Citations de Delphine Minoui (327)
– Le livre ne domine pas. Il donne. Il ne castre pas. Il épanouit.
Ils ont rompu le silence, relancé le récit.
Construit un langage de paix.
Avec leurs ouvrages, leurs slogans, leurs revues, leurs graffitis et leurs créations littéraires,
ils ont résisté jusqu'au bout à la métrique militaire,
inventé une autre cadence que celle des coups de canon.
La laideur de la guerre surpassée par le verbe.
Un mémorial de mots,
sans domicile fixe,
pour la génération d'après.
P 146
Ahmad dénonce l'hypocrisie des extrémistes.
- Ces gens-là ne représentent pas l'islam. L'autre jour, un gars proche d'Al-Nosra m'a demandé de l'aider à réparer son portable. La profession de foi de l'islam y était affichée en plein écran. Mais ses dossiers étaient remplis de films pornographiques....
Les livres ont fait rempart. Un bunker de papier.
C'est l'heure du conte, et, dehors, les ambulances sont en furie.
C'est l'heure du conte, et Alfred est un chien gourmand qui aime manger des os.
C'est l'heure du conte, et les nouvelles s'affolent sur mon smartphone...
Attentat confirmé. Un kamikaze. Au moins quatre morts. Des dizaines de blessés. Daech incriminé. Alfred aboie. Hurlement de sirènes. Julie raconte. Bourdonnements d'hélicoptères. Julie tourne les pages. Rires d'enfants.
Alfred est un chien magique qui transforme les visages en soleil.
Les étoiles de la fiction contre les étincelles de la réalité.
Les soldats d'Assad, savent-ils penser en couleurs ?
Je sonde Ahmad :
- C'est donc fini ?
Sa réplique est instantanée :
- Bien sûr que non ! On peut détruire une ville. Pas des idées !
Le jeudi 4 août, les hélicoptères du régime prennent de la ville par surprise en l'arrosant d'un nouveau venin : du napalm !
Une politique de la terre brûlée, calculé, réfléchi,
qui atteint son paroxysme.
P 132
Hussam ironise sur les pauvres consommateurs qui, ailleurs dans le monde, hésitent entre une baguette, un pain brioché ou aux céréales.
- Au moins, nous sommes épargnés par ce genre de préoccupations, sourit Hussam.
Au cœur du chaos, leur bibliothèque est un territoire sans frontières. Une enfilade de continents. Une cache secrète où les livres circulent sans passe-droits ni gilets pare-balles.
Quand Shadi parle,
c'est avec la précision des miniaturistes.
Obsédé par les sons, les images, les formes, les motifs....
Des barils il en tombe jusqu'à 80 par jour !
P 66
Les livres, ces sédiments de la mémoire qui défient les carcans. Du temps. De l'asservissement. De l'ignorance.
Page 30
- Bienvenu au royaume de la schizophrénie ! reprit-elle, en désespérant de me faire sourire. Tu sais… c’est comme ça qu’on a grandi… C’est notre mode de vie. Ici, dès le jardin d’enfants, tu n’apprends qu’une chose : mentir… C’est ta clef de survie… A l’école, quand l’institutrice nous posait des questions, on s’empressait de répondre : « Oui, ma mère porte le tchador ! Non, mon père ne joue pas aux cartes et déteste le vin ! ». Parfois, j’ai l’impression d’être un caméléon. Je change de peau au gré des circonstances. La journée, je supporte le voile. Le soir, je m’éclate pour oublier…
- Mais… ce n’est pas risqué ? lui demandai-je, dubitative.
- Risqué ? Bien sûr que c’est risqué. Mais a-t-on le choix ?
D’une traite, elle vida son verre de champagne et s’élança sur la piste de danse…
- Quand tu n'as pas un plan précis dans ta tête, tes idées sont confuses. Si tu définis tes priorités, tu as moins de chance de te perdre.
Ne suis pas le groupe aveuglément. Explore de nouveaux lieux, de nouveaux espaces.
Ironique pour une ville assiégée, dépourvue d'issues de secours.
- Ce qui importe, c'est la pensée. Ne laisse personne te manipuler pour servir ses objectifs.
L'appareil photo toujours en bandoulière, Shadi photographie tout. À longueur de journée, il slalome à travers les cicatrices de la cité dans le souci d'en documenter les blessures.
Ce qui importe, c'est la pensée. Ne laisse personne te manipuler pour servir ses objectifs.
Le rêve d'un monde meilleur.
L'avenir qui s'évade des interlignes.
On peut détruire une ville pas des idées.
P 144
Les livres, leurs armes d'instruction massive.
Pour Omar, la lecture est un instinct de survie, un besoin vital. A chaque permission, il se précipite à la bibliothèque pour emprunter de nouveaux imprimés. Les livres l'habitent, ils ne le lâchent pas. Seul face à la nuit, avec son arme comme seule compagne, il lit. Il croit aux livres, il croit en la magie des mots, il croit aux bienfaits de l'écrit, ce pansement de l'âme, cette mystérieuse alchimie qui fait qu'on s'évade dans un temps immobile, suspendu. Comme les cailloux du Petit Poucet, un livre mène à un autre livre. On trébuche, on avance, on s'arrête, on reprend. On apprend. Chaque livre, dit-il, renferme une histoire, une vie, un secret.
Dans ma boite aux lettres électronique, saturée de photos qu'il m'envoie, un jeune brandit une pancarte. "J'aimerais être une bougie dans le noir". C'est un poème du palestinien Fayeq Oweis calligraphié en arabe.
Ecrire, c'est recoller des bouts de vérité pour faire entendre l'absurdité