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Critiques de Eric Laurrent (65)
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Ne pas toucher

Style virtuose ou Tape à l'oeil ?



Ça ne commence pas très bien : au bout de deux pages je lis : « Et l'on verra tout de suite qui est-ce. » A froid, ce genre de provocation syntaxique peut m'énerver. Sept pages plus loin, au milieu d'une foule de parenthèses imbriquées (ce que je ne vais pas critiquer (c'est bien mon style (mais je me surveille (d'habitude)))), je remarque qu'il s'en ferme plus qu'il ne s'en ouvre. Grr. Je continue trois pages et je tombe (après un bel imparfait du subjonctif), sur le verbe accroire avec un complément d'objet indirect. J'ai failli laisser tomber, je commençais à penser que même dans le nom de l'auteur il y avait une faute d'orthographe : Laurrent avec deux r, c'est d'un prétentieux (j'en mets bien deux à Gavarneur, mais...).



Je suis pourtant content d'avoir continué, encouragé par la faible épaisseur du volume et parce que je regrette rarement d'avoir acheté un livre édité chez Minuit.

En un mot : Ne pas toucher est un roman léger à l'écriture brillante. Il ne s'y passe pas grand-chose : Clovis Baccara doit tenir compagnie à la récente épouse de son ami Oscar Lux (ces noms!) mais surtout ne pas toucher. On se doute un peu (on espère?) qu'il touchera, vu la fascination qu'exerce sur lui cette Véronica, surtout après le portrait de séducteur/prédateur qui constitue le premier chapitre. le dernier chapitre renverra magnifiquement à un des premiers, quand il s'agira des conséquences. Il se lit que c'est un pastiche de film noir, j'en doute un peu, même si les héros sont des gangsters (modernes ; qui gagnent plus d'argent à boursicoter, ou à fricoter de façon presque légale avec des oligarques russes qu'à faire des casses).



Le prétexte exposé, il me reste à vous parler de la manière. Et c'est éblouissant.

Connaissez-vous Bloch, l'ami du narrateur de la Recherche ? C'est à lui qu'Eric Laurrent me fait penser dans ce texte : par l'exubérance fleurie de son style. Mais si (dans mon (vague) souvenir) le style de Bloch est d'un parfait classicisme (quoiqu' ampoulé), empli de mythologie et de clichés floraux, celui de Laurrrrrent est un véritable feu d'artifice protéiforme.



Est-ce toujours justifié ? Empiler dix lignes de mots rares pour se moquer de la décoration lourde, mélange de dix styles, d'un palace californien est tout-à-fait approprié. Faire la même chose pour décrire les merveilleux nuages est un acte de virtuosité qu'on peut trouver inutile. Pour le palace, ça semble être une application directe du (malin et jouissif) La Guerre du faux d'Umberto Eco, détaillant la création du kitsch. Pour le nuages, on se croirait dans ce que Boucher a peint de plus mièvre, pas dans les petits poèmes en prose de Baudelaire.

L'accumulation de néologismes m'a plus amusé que dégoûté, mais c'est effectivement affaire de goût ; un peu fatigant si comme moi on a un vocabulaire limité, des dictionnaires lourds et un peu de paresse : on ne va pas vérifier si le mot est rare ou nouveau. Mais dans les deux cas, j'ai trouvé ça amusant (j'aime bien trouver des mots comme obombrer ou éréthisme, pas vous?).

La variété des points de vue, des temps, des tournures de phrase ressemble aussi parfois à un exercice de style un peu vain. Disons que c'est du Paganini et pas du Schubert, mais la virtuosité peut aussi être agréable (que les romantiques attardés me pardonnent, mais c'est la seule chose que j'admire chez Rachmaninov).

A l'opposé de la boursouflure, de la démesure volontaire du style, j'ai trouvé que l'atmosphère sensuelle qui imbibe les pages était rendue avec subtilité et distance, très agréablement (touchera-t-il?). le ton est aussi souvent un peu humoristique (tous ces auteurs Minuit ont bien digéré leur Echenoz) : « les propriétés imperméabilisantes de la torpeur » (exemple au hasard), ça me fait sourire, mais c'est bien vu.



Vous voilà donc prévenus : ça ne plaît pas à tout le mode, mais j'y ai passé quelques heures bien agréables.
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Une fille de rêve

Tout d’abord merci à la masse critique et à l’éditeur Flammarion qui m’ont permis la découverte de cette fille de rêve à la vie de cauchemar célébrée par les mots d’Eric Laurrent.

Illico, je suis surpris voire dérouté par les longues phrases aux virgules multiples, aux tirets canailles et aux savantes parenthèses.

Brillamment, ce roman est bardé de phrases toutes « fêtes », tellement bien faites parfois que c’est un plaisir consternant de ne pouvoir décrypter les stances de Nicky la blonde de rêve et de sa copine Saphir la brune sans passer par les alinéas chics « litt » du ventru Larousse.

«Parfois trop littéraire, voire précieux, c’est simplement écrit en bon français » fait préciser par un des ses protagonistes l’auteur soucieux de nous prévenir contre toutes idées mal reçues.

Notez bien que j’ai trouvé ces difficultés bien que chronophages, d’une élégance rare, qui m’ont élevé tel un ascenseur intellectuel vers un sommet où j’ai pu contempler l’immensité

de mes lacunes, mon cerveau n’étant pas plus hypertélique que mon intelligence coruscante.

Pour la forme, c’est fait…



Pour le fond, on peut le toucher plus aisément. La fille de rêve a les dents longues bien vite gâtées par le sucre qu’on lui casse sur le dos. Le sucrier toujours rempli de substances hallucinogènes. Où serait le plaisir…



Les rencontres de sa vie seront aussi scabreuses que sont pulpeuses les courbes de son anatomie et feront frémir d’envies et de fantasmes la junte nocturne des années 80 dans le Paris branché des Bains-Douches et du Palace. On y croisera, entre autres, Alain Pacadis, défoncé et journaliste de métier, tué par amour par son amant. (Itinéraire d’un dandy-punk – A.Bernier et F.Buot).



Le destin donnera à cette jeune fille de seize ans aux songes exaltés seulement huit années pour se griser, aimer, se perdre, espérer faire la comédienne, se droguer, pleurer, se faire aimer, trop grossir, danser, se faire plaisir, avoir des amis pour la vie, puis remaigrir, refaire rêver, et puis, le nez dans la poudre et les cachets, finir sur les lèvres offertes du velours rouge de son canapé Dali.



Dissolu et tendre, impudique et affectueux le roman d’Eric Laurrent, fait renaître Nicole Sauxilange, celle qui a préféré mourir que retomber dans l’anonymat. « Il vaut mieux être réduite à son corps qu’être réduite à néant ».

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Une fille de rêve

Ascension et décadence d'un mannequin-starlette dans les années 80, sur fond d'apparition du sida. Un bon roman contemporain, qui parlera à ceux qui ont vécu cette période, une fiction fortement shootée, grandement alcoolisée, largement dénudée. Les aventures de l'héroïne (c'est le mot) s'inscrivent dans les méandres d'une époque révolue mais, au fond, pas si ancienne (les Bains Douches... la Cinq de Berlusconi ...). A lire, ne serait-ce que pour le style maîtrisé, sinueux et fleuri de l'auteur que, personnellement, je découvre (la longueur des phrases ne rebutera pas les lecteurs de Proust).
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Une fille de rêve

Avec son précédent roman, "Un beau début" paru aux éditions de Minuit, Éric Laurrent tirait de l'oubli une starlette complètement oubliée et nous racontait l'enfance et la naissance de Nicole Sauxilange, future Nicky Soxy, starlette des années 1980/1990.



Dans "Une fille de rêve" ( qui a changé d'éditeur entre temps, passant chez Flammarion), on retrouve le personnage de Nicky Toxy, au début des années 80, quand elle commence à prendre le chemin de la célébrité grâce à la publicité et quelques émissions télévisées de divertissement, jusqu'à ce qu'elle termine de manière tragique…



Nicole Sauxilange, modèle du mois en couverture d’un magazine de charme, ne révait qu'une des choses, quelques années avant Loft Story et toutes ces émissions de TV réalité où de jeunes filles qui cherchent .



Très documenté sur une époque révolue- on y croise Serge July, Alain Pacadis, Béatrice Dalle , "Une fille de rêve" raconte la destinée d'une jeune starlette qui ne revait que d'une chose : être reconnue et user son pouvoir- sa grande beauté- pour accéder au sommet.



En faisant un parrallèle avec le "Nana" de Zola, Eric Laurrent décrit un conte de fées qui se transforme vite en descente aux enfers sur une jeune fille si belle qui devient femme objet et broyée par une société où la toxicité des males va entrainer une chute d'une jeune femme attirée par les paillettes, et la célébrité.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Une fille de rêve

Nicole Sauxilange (devenue Nicky Soxy à la fin d'Un beau début) continue son avancée dans l'oeil du public, usant de tous ses atouts, surtout physiques, pour y arriver. Les photographes se succèdent autour d'elle pour lui soutirer la moindre parcelle de chair, sans compter ceux qui se nourrissent de sa fluctuante notoriété, juste le temps d'en tirer profit. La dictature de l'apparence se déploie dans toutes les pages de ce roman, et l'auteur nous révèle très tôt le destin de cette fille de rêve, dont on suit la fulgurante course à la célébrité.

La plume distinguée d'Éric Laurrent magnifie le récit. Ses longues phrases ourlées d'un vocabulaire recherché à la syntaxe alambiquée, charment et enivrent.

Un roman à savourer, encore plus que le premier tome.

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Les découvertes

Je découvre Eric Laurrent à la lecture de son roman « Les découvertes ».

Je parlerai avant tout de son écriture qui est assez particulière, recherchée tant au niveau de la syntaxe que des temps employés. Les phrases longues demandent une concentration au lecteur. Je me suis par moment imaginé relire Marcel Proust et ce fut très agréable. Notre langue française est riche et qui sait la manier avec ce brio mérite toute attention !

L’histoire est écrite à la première personne du singulier, il peut donc s’agir d’une autobiographie centrée sur la découverte du sentiment et ce qu’il engendre de charnel à travers l’esprit et le corps. Les sensations sont très bien décrites et on suit ce jeune adolescent depuis son enfance et ses premiers émois jusqu’à sa première expérience charnelle.

Tout est exposé avec finesse et l’auteur fait référence à de nombreux artistes, peintres, sculpteurs, écrivains.

Cette lecture m’a bien plu.

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Un beau début

Des héroïnes de roman qui portent mon prénom et qui ont mon âge, ça ne court pas les rues. Alors cette Nicole Sauxilange née en 1966, j'ai eu très envie de m'intéresser à son cas, alléchée par une chronique bien troussée dans Télérama. Bien m'en a pris puisque j'ai découvert un auteur et surtout une plume comme on n'en fait plus beaucoup, de celles capables de vous tricoter des phrases sur plusieurs pages, de celles qui usent des parenthèses au point d'en mettre aussi dans les parenthèses (eh oui... mieux vaut avoir l'esprit clair, pas d'alcool avant de se plonger dans ce livre, hein.). Et surtout, de celles qui vous transforment l'histoire d'une fille banale en celle d'une héroïne à vous tirer des larmes (de rire le plus souvent). Ou l'art de réenchanter le fait divers.



L'histoire de Nicole Sauxilange (prénommée ainsi par une mère qui détestait autant ce prénom que le bébé non désiré) est narrée par l'un de ses anciens camarades de classe après qu'il l'a reconnue sur la photographie d'une page du magazine Dreamgirls, affichant tous ses charmes sur papier glacé avec, semble-t-il un certain talent. Photographie qui figure également, par un heureux hasard au-dessus du lit d'un prisonnier nommé Robert Malbosse qui ne se doute pas un instant que cette pin-up est sa fille. A partir de ce début jouissif, on retrace la vie de Nicole - plus connue sous le pseudo de Nicky Soxy - et on n'est pas déçu du voyage. Une dose de Cosette, un saupoudrage du Rémi de Sans famille et on a un bon aperçu du pedigree de la donzelle confrontée dès sa naissance à un environnement de frappadingues et de tarés en tout genre. D'ailleurs, je ne veux même pas déflorer cette partie tellement c'est croustillant. Très tôt, Nicole veut devenir célèbre mais, sans trop se fatiguer. Elle a bien songé à faire comme Françoise Sagan ou Anne Franck mais n'a jamais dépassé l'étape du titre sur le cahier dédié à son œuvre. Lorsqu'elle lit pour la première fois un magazine de charme, elle se dit qu'elle tient la solution (d'ailleurs, Marylin Monroe elle-même a débuté ainsi) qui la mènera de Clermont-Ferrand à Paris...



Mine de rien, Eric Laurrent nous dresse le tableau d'une certaine société des années 80 où pointait déjà le règne des medias et des paillettes, avant l'invention de la télé-réalité dont Nicole aurait certainement été une reine. Le petit monde qu'il décrit, même dans ses aspects les plus sordides (et il y en a), il a une façon jubilatoire de nous le donner à déguster, sans lésiner sur le vocabulaire d'une érudition rare (nécessitant la compagnie d'un dictionnaire). Résultat : on se régale.



Je ne peux que vous inciter à passer un bon moment avec ce livre aussi croustillant dans le fond que surprenant dans sa forme. Quant à moi, je vais sûrement m'intéresser à la dizaine de romans déjà commis par l'auteur. Et puis le relire, celui-là.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Une fille de rêve

Imaginez Proust qui croise Loana de Loft Story ; vous aurez ainsi une idée de ce roman.

Je remercie sincèrement l'auteur de permettre au lecteur, sur un sujet au premier abord qui ne méritait que des mots kleenex, du langage facile, du parlé de la nuit, quand l'alcool embrouille les neurones et débrouille les langues à d'autres actions plus organiques que rhétoriques, d'enrichir son vocabulaire et avoir le plaisir de s'installer dans une phrase confortable d'une bonne dizaine de lignes, ponctuée d'humour et de finesse, comme cela se faisait avant.



Vachement bien foutu, comme son héroïne.

Qui ne craint pas de se mettre à nu, comme son héroïne.

Qui plonge dans les nuits parisiennes et la télé racoleuse pré-loftstorienne de la fin du siècle dernier et ses excès. Comme son héroïne.



On l'aime bien Nicky. C'est une brave fille, pas méchante, consciente qu'à part son corps qu'elle dénude sans souci, elle n'a pas trop d'atout pour réussir dans la vie. Alors elle l'utilise, avec toute l'intelligence dont elle est capable, et aussi une spontanéité et une naïveté quasi enfantine, qui l'empêchent de sombrer dans du porno grotesque. Elle est nue ? Oui et alors ? C'est inconvenant, mais surtout naturel. Donc pas malsain. C'est la magie de Nicky.

Bon, comme la vie est moche, c'est pas rose tous les jours, mais je ne vous raconterai rien de plus, pour vous laisser le plaisir de vous trimbaler aux Bains (boite de nuit hyyyyyyyper à la mode dans les années 80/90 à Paris) au bras de Nicky. C'est pas donné à tout le monde d'y entrer, alors profitez-en. C'est gratuit.



Alors, faut-il le lire ? Oui. Un grand oui. Prévoyez google ou un dico pour quelques mots à décrypter. Car ce roman, qui reste tout à fait accessible, ne freinez pas vos ardeurs, est à l'opposé du langage SMS. Et ça fait du bien.









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Un beau début

Il faut savoir que Un bon début prélude à Une fille de rêve du même auteur, sinon la déception risque de prendre toute la place à la fermeture du roman.

Nicole Sauxilange est abandonnée à sa naissance par sa mère adolescente. Fruit d’une union incestueuse, la petite Nicole est élevée par ses grands-parents, au sein d’une famille reconstituée, bancale, un environnement qui ne prédispose aucunement à l’édification. Sans repère sérieux, influencée par la musique pop et ses vedettes instantanées, Nicole se projette dans un avenir rêvé, nimbé d’une célébrité qu’elle aura atteinte en tant que chanteuse, actrice, écrivaine (« Elle avait déjà en tête le titre de l’ouvrage : Adieu joie. Cela valait bien Bonjour tristesse. Elle n’alla pas au-delà du premier paragraphe. »), diariste ou pourquoi pas, athlète. Mais sans talent évident, comment parvenir à la gloire?

Éric Laurrent décrit très bien l’obsession d’une fille issue d’un milieu modeste qui table sur son apparence pour parvenir à ses fins. Malgré des phrases à rallonge et l’abus des doubles parenthèses, un style qui m’a rebutée au début, j’ai aimé cette histoire à la fois sordide et belle, portée par un langage châtié.

C’est donc avec une grande curiosité que j’aborderai la suite, Une fille de rêve.

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À l'oeuvre

N'est pas Flaubert qui veut.

D'entrée de jeu, l'incipit m'a ennuyé : trop long, trop descriptif, trop verbeux.

J'ai donc pris le partie de ne lire que les dialogues, mais j'ai même fini par me lasser.

Trop de Grands Hommes : Baudelaire, Musset, Lamartine, et ceux que je ne connaissais pas. Ils étaient bien trop nombreux pour ma petite pièce de lecture : impossible de les faire entrer tous.

Un roman qui n'est clairement pas pour moi.
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Un beau début

Imaginez qu’un jour vous découvrez dans les pages centrales d’un magazine dit «de charme» la photo d’une ancienne camarade classe. C’est ce qui arrive au narrateur du nouveau roman d’Eric Laurrent, né comme cette pin-up en juillet 1966 à Clermont-Ferrand. Avec lui, nous allons remonter la biographie de Nicky Soxy, qui s’appelle en fait Nicole Sauxilange.

L’ironie du sort fait que parmi les milliers de personnes qui ont choisi d’agrémenter leur décoration en affichant cette photo du magazine Dreamgirls d’octobre 1982 sur leur mur figure Robert Malbosse. « Pas un seul instant, cet homme de trente-six ans, qui achevait de purger dans la maison d’arrêt des Baumettes, à Marseille, une peine de réclusion pour trafic de stupéfiants, ne soupçonnerait que la jeune femme dont les généreux appas égayaient les murs décrépis de sa cellule pût être sa propre fille. Il ignorerait même jusqu’à la fin de sa vie qu’il en avait une. »

Car ce petit délinquant ne se voyait pas en chef de famille et aura préféré prendre la poudre d’escampette en apprenant que Suzy était enceinte. Mais ce n’est ici que l’un des épisodes de cette chronique de la misère sociale. Car Suzy est le fruit – défendu – d’un viol perpétré par son beau-père alors qu’elle était à peine pubère. Aussi est-ce davantage pour échapper à sa famille qu’elle se jette dans les bras de Bob, plus que par amour. Laissant sa fille aux bons soins de sa mère, elle prend aussi la clé des champs.

La petite Nicole apprendra bien vite que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Fini l’alcool et les drogues, bonjour les principes stricts. Car après un soir de beuverie Max Turpin, en vomissant son alcool, entend une voix le menacer de damnation éternelle. « À l'instar de tous les repentis, l'homme déployait en effet la même ardeur à respecter, et surtout à faire respecter, les principes religieux qu'il avait mise pendant vingt à fouler aux pied. » Si Nicole veut tout d’abord être une sainte, elle va bien vite comprendre que cette vocation est très limitée, tout comme celle de prendre la place de Nadia Comaneci. « À la vérité, pour n'avoir de disposition ni d'inclination bien marquées pour aucune discipline, Nicole Sauxilange ne se sentait nulle vocation particulière : la célébrité seule l'intéressait– c'était un but en soi. Par conséquent, le domaine dans lequel le sort lui accorderait toute latitude de s'illustrer lui importait bien peu ; ses exigences étaient mêmes fort modestes en la matière : qu'un simple fait divers la révéla au monde la comblerait pleinement. » En partant pour Paris et en se faisant photographie rsous toutes les coutures par son petit ami, elle réussira dans son entreprise, deviendra Nicky Soxy. Durant près d’une dizaine d’années, elle sera à la une des magazines et arpentera les plateaux télé. Puis mourra sans faire de bruit.

L’auteur de Berceau et Les Découvertes réussit le tour de force de raconter ce drame avec un style néo-proustien fait de longues phrases, utilisant un vocabulaire soigné, recherchant quelques mots «compliqués» quand il ne les invente pas lui-même. Aussi le suit-on avec délectation dans ce récit qui allie l’élégance au sordide. Un contraste saisissant, un peu comme si Cosette partait à la recherche du temps perdu…


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Une fille de rêve

Dans les années 1980, Nicole, une jeune Clermontoise qui souhaite forcer le destin en comptant sur son physique avantageux, part à l’aventure à Paris et devient Nicky Soxy. Elle pose d’abord pour des photos sexy dans « Dreamgirls », puis pour un photographe moins scrupuleux et pour une publicité de crème dépilatoire, à chaque fois avec une impudeur totale. L’intérêt de ce roman tient surtout dans la description de l’évolution des mœurs qui autorisent une plus grande banalisation de la représentation des corps (surtout féminins) et dans la verve faconde de l’auteur qui nous réjouit par son écriture descriptive, humoristique et n’hésitant pas à recourir à l’imparfait du subjonctif pour grossir le trait. Nicky et les autres personnages incarnent parfaitement le sujet de cette narration vivante, décomplexée reflétant une époque où la femme objet se révèle.
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Une fille de rêve

Dans ce roman Eric Laurrent nous retrace la vie de Nicole Sauxilange, jeune de 16 ans sans grand talent qui veut a tout prix se faire connaitre, se faire un nom, devenir starlette.

L'ascension sociale tant voulue, le besoin de décrocher les étoiles, se couvrir de paillettes relève pour elle de la survie.

Elle n'a guère froid aux yeux, elle fait tout pour accéder à la gloire, se dénude, se déprave, soigne son image, se refait un physique parfait. Mais : ''Il n'est vent qui tourne''. Un chapelet de malheurs vient troubler sa vie déjà tumultueuse.

Abandonnée par son amant bourgeois qui finit par la trouver superficielle après une relation torride, elle s'amourache d'un cinéaste raté plus âgé qui voit en elle l'héroïne de son adaptation cinématographique du roman Nana de Zola. Un rôle qu'elle ne tiendra jamais. Cet amant qui s'éteint au lit, éteint toute envie de vivre en elle. Elle culpabilise, elle déprime, se laisse aller, prend du poids, disparait sous sa graisse, sous ses bourrelets.

Mais la peur de tomber dans l'oubli et l'esquisse d'un contrat l'aident à remonter la pente. Elle devient ambassadrice d'une marque de pilule amaigrissante, elle retrouve son éclat après un régime draconien.

Mais un malheur ne vient jamais seul, un autre deuil la terrasse alors qu'elle se voyait déjà partager la vie future de l'intellectuel qui fait son autobiographie.

Prisonnière de son image parfaite, sa superficialité sidérante se mue en complexe, elle se trouve bête, pas assez intelligente et en plus poisseuse. Elle noit son chagrin dans l'alcool qu'elle accompagne de différentes drogues, somnifères, cocaïne qui finissent par l'arracher à la vie à la fleur de l'âge.

Un destin tragique, une vie malheureuse qui pourrait rappeler celui de plusieurs starlettes de la téléréalité tombées dans l'oubli.



Si le sujet parait banal, le titre et la couverture bien loin de mes choix habituels, j'ai quand même trouvé cette histoire fictive touchante, le destin de cette jeune femme m'a peinée.

j'aurai quand même aimé que l'auteur nous retrace les méandres et les scoumounes qui ont poussé cette belle adolescente de 16 ans à tout quitter pour la célébrité. On ne connait rien d'elle, de sa vie avant ses 16 ans.

J'apprends que son avant dernier roman ''un beau début '' aborde ce volet.

Une lecture que je me ferai un plaisir de découvrir ! D'autant plus que la plume de l'auteur est raffinée, travaillée et riche de vocabulaire.

Si vous êtes adeptes des starlettes de télé réalité, des shows télévisés, des mannequins de magazine ce roman est pour vous.

Roman reçu et lu dans le cadre des explorateurs de la rentrée littéraire 2020 de lecteurs.com.
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Un beau début

Effectivement le début est bien, mais au final il n'en restera pas grand-chose. Des phrases longues, des parenthèses dans la parenthèse. Exemple de phrase page 196 : 'Bientôt elle n'en put mais.' Des familles glauques, une jeune fille qui veut devenir célèbre. Une fin à l'eau de rose.
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Clara Stern

Un récit très bien écrit dans une langue riche, chargée d'érudition, où se côtoient le burlesque et le dramatique, peut-être est-ce avant tout un exercice de style qu'Eric Laurent nous livre.

A travers une diversité de tons, l'auteur déroule les affres d'un séducteur épris d'une femme mariée, Clara Stern qui n'a de cesse de lui résister . le libertin est piégé et

dans ce court roman l'auteur déroule les stratagèmes que le narrateur éconduit met en place, en vain, avant de sombrer dans le désespoir de l'oisiif qu'il est…
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Un beau début

Longtemps, je me suis levé de bonne heure. Parfois, à peine ma la lampe allumée, mes yeux s'ouvraient et cherchaient le nouveau livre d'Eric Laurrent, si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je suis éveillé. »... Ce beau début emprunté à Proust n'est là que pour signaler que l'un des auteurs les plus sous-estimés de ces quinze dernières années - au moins - a sorti un nouveau roman. Eric Laurrent avait déjà atteint des sommets dans l'autofiction avec Les Découvertes ; il nous avait aussi donné à lire un magnifique récit sur l'adoption - Berceau - il y a à peine un an et demi, et fut aussi responsable d'un très beau livre sur le décès de sa grand-mère (À la fin), pour ne citer que quelques exemples ; le voici revenu à une forme de roman plus classique, avec son penchant pour la grande phrase littéraire, harmonieuse, riche, musicale, une langue soignée à l'excès pour le plus grand plaisir du lecteur, et toujours court-circuitée par ce talent pour l'observation minutieuse des mœurs contemporaines (l'histoire se situant entre la fin des années 60 et le tout début des années 80), ce qui donne une tournure cocasse à certains chapitres. C'est qu'Eric Laurrent prend la littérature de vitesse tout en restant d'une concision rare et ce, probablement, grâce à un imaginaire fécond. S'il fallait le comparer (même si comparaison n'est pas raison, je sais), je dirais qu'il est dans la lignée directe de Jean Rouaud, de Balzac (pour ce roman en tout cas) ou même de Marcel Proust. Mais ce qui distingue particulièrement Eric Laurrent, c'est peut-être sa façon de décrire l'enfance, mais aussi l'adolescence et la découverte du corps (des corps parfois) et de la sexualité, avec un penchant pour la mélancolie post-coïtale peut-être ? Une fois la lecture terminée, on remarque cette ellipse parfaite, on reprend le premier chapitre, et on se surprend à relire Un beau début, entièrement - miracle ! c'est de la littérature, et de la grande.
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Les découvertes

Les pensées d'hier je les retrouve à chaque relecture de ces Découvertes (trois fois à ce jour) d'Éric Laurrent. Riche de références (peinture, cinéma, musique, littérature), c'est presque un roman de formation, celle d'un enfant, puis d'un adolescent et d'un pré-adulte, au désir, mais aussi à la vie esthétique, aux expériences de l'art et des épiphanies qui en résultent, à la découverte du sexe aussi. J'aime son travail sur la phrase longue, alambiquée, l'emploi de temps rares, parfois, et de traiter de sujets qui sembleraient communs avec une intelligence remarquable, une tendresse précieuse, complexifiant le récit tout en gardant une belle fluidité. Et j'aime Les Découvertes probablement par que je m'y retrouve occasionnellement...
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Renaissance italienne

J'ai découvert l'écriture d'Eric Laurrent, brillante, baroque, mais surtout d'un style inimitable.

Qui d'autre que lui, décrirait ainsi un banal bassin de piscine "uniment revêtu d'un enduit bleuté, bordé d'une doucine de comblanchien blond..". La phrase entière fait 2 pages.

Je recommande absolument aux amoureux du style que n'effraient pas l'absence d'histoire et les digressions parfois déroutantes
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Une fille de rêve

« Une fille de rêve » retrace le parcours de Nicole Sauxilange qui arrive à Paris dans les années 1980 depuis son Auvergne natale. Son objectif est clair et simple, devenir célèbre. Son seul souci, c’est qu’elle n’a aucun talent particulier. De photos publicitaires « sensuelles » en publicités en passant par la participation à des émissions de divertissement de moins en moins habillée, elle va tenter à tout prix de demeurer dans la lumière des projecteurs.



« Une fille de rêve » m’a laissé une impression tellement contrastée qu’au moment d’écrire cette critique, il m’est apparu difficile de le classer parmi les livres que j’ai aimés ou ceux qui que j‘aurai vite oubliés. La première réflexion que je me suis faite a concerné le style de l’auteur, défini selon la quatrième de couverture comme « délicieusement raffinée », et qui m’a crispé d’un bout à l’autre du roman. Les phrases bardées de mots complexes ou inventés qui s’étalent sur une demi-page pour ne rien sembler exprimer ou les descriptions d’une chaise de bureau sur six lignes représentent pour moi « l’émolliente vacuité » (pour paraphraser l’auteur) de la narration et ont tendance à me perdre en chemin. Mais nul doute que les phrases finement ciselées et pleines d’érudition d’Éric Laurrent sauront trouver leur public.



L’intrigue de son côté est très intéressante et bien menée. Elle nous entraîne dans un cadre extrêmement réaliste quant à ses acteurs, à son cadre et à ses références, qui correspondent tous à des éléments véridiques de l’époque. Ce qui fait qu’à plusieurs reprises, je me suis senti comme pris de vertige en me demandant où s’arrêtait la fiction, en me disant que cette Nicole semblait bel et bien avoir existé. Celle-ci justement est très réussie et attachante, en « Nana » des temps modernes terrorisée par l’idée de disparaître et de retomber dans l’anonymat. Sa célébrité en dehors de tout talent particulier en faisant une précurseuse des éphémères célébrités que l’ère de la télé-réalité a pu faire émerger.



En bref, un livre très réussi mais alourdi par un style et une écriture un peu trop recherchés et étouffants à mon goût.
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Une fille de rêve

Une fille de Rêve, de Eric Laurrent : la suite(*) du roman Un Beau Début, paru chez Minuit(**), qui relate les splendeurs et misères, la grâce et la disgrâce, les hauts et les bas (aussi vestimentaires) de cette jeune femme qui veut briller comme ses idoles Béatrice Dalle ou encore Marilyne Monroe et qui s'entichera finalement d'une ombre lors de la fin bouleversante du roman. Ce livre retrace à merveille les années 80 : Paris, les Bains, les magazines érotiques, le cinéma d'alors (et les mœurs), le journal Libération, Pacadis, la coke, les néo-dandys du monde de la nuit... comme la Nana de Zola, cette "Fille de Rêve" veut devenir "une femme chic, rentière de la bêtise et de l'ordure des mâles, marquise des hauts trottoirs", et elle éprouvera, subira tout cela, pour finir victime des hommes mais aussi de la pharmaceutique. L'amour est plus fort que la mort ? pas sûr.(***)



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(*) oui, il s'agit bien de la SUITE d'un Beau début, et pas une redite comme la hâtivement déclaré Olivia de Lamberterie durant l'émission le Masque et la Plume.



(**) contrairement à ce que pense les "critiques" du Masque et la Plume, ce roman n'a pas été refusé par Minuit mais l'auteur a choisi d'aller le publier ailleurs - Flammarion - pour, comme son héroïne, être vu, reconnu, et ainsi trouver un plus large lectorat et donc d'être lu. Ce qui explique un texte "allégé" en comparaison du style et des phrases plus longues de la première partie parue chez Minuit il y a quelques années.



(***) N'écoutez pas Patricia Martin de France Inter, autrice d'une prétérition - durant la même émission du Masque et la Plume - consistant à dire qu'elle "s'en voudrait de laminer un livre qui est sur le point de sortir mais...", et qui ajoute que ce roman est démodé et "qu'on l'a déjà lu", auquel je répondrais que la littérature n'est pas une affaire de mode (heureusement), qu'elle aussi je me demande si elle l'a vraiment lu et en citant Gide : "Toutes choses sont dites déjà ; mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer."
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