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Citations de Elsa Marpeau (233)


Ensuite, on lui a proposé Singapour. Il a accepté. Je ne me souviens plus de ses raisons. Il ne m'a pas consultée. Quand je lui en ai fait le reproche, il a paru surpris :

— Je pensais que la destination te serait égale.
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Dès le départ, notre expatriation ne tenait pas d'un projet établi d'avance. Alexandre aurait pu avoir un poste ailleurs, en France, en Amérique du Nord ou dans un autre pays d'Asie. On lui a d'abord proposé la Chine. Il n'a pas voulu. Il estimait la pollution trop élevée. Il disait qu'avec un bébé il valait mieux trouver une destination plus saine. Il n'arrêtait pas de parler de l'enfant à venir. Cette obsession commençait à me taper sur les nerfs.
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Même si les choses ont dégénéré, rien n'était prémédité. Il n'y avait aucun plan, aucune ligne directrice. Juste un enchaînement de hasards, de rencontres.
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Partout, des atmosphères et des couleurs différentes. Quatre langues officielles : l'anglais, le mandarin, le malais et le tamoul. Et tant d'autres : les langues non officielles, javanais, bengali, français, danois, les différents dialectes chinois, et le singlish, l'anglais revisité par les Singapouriens. Des mosquées, des églises, des temples hindouistes et bouddhistes. Singapour, melting-pot extrême. Chinois, Indiens, Malais, Indonésiens, Australiens, Anglais, Français, Philippins, Japonais, Américains, Norvégiens, Danois, Coréens — ici, à l'autre bout du monde, je me perdais avec allégresse au milieu des corps et des fictions qu'ils véhiculaient.
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Ce parfum, j'ai appris à le reconnaître, à peine arrivée. J'ai aussi appris à l'aimer. Dès que je le pouvais, je sortais dans la moiteur poisseuse, quand l'odeur de la terre devient suffocante. Chinatown, Little India, Marina Bay, Jurong, Sentosa, Geylang…
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Et bien sûr, à la surface de Singapour, dans sa chair, son odeur, son ADN : la chaleur de plomb. Quand le ciel est dégagé, la température grimpe jusqu'à trente-cinq degrés. L'humidité prend à la gorge. Le plus souvent, les nuages s'amoncellent et finissent par exploser en orages, en pluies torrentielles et brèves. Alors remonte du sol un parfum d'humus, de macération, de pourriture.
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Partout, la végétation enlace les buildings et le béton. Une végétation dense, odorante, démesurée. Des fougères géantes éclatent en gerbes sur les troncs. Les arbres à pluie bordent les avenues. Leurs branches immenses se mêlent au ciel, de part et d'autre des trottoirs, recouvrant l'agitation urbaine de leur canopée. Les racines plongent en terre et affleurent à la surface, des dizaines de mètres plus loin. Des kilomètres de béton et une profusion végétale forment l'urbanisme particulier de cette cité-État, qui s'est extirpée du chaos il n'y a pas plus de soixante ans, ensevelissant la misère et l'opium sous sa verticalité, érigeant des tours de métal et de verre sur le cloaque.
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Quand j'ai franchi les portes automatiques pour atteindre l'autre côté, celui du réel, quand j'ai cessé d'être une touriste en transit pour devenir une expatriée, quand j'ai arrêté de fantasmer Singapour pour y devenir résidente temporaire, je me suis trouvée plongée au cœur d'une jungle. Dans un marécage.
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Des quarante millions de passagers sillonnant l'aéroport de Changi tous les ans, l'immense majorité ne traverse jamais la barrière de la douane. J'ai été comme eux. Une passagère en escale. Je ne devais ma connaissance de Singapour qu'à mon imagination. Je m'étais figuré des buildings en rangs serrés. Des rues immaculées, au tracé net, un quadrillage rationnel, des portions d'espace millimétré. Des visages innombrables, identiques. Une cité sans crime, sans chewing-gum et sans âme.
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Elle aimait la monotonie du quotidien, les bonheurs minuscules, les moments où l’habitude abolissait l’angoisse. Quiconque eût interprété cet amour comme une forme de résignation serait passé à côté de l’essentiel. Certains jours, Alex aimait Antoine avec exaltation.
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Dans l'obscurité, autour d'eux, tout un monde grouille, couine et mord. Marianne distingue d'abord les chats. Tous les chats pelés, blessés, maigres, que les familles affamées ne pouvaient plus nourrir sont venus se repaître du corps de l'Allemand. Il y a aussi les rats. Tous lacèrent, déchirent, défont le corps ouvert, dont la putréfaction est accentuée par la chaleur et qui répand son parfum pestilentiel sur la scène.
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Ils sont partout, insaisissables. Ils nous glissent entre les doigts. Ils changent de téléphones tout le temps, ils vont jusqu’à utiliser le portable de passants rencontrés dans la rue. Ils ont le culte de la clandestinité. La culture du sabotage. Vu qu’ils refusent d’être signalisés, on n’a rien : pas de photographie, pas d’empreintes digitales, pas d’analyses ADN.
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Il y a un temps pour aimer et un temps pour haïr, un temps pour la paix et un temps pour la guerre.
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Il y a un temps pour perdre ; un temps pour conserver et un temps pour jeter, un temps pour déchirer et un temps pour coudre. Il y a un temps pour se taire et un temps pour parler.
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Dans la rame, les visages sont impénétrables. Uniformes, indifférents. Pourtant, il y a parmi eux quelqu’un qui la suit, quelqu’un qui a bouleversé le cours de son existence. À moins que la folie ne se soit saisie d’elle. À moins que rien de tout ce qu’elle se figure ne soit jamais arrivé ailleurs que dans son désordre mental.
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Y a qu’un professionnel de la détache qui peut déterminer les risques. À quoi ça servirait si, en enlevant les taches, on estompe la couleur ou qu’on y fasse un trou ?
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Le traumatisme reste traumatisant et incurable parce qu’il vient de l’avenir. Le virtuel traumatise aussi. Le traumatisme a lieu là où l’on est blessé par une blessure qui n’a pas encore eu lieu, de façon effective et autrement que par le signal de son annonce.
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Depuis quelques jours, elle a l’impression d’être suivie. Elle se retourne. Ce pourrait être n’importe qui, s’il y a quelqu’un. Elle se demande d’où lui vient cette impression. Quels en sont les signes concrets. Les indices. Hier, ou peut-être avant-hier, elle a entendu un bruit de pas. Des semelles souples. Un homme, certainement. Elle s’est immobilisée, les pas se sont arrêtés. Quand elle a repris sa marche, le bruit a recommencé derrière elle. Sans doute une coïncidence. Aucune raison pour qu’on la suive — elle est toujours parvenue à se fondre dans le décor.
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Prenez garde. Ils disent qu'ils vont nous soigner alors qu'ils nous engraissent pour nous dévorer. Les ogres frappent à la porte. Et quand on veut ouvrir, on se rend compte qu'ils sont entrés depuis longtemps. Ils sont là, et ils ont le visage impassible et les mains toutes rouges.
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Sarah se demande ce que signifie une « ambiance chouette » quand on a tout perdu, jusqu'à l'usage de ses membres ou la faculté d'aller chier tout seul.
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