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Critiques de Dominique Sigaud (56)
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The dark side of the moon

On ne voit jamais le côté sombre de la lune...il reste à l'ombre. Il en va de même pour la face obscure de l'âme humaine.





Anna Maria, journaliste de "gauche" dans une ancienne dictature d'Amérique du Sud, a l'intention de publier un article explosif sur les méthodes policières et la torture. En revenant le soir, après l'interview d'un homme ayant survécu aux supplices, sa voiture est bloquée par une autre et Anna Maria est enlevée.

Pendant trois jours et deux nuits, elle sera violée, humiliée, torturée, électrocutée.

Sauvé par son père, qui, pour protéger son statut de haut fonctionnaire, est pressé de la voir partir loin, Anna Maria va se retrouver seule à Paris.

Désormais, les souvenirs, les douleurs, la peur, la culpabilité et la perte de l'identité la hantent...





La souffrance et le chaos intérieur sont exprimées par de courtes phrases heurtées, directes, bouleversantes.

L'auteur sait (!) mettre à nu les mécanismes de la torture, la psychologie des bourreaux, la perversité et les relations tortionnaire-torturé. Les scènes décrites qui vont crescendo sont à la limite du supportable.

La modification de l'identité d'Anna Maria qui s'ensuit met le lecteur très mal à l'aise.

C'est un roman à l'atmosphère pesante et oppressante...révélant...the dark side of men.

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La malédiction d'être fille

J'ai assisté une année passée, lors du Livre sur la Place à Nancy à un entretien avec l'auteure D.Sigaud qui m'avait fort impressionnée. Ceci est une enquête sur un sujet mal connu, peu renseigné par les statistiques officielles, certainement tabou ou au minimum honteux car la violence faite aux femmes dans le monde entier est un scandale absolu qui dénie notre humanité et notre incapacité à protéger les plus faibles : les filles.

J'ai beaucoup appris dans ces chiffres mêmes sous-estimés, dans les témoignages insoutenables de ces vies brisées, de cette malédiction qui frappe les femmes et les filles surtout de plus en plus jeunes du fait de leur sexe, qui couplé à la pauvreté mais aussi aux guerres, au patriarcat, à l'immigration, à l'ignorance, aux croyances, au machisme répandu sur toute la terre depuis toujours.

La France aurait des progrès à faire avec son record de viols pour les moins de 15ans et ses lois oubliant de punir le viol sur enfant (déclaré "consentant" lors d'une affaire retentissante).

A faire connaître car l'ignorance est toujours coupable !
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La malédiction d'être fille

L'écriture est facile à lire, pas complexe, mais elle est sans concession, brute, elle sert à dévoiler, pas à voiler. le livre est impactant, il énonce des faits bruts et expose les violences faites aux filles dans le monde.



L'autrice est journaliste, on le sent dans son approche qui montre les choses, qui nous transmet une photographie, un état des lieux à un moment donné à propos d'un sujet donné. C'est une approche plutôt rigoureuse et sans fioritures, qui cependant, ne se limite pas à un constat mais pose également des questions.



J'ai beaucoup apprécié qu'elle dénonce le fait qu'on manque d'informations et de statistiques sur les violences faites aux filles et qu'on ne voit pas ce qu'on ne veut pas voir.



Le livre se découpe en plusieurs parties : la première sur les meurtres des petites filles et les avortements sélectifs, ensuite les attaques aux sexes des filles (mutilations sexuelles, inceste, mariages et grossesses précoces), puis l'esclavage et la prostitution des mineures, les crimes « d'honneur », la situation des filles dans les crises ; puis à travers quatre pays, Dominique Sigaud vient illustrer des situations à la fois différentes (particularismes) et universelles (violences faites aux filles), avec l'exemple de la France, des USA, de l'Inde et de l'Égypte.



Dans l'ensemble c'est un très bon ouvrage de référence à avoir dans sa bibliothèque pour les personnes s'intéressant personnellement ou professionnellement aux violences faites aux filles.
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La malédiction d'être fille

Sidérant, glaçant, sont les deux qualificatifs qui me viennent à l’issue de la lecture de ce livre.

C’est un peu par hasard qu’il est arrivé entre mes mains ; la remise à l’auteur du prix ″Livre et droits de l’homme‶ pour cet ouvrage, suivie d’un entretien d’une grande richesse.



Dominique Sigaud s’empare d’un sujet hautement sensible, celui des violences faites aux filles. Il est le fruit d’un travail de longue haleine dans de nombreux pays, mais aussi chez nous !



Dans un premier lieu, l’auteur s’attache à lister, définir et illustrer toutes les violences faites aux filles, et ce depuis la vie intra-utérine. De toutes c’est le filiacide (le fait de tuer sa propre fille) qui m’a le plus stupéfaite dans la mesure où je ne croyais pas cette pratique aussi institutionalisée et répandue. Dans la mesure où dans la plupart des cas et des pays les statistiques manquent, l’auteur fait beaucoup de recoupement pour tenter d’illustrer son propos.



Dans un second lieu, Dominique Sigaud dresse une géographie des violences en s’attardant sur la France, les Etats Unis, l’Inde et l’Egypte. Chacun a sa ‶spécialité ‶, si je puis m’exprimer ainsi…



Je retiens en particulier qu’en France on refuse de considérer l’inceste comme un crime à part entière, et qu’il ne constitue qu’un facteur aggravant au viol sur mineur, que les statistiques sur le viol sont très approximatives et que notre pays est en tête de classement (pour les pays occidentaux) en ce qui concerne les agressions sexuelles sur mineures ! Sidérant et glaçant, vous dis-je !



L’inde ‶ s’honore″ à tuer ses petites filles in-utero, ou juste après la naissance …

L’Egypte ″ préfère‶ les mutiler…



Sidérant et glaçant, j’espère que vous me croyez !!


Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Aimé

Ce livre se présente sous la forme d'un roman, mais c'est un récit intime qui nous est livré avec beaucoup de courage de la part de l'auteur.

L'écrivain en deuil impossible d'un enfant qui n'est pas né décide de retracer par écrit le chemin de sa douleur indicible.

Elle parle du moment de sa perception intime d'être enceinte, de la certitude de l'être après examens et échographies. Elle dit ses craintes d'avoir un autre enfant en même temps que son désir de le porter à terme.

Elle se remémore l'ambivalence de ses sentiments aux premiers moments, la peur que cet enfant ne soit encore qu'une histoire avortée, ayant déjà vécu une fausse couche un an auparavant.

Puis elle raconte le temps de la douloureuse suspicion d'un œuf clair, l'implacable confirmation de l'échographe qui diagnostique"le débris" à éliminer...

L' attente de l'expulsion qui pourrait se faire sans intervention chirurgicale est également évoquée avec beaucoup d'émotion...

Et puis le chemin de l'hôpital, et la souffrance physique et psychique des jours qui suivent...

Cette lettre à un enfant qui n'est pas né parlera à nombre d'entre nous, femmes bien sûr, mais hommes aussi, qui tentent de nous accompagner durant ces évènements qui souvent veulent se vivre comme des non-évènements.

Je ne parlerai pas des qualités littéraires du texte qui est très court, avec des phrases sèches et presque haletantes, je saluerai simplement le fait qu'il existe.

On parle très peu des souffrances et du difficile "travail de deuil"suite aux avortements, fausses couches, morts d'enfants in utéro ou à la naissance. Les sentiments de solitude et d'incommunicabilité inévitables dans ces moments là en sont très certainement amplifiés.

des liens et des images sur le blog :
Lien : http://sylvie-lectures.blogs..
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Le piège des loups : Les 175 maisons de la Ge..

on se dit qu'au moins les lieux gardent une légère empreinte des personnes qui les ont habités.

Dora Bruder de Patrick Modiano
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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La malédiction d'être fille

Une enquête sur les violences faites aux filles. Des chiffres et des témoignages alarmants, sidérants, révoltants, écœurants. Un livre "coup de poing" qui, espérons-le, ouvrira le débat et libèrera la parole. Une lecture aussi rude qu'indispensable.
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Dans nos langues

Ce livre est une plongée dans la construction collective et individuelle de la langue : comment la langue accueille au monde l'enfant qui naît, ce qu'est la langue familiale, celle de la mère, celle du père, celle qui construit, celle qui détruit ; puis langue de l'école, de la cour de récréation, des opprimés, des intellectuels. La langue qui tait et celle qui dit. La difficulté à faire émerger celle qui dit, en sculptant jusqu'à l'os les clichés langagiers : eux qui tuent une seconde fois en déposant le voile du déni sur les cadavres des exterminés, des torturés, des affamés. Dominique Rigaud, journaliste de guerre, a fait parler les humiliés, les vaincus du bras de fer entre humbles et puissants. Elle rend un bel hommage à ceux qui ont cru que la langue avait échoué : Primo Levi, Jean Amery, Tadeusz Borowski. Beau livre plein de déchirements, de douleurs, d'espoir. Devoir de dire, de redire, d'écrire, de réécrire jusqu'à trouver enfin ses mots à soi pour dépeindre son monde et se libérer pour l'écoute de celui de l'autre. Style dur et poétique. Travail d'extirpation des démons comparable à celui d'Asli Erdogan, sans que l'oeuvre aboutie ait une quelconque ressemblance. Mais deux âmes soeurs. J'ai beaucoup aimé.
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Tendres rumeurs

Une très belle découverte. Une des plus belles. Celle d'une écriture. D'une langue. «A la question qu'est ce que la vie signifie pour vous ? », je répondrai : il y a cet instant là. Cet instant de plaisir, de jouissance de lecture. Un reconnaissance. Une infinie reconnaissance. La reconnaissance de l' origine. C'est de naître de cela qui est de vivre. Retournement, éclat. Plaisir de la langue, de l'écrit. L'écriture très singulière de Dominique Sigaud nous est apparentée. Incertitude de soi, du devoir être, d'un 'état d'être, de l'être jusqu'à soi, en soi, au plus profond de soi. Prendre conscience et dimension de l'unicité de son être. Son originalité. Réduire l'écart entre le monde et soi, pour réduire une fracture provoquée par l'arrachement inévitable à la létalité d'un socle originaire.

Poursuivre la découverte de cette langue, la faire sienne, s'y loger, de cette bouche à son oreille, et de ce lobe voir la lumière ressurgir. Je n'ai pas envie d'en dire davantage, je vous laisse le plaisir de découvrir cette auteure si vous ne la connaissez pas encore. Voilà ce que cela signifie de vivre, simplement vous l'écrire.



Astrid Shriqui Garain
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Blue moon

Curieux et étonnant ce roman Blue Moon. Un roman étasunien écrit en français par un auteur français. Et pourquoi pas !



Voici l'histoire de Aaron Robbins, un noir illettré descendant d'esclaves, condamné à la peine capitale pour viol et meurtre dans l'état du Texas. Toute sa vie, il a rêvé de New York, mais sa rencontre avec la belle blonde et blanche, Emma Wild au bar Blue Moon changera la donne. Il en est instantanément obsédé.



Flashbacks entrecoupés des derniers moments de la vie de Aaron Robbins. La narration est sobre et sans jugement, parfaitement dosée entre descriptions et dialogues. On s'y croirait.



Ce roman est d'autant plus émouvant qu'on imagine plus facilement lire la prose virile d'un écrivain homme (je pense vaguement à celle de Dany Laferrière, par exemple), pourtant Dominique Sigaud est bel et bien une femme. Un véritable ovni dans le panorama des lettres françaises, ce roman...
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Partir, Calcutta

Ce livre est globalement une déception, non conforme à la réputation des éditions Verdier.

Dès les premières pages, Dominique Sigaud annonce la couleur : elle a obtenu une bourse pour partir à Calcutta avec pour seul projet celui de partir. Aucune piste d'écriture. Et de fait, le produit final s'en ressent.

Ce récit de voyage et de séjour tente d'établir un lien avec les romans indiens de Marguerite Duras, essentiellement le vice-consul et India Song que je n'ai pas lu. Mais la sauce ne prend pas. Je me suis ennuyée pendant toute ma lecture.

Tout de même, pour nuancer ma déception, je tiens à souligner la lucidité très appréciable dont fait preuve l'auteur quant aux conditions de vie en Inde, et tout particulièrement concernant la situation des femmes. Son témoignage ne verse absolument pas dans le cliché des saris colorés, des plages paradisiaques et du développement spirituel charlatanesque. Au contraire, ses propos sont très factuels et rendent parfaitement la réalité quotidienne d'une femme – qui plus est blanche – en Inde.



Édit : relecture en décembre 2023. A mon retour de Calcutta. Toujours un peu déçue que la ville ne soit pas plus présente. Le livre raconte un départ, une prise de recul, un rapport à Marguerite Duras. J'y ai très peu retrouvé Calcutta.
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Aimé

"Je ne te prendrai pas dans mes bras. Je ne t'appellerai pas Aimé".

Une femme écrivain (l'auteur?) nous confie ses états d'âme suite à une fausse-couche, puis revient sur le début de sa grossesse, ses réactions et celles de son entourage.

Avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, elle s'adresse à Aimé, celui qu'elle n'a pas eu le temps d'aimer, source d'attitudes et de sentiments contradictoires.

Peur de l'âge, peur de perdre sa liberté,obligation de s'arrêter de fumer,épuisement, insécurité.... que de bonnes (mauvaises) raisons de ne pas avoir envie de "porter" cet enfant.

"Porter", un mot qui revient en leit-motiv comme si cette future mère avait eu besoin d'être portée elle même, soutenue par mari et amies pour assumer une charge trop lourde.

Mais si la nature fait bien les choses et élimine le gêneur reste un grand vide et un poids mort à éliminer, celui de la culpabilité et des regrets.

Mise en parallèle avec d'autres cas d'avortements, une grossesse avortée, même de façon naturelle n'est pas anodine et laisse des traces. Si, en plus, un curetage est nécessaire, la violence subie est amplifiée.

Entre lettre ("l'être" de remplacement) à l'absent et journal intime, le roman Aimé de Dominique Sigaud-Rouff ne peut laisser indifférent aussi bien les femmes qui se reconnaissent plus ou moins dans certains passages que les hommes qui ne portent pas mais devraient peut-être parfois plus porter.
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La malédiction d'être fille

Effarant, Effrayant, l'essai de Dominique Sigaud l'est sans contexte. Je croyais connaître le sujet, mais j'étais loin du compte, c'était sous-estimer le manque d'humanité de l'Homme.

L'auteure dévoile cash des éléments que nombreux pays, cultures, religions souhaiteraient garder caché... Certes, nous ne sommes pas étonné.e.s que ces faits se déroulent dans des pays ou la pauvreté et/ou la guerre sévie, mais que l'on ne se voile pas la face, en France nous ne sommes pas sans reste.

Le manque d'information, la désinformation et le manque d'études et de statistiques prouvent d'une part que le viol, l'inceste, la traite et l'esclavage moderne sont des sujets qui restent tabou, mais aussi, qu'ils

dérangent plus encore.

Non seulement les chiffres sont incroyables, mais en plus ils sont encore loin de la réalité et ce même dans notre pays.
Lien : https://pasionlivres.blogspo..
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Aimé

Témoignage sans pathos d'une mère qui vit son début de grossesse dans le doute, dans la peine, puis dans la perte. Plein de choses importantes sur le deuil, sur la maternité, beaucoup de pudeur pour un sujet finalement très peu traité en littérature.

J'ai beaucoup aimé le style très retenu et en même temps touchant, le parti-pris de se dévoiler tout en se protégeant.

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Aimé

Sujet difficile et très intime que celui de la perte d’un enfant, même si cette perte a lieu en début de grossesse, surtout si c’est la deuxième fois en un an. Difficulté à comprendre la réaction du partenaire qui ne montre pas d’enthousiasme à l’annonce de cette nouvelle grossesse. Angoisse qui se présente rapidement avec la peur d’une nouvelle perte. Culpabilité de ne pas faire ce qu’il faut, de trop se mettre en colère, de trop fumer, d’être trop vieille… Besoin d’écrire lorsque l’échographie montre qu’il n’y a pas d’activité cardiaque, écrire pour tous ces « innombrables » qui ne verront pas le jour. Tous ces bébés qui ont porté un prénom avant de disparaître bien avant terme. Mais finalement, lors de l’hospitalisation pour curetage, l’embryon a grandi. L’espoir revient. Les questions que cette grossesse pouvait apporter (difficultés financières, âges avancés des parents…) passent au second plan. Et puis, les taches brunes, de plus en plus nombreuses et à nouveau avoir en face de soi des professionnels indifférents et durs.

Ce livre est là pour parler de la difficulté de faire son deuil d’un enfant, même s’il n’est pas né, du déni qui entoure ces « innombrables » et de la violence de certains membres du corps médical.

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La malédiction d'être fille

Prix Livre et Droits de l'homme, ce livre est l'état des lieux mondial des violences faites aux filles.

Il détaille par ailleurs les violences faites aux filles en France, aux États-Unis, en Égypte et en Inde.

Éclairant et nécessaire.
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Dans nos langues



On peut choisir de se raconter à travers son corps (Journal d’un corps, Daniel Pennac), à travers le collectif (les Années, Annie Ernaux). Dominique Sigaud tire le fil de la langue – du langage- pour dérouler son autobiographie.

Le livre s’ouvre sur cette révélation : A trois ans, l’enfant, accompagnant sa mère chez une femme de la haute bourgeoisie, constate le déplacement du langage, du maternel vers le social : la voix, attitude, contenu se modifient pour s’adapter à l’interlocutrice. C’est aussi l’instant où la mère lâche la main de sa fille.

A partir de là, l’auteure creuse. Elle va déterrer ce que la langue a fait d’elle, ce qu’elle en a fait, ce qui s’est peu à peu mis en place : sa langue. (« il n’existe de langue que singulière (…)). Enfance, études, liens familiaux, voyages, journalisme, lecture, écriture, maladie, le récit se met en place sous ce prisme unique.

L’être est tout autant constitué de chair que de mots, de ce qui est dit, de la bouche qui le dit, de ce qui est tu (ces « implicites » destructeurs). Mais aussi de ce que dit l’autre, qui s’adresse à soi, impose, soumet, s’accorde, rejette, assujetti. De la langue de la littérature – admirables pages sur Marguerite Duras – à celle de l’enseignement, des médias, du travail, de la psychanalyse, l’existence est construite par le langage. L’écriture, bien-sûr, tient une place importante dans ce livre, y compris dans ses empêchements. Le récit se clôt sur les doutes d’une écriture encore possible, dans la maison de Julien Gracq, face à la Loire, où Dominique Sigaud se trouve en résidence.

Dominique Sigaud ne prend pas le parti du collectif ou de l’essai. Elle ne généralise pas, ne théorise pas. Elle reste collée avec acuité au plus près de la vie. De la sienne, mais aussi de ce que nous pouvons aisément faire nôtre, partageant, éclairant des expériences communes. La langue n’est pas une abstraction. Elle est un élément concret, agissant, façonnant, libérant.

« Le Réel donc. La langue va s’y nouer. S’y noue d’emblée. La façon dont la langue va s’y nouer est essentielle » écrit Dominique Sigaud à propos du cancer. Ces mots pourraient s’appliquer à chaque page, à chaque instant de nos vies.

Dominique Sigaud nous livre un admirable texte introspectif, d’une grande beauté et d’une remarquable intelligence.

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Conte d'exploitation

Il y a encore des flics en France qui croient aux sacro-saintes valeurs de la République. Régine Partouche, commissaire de son état, en fait partie. Et elle mène plusieurs combats de front : contre sa hiérarchie, contre un crime immonde prouvant corruption entre hommes politiques et mafieux…

Un polar vraiment intéressant car il sort du schéma traditionnel.
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La malédiction d'être fille

Un livre indispensable à mettre entre toutes les mains, quel que soit le genre, la nationalité ou la classe sociale. Cet essai est édifiant et vraiment alarmant.

Le style de l'autrice reste assez simple, il est accessible à tous, et le format poche appuie encore un peu plus cela.

Maintenant il faut agir !
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Partir, Calcutta

Le motif des débuts, des naissances, de ce mouvement perpétuel où de la perte ou du départ peut surgir l’éclat semble traverser l’œuvre de Dominique Sigaud. Publié en 2014 aux éditions Verdier, son dix-septième livre, Partir, Calcutta raconte un départ, un voyage qui est comme une naissance, celle d’une écriture en écho à une ville, Calcutta. Le jaillissement de cette écriture se cristallise dans la première phrase, somptueuse, du livre :



"Il y a dans ce que je suis, comme elle, Calcutta, des palais à l’abandon. C’est le début, il n’y en a pas d’autre. Quelque chose s’est résumé dans cette phrase. Je ne l’ai pas inventée. C’était des semaines après Calcutta. J’écoutais des violons et des violoncelles travailler un concerto de Haydn, j’ai sorti le carnet de mon sac et je l’ai notée. Elle avait dû naître parmi les mouvements du concerto. Je me suis souvenue d’une phrase de Pascal Quignard, « Dans deux trios de Londres de Haydn a lieu un événement très rare : des phrases qui se répondent et qui ont presque du sens. Elles sont à la limite du langage humain. » Une musique à la limite du langage humain a permis à cette phrase de se constituer."



Portée par un simple désir de partir, sans qu’une ville, un pays ou un but n’y soient précisément associés, mais par le désir de partir vraiment, Dominique Sigaud a choisi de s’envoler seule vers Calcutta. Dès la première vision de la ville renversée par sa découverte, elle explore l’intérieur de cette cité gigantesque et chaotique, affronte ses contrastes, la violence, la pauvreté et les traces sublimes d’une beauté déchue, la paix et la douceur des bords du Gange.

L’arrivée à Calcutta est un choc comme une dépossession, mais Dominique Sigaud s’y abandonne, loin du corps à corps téméraire de Philippe Rahmy avec Shangaï dans «Béton armé», et se laisse porter par ce qui s’y enchevêtre, la violence et la paix, le tumulte et la bienveillance, comprenant finalement la similitude entre la découverte de la ville et celle de son état intérieur, qui fait de Calcutta un miroir, une ville-sœur.



"À l’intérieur de moi donc il y aurait, comme elle, les restes d’un héritage, structures abandonnées, traces d’un passé révolu, vestiges d’une occupation étrangère. C’est une certitude. À l’intérieur de moi aussi, ces constructions récentes érigées à la hâte, inachevées, ces vastes territoires de taudis, ces voies massives et chaotiques, ces paisibles ruelles. Ensemble, cette misère et cette grandeur, cette propension à vivre, cette ferveur parfois. Cette pauvreté extrême. Cette profusion. À l’intérieur de moi l’enfant qui mendie et le Brahmane ; le fou errant, l’Intouchable. Et ce fleuve séparant tout en deux parts, sacré et bordé d’immondices. Et cette poussière noircissant tout. Et ce bruit constant, ces déplacements chaotiques côte à côte avec cette lenteur et cette paix. L’intérieur de moi semblable à ce que j’avais vu d’elle, un territoire cherchant obstinément sa forme ; une ville sœur."



Semblant faire écho aux propos de Marguerite Duras, «il n’y a de voyage qu’en profondeur», ce récit est comme un long chant à l’écriture hypnotique ; l’énigme de la ville et la forme de l’écriture font écho aux livres de l’auteur du « Vice-Consul" . Comme une India Song, Dominique Sigaud nous offre un récit d’images et de sensations vibrantes, un voyage où l’extérieur et l’intérieur dialoguent, où le délabrement et le vacarme côtoient la poétique et l’éclat de la beauté, une perte et un aboutissement.



"Nous finissions par atteindre un peu de ville. Un début de Calcutta. Le chauffeur s’arrête souvent, demande sa route. La ville se resserre, se densifie, la voiture emprunte d’innombrables ruelles en terre prises entre de hauts murs. J’entre dans un territoire, c’est très étranger. Je vois peu. J’ignore comment il se reconnaît dans ces voies sombres et resserrées où se mêlent femmes en sari, hommes, enfants et chiens, glissant plus qu’ils ne marchent, sans cesse frôlés par des vélos, motos, charrettes à bras et voitures s’entrecroisant malgré l’étroitesse, klaxons, écarts ; pas de rétroviseur extérieur. Un excès qui rapidement m’atteint, une matière excessive. Mais j’ai vu arrêtées contre des trottoirs déserts, de vieilles Ambassador blanches couvertes d’une poussière ocre, depuis combien d’années sont-elles là ? ; on dirait un film italien des années cinquante, passé, en noir et blanc, Rome ville ouverte. Et Duras un instant, le Calcutta de Duras, une nostalgie. L’instant d’après encore, un match de cricket dans un stade éclairé, seule lumière vive à des kilomètres. Mon ignorance grandit. Enchevêtrement. Ordures déposées là, tas d’ordures. Je veux arrêter de me déplacer. Chiens jaunes seuls. Arriver quelque part. Je suis comme cette voiture. Je deviens la voiture. Une carcasse, un moteur. Pas de rétroviseur. Juste la capacité mécanique à avancer. Pas un mot échangé avec le chauffeur. Nous ne pouvons que nous taire."



Une note de lecture à retrouver, avec beaucoup d'autres, sur le blog de Charybde 27 ici :

https://charybde2.wordpress.com/2018/07/24/note-de-lecture-partir-calcutta-dominique-sigaud/
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