevé et tout à la fois fluide. Certains passages sont de toute beauté, réellement. Je ne suis pourtant pas un fan absolu du style lyrique en général, j’apprécie plutôt un style rythmé, direct, sans chichi, mais là, force est de constater que le dosage est parfait. On est transporté dans l’histoire de bout en bout (même si l’entrée en matière demande un peu d’effort)
En effet, le récit démarre donc sur la piteuse arrivée de la 9ème chasse. Et il faut le dire tout de suite : le lecteur doit s’accrocher sur les 130 premières pages. Non pas que la qualité ne soit pas au rendez-vous, bien au contraire, mais plutôt car il s’agit de la phase où l’auteur prend le temps d’introduire son propos, d’annoncer les personnages (il y en a beaucoup) et de décrire le monde dans lequel va s’articuler l’action. Il faut un temps pour que tout cela prenne forme sous nos yeux. Et en fin de compte, on s’aperçoit que Les nefs de Pangée fait partie de ces romans que l’on ne regrette pas d’avoir tenus sur les 100 premières pages 🙂
La première partie du livre se déroule sur 25 ans et relate, en gros, les préparatifs et le départ de la 10ème chasse. Après cela, le rythme s’accélère, les pièces du puzzle s’imbriquent et on est véritablement happé par le cœur du récit : la chasse à l’Odalim !
Je ne veux pas trop spoiler, c’est pourquoi je ne décrirai pas la suite du récit, mais sachez que vous en aurez pour votre argent avec pêle-mêle : Une chasse et des combats épiques, du sang et des larmes, un nouveau point de vue, un changement politique (comment ne pas y voir une critique du modèle capitaliste ?)…
Le seul point qui m’a semblé un peu en deçà dans le récit et le traitement apporté aux personnages. On a du mal à pleinement se sentir concerné par leur sort, on ne s’attache pas assez à eux (le nombre de protagoniste n’aide pas). Exception faite sur un seul (je vous laisse découvrir lequel)
En conclusion
Les nefs de Pangée nous transporte dans un monde empreint d’une beauté sans équivalent. La plume de l’auteur sert parfaitement le récit qu’il soit dur, par moment, ou le plus souvent source d’émerveillement. On pourra regretter toutefois le manque de profondeur accordé aux personnages d’une manière générale. Il en résulte néanmoins un très bon moment de lecture que je vous recommande.
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