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Citations de Fernand Braudel (125)


Qu'entendre par identité de la France ? Sinon une sorte de superlatif, sinon une problématique centrale, sinon une prise en main de la France par elle-même, sinon le résultat vivant de ce que l'interminable passé a déposé patiemment par couches successives, comme le dépôt imperceptible de sédiments marins a créé, à force de durer, les puissantes assises de la croûte terrestre ? En somme un résidu, un amalgame, des additions, des mélanges. Un processus, un combat contre soi-même, destiné à se perpétuer. S'il s'interrompait, tout s'écroulerait. Une nation ne peut ÊTRE qu'au prix de se chercher elle-même sans fin, de se transformer dans le sens de son évolution logique, de s'opposer à autrui sans défaillance, de s'identifier au meilleur, à l'essentiel de soi, conséquemment de se reconnaître au vu d'images de marque, de mots de passe connus des initiés (que ceux-ci soient une élite, ou la masse entière du pays, ce qui n'est pas toujours le cas). Se reconnaître à mille tests, croyances, discours, alibis, vaste inconscient sans rivages, obscures confluences, idéologies, mythes, fantasmes… En outre, toute identité nationale implique, forcément, une certaine unité nationale, elle en est le reflet, la transposition, la condition.

INTRODUCTION.
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Il nous semble que le processus capitaliste, considéré dans son ensemble, n'a pu se développer qu'à partir de certaines réalités économiques et sociales qui lui ont ouvert ou, pour le moins, facilité la route :
1) Première condition évidente : une économie de marché vigoureuse et en voie de progrès. À quoi concourent une série de facteurs, géographiques, démographiques, agricoles, industriels, marchands. [...]
2) Il faut encore, en effet, que la société soit complice, qu'elle donne le feu vert et longtemps à l'avance, d'ailleurs sans savoir un seul instant dans quel processus elle s'engage, ou pour quels processus elle laisse ainsi la voie libre, à des siècles de distance. [...]
3) Mais rien ne serait possible, en dernière instance, sans l'action particulière et comme libératoire du marché mondial. Le commerce au loin n'est pas tout, mais il est le passage obligatoire à un plan supérieur de profit.
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“En Occident, bien que les succès d’individus isolés ne soient pas rares, l’histoire répète sans fin la même leçon, à savoir que les réussites individuelles doivent presque toujours s’inscrire à l’actif de familles vigilantes, attentives, acharnées à grossir peu à peu leur fortune et leur influence. Leur ambition est assortie de patience, elle s’étale sur la longue durée (…) c’est mettre en vedette ce que nous appelons en gros, d’un terme qui s’est imposé tardivement l’histoire de la bourgeoisie, porteuse du processus capitaliste, créatrice utilisatrice de la hiérarchie solide qui sera l’épine dorsale du capitalisme.”
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Fernand Braudel
Tout le passé pèse sur le présent.
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La vie matérielle, ce sont des hommes et des choses, des choses et des hommes. Étudier les choses — les nourritures, les logements, les vêtements, le luxe, les outils, les instruments monétaires, les cadres du village ou de la ville —, en somme tout ce dont l'homme se sert, n'est pas la seule façon de prendre la mesure de son existence quotidienne. Le nombre de ceux qui se partagent les richesses de la terre a lui aussi son sens. Et le signe extérieur qui différencie au premier coup d'œil l'univers d'aujourd'hui des humanités d'avant 1800, c'est bien la récente et extraordinaire montée des hommes : ils pullulent.
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Le désir de s'affirmer contre les autres est forcément à l'origine de curiosités nouvelles : nier autrui, c'est déjà le connaître.
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L'identité de la France selon Fernand Braudel - Le Monde - Entretien du 24 mars 1985. Michel Kajman.

Je crois que le thème de l'identité française s'impose à tout le monde, qu'on soit de gauche, de droite ou du centre, de l'extrême gauche ou de l'extrême droite. C'est un problème qui se pose à tous les Français. D'ailleurs, à chaque instant, la France vivante se retourne vers l'histoire et vers son passé pour avoir des renseignements sur elle-même. Renseignements qu'elle accepte ou qu'elle n'accepte pas, qu'elle transforme ou auxquels elle se résigne. Mais, enfin, c'est une interrogation pour tout le monde.

II ne s'agit donc pas d'une identité de la France qui puisse être opposée à la droite ou à la gauche. Pour un historien, il y a une identité de la France à rechercher avec les erreurs et les succès possibles, mais en dehors de toute position politique partisane. Je ne veux pas qu'on s'amuse avec l'identité.

Vous me demandez s'il est possible d'en donner une définition. Oui, à condition qu'elle laisse place à toutes les interprétations, à toutes les interventions. Pour moi, l'identité de la France est incompréhensible si on ne la replace pas dans la suite des événements de son passé, car le passé intervient dans le présent, le "brûle".

C'est justement cet accord du temps présent avec le temps passé qui représenterait pour moi l'identité parfaite, laquelle n'existe pas. Le passé, c'est une série d'expériences, de réalités bien antérieures à vous et moi, mais qui existeront encore dans dix, vingt, trente ans ou même beaucoup plus tard.

Le problème pratique de l'identité dans la vie actuelle, c'est donc l'accord ou le désaccord avec des réalités profondes, le fait d'être attentif, ou pas, à ces réalités profondes et d'avoir ou non une politique qui en tient compte, essaie de modifier ce qui est modifiable, de conserver ce qui doit l'être. C'est une réflexion attentive sur ce qui existe au préalable. Construire l'identité française au gré des fantasmes, des opinions politiques, ça je suis tout à fait contre.
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Ainsi les dunes, bien accrochées à des accidents cachés du sol: leurs grains de sable vont, viennent, s'envolent, s'agglomèrent au gré des vents mais, somme immobile d'innombrables mouvements, la dune demeure en place.
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l'Islam, c'est la totalité de ce que le désert implique de réalités humaines, concordantes et discordantes aussi, cette famille de problèmes géographiques que nous avons signalés. Énumérons encore : les grandes routes caravanières ; les zones riveraines, car l'Islam a vécu de ces Sahels, de ces bordures de vie sédentaires installées face à la Méditerranée, au long du golfe Persique, de l'océan Indien ou de la mer Rouge, et aussi au contact des pays soudanais ; les oasis et leur accumulation de puissance que Hettner juge avoir été essentiel. L'Islam, c'est tout cela : une longue route qui, de l'océan Atlantique à l'océan Pacifique perce la masse puissante et rigide du Vieux Monde. Rome n'a pas fait davantage quand elle a constitué l'unité de la Méditerranée.

L'Islam, c'est donc cette chance historique qui, à partir du VIIe siècle, en a fait l'unificateur du Vieux Monde. Entre ces masses denses d'hommes : l'Europe au sens large, les Afriques Noires, l'Extrême-Orient, il détient les passages obligés et vit de sa fonction profitable d'intermédiaire. Rien ne transite qu'il ne le veuille ou ne le tolère. Pour ce monde solide, où manque, au centre, la souplesse de larges routes maritimes, l'Islam est ce que sera plus tard l'Euroe triomphante à l'échelle de la planète : une économie, une civilisation dominantes. Forcément cette grandeur a ses faiblesses : le manque d'homme chronique ; une technique imparfaite ; des querelles intérieures dont la religion est le prétexte autant que le fondement ; la difficulté congénitale, pour le premier Islam, à se saisir des déserts froids, à les écluser au moins à la hauteur du Turkestan ou de l'Iran. Là est le point faible de l'ensemble au voisinage ou en arrière de la porte de Dzoungarie, entre le double danger mongol et turc.

Dernière faiblesse : l'Islam est prisonnier bientôt d'une certaine réussite, de ce sentiment confortable d'être au centre du monde, d'avoir trouvé les solutions efficaces, de ne pas avoir à en chercher d'autres. Les navigateurs arabes connaissent les deux faces de l'Afrique Noire, l'atlantique et l'indienne, ils soupçonnent que l'Océan les rejoint et ils ne s'en soucient pas...

Sur quoi arrive, avec le XVe siècle, l'immense succès des Turcs : un second Islam, un second ordre islamique, lié celui-ci à la terre, au cavalier, au soldat. "Nordique" et, par la possession des Balkans, terriblement enfoncé en Europe. Le premier Islam avait abouti à l'Espagne en fin de course. Le cœur de l'aventure des Osmanlis se situe en Europe et dans une ville maritime qui les emportera, les trahira aussi. Cet acharnement d'Istanbul à sédentariser, à organiser, à planifier est de style européen. Il engage les Sultans dans des conflits périmés, leur cache les vrais problèmes. En 1529, ne pas creuser un canal de Suez cependant commencé ; en 1538, ne pas s'engager à fond dans la lutte contre le Portugais et se heurter à la Perse dans une guerre fratricide, au milieu du vide des confins ; en 1569, rater la conquête de la Basse-Volga et ne pas rouvrir la Route de la Soie, se perdre dans les guerres inutiles de Méditerranée alors que le problème est de sortir de ce monde enchanté : autant d'occasions perdues !…
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De même David Ricardo, beaucoup plus tard, ne voit que le fleuve étroit, mais vif, de l'économie de marché. Et si, depuis plus d'une cinquantaine d'années, les économistes, instruits par l'expérience, ne défendent plus les vertus automatiques du laissez faire, le mythe ne s'est pas encore effacé dans l'opinion publique et les discussions politiques d’aujourd’hui.
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Cicéron en témoigne, le peuple n’est pas un simple agrégat d’individus, c’est un groupement uni par un consentement juridique et pour l’utilité commune.
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pp 69-70 :
Pour Max Weber, le capitalisme, au sens moderne du mot, aurait été ni plus ni moins une création du protestantisme ou, mieux, du puritanisme.
Tous les historiens sont opposés à cette thèse subtile, bien qu'ils n'arrivent pas à s'en débarrasser une fois pour toutes; elle ne cesse de ressurgir devant eux. Et pourtant elle est manifestement fausse. Les pays du Nord n'ont fait que prendre la place occupée longtemps et brillamment avant eux par les vieux centres capitalistes de la Méditerranée. Ils n'ont rien inventé, ni dans la technique, ni dans le maniement des affaires. Amsterdam copie Venise, comme Londres copiera Amsterdam, comme New York copiera Londres. Ce qui est en jeu, chaque fois, c'est le déplacement du centre de gravité de l'économie mondiale, pour des raisons économiques, et qui ne touchent pas à la nature propre ou secrète du capitalisme. Ce glissement définitif, à l'extrême fin du XVIè siècle, de la Méditerranée aux mers du Nord, est le triomphe d'un pays neuf sur un vieux pays. Et c'est aussi un vaste changement d'échelle. A la faveur de la montée nouvelle de l'Atlantique, il y a élargissement des l'économie en général, des échanges, du stock monétaire, et, là encore, c'est le progrès vif de l'économie de marché qui, fidèle au rendez-vous d'Amsterdam, portera sur son dos les constructions amplifiées du capitalisme. Finalement, l'erreur de Max Weber me paraît dériver essentiellement, au départ, d'une exagération du rôle du capitalisme comme promoteur du monde moderne.
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L'histoire d'une civilisation, par suite, est la recherche parmi des coordonnées anciennes, de celles qui restent valables aujourd'hui encore. Il ne s'agit pas de nous dire tout ce que l'on peut savoir à propos ou de la civilisation grecque, ou du Moyen Age chinois, mais tout ce qui, de cette vie de jadis, reste efficace aujourd'hui même, dans l'Europe occidentale ou de la Chine de Mao Tse-toung. Tout ce par quoi passé et présent se court-circuitent, souvent à des siècles et des siècles de distance.
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Jadis, tu travaillais pour le seigneur. Avant-hier, tu travaillais pour le propriétaire. Hier et aujourd’hui, tu travailles pour l’Etat et pour les banques. (…)
Tout n’est peut-être pas nouveau dans la France nouvelle d’aujourd’hui.
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« On n’atteint donc une civilisation que dans le temps long. […] cette histoire au long souffle, […] a ses avantages et ses inconvénients. Ses avantages : elle oblige à penser, à expliquer en termes inhabituels et à se servir de l’explication historique pour comprendre son propre temps. Ses inconvénients, voire ses dangers : elle peut tomber dans les généralisations faciles d’une philosophie de l’histoire, en somme d’une histoire plus imaginée que reconnue ou prouvée. […] Toute histoire poussée jusqu’à l’explication générale exige des retours constants à la réalité concrète, aux chiffres, aux cartes, aux chronologies précises, bref aux vérifications. Plus qu’à la grammaire des civilisations, par suite, c’est à l’étude de cas concrets qu’il convient de s’attacher pour comprendre ce qu’est une civilisation. Toutes les règles d’accord et de désaccord que nous avons définies se trouveront éclairées, simplifiées, par les exemples qui vont suivre. »
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Chaque été, l'air sec et brûlant du Sahara enveloppe l'étendue entière de la mer, en déborde largement les limites vers le nord. Il crée au-dessus de la Méditerranée ces "ciels de gloire", si clairs, ces sphères de lumière et ces nuits constellées d'étoiles que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Ce ciel d'été ne se voile que lorsque, pour quelques jours, se déchaînent les vents du sud, chargés de sable, le khamsin, ou le Sirocco, le "plumbeus auster" d'Horace, gris et lourd de plomb.
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Le tournant du XVI° au XVII° siècle a représenté, à travers l'Europe un moment décisif, la "naissance de la science moderne" disent les uns, ou, ce qui revient au même, la "renaissance scientifique", disent les autres. Expression discutable et qui prête à confusion, mais "Renaissance" il y a eu, puisque l'imprimerie a diffusé tardivement, de façon efficace, les pensées novatrices d'Archimède et d'Appolonios de Rhodes (sur les coniques) et que cet apport a été décisif. Que de fois, songeons-y, Léonard de Vinci n'avait-il pas cherché en vain, tel ou tel manuscrit d`Archimède !
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Ce sont ces marées, ces flux profonds du passé de la France que j’essaie de détecter, de suivre, pour juger de la façon dont ils se jettent dans le temps présent, comme les fleuves dans la mer. […] Une nation ne peut être qu’au prix de se chercher elle-même sans fin, de se transformer dans le sens de son évolution logique, de s’opposer à autrui sans défaillance, de s’identifier au meilleur, à l’essentiel de soi, conséquemment de se reconnaître au vu d’images de marque, de mots de passe connus des initiés (que ceux-ci soient une élite, ou la masse entière du pays, ce qui n’est pas toujours le cas). Se reconnaître à mille tests, croyances, discours, alibis, vaste inconscient sans rivages, obscures confluences, idéologie, mythes, fantasmes… En outre, toute identité nationale implique, forcément, une certaine identité nationale, elle en est comme le reflet, la transposition, la condition.
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Le va-et-vient des troupeaux de moutons et de chèvres entre les pâturages d'été du haut pays et l'herbe qui s'attarde dans les plaines, pendant les mois d'hiver, faisait osciller des fleuves de moutons et de bergers entre les Alpes méridionales et la Crau, entre les Abruzzes et le plateau des Pouilles, entre la Castille du Nord et les pâturages méridionaux d'Estrémadure et de la Manche de Don Quichotte.
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Fernand Braudel
Certes, les civilisations sont mortelles, dans leurs floraisons les plus profondes; certes, elles brillent, puis elles s'éteignent, pour refleurir sous d'autres formes. Mais ces ruptures sont plus rares, plus espacées qu'on ne le pense. Et surtout, elles ne détruisent pas tout également. Je veux dire, que dans telle ou telle aire de civilisation, le contenu social peut se renouveler deux ou trois fois presque entièrement sans atteindre certains traits profonds de structure qui continueront à la distinguer fortement des civilisations voisines. Il y a, si l'on veut, plus lente encore que l'histoire des civilisations, presque immobile, une histoire des hommes dans leurs rapports serrés avec la terre qui les porte et qui les nourrit; c'est un dialogue qui ne cesse de se répéter, qui se répète pour durer, qui peut changer et change en surface, mais qui se poursuit, tenace, comme s'il était hors de l'atteinte et de la morsure du temps. Si je ne me trompe, les historiens commencent à prendre conscience, aujourd'hui, d'une histoire nouvelle, une histoire lourde dont le temps ne s'accorde plus à nos anciennes mesures.
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