« Pas un obstacle insurmontable ne nous sépare… ni les déserts, ni la mer, ni même la volonté de quelqu’un… car l’homme à qui je suis liée ne souffrirait pas de notre amour ; il l’ignore, il ne peut le comprendre… Il n’y aurait pour lui, dans ma trahison, ni larmes, ni fureur, ni souffrance d’orgueil ou d’amour… Je puis t’aimer sans craindre un reproche ; je puis courir vers toi sans qu’une main m’arrête… et cependant je n’y vais pas… J’ai cette force. Tu m’attends, tu m’appelles, et je reste là… Oh ! c’est mal…»
(...) c'est qu'en vieillissant, ce qui est vrai, ce qui est réellement beau, a plus d'attraits pour nous que ces agréments imaginaires, ces qualités factices qu'on trouvait jadis préférables à tout.
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Je crus bon de modifier ma tactique. Quand un homme tient le même raisonnement que vous, le mieux est d'abandonner prestement votre façon de voir et d'en adopter une autre. (Jack London)
La vue des habilleuses n'est pas faite pour dissiper cette romanesque impression, ce sont des sorcières hors d'âge, coiffées de foulard noir, de vieilles fées qui peut-être coudront dans l'ourlet de ma robe un maléfique cheveu blanc. (Colette)
Il connaissait le monde ; il l’avait jugé avec sagesse, et il éprouvait ce qu’éprouve tout homme qui connaît le monde : un amer dégoût, un pro-fond découragement. Dans l’âge mûr, cela s’appelle repos, retour au port, douce philosophie ; mais à vingt ans, lorsque la vie commence, savoir où l’on va, c’est affreux !
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«Ah ! Quel bonheur d'être libre, libre de la plus belle de toutes les libertés, celle de la pensée ; de ne porter la chaîne d'aucun parti ; d'être indépendant du pouvoir, et de n'avoir fait aucune alliance avec ses ennemis ; de n'avoir à défendre ni la sottise des uns, ni la mauvaise foi des autres ; de n'être responsable des actions de personne ; de pouvoir agir en son nom et pour soi»
Si l’exactitude est la politesse des rois, l’inexactitude est, au contraire, l’habileté des ministres, de ceux du moins qui sont influents. D’abord elle ajoute à leur importance ; ensuite un homme ingénieux, qui a les idées, ne risque rien de laisser les autres épuiser les mots, discuter longtemps, retourner, embrouiller les questions que lui seul sait pouvoir résoudre.
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Oh ! que c’est ennuyeux ! encore des révolutions !…
Depuis quinze jours on n’entend que des gémissements politiques, des prédictions sinistres ; déjà les voix lugubres prononcent les mots fatals, les phrases d’usage, formules consacrées, présages des jours orageux :
— L’horizon s’obscurcit !
— Le danger est imminent !
— Une crise est inévitable !
— Une fête sur un volcan !
— Nous sommes à la veille de grands événements !
— Tout cela ne peut finir que par une révolution…
Les uns, précisant leur pensée, disent :
— Nous sommes en 1830 !
Les autres, renchérissant sur la prédiction, s’écrient :
— Que dites-vous ? bien plus ! nous sommes en 1790 !
Et, empruntant à l’histoire moderne son agréable jargon, ils ajoutent :
— Peut-être faudra-t-il un 31 mai pour renverser le 29 octobre !
— Eh ! cela vaudrait mieux qu’un 10 août pour renverser le 9 août !
Puis les philosophes reprennent : — Les ultra-bourgeois perdront la royauté de Juillet, comme les ultra-gentilshommes ont perdu la royauté de la Restauration.
Eh ! messieurs, ce ne sont ni les bourgeois ni les gentilshommes qui perdent les royautés : ce sont les rois eux-mêmes. Charles X est tombé parce qu’il tenait trop à M. de Polignac et qu’il a fait un coup d’État pour le garder. Mais, rassurez-vous : Louis-Philippe ne tient pas du tout à M. Guizot ; il ne fera pas le moindre coup d’État pour le garder. Espérez donc.
On prétend même que le roi est déjà fort éclairé sur la conduite de ses conseillers habiles, et que, s’il était député, il n’aurait pas voté le plaisant satisfecit. On raconte qu’il disait, en parlant d’eux, l’autre jour : « Ce sont des écoliers en retard surpris par l’arrivée du maître ; ils ont passé toute leur année à s’occuper des élections, rien que des élections ; ils n’ont préparé aucun travail, étudié aucune question, médité aucun projet de loi ; et quand les Chambres se sont ouvertes, quand les députés sont venus, ils se sont trouvés dépourvus, décontenancés, comme des écoliers qu’on interroge et qui ne savent pas leur leçon ; ils disent qu’il n’y a rien à faire, pour cacher qu’ils n’ont rien fait. »
Le roi a-t-il réellement tenu ce langage ? Nous l’ignorons ; ce qu’il y a de certain aujourd’hui, c’est que les ministres constitutionnels semblent n’avoir qu’un seul devoir à remplir : se faire une majorité à tout prix ; la grandeur du pays, le bonheur du peuple, le progrès de la civilisation, tout cela leur est indifférent : une belle majorité compacte, docile, aveugle et bien disciplinée, c’est leur seul rêve. À quoi leur servira-t-elle ? — À rester. — Que lui demanderont-ils ? — Rien, que de croître et de multiplier.
Car le grand malheur de notre temps, c’est que tous nos ambitieux aiment le pouvoir pour lui-même ; et le pouvoir est peut-être la seule chose dans ce monde qui ne gagne pas à être aimée ainsi. Aimer le travail pour lui-même, cela est noble ; aimer l’art pour lui-même, cela est grand ; aimer le sacrifice pour lui-même, cela est sublime… mais le pouvoir !… c’est honteux. Monter sur le faîte, non pas pour y voir de plus haut et de plus loin le destin des hommes, mais pour y languir oisif, pour s’y pavaner niaisement, c’est une ambition d’infirme que nous ne pouvons pas comprendre. Quoi ! vous voulez la force, et vous n’avez rien de difficile à accomplir ! Vous voulez l’éclat, et vous n’avez rien de beau à faire briller au jour ! Vous voulez le concours de tous, et vous n’avez aucune idée généreuse à faire triompher ! Vous voulez être ministres, et vous ne tenez pas à être d’illustres ministres comme Sully, Richelieu, Colbert !
Vous voulez être ministres uniquement pour avoir le droit de tenir un portefeuille rouge sous le bras, pour avoir le plaisir d’être cajolés par quelques vieilles intrigantes, pour avoir l’honneur d’être appelés « Monsieur le ministre » par des importuns et des laquais ! L’admiration du monde n’est pas votre rêve ; vous vous contentez de l’envie des sots, et vous restez là, satisfaits d’être là, n’ayant d’autre pensée que de vous y maintenir, d’autre souci que d’empêcher vos rivaux d’y arriver.
En vérité, vous êtes des ambitieux bien modestes, et c’est à ce pauvre désir, à cette ambition si petite, que vous sacrifiez les grandes destinées d’un grand pays ! Dans ces trente-cinq millions d’habitants, vous ne comptez que deux cent vingt-cinq hommes. Vous vivez par eux et pour eux ; leur plaire est toute votre gloire ; les affaires sont faites en leur nom, ou plutôt ne sont pas faites en leur nom : intérêts généraux, diplomatie, administration, agriculture, beaux-arts, tout est immolé à la nécessité de les séduire, à la crainte de les irriter. Vous ne décidez aucune chose, pour les nourrir d’espérance, tous et toujours. Vous appliquez avec conscience ce beau système de coquetterie ministérielle, de minauderie administrative, que M. Villemain appelait, il y a une vingtaine d’années, si spirituellement et si plaisamment : « Le grand système du bec dans l’eau. » À cette époque, il ne prévoyait pas qu’il serait ministre.
(...)
Se peut-il que les hommes d’État de nos jours ne sentent pas que l’heure de la politique généreuse est enfin venue, et qu’ils ne reconnaissent pas la stérilité de leur égoïsme ? Mais il n’y a plus d’hommes d’État ; il y a des hommes qui font leurs affaires à propos des affaires de l’État, et tant que leurs affaires sont bonnes, ils ne peuvent pas s’apercevoir que celles de l’État sont mauvaises. Des gens si contents de leur sort n’éprouvent pas le besoin du progrès ; il ne faut donc rien espérer de leur ambition sordide, de leur inintelligente personnalité. Notre confiance était une chimère, et M. de Lamartine avait bien raison lorsqu’il disait à M. de Girardin, il y a quelques années : « N’attendez rien du parti conservateur ; il n’admettra jamais vos idées de réforme ; laissez-le s’user, et ne vous usez pas avec lui. » En effet, c’était de la folie, nous le reconnaissons maintenant : M. de Girardin a entrepris une tâche impossible. Il veut souffler l’esprit de réforme… et il s’attaque à des gens qui vivent d’abus ! il veut prêcher des concessions généreuses, et il s’adresse à des professeurs d’égoïsme !… Ô naïveté sans pareille ! Quand on veut dessécher un marais, on ne fait pas voter les grenouilles !
11 juillet 1847.