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Citations de Eugenio Corti (54)


En substance, Michele s'était rendu compte que marxisme et nazisme avaient un nombre extraordinairement élevé d'ancêtres communs, qu'ils étaient en somme de la même veine. En effet, tous les deux – en une antithèse désormais presque parfaite avec le christianisme qui est amour – s'expliquaient à travers des mécanismes de haine analogues : mais, tandis que pour le marxisme une classe rédemptrice (le prolétariat) était appelée à renverser et à « réprimer » les autres classes, pour le nazisme il s'agissait au contraire d'une race élue, appelée à dominer et asservir les autres.
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Enfin la colonne fit une halte dans un autre village.
Les soldats envahirent les maisons, livrés à une quête frénétique de chaleur et de nourriture.
D'abord, nous envoyâmes un garçon russe chercher de l'eau, car, en dépit de la quantité de neige que nous avions avalée, nous étions torturés par la soif.
Puis nous demandâmes de quoi manger. Les civils nous indiquèrent un tonneau à moitié rempli de choux au vinaigre. Pour moi, c'était écoeurant.
Je m'efforçai d'en avaler un peu. Les Allemands qui étaient entrés avec nous en mangèrent avec voracité. Je vis aussi quelques-uns de nos soldats en remplir leurs calots et y plonger ensuite le visage avec avidité.
Cependant, qu'il faisait bon et chaud là-dedans !
Je m'étais assis paisiblement contre un mur, sur un amas de sacs vides ; je voulais me reposer le plus possible. A côté de moi se trouvait un sac rempli de farine de blé ; je commençai à en manger de petites poignées, qui collaient au palais.
Une lampe à huile répandait parmi nous sa lumière sereine.
Quelle douceur infinie ce serait que de pouvoir passer la nuit ici, délivrés de ces hantises qui nous harcelaient à chaque instant ! C'était trop beau pour pouvoir y songer, ne fût-ce qu'un instant.
Quelques femmes, fagotées comme d'habitude dans leur vêtements de coupe antique, nous regardaient immobiles et silencieuses, les mains sur le ventre. Plus que de la crainte, il y avait chez elles de la compassion à notre égard, car elles comprenaient nos souffrances.
Nous aussi les regardions sans animosité ; depuis longtemps, nous avions appris à distinguer le peuple russe des communistes, même si, harcelés par l'aveugle férocité allemande, tous les Russes, pour se défendre, avaient fait bloc autour de leur autorité constituée.
Nous connaissions surtout le caractère naturellement bon des habitants des petits villages de campagne que le communisme n'avait pas encore réellement atteints ; la bonté naturelle de ces pauvres femmes, résignées d'une résignation séculaire, qui se serraient dans le coin de la maison où étaient accrochées les icônes sacrées, leurs églises ayant étés affectées à des usages profanes.
Un caporal-chef allemand s'approcha de moi. Poliment, d'abord dans sa langue, puis dans un italien soigné et élégant, il me demanda de lui faire un peu de place pour qu'il pût s'assoir.
il était autrichien, me dit-il, et il avait passé quelques mois en Italie auprès de certains parents. Il m'offrit ce qu'il avait à manger : des croûtons de pain russe et des morceaux de biscuits italiens. Je refusai et nous échangeâmes quelques propos.
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Tant l’être humain est limité : il acquiert d’un côté, il perd ponctuellement de l’autre et, à cela, il semble qu’il n’y ait pas de remède. Qu’on pense, en dernier ressort, aux incroyables boîtes pour la nidification des étourneaux installées sur les baraquements d’Auschwitz, par les bourreaux qui avaient le coeur tendre pour les oiseaux. p78
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Ils s’assirent dans les fauteuils près de la touffe de bambou, au pied duquel poussait une de minuscules muguets, modestes comme l’herbe. («C’est ma mère qui les a plantés», avait autrefois expliqué Tintori. Bien que personne ne s’en occupât, les petites plantes continuaient de reparaître, année après année, tenaces -- malgré leur fragilité -- comme certains souvenirs délicats qui, même si nous les négligeons, s’obstinent à nous revenir en mémoire.) p 71
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Il y a des moments, parfois des périodes de quelques mois, où se joue l'avenir d'un peuple pour très longtemps. Et nous nous trouvons précisément dans un de ces moments, comment ne vous en rendez-vous pas compte ?
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Ils moururent tous deux avant la tombée de la nuit. Mort, ce pauvre Jésus d'aumônier, avec sa mère qui l'attendait dans la campagne de Mantoue, scandant les heures interminables sur son chapelet. Il avait fini de se battre à sa manière têtue, la main dans la main du Seigneur, contre les autres et contre sa propre jeunesse. Plus jamais maintenant les femmes de Mantoue ne le tourmenteraient au confessionnal, parce qu'il était beau et fort ; il ne s'en plaindrait plus auprès de nous qui étions ses amis. Des choses dont un prêtre ne parle pas facilement, même au front.
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Adieu maintenant Filottrano ; et adieu à toi aussi, cœur de notre jeunesse. Le temps passant, qui sait combien d'événements ont dû se succéder là-bas, et, bien sûr, au long des années de débat politique, le jugement porté sur notre action aura plus d'une fois changé (les rengaines habituelles pour ou contre l'armée...) Par la suite, et c'est bien naturel, les gens nous auront complètement oubliés. Seul le cœur de nos morts, là-bas, s'est arrêté à l'heure de leur jeunesse.
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Son âme abandonna son corps. Comme au temps où, enfant, dans la cour de la Nomanella, mains et ventre appuyés sur l'un des brancards de la charrette, Stefano poussait les jambes en l'air et la tête en bas pour jouer à voir les monde à l'envers, ainsi maintenant, autour de lui, un grand renversement se produisit.
Au même moment à Nomana — à trois mille kilomètres de distance — un tic tac sur une vitre de la chambre à coucher réveilla mamm Lusia qui poussa un cri : « Stefano est mort ! Oh pauvre de moi, pauvre de moi, pauvre de moi. »
Ferrante s'éveilla en sursaut : « Comment ? Quoi… Qu'est-ce que tu dis ? »
– Notre Stefano est mort, il est mort.
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Nous nous accordâmes une trêve d'à peine une demi-heure, puis nous entreprîmes la descente. Nous étions en terre des Abruzzes : sans être capables de dire en quoi, nous sentions que le milieu avait changé.
C'était peut-être en raison du spectacle différent que nous offraient ces petits villages nichés dans la vallée, qui n'étaient pas semblables à ceux que nous avions rencontrés jusqu'alors, mais pleins d'intimité au long de leurs rues silencieuses. Lorsque vers la fin de la descente nous rencontrâmes pour la première fois des gens, nous fûmes surpris par la différence du parler, des traits, et encore plus de la mentalité des gens, à si faible distance du Latium.
Nous atteignîmes le fond de la vallée à midi passé. Dans les champs, une jeune fille chantait d'une voix harmonieuse une longue cantilène : la mélodie se répandait au-delà des rideaux d'arbres et des cultures, et se perdait dans la réverbération du soleil sur les chaumes, absorbée par le concert monotone des cigales.
Arrivés près de la source – invisible à nos yeux – de ce chant, nous nous arrêtâmes sur le sentier pour écouter, et je repensais aux fenêtres grandes ouvertes de ma maison, et à leurs appuis de pierre d'où, les jours de soleil, se déversait le chant de mes sœurs qui s'affairaient : éclatant, celui d'Angela, très doux, celui de Pina. Peut-être maintenant les fenêtres étaient-elles closes et leurs rebords sans joie. Lorsque la belle chanson s'éteignit et que le chœur envieux des cigales redoubla, nous nous dirigeâmes vers la ferme la plus proche ; elle était petite, avec un porche de bois, précédée par quelques amandiers. «L'hôte est l'envoyé de Jupiter», disait-on dans l'Antiquité, et de même le christianisme prescrit d' «héberger les pèlerins». Ces maximes sont profondément enracinées dans l'esprit des Abruzzais : nous fûmes accueillis comme des envoyés de Dieu ; d'ailleurs qui aurait pu dire si nous ne l'étions pas ?
L'un des fils de la maison – ils étaient deux, tous deux rentrés depuis quelques jours – se lança à la poursuite de l'unique coq du modeste poulailler, et le tua en lui lançant un bâton, puis il le prépara rapidement pour le faire cuire. La mère, interrompant toute autre occupation, se mit à pétrir une mesure de farine, et c'était un spectacle appétissant que celui de la pâte fine, entre les mains actives de la paysanne.
Il y avait aussi le père, un homme aux bras velus, qui nous invita à nous assoir en face de lui sur des escabeaux de bois. Il nous parla gravement :
– Ne soyez pas découragés, jeunes gens, nous dit-il à peu près, par la situation d'aujourd'hui. Ne soyez pas de ceux qui disent «Pour nous autres Italiens, maintenant c'est fini». Je ne connais l'histoire que par ce que j'entends dans les sermons à l'église, mais je sais que notre peuple a éprouvé au cours du temps toutes sortes de choses, et qu'il a toujours surmonté ses épreuves. Nous ne devons donc pas nous laisser abattre par le découragement qui menace également le paysan, alors qu'il est écrasé de dettes, et que l'année est mauvaise. Alors il lui vient l'envie d'abandonner le champ que son père lui a légué. Mais s'il persiste et tient bon, en homme, alors reviennent des jours meilleurs. Moi qui vous parle, j'en ai fait l'expérience.
Et après que, frappés par sa sagesse, nous eûmes approuvé :
– Comment pourrions-nous supposer que nous sommes finis, s'exclama-t-il, les mains sur les genoux, la tête en avant, nous regardant droit dans les yeux, si chacun de nous sent quant à lui son cœur plein de force ?
Après lui, parlèrent ses deux fils ; avec fougue, ils nous firent part de leurs expériences de voyages :
– Prenez le train, dirent-ils, n'ayez pas peur. Les Allemands ne font de rafles que dans les grandes gares, pas dans les gares secondaires.
L'un d'eux raconta :
– Je viens de Trieste. Là-haut, les Allemands ont fait prisonniers tous les officiers et aussi beaucoup de soldats, et ils sont en train de les déporter en Allemagne. Mais sur le Pô, ils creusent en toute hâte des tranchées : cela veut dire, je crois, que les Anglais atteindront bientôt le Pô.
Le père dit encore :
– Vous resterez vous reposer dans la maison autant de jours que vous voudrez.
Peu après, la mère nous appela à table et posa devant nous le plat fumant. Elle parla la dernière, tandis que nous mangions, assise sur son escabeau contre le mur, sous les images pieuses : avec une délicatesse instinctive, elle ne parla que de choses de tous les jours, sans grandes importance, qui ne nous feraient pas penser à notre situation. Le réconfort que nous recevions d'elle ressemblait à l'odeur du pain.
Après le repas, nous nous étendîmes pour dormir dans un «pailler» aéré où les fils du paysan avaient coutume de se reposer aux heures de trop grand soleil.
Je me demandais pourquoi, à l'école, personne ne nous avait parlé de ces endroits, de l'existence de telles gens. À ce qu'il paraissait, le monde classique, homérique – que nous rencontrions dans les livres et croyions évanoui depuis des millénaires – en réalité n'avait pas encore disparu, pas entièrement du moins… Cette découverte que je commençais à faire allait rester l'une des plus belles de toute ma vie.
– Nous commandions des soldats comme ceux-ci, et vois à quoi nous en sommes réduits, dis-je à Antonio, avant que nous nous assoupissions.
– En tous cas, il n'est pas concevable que des gens pareils contribuent à la victoire du nazisme, observa-t-il.
– Dans quoi nous nous sommes laissé entraîner ! murmurai-je.
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Bellini et moi regardâmes en silence Zorzi qui s'éloignait : nous ne devions plus le revoir... Je voudrais que ces quelques mots, pauvres et insuffisants, soient un chant de mémoire : il était le meilleur de tous les hommes que j'ai rencontrés pendant ces dures années de guerre. Son âme était simple, ses pensées profondes; ses soldats l'aimaient beaucoup. Il était très courageux comme il sied à un homme vrai.
J'avais formé un vœu pour que tu reviennes.
Mais tu n'est jamais revenu
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Le mystère de la souffrance individuelle et collective laisse entrevoir, au-delà du silence apparent de Dieu dans un monde que la justice a déserté, une solidarité secrète, une sorte de réparation pour d'autres crimes que l'homme a commis. Il laisse pressentir un chemin de purification et d'espérance. Dans cette nuit de l'homme et de l'esprit brillent des lumières d'espoir : le dévouement silencieux de tant d'hommes ; l'attitude des vieux paysans et paysannes russes : accablés de souffrances par le pouvoir communiste d'abord, puis par les Allemands, ils ont encore suffisamment de foi en Dieu et en l'homme pour prodiguer généreusement des soins aux soldats "ennemis" atteints d'engelures.
Préface, François Livi
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Autour et un peu partout, les trous creusés par les obus de mortier. Ça et là, la pourriture. Des cadavres qui n'avaient plus forme humaine. Des soldats en haillons, gelés, qui se traînaient. Et juste un peu plus loin, les fossés de l'infirmerie d'où débordaient les monceaux de morts. Voilà ce qu'est la guerre!
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Livre de la mémoire, livre où sont consignés des événements disparus, des vérités soigneusement occultées ou délibérément altérées, « le Cheval Rouge » s’apparente à ce livre doux comme le miel, amer à avaler, mais fortifiant, dont parle l’Apocalypse. Grand roman historique né dans un pays où l’arbre du roman a donné peu de fruits durables, « Le Cheval Rouge » semble pouvoir résister à l’usure du temps. Il n’a rien d’un météore ou d’une étoile filante, d’une concession à des modes passagères. Il deviendra sans doute une étoile fixe de la littérature de notre siècle.
François Livi, p972
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Le capitaine il est blessé
Il est blessé et va mourir
Premier morceau à la montagne
Qu’elle le recouvre de fleurs
Le deuxième pour notre roi
Qu’il rappelle son soldat
Le troisième morceau au régiment.
Le quatrième pour sa mère
Qu’elle se souvienne de son fils,
Le cinquième pour que ma belle
N’oublie pas son premier amour.
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En homme de réflexion qu'il était, don Carlo chercha à comprendre les raisons de ce phénomène — inattendu même pour lui, vu toutes les circonstances et les jugements superficiels qui ont toujours couru sur le compte des soldats (et qui courent d'autant plus aujourd'hui !) — jusqu'à s'en donner une explication convaincante : « La guerre est pour l'homme un moment de séparation par rapport à Dieu en tant que loi morale, c'est un abandon temporaire des événements historiques à la logique implacable de l'erreur... Ceux qui souffrent à cause de la guerre sont les victimes qui paient pour tout le monde, qui réconcilient l'homme avec Dieu et reconquièrent la paix et l'ordre pour tous leurs frères. En tant que tel, le soldat est un rédempteur à la fois humain et modeste — je dis rédempteur en pensant au Christ — car la loi en vertu de quoi il souffre et meurt est la même que celle pour laquelle le Christ porte la croix et monte sur elle : pour les hommes et pour leur salut. »
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Stefano pensa qu'ils avaient épuisé leurs munitions. C'est alors que survint un fait atroce : certains se mirent à demander de façon pressante quelque chose à l'un de leurs sous-officiers armé d'un pistolet, lequel d'abord refusait et tergiversait ; puis il finit par consentir : pointant le pistolet sur la tempe d'un soldat, il fit feu et l'abattit. Tout de suite, d'autres s'avancèrent, demandant à être tués. Un autre gradé sortit son pistolet.
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Je passe sur d'autres épisodes, préférant inviter ceux qui désireraient d'autres approfondissements à lire L'Aurore en Occident. Pour ma part, en guise de conclusion, je citerai ici – en les appliquant également au texte de Mario, auquel elles s'adaptent bien – les paroles qu'un jeune poète très doué, Alessendro Rivali, a récemment écrit à propos de mon livre. « Beaucoup – transparents – se serraient / autour de lui dans la passion de l'œuvre / Ils demandaient… la pitié du souvenir.» À vrai dire, c'est précisément ce que nous demandons plus que tout au lecteur, nous les survivants en mesure de témoigner : le souvenir de ceux qui n'ont plus de voix, qui sont restés pour toujours rivés à ces jours tragiques.
(2008)
p. 136
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… Avant de terminer, je devais introduire ici une autre composante dans ce tableau, une composante réellement fort importante, sans doute la plus importante de toutes, qui constituerait le Quatrièmement : la façon dont Dieu récupère la souffrance des hommes, surtout des innocents, crucifiés à l'instar du Christ innocent ; cette souffrance n'est donc aucunement gaspillée. (Donc ces morts ne sont pas morts inutilement : te rends-tu compte à quel point cela est important ?)
Mais cette lettre est déjà bien trop longue.
Je développerai ces idées dans le roman auquel, comme tu le sais, je travaille de toutes mes forces depuis un certain temps. Il aura probablement pour titre " Les Chevaux de l'Apocalypse ". (À ce propos : est-ce que je me trompe ou bien est-ce que saint Jean, alors qu'il connaissait ses visions apocalyptiques, a ressenti, lui aussi, des impressions analogues aux nôtres, à cette époque-là ? J'ai l'impression que dans ses paroles, il en reste une trace évidente… Ou bien tu n'es pas d'accord ?)
Bien amicalement.
Eugenio, (le 30 octobre 1973).
Note 2 du chapitre XXX, p. 439 : " Une lettre à mon ami Giorgio Bruno Baresi "
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Nous descendîmes du train au petit matin, au pied de l'énorme massif clair de la Maiella, que le train avait contourné aux premières lueurs de l'aube.
Tout alentour se trouvaient de grandes collines couvertes de chaumes d'or lumineux ; nous entreprîmes aussitôt de les remonter jusqu'au village de Pretoro, souhaitant intérieurement y trouver mon compagnon d'armes Virgilio De Marinis, à qui nous avions l'intention de demander l'hospitalité.
Sur les épaulements que nous parcourions lentement, croissaient bon nombre d'oliviers, et leurs vieux rameaux diffusaient une paisible sérénité dans laquelle nous baignions en marchant. Les événements de la nuit précédente semblaient déjà bien loin. Soudain, du sommet d'un coteau, nous aperçûmes au loin un ruban de mer:
– L'Adriatique ! regarde, nous sommes en vue de l'Adriatique ! disions-nous en nous la montrant.
C'est justement au bord de cette mer, à Riccione, que j'avais marché en compagnie de Margherita… En ce moment même aussi – commençai-je à rêver – Margherita marchait à nos côtés… oui, certainement, et le bleu ciel du bleuet qui là, un peu plus loin, avait échappé à la faux, me faisait imaginer ses pieds dans les chaumes… Peu à peu j'en vins à me représenter la jeune fille avec une telle force, qu'il me semblait presque qu'elle était vraiment là. Je saluai à nouveau avec joie sa tête juvénile, ses beaux cheveux bouclés, uniques au monde, me disais-je, ses yeux gris profonds.
Antonio restait silencieux, pénétré de la paix qui émanait du lieu. Dans le secret de mon cœur je conversais avec Margherita, et je lui adressais des phrases de poète courtois. Je l'appelais «tête d'alouette» et, aimablement plaisant, «nouvelle Mélisande»… (Cette heure aussi, comme toutes les autres de la vie, est passée, s'en est allée pour toujours. Jeunesse, amour de l'amour, collines tapissées d'or des Abruzzes enchanteresses d'alors, tête d'alouette de Margherita… que vous êtes loin, aujourd'hui, de moi qui me souviens !)
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Ce que je vous ai dit, reprit le professeur, il faut absolument que vous autres prisonniers, le racontiez en Italie: il faut que tout le monde le sache... Les communistes sont en train de gagner la guerre, et personne ne pourra plus nous aider. Pourquoi, demanda-t-il tout à coup, pourquoi avez-vous été si aveugles?... Vous n’avez donc pas vu que depuis le début les nôtres ne combattaient pratiquement pas, que les gens des villages vous accueillent comme des libérateurs ? Pourquoi avez-vous fait tant d’horreurs?
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