Citations de Claudie Gallay (1148)
Il est des êtres dont c'est le destin de se croiser. Où qu'ils soient. Où qu'ils aillent. Un jour ils se rencontrent.
Qu'est-ce qui fait que l'on s'éprend, comme ça, au premier regard, sans jamais s'être vus avant ? Il y a des rencontres qui se font et d'autres, toutes les autres qui nous échappent, nous sommes tellement inattentifs... Parfois nous croisons quelqu'un, il suffit de quelques mots échangés, et nous savons que nous avons à vivre quelque chose d'essentiel ensemble. Mais il suffit d'un rien pour que ces choses là ne se passent pas et que chacun poursuive sa route de son côté.
A deux, l'espace change. Le silence n'est plus du silence même si l'autre se tait.
L'amour est la chose la plus brutale qui soit. Tellement soudaine. Il faudrait pouvoir s'en protéger n'est-ce-pas?
Comprendre quoi? Qu'un jour on se réveille et qu'on ne pleure plus? Combien de nuits j'ai passées, les dents dans l'oreiller, je voulais retrouver les larmes, la douleur, je voulais continuer à geindre. Je préférais ça. J'ai eu envie de mourir, après, quand la douleur m'a envahi le corps, j'étais devenue un manque, un amas de nuits blanches, un estomac qui se vomit, j'ai cru en crever, mais quand la douleur s'est estompée, j'ai connu autre chose. Et c'était pas mieux.
C'était le vide.
Ce regret, toujours, de ne pas aimer suffisamment. De rester en lisière... Le manque de toi, je l'ai eu. Je ne l'avais plus. J'aurais voulu l'avoir toujours. C'est ce manque qui me manquait, mais ce manque, ce n'était déjà plus toi.
- Dans les camps, c'était l'horreur mais ça je le savais. Ce que je ne savais pas, c'est que des hommes qui étaient enfermés là-bas ont été sauvés de la mort parce qu'ils se récitaient des poèmes. Des poèmes mais aussi des livres... Ils retrouvaient les mots, les moindres détails. Ils parvenaient à cela. Ils avaient cette force. Et ça les a empêchés de mourir.
J'ouvre le livre.
- Ecoutez, page 106 : "Ce que l'on garde en tête est le seul bien que la barbarie ne puisse vous ôter."
"Vieillir ce n'est rien quand on se souvient. C'est l'oubli qui fait la souffrance."
-Son instituteur dit qu’elle a une mauvaise image d’elle, a précisé Emma.
-On a l’image qu’on nous donne.
Il y a toujours mille raisons pour s'enfermer. Sortir est beaucoup plus difficile.
Maman, elle fait les marchés. Elle vend des sardines et du poisson sec mais elle veut pas qu'on le dise. Elle dit "produits du terroir"...
Les produits du terroir ! Tu parles, on n'habite même pas la mer.
Il est des êtres dont c'est le destin de se croiser. Où qu'ils soient. Où qu'ils aillent. Un jour ils se rencontrent.
–Tu sais ce que je veux qu’on grave sur ma tombe ? a demandé Suzanne.
–Je ne sais pas, non.
–Les salauds, on peut les oublier, mais pas les autres. Je veux qu’on grave ça. Tu te rappelleras, ? Les salauds…
Elle a insisté.
Jeanne a dû répéter.
–Et toi, tu veux qu’on grave quoi ?
–Moi ?
Elle a réfléchi.
Elle a dit : Elle n’était pas parfaite mais elle a fait de son mieux.
Le bonheur, ça se croise, et à cette pioche, tout le monde a sa chance. Ça se croise mais ce n’est pas donné, et si on n’en prend pas soin, ça s’en va ailleurs et on ne sait pas où, chez d’autres, qui ne l’ont pas encore eu, ou qui le méritent mieux. Après, il faut attendre que ça repasse. Parfois ça repasse. Et parfois pas.
La vie, on ne la refait pas. On fait des choix et on laisse des choses. Il m'arrive de penser à celles que je laisse. Les choix qui restent. Tout ce qu'on ne vit pas. Il faudrait des vies de plus pour vivre certaines de ces choses.
- Alors, tu attends quoi, pour l'aimer, lui?
- J'attends rien.
- On attend tous!
- Pas moi.
Elle m'a regardée au fond des yeux.
- Quand on n'attend plus, on meurt!
Cet autre que l’on choisit, et qui devient un peu soi. Qu’est-ce que Jeanne connaissait de lui ? Qu’est-ce qu’elle savait de plus que ce qu’il voulait bien lui dire, ou lui laisser voir ? Vingt ans qu’ils vivaient ensemble. À partager, se divertir des mêmes choses. À se nourrir pareil. À dormir dans le même lit. Mêmes amis, mêmes habitudes. C’est comme si Jeanne avait abandonné une partie d’elle pour être lui. Et Rémy abandonné une partie de lui pour être elle.
Mais à l’intérieur?
Je savais que l'on pouvait rester très longtemps comme ça, les yeux dans la mer, sans voir personne. Sans parler. Sans même penser. Au bout de ce temps, la mer déversait en nous quelque chose qui nous rendait plus fort. Comme si elle nous faisait devenir une partie d'elle. Beaucoup de ceux qui vivaient cela ne repartaient pas.
Où va l’âme des morts ? Qu’est-ce qu’il y a pour elles, après ? Est-ce que ça fait des étoiles ? Il ne savait pas répondre à tout ce qu’elle lui demandait. Il disait que, si on pouvait, il fallait croire, en Dieu ou à autre chose. Est-ce qu’il y a un enfer, un paradis ? C’est ici, le paradis, Jeanne, il ne faut pas vivre comme si c’était ailleurs. Et peut-être que le ciel répond, mais qu’on ne sait pas l’entendre. Et pour les étoiles ? Quoi, les étoiles ? Est-ce qu’il y en a une nouvelle pour chaque mort ? Et pourquoi est-ce qu’on est si seul ? On est pas tout seul, il y a des ponts, Jeanne, des ponts qu’on ne voit pas mais qui relient les gens, certains, avec d’autres, même avec des gens qu’on ne connaît pas. Et l’âme des salauds, est-ce que ça fait aussi des étoiles ?
Les gens qui se désirent sont toujours plus beaux.