Citations de Emily Dickinson (513)
Emily Dickinson […] a poussé l’exploration de l’être jusqu’en sa nudité la plus absolue, aux confins du suicide et de la folie. Proche en cela d’un Beckett ou d’un Artaud.
[préface Claire Malroux]
L'herbe a si peu à voir
L'herbe a si peu à faire --
Une sphère de verdure simple --
Avec seulement des papillons à couver
Et des abeilles à divertir --
Et remue toute la journée sur de jolies mélodies
Les brises vont chercher --
Et tiennent le Soleil sur ses genoux
Et s'inclinent devant tout --
Et enfiler les Rosées, toute la nuit, comme des Perles --
Et se faire si fine
Une Duchesse était trop commune
Pour une telle remarque --
Et même quand elle meurt -- Pour passer
En Odeurs si divines --
Comme des épices humbles, couché pour dormir --
Ou les épines, périssant --
Et puis, dans les granges souveraines pour habiter --
Et rêver au loin,
L'herbe a si peu à faire
que j'aimerais être un foin --
Nuits sauvages - Nuits sauvages !
Étais-je avec toi
Les nuits sauvages devraient être
Notre luxe !
Futile - les vents -
Vers un coeur au port -
Fait avec la boussole -
Fini le graphique !
Aviron en Eden -
Ah - la mer !
Puis-je m'amarrer - ce soir -
Dans...
La Patience…
La Patience — a une Apparence paisible —
La Patience — Regarde au fond —
C'est la force futile d'un Insecte
Entre deux — Infinis —
Fuyant de l'Un — à l'Autre
S'élançant sans succès —
La Patience — c'est l'effort de Sourire
Au milieu des frissons —
//traduit de l’anglais (États-Unis) par François Heusbourg
Ma barque s'est-elle brisée en mer,
Crie-t-elle sa peur sous le vent,
Ou docile a-t-elle hissé sa voile,
Pour des îles enchantées;
A quel mystique mouillage
Est-elle aujourd'hui retenue,
Ça, c'est affaire de regard
La-bas au loin sur la baie.
Rien n'est plus vieux qu'un charme dilapidé -
Les trois peurs (1862)
Peur ! Mais de qui aurais-je peur?
De la mort ? Qui est-elle ?
Le portier de la loge de mon père
Me déconcerte autant —
Peur de la vie ? Ce serait bien étrange
De craindre — la force qui me contient
En — une ou — peut-être — deux existences —
(C'est là un point de droit
Qui relève de Dieu — )
La peur de la Résurrection ?
L'orient aurait-il peur
de s'abonner au matin —
Comme un front difficile à contenter —
En train de dédaigner une couronne ?
p.48
La Gentiane file ses franges –
Le rouet de l'Erable est rouge –
Mes fleurs sur le départ
Ne font pas les fières.
Un mal patient, mais bref –
Une heure pour se préparer,
Et l'une ce matin ici-bas
Est là où sont les anges –
La procession a été courte,
Le Babillard était là –
Une vénérable Abeille nous a fait un sermon –
Puis nous nous sommes mis à genoux –
Nous espérons qu'elle était consentante –
Et demandons à pouvoir l'être.
Saison – Soeur – Séraphine !
Laisse-nous partir avec toi !
Au nom de l'Abeille –
Et du Papillon –
Et de la Brise – Amen !
"Go traveling with us !"
Her Travels daily be
By routes of ecstasy
To Evening's Sea –
"Viens voyager avec nous !"
Quotidiens soient ses voyages
Par des routes d'extase
Vers l'Océan du Soir –
Hope is the thing with feathers -
That perches in the soul -
And sings the tune without the words -
And never stops - at all -
And sweetest - in the Gale - is heard
And sore must be the storm -
That could abash the little Bird -
That kept so many warm -
I've heard it in the chillest land -
And on the strangest Sea -
Yet, never, in Extremity,
It asked a crumb - of Me.
Il tripote votre Âme
Comme un pianiste les Touches—
Avant que toute la Musique soit lâchée—
Il vous étourdit par degrés—
Prépare votre nature friable
Au Coup éthéré
Avec un Martèlement ténu—éloigné—
Puis de plus en plus proche—Puis si lent
Votre souffle—a le temps de reprendre—
Votre Cerveau—de refroidir—
Puis il jette—Un—majestueux—Éclair—
Qui scalpe la peau de votre Âme nue—
Quand les Vents tiennent les Forêts entre leurs Pattes—
L’Univers—est immobile—
477 _ traduit par Sabine Huynh
Entre ses pattes imperceptibles
L’araignée tient une pelote d’argent –
Et tout en esquissant un pas de danse
Elle dévide son fil nacré –
Du néant au néant courait la navette –
Activité arachnéenne –
Qui supplante en un rien de temps –
L’art de nos tapisseries –
Une heure pour porter à la perfection
Ses continents de lumière –
Puis – ses frontières délaissées –
Ondoyer au bout du balai de la ménagère –
p.59 // poème 605
À l’intérieur de cette petite Ruche...
À l’intérieur de cette petite Ruche
Il y a de telles Allusions de Miel
Comme si la Réalité faisait un Rêve
Et les Rêves, la Réalité —
/ Traduction: de l’américain par François Heusbourg
Ce que je peux faire, je le ferai, même si c’est aussi petit qu’une jonquille.
Vers un cœur brisé
Vers un cœur brisé
Personne ne peut aller
sans la haute prérogative qu'elle-
même a soufferte aussi.
Pour faire une prairie il faut un trèfle et une seule abeille,
Un seul trèfle, et une abeille,
Et la rêverie.
La rêverie seule faire l'affaire,
Si on manque d'abeilles.
Il y a un An – que noter ?
Dieu – écrive le mot ! Je – ne puis –
Grâce ? Non, pas cela –
Gloire ? Va – pour Gloire –
Ecris plus lentement – Gloire –
Pareil Anniversaire aura lieu –
Parfois – rarement – dans l’Eternité –
Quand des Séparés, plus que par le Malheur Banal –
Se verront – se repaîtront l’un l’autre de leur visage –
En un repas douteux, s’il peut se faire
Que leur Festin soit réel –
Je goûtai – insouciante – en ce temps-là –
Je ne savais pas que le Vin
Ne venait qu’une fois par Monde – Et toi ?
Père – je t’apporte – non point Moi-même –
Ce serait le faible fardeau –
Je t’apporte le Cœur en allé
Que je n’ai pu retenir –
Ce cœur que je chérissais dans le mien –
Devenu à la fin – trop lourd –
Mais – étrangement – plus lourd – depuis son départ –
Est-il trop grand pour toi ?
Before the Ice is in the Pools
Before the ice is in the pools,
Before the skaters go,
Or any cheek at nightfall
Is tarnished by the snow,
Before the fields have finished,
Before the Christmas tree,
Wonder upon wonder
Will arrive to me!
What we touch the hems of
On a summer's day;
What is only walking
Just a bridge away;
That which sings so, speaks so,
When there's no one here,—
Will the frock I wept in
Answer me to wear?
Mon plus grand bonheur, c'est qu'au loin
Mon âme fuie sa demeure d'argile,
Par une nuit qu'il vente, que la lune est claire,
Que l'oeil peut parcourir des mondes de lumière
Que je ne suis plus, qu'il n'est rien
Ni terre, ni mer, ni ciel sans nuages
Hormis un esprit en voyage
Dans l'immensité infinie.