Citations de Ellis Peters (219)
Le jeune homme la fixa, bouche bée, tout rouge, incrédule et plein de joie, posa sans regarder l'étrange instrument sur le banc à côté de lui, et se leva lentement, prudemment, avec des mouvements presque subreptices, comme si un geste inconsidéré pouvait la dissoudre dans la lumière, et la faire disparaître comme la brume du matin.
... cet enfer qui est une île à jamais entourée par quatre mers, dragons gardant les damnés : la mer de l'amertume dont chaque vague cause une brûlure plus terrible que les feux du continent infernal lui-même, la mer de la révolte où chaque effort du fugitif, nageur ou rameur, le rejette dans les flammes, la mer du désespoir où sombre toute barque, où tout nageur coule comme une pierre, la mer du repentir enfin, formée de toutes les larmes de tous les damnés par laquelle seuls quelques rares élus peuvent s échapper, puiqu'une larme unique de Notre Seigneur sur les pêcheurs est tombée jadis dans l'océan de feu et l'a apaisé et rendu plus doux pour ceux qui parviennent à la perfection du remord.
Mais il n'avait pas sommeil au point de ne pouvoir dresser l'oreille quand l'abbé avait sollicité des conseils- quitte à ne pas les suivre si son esprit incisif l'orientait dans une autre direction.
L'ange, à tout jamais surpris à l'instant où il touchait terre, ses pieds délicats étendus, les ailes cambrées, les paumes ouvertes vers le ciel, inclinait avec une humble solennité sa tête fine et juvénile, aux longs cheveux blonds encore tout dressés et frémissants de son vol...
Dans les limbes, au-dessus de lui, le créateur inclina la tête pour examiner son oeuvre et la trouva bonne.
Ce ne fut pas un beau spectacle que celui de cet être humain qui, pris de panique, essayait de s'enfuir, se débattait comme un chat sauvage lorsqu'il fut encerclé et hurla des imprécations de défi lorsqu'il fut maîtrisé et réduit à merci.
Le visage de Robert arborait l'expression angélique d'un séraphin charge d'une mission d'importance cosmique et encore tout pénétré de la grandeur de l'être merveilleux qui l'avait choisi.
Le pas qui sépare les choses ordinaires des miracles me paraît ridiculement petit, accidentel presque, et je me demande pourquoi cela vous étonne ou pourquoi vous vous donnez tant de mal pour chercher à comprendre. S'il s'agissait de quelque chose qu'on peut expliquer, ça n'aurait plus rien de miraculeux, n'est-ce pas ?
Quelqu'un a qui vous avez toujours pensé comme un enfant, quelqu'un qui a l'air d'un gamin hystérique, vous lance soudain un regard profond, solennel et débordant de chagrin, d'un adulte, d'un homme, et vous coupe le souffle.
Il ne fallait jamais rien prévoir, seul comptait l'instant présent. Demain n'existe pas encore, et l'on ne peut tirer profit d'un passé qui vous glisse entre les doigts. Mais la minute présente est quelque chose qui subsistera toujours, sous quelque forme que ce soit.
_ Tu crois vraiment que...pour tous les deux ? Evidemment, je conçois que c'est une occasion unique...Mais vraiment , maman, je ne sais si...Oui j'aimerais bien, mais...Je parie qu'il aimerait aussi... Ecoute, je vais lui en parler et je te rappelle...
_ Oui, c'est ça, marmonna Dominic, suffisamment bas pour ne pas être entendu de leur interlocutrice, envoie-la promener et laisse moi le temps de te mettre un peu de plomb dans la cervelle !
L'enfant était la jeune pousse verte germant de la graine rouge du sang de maître Harry, de sa vie et de sa passion, la graine indestructible dont était ensemencée toute la terre alentour.
Et il n'était que le premier des fruits de la récolte.
Épilogue
Chacun fait ce qu’il doit faire et assume les conséquences. En définitive, les choses sont simples.
Un matin du début de décembre 1138, frère Cadfael arriva au chapitre, l’âme sereine, décidé à se montrer tolérant pour la façon banale et pédante dont frère Francis faisait la lecture et pour les filandreux radotages juridiques de frère Benedict, le sacristain.
« Ce n’est pas moi qui ai l’habitude de me frotter à la pègre », ironise Bunty Felse en embrassant son inspecteur de mari
En silence, il contourna la voiture de façon à lui montrer, sans être aperçu par d’éventuels importuns en cet instant critique, le petit pistolet noir qu’il pointait dans sa direction, droit vers son cœur. Sa main ne tremblait pas. Et la preuve, dissimulée mais hélas si présente, que l’arme était chargée et qu’il savait s’en servir, était là, dans le coffre.
Elle n’avait rien entendu, rien vu excepté le corps fragile et contorsionné ; mais quelque chose avait alerté le conducteur ; un courant d’air froid lorsqu’elle avait ouvert la portière, un léger déclic de la serrure, ou peut-être un instinct de conservation inconscient qui ne faisait pas appel à ses sens. Il se tenait derrière elle mais avait reculé pour éviter son contact, au cas où le choc aurait donné à Bunty la force de se rebeller.
Une main effleura son épaule et rabattit violemment le coffre de la voiture. Si jamais Bunty avait eu une chance de faire demi-tour et de prendre ses jambes à son cou, avec l’espoir d’éviter une poursuite à travers le parc, il était déjà trop tard. L’occasion était passée ; elle resta là, incapable d’émettre un son ou de faire le moindre geste, pétrifiée d’horreur.
Non, dans ces moment-là, vous avez besoin de la présence d’un étranger rencontré dans un train et que vous ne reverrez jamais, l’un de ces confidents occasionnels dans le confessionnal éphémère de cette vie, où, contrairement à toute attente, les âmes sont souvent sauvées.
C’est pour cette raison qu’elle opta, ce samedi d’octobre, pour une longue promenade solitaire, en évitant soigneusement les endroits trop familiers et les lieux fréquentés par ses amies. Depuis midi le ciel avait pris une couleur tourterelle, l’air était immobile, rafraîchi par le crépuscule jusqu’à la limite du givre, sans jamais l’atteindre.
Bunty avait beaucoup d’amies ; elle aurait pu les appeler. Mais devant elles, elle se serait sentie obligée d’offrir un visage serein, un comportement normal et de garder ses sombres pensées pour elle. On n’inflige pas aux amis l’image navrante d’une inconnue qui a déjà un pied dans la tombe. Mieux vaut se cacher le temps de la crise, en étant même à ce stade, à peu près sûre qu’elle ne durera pas, et attendre pour émerger d’être redevenue soi-même, telle que les autres vous connaissent, en état de partager leur compagnie.
La colère n'entrait pas dans son caractère, qui se distinguait par sa froideur, cette froideur des fauves qui ne ressentent pas plus de pitié que d'animosité envers leurs victimes.