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Critiques de Fernand Braudel (54)
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La Dynamique du capitalisme

Le célèbre historien Fernand Braudel donne une conférence de vulgarisation de ses travaux sur l’histoire du capitalisme.



“Le capitalisme est, dans la longue perspective de l’histoire, le visiteur du soir.”

Fernand Braudel nous rassure déjà sur le fait que le capitalisme ne date pas des années 80… et il s’efforce de séparer l’économie de marché du capitalisme, trop souvent employés à tord comme deux réalités congénitales. Le capitalisme se loge pour Braudel verticalement au dessus de l’économie de marché (celles des artisans, des foires, des commerçants), elle-même au dessus de ce qu’il appelle la vie matérielle locale, habituelle, qui n’a que peu avoir avec le capitalisme : ce capitalisme est dérivé de l’économie sous-jacente. Il n’a ni les mêmes règles ni les mêmes agents (transparence et concurrence pour l’économie de marché, opacité et quasi-monopole pour le capitalisme, paiement comptant, troc, échange de marchandises d’une part et crédit, paiement à l’avance, compensation “clearing” et instruments bancaires papiers pour l’autre, spécialisation du travail et des métiers pour l’économie de marché et polyvalence de quelques acteurs “touche-à-tout” pour le capitalisme, etc).



Ainsi, le capitalisme n’est certes pas nouveau, mais il n’est pas non plus omnipotent, il est une émanation progressive des économies, d’où la “dynamique”. Braudel réfute les visions de Max Weber et Joseph Schumpeter qui fondent l’essor de la modernité sur le capitalisme et sur la figure “deus ex machina” de l’entrepreneur.



l’Historien se fait aussi géographe et analyse, à travers l’Europe, la Chine, le monde Islamique la façon dont le capitalisme structure l’espace, à savoir une ville centrale (Gênes, Amsterdam, Venise, Londres etc) à la pointe des avancées technologiques, scientifiques, industrielles, politiques et sociétales, et des couches périphériques, semblant ainsi donner raison à un certain déterminisme…



La répartition inégale des richesses suit ce mouvement de cercles concentriques, et invariablement, les habitants des zones périphériques, pourtant ancrés dans la vie matérielle et l’économie de marché, ne profitent pas de l’explosion de valeur que crée le capitalisme et sont placés dans une situation de dépendance inextricable, et qui n’a rien à voir avec le travail fourni par eux ; dans ces zones “la vie des hommes évoque souvent le Purgatoire, voire l’Enfer” souligne Braudel.



Quant à la “pointe dominante”, elle se nourrit inlassablement des zones périphériques, ce qui fait écrire à Fernand Braudel que le capitalisme est une “création de l’inégalité du monde”, il n’aurait, pour l’auteur, sans doute pas prospéré sans le développement démesuré des économies dans l’espace, autrefois bornées, induisant aux sociétés d’Ancien Régime le rétablissement de l’esclavage antique dans le Nouveau Monde d’une part et le retour du servage presque disparu en Europe de l’Est d’autre part, constituant ainsi deux zones périphériques du centre économique et capitaliste en Europe de l’ouest (Londres, Amsterdam, Paris, les villes-cités italiennes) qui, à l’inverse, accumule les libertés politiques et individuelles.



“Dès qu’il y a de la concurrence, il n’y a plus d’eau à boire” dit un marchant cité par Braudel, où comment les principes d’une économie libérale (libre concurrence non faussée, interdiction des cartels, des monopoles, transparence, délits d’initiés etc) sont une embûche pour le capitalisme. Braudel souligne également que le capitalisme a besoin d’exploiter les hiérarchies sociales & la complaisance dérogatoire ou du moins de la neutralité de l’Etat qui habituellement garde le contrôle de l’économie (impose des taxes mouvantes, une propriété temporaire de la terre, des règles de transparence et de concurrence) afin de pouvoir tranquillement s’étendre, génération après génération ou pour le dire comme Braudel : “l’histoire de la bourgeoisie, porteuse du processus capitaliste, créatrice utilisatrice de la hiérarchie solide qui sera l’épine dorsale du capitalisme.”



Le capitalisme peine à pénétrer les économies du Moyen-orient et d’Asie, Braudel remarque comme les grandes fortunes ne peuvent y prospérer longtemps, suspectes aux yeux des Princes, de même que les terres sont prêtées par le pouvoir politique, les emplois publics (mandarinat en Chine) sont ouverts à tous. En Occident au contraire, la bourgeoisie grandit lentement à l’ombre des erreurs et des aveuglements de la noblesse, parasitant le champ économique et peu à peu les charges nobiliaires jusqu’à la supplanter. Aujourd’hui encore, certains Etats contrôlent les économies et les capitalistes, quand d’autres semblent totalement dépassés ou pénétrés par eux.



Braudel prend l’exemple anglais, l’avantage décisif et précoce de l’Angleterre dans la révolution industrielle vient de ce que l’espace britannique se structure autour d’une économie nationale dont le coeur unique est Londres, l’économie nationale apparait alors comme la forme la plus aboutie et cohérente pour permettre au capitalisme de se consolider, et d’autre part une unité de vision des capitalistes et élites politiques, à savoir la nécessité d’une économie tournée vers l’international.



Un ouvrage court, synthétique, accessible, très bien écrit, pour qui veut, comme moi, découvrir l’historien Fernand Braudel sans doute plus connu que vraiment lu…



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La Dynamique du capitalisme

Un petit livre de Fernand Braudel, historien qui dépassa le cadre de sa spécialité pour introduire d'autres sciences humaines dans ses recherches et défendre l'unicité de ces dernières lorsqu'elles servent de clé à la compréhension des civilisations et de leur évolution. La dynamique du capitalisme préfigure une œuvre considérée comme majeure : La civilisation matérielle, Économie et Capitalisme. On y trouve quelques explications pour comprendre ce qu'est le capitalisme et l'économie de marché, leur différence, leur place dans l'ensemble plus vaste que sont les jeux de l'échange, les liens entre eux, la manipulation de l'un par l'autre....
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La Méditerranée

J'avoue mon ignorance, je n'avais jamais rien lu de Fernand Braudel, (1902-1985) considéré comme l'un des plus grands historiens du XXe siècle. Je l'ai découvert grâce à une conférence … « et si Braudel et Camus s'étaient rencontrés ? » donnée par le vice-président des Rencontres Méditerranéennes Albert Camus , à Roquebrune sur Argens dans le cadre de l'année Camus initiée par la Région Sud "une année, un auteur". 

En effet Braudel va enseigner, dans un premier temps à Constantine, puis à Alger , où il reviendra après son service militaire et y restera jusqu'en 1932. Professeur au grand lycée d'Alger( qui deviendra lycée Bugeaud) il fut, peut être le professeur du jeune Camus, l'année où il tomba malade. En effet, Braudel signale qu'il côtoya « de façon éphémère » Camus.

Aucun autre indice, et si un lecteur de Babelio a quelque élément inédit à nous livrer pour percer ce mystère, nous sommes, bien évidemment preneurs.

C'est durant ces séjours déterminants , lui, enfant né dans les brumes meusiennes qu'il découvrira les paysages méditerranéens lumineux qui le subjugueront , une Méditerranée qui donne des leçons de "mesure, d'ordre et d'harmonie" comme un écho à ce que Camus écrit sur Némésis, déesse-mère chargée de surveiller l'équilibre et l'harmonie mais qui représente aussi la terre méditerranéenne.



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L'identité de la France, tome 1 : Espace et h..

Par cette critique, je m'engage dans le commentaire DU meilleur livre d'Histoire qu’il m’a été donné de lire. J'en garde un souvenir ému, et craint de ne pas pouvoir transmettre cela en quelques mots....

L'Identité de la France est une fresque historique de grande ampleur malheureusement inachevée, car écrite à la fin de sa vie, alors qu'il entrait dans le même temps à l'académie française, accueilli par Maurice Druon.

J'insisterai d'abord sur le fait que ces palmes es ne sont pas volées: Fernand Braudel écrit bien, et on peut aisément et avec plaisir suivre sa pensée. Druon, dans son hommage, parle de style contrôlé, classique et élégant, capable de « se faire entendre de tout esprit convenablement meublé ». Il n’use pas d’un langage de spécialiste mais compose avec éloquence, à partir de ses connaissances et de sa vision, le comparant au général de Gaulle .

Il ne rédige pas un cours d'Histoire, il propose une véritable relecture de l'aventure humaine, intégrant non seulement l'histoire, mais aussi la géographie, la philosophie, les sciences sociales et économiques, l'anthropologie, à son entreprise.



(suite du commentaire tome 2 ; L'Identité de la France - Les Hommes et les Choses 1)
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L'identité de la France, tome 3 : Les hommes ..

(suite du commentaire tome 2 : L'identité de de la France - Les Hommes et les Choses 1)



Dans Les Hommes et les Choses (tomes 2 et 3), F. Braudel insiste sur l’évolution démographique, montrant comment elle rythme les périodes historiques, expliquant bien souvent les événements, heureux ou malheureux de cette France rurale, qui s’urbanise peu à peu. Les migrations aussi apparaissent comme fil conducteur, depuis la préhistoire jusqu’à l’époque contemporaine, où le sujet est d’une brûlante actualité, étroitement corrélé à la question de l’identité nationale.

Dans le tome 3, on ressent tout l’attachement que F. Braudel porte à la France paysanne, montrant le rôle de moteur endogène –diesel…- qu’elle a longtemps joué pour l’industrie émergente et l’activité commerciale dans les villes. Moins vite quand dans tous les autre pays européens, le capitalisme, les réseaux de transports, l’industrialisation, sont venus modifier ces équilibres ancestraux… il n’est pas sûr que l’étude du temps long chère à F. Braudel ne révèle finalement, demain, que parier sur l’avenir, c’est aussi parier sur cette force du passé, sur les racines ancestrales terriennes du pays.

Pour finir, il est certain que d’autres grands historiens ont poursuivi l’œuvre, allant dans une étude plus fine, corrigeant certaines vues ; mais, mieux que d’autres, par sa vision globalisante, son éloquence, son verbe, F. Braudel nous fait réellement sentir les chemins de traverse sous les pieds, le vieil outil, le feutre du galurin sous les doigts, nous fait entendre les heures passées au vieux clocher du village… son livre n’est pas un livre d’Histoire, c’est une épopée des hommes et des choses, à travers l’espace et le temps.

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L'identité de la France, tome 2 : Les hommes ..

(suite du commentaire tome 1 ; L'Identité de la France - Espace et Histoire)



Pour qui ne connaît pas L Histoire " du temps long" et l'école des annales, il est clair qu'il en est l'un des maîtres : il s'agit de prendre le contrepied de l'Histoire événementielle des livres d'Histoire ayant contribué à constituer l'identité nationale et ses mythes, jusqu'après Guerre. Par la suite, Georges Duby et Jacques le Goff contribueront à remettre le balancier au "juste milieu" entre le temps long et l'événementiel, et à compléter l'approche des précurseurs par un ouverture sur la culture et l'histoire des mentalités.

Mais je m'égare... mon propos n'est pas ici de rendre hommage à la valeur historique de l'ouvrage, mais à sa valeur littéraire. Bien que très documenté, L'Identité de la France est, pour moi, un chant d'amour à la France, celui que portait ce meusien, né dans l'Alsace Lorraine occupée, et qui a traversé les deux guerres et presque le siècle, en observateur -et peut-être négateur- de l'accélération de ce temps auquel il était si sensible.

C'est en prisonnier de Guerre après la débâcle de 1940 qu'il écrivit son autre ouvrage le plus réputé, sur la Méditerranée et le Monde méditerranéen, où son approche historique s'affirme. C'est en vieil homme plein de souvenirs, mais aussi ayant longuement étudié les faits et les chiffres, qu'il entreprend de nous conter d'abord l'espace français, et les mouvements profonds et silencieux qui le traversent -tome 1 : l'espace et l'histoire-, au coeur d'une Europe évidente, généreuse et ouverte sur la méditerranée. Il y chante son amour du terroir, et en raconte aussi toute la diversité. Il montre le poids des techniques, des traditions, sur le développement du pays.



(suite du commentaire tome 3 ; L'Identité de la France - Les Hommes et les Choses 2)

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L'identité de la France

Avec cet ouvrage Fernand Braudel s’est attaqué à une tâche monumentale qu’il n’a hélas pas eu le temps d’achever (il devait y avoir une deuxième partie consacrée à l'Etat, à la culture,à la société, à la France dans le monde). Cette première partie est elle-même divisée en trois : d’abord l’espace géographique et son rôle dans la formation de la France en tant que nation, puis il aborde la population et la démographie et enfin l’économie. Son propos s’arrête à 1980 (l’ouvrage est paru en 1985). J’apprécie énormément le type d’approche de Braudel, très pluridisciplinaire, mêlant les apports de la géographie, de l’économie, de la sociologie, voire de l’ethnologie et de l’anthropologie, très loin de l’histoire telle qu’on la concevait autrefois, centrée sur les grands événements et les grands hommes. Ce qui pour moi ne veut pas dire qu’il faut cesser de s’intéresser aux événements et personnages historiques, mais qu’ils ne peuvent être isolés, ils sont produits par ce qui les entoure et ils interagissent avec.

Braudel part de la diversité de la France pour nous brosser un tableau d’ensemble qui apparaît peu à peu : diversité des paysages, des climats, des parlers, … Il montre l’importance de l’organisation du peuplement, du village au bourg puis à la ville, discute du choix de la capitale (pourquoi Paris et pas Lyon ou une autre ville ?)… La deuxième partie est un vaste panorama démographique permettant de réaliser la chute démographique gigantesque de la Peste Noire et de la guerre de cent ans, puis la presque constante progression depuis, mais accompagnée d’une baisse de l’importance démographique de la France en Europe à partir de 1800. La dernière partie de l’ouvrage porte sur l’économie, de type rural essentiellement, avec une industrialisation tardive par rapport aux pays voisins. L’ensemble de cet ouvrage représente un travail titanesque de consultation d’archives et de documentations variées. Il y a beaucoup de références et de citations, nécessaires pour donner du crédit à l’ouvrage qui reste malgré tout d’une lecture aisée, tout à fait abordable par un amateur d’histoire grâce à un style bien accessible.
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Grammaire des civilisations

Ce livre peut servir de socle, de point de départ, pour quiconque s'intéresse à l'Histoire du monde ou d'une civilisation en particulier. La méthode du temps long de Fernand Braudel permet d' appréhender les différentes civilisations à travers leur tendances fondamentales qui découlent de la géographie, de leur structure sociale, de leur courant religieux et de leurs relations aux autres peuples. Il fait donc émerger l'âme de ces différentes civilisations, c'est passionnant. Livre fortement conseillé aux voyageurs!

Evidemment, vu la longueur de la période traité, les choix de l'auteur de mettre en avant certains événements ou phénomènes plutôt que d'autres, ne peut que porter à discussions. L'Histoire fait partie des sciences humaines...

Une ombre: les anticipations de Braudel. Il se plante sur certaines projections. On a l'impression qu'il fait preuve d'un optimisme un peu idéaliste pour un historien de sa trempe. Peut être est-ce volontaire étant donné que ce livre était destiné à des lycéens? Il prédit par exemple le déclin du capitalisme financier occidental et néglige donc son emprise à venir sur le reste du monde. On ne lui en voudra pas vu la qualité de son travail, il manque juste la cerise sur un succulent gâteau.

Personnellement, ce livre, malgré un survol de l'Histoire en 750 pages, m'a appris pas mal de choses, a clarifier mes connaissances (une sorte de défragmentation du disque) et m'a donné envie d'approfondir dans cette approche pluridisciplinaire. Bien écrit, avec un réel souci de clarté et de pédagogie, on regrette que Braudel n'ait pas gagné son combat pour instaurer ce type d'approche de l'Histoire dans l'Education nationale.
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La Méditerranée, Tome 1 : L'espace et l'histoire

Merci Monsieur Braudel pour cet ouvrage passionnant.

Tout est parfait dans ce livre, l'auteur et le sujet.

C'est bigrement intelligent et riche, sa lecture fluide. On s'y voit avec bonheur traversant les siècles, que dis-je ?, les millénaires et les paysages. Bref, du petit lait.

Bien sûr que ce n'est pas en roman, mais ce livre en a toutes les saveurs, les surprises ! Tant est si bien qu'on regrette de l'avoir achevé. Mais il reste d'autres Braudel à lire, tout aussi remarquables.

Seuls ceux qui ne le lisent pas ont tort ! Na ! C'est dit.
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Civilisation matérielle, économie et capitalism..

Il serait bien présomptueux de ma part de prétendre faire une critique de ce livre, même une recension, qui serait peut-être dans mes capacités, mais qui me demanderait plusieurs semaines de travail et occuperait un certain nombre de pages. Ce sera donc un hommage à ce qui est peut-être le meilleur du plus grand historien et de l'un des plus grands esprits du siècle dernier.

Braudel,donc, Braudel, qui rédigea sa thèse sur la Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe Il en captivité en Allemagne et naturellement sans ses notes, Braudel, qui nous a quitté trop tôt sans avoir le temps de finir son ultime ouvrage, L'identité de la France, avec lequel il nous a donné malgré tout un chef-d'œuvre de plus.

Quant au présent livre, son titre en expose exactement le sujet, sans donner une idée de sa richesse.

Le premier tome, le plus intéressant pour moi car le plus accessible, est consacré précisément à la civilisation materielle, modes de vie et de production, structure du quotidien, vulnérabilités de la vie humaine soumise au joug implacable des trois cavaliers Famise, Maladie et Guerre, tous puissants avant la révolution industrielle et le passage à la production de masse, permis par l'accumulation préalable du capital en Occident. Il ne s'agit bien sûr pas d'un éloge philosophique du capitalisme, Braudel n'est ni Hayek ni Friedman, mais de la reconnaissance de son rôle indispensable comme vecteur de progrès par le rôle qu'il a joué dans le développement des moyens de production.

Et en effet Braudel dresse un tableau complet de la vie dans le monde d'avant. Ce qu'elle était, vous n'en avez pas idée, tant elle était rude, brève et douloureuse.

Alors lisez ce livre, et vous le saurez.

Sans vouloir tenir des propos polémiques,il est peut-être de nature à tempérer certaines aspirations à la décroissance, bien que ce ne soit pas son propos.

PS. En attribuant à cet ouvrage la note de 5, j'ai conscience une fois de de plus du caractère contestable de cette notation, parce cette note, je l'ai souvent attribué à des romans policiers, de science fiction ou de littérature générale, que je n'ai pu noter autrement car ils sont excellents dans leur genre mais pour autant incommensurables à Braudel, autant d'ailleurs que Connemara, que j'ai beaucoup aimé et défendu dans ces pages ne joue pas dans la même catégorie que La Recherche. Mais tout cela est un peu hors sujet.
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La Méditerranée



La Méditerranée de Braudel est l'œuvre exceptionnelle de la deuxième génération de l'école dite des Annales.  Annales , qui demeure l'une des principales revues historiques mondiales, a été fondée en 1929 par deux professeurs de l'Université de Strasbourg, Lucien Febvre et Marc Bloch. Febvre et Bloch étaient alors des figures anti-Establishment, rebelles à la prédominance continue de l'histoire politique en France et partisans d'une "histoire plus large et plus humaine", comme ils l'appelaient, une histoire qui concernerait toutes les activités humaines et puiserait des concepts et des méthodes dans toutes les sciences sociales, de la géographie à la psychologie. 

C'est pour faire connaître cette « nouvelle sorte d'histoire » que les Annales ont été fondées. Marc Bloch y a contribué avec son étude de la socièté féodale (1939), un livre qui, fait inhabituel pour l'époque, prend sentiment et pensée aussi au sérieux que les systèmes de propriété foncière. De la même manière, Febvre, dans son Problème de l'Incroyance au 16e Siècle (1942), se demande s'il est intellectuellement ou psychologiquement possible d'être athée au XVIe siècle.



Febvre aime encourager les jeunes gens brillants, parmi lesquels Braudel, qui lui dédie sa Méditerranée « avec l'affection d'un fils ». Avec sa longue introduction géographique, suivie d'une description de la société, laissant pour la fin le récit des événements majeurs de l'époque, le livre de Braudel imite l'organisation de la propre thèse de doctorat de Febvre, qui avait également porté sur Philippe II : Philippe II et la Franche-Comté (1912). 



Cependant, la Méditerranée était un travail considérablement plus ambitieux, une étude de cas conçue pour faire des déclarations générales sur la nature de l'espace et du temps. Braudel insiste sur la nécessité de voir le monde méditerranéen comme un tout – ensemble reste l'un de ses mots favoris – et pour ce faire, il était prêt à aller encore plus loin et à étudier sa « zone d'influence » dans ce qu'il appelait la « Grande Méditerranée », s'étendant de l'Atlantique au Sahara.

De la même manière, il a soutenu qu'il est impossible de comprendre les événements du règne de Philippe II sans les placer dans la perspective du long terme - ' la longue durée', comme il l'appelle : une perspective de siècles, voire, dans le cas de la partie géographique du livre, de millénaires. 



Dans la mesure où cet énorme livre a un argument général, c'est que le temps se déplace à des vitesses différentes, et qu'il est utile de distinguer trois « temporalités » en particulier. 



Il y a le court terme, le temps des événements, le temps tel qu'il est perçu par les contemporains ; 



le moyen terme, le temps « des systèmes économiques, des États, des sociétés, des civilisations » ; 



et enfin, le très long terme, « l'histoire presque intemporelle » de la relation de l'homme à l'environnement. 



En un sens, cet argument n'a fait qu'expliciter les thèmes des travaux des historiens antérieurs, parmi lesquels Febvre, qui s'intéressait depuis longtemps à la géographie historique, et Bloch, qui avait écrit à la fois l'histoire économique et l'histoire des mentalités sur le long terme.



Il va sans dire qu'un ouvrage d'une telle envergure ne saurait s'appuyer, comme les thèses sont censées l'être, sur les sources primaires. La culture méditerranéenne est une culture notariale qui a sécrété des archives à grande échelle depuis la fin du Moyen Âge, et rien qu'à Venise il existe des kilomètres de documents relatifs à l'œuvre de Braudel. Malgré sa tournée des archives méditerranéennes dans les années 1930, photographiant des documents avec une caméra de cinéma, il a dû très largement construire avec les briques des autres. Mais pour quiconque connaît les études qu'il a utilisées, il est fascinant de voir comment il réinterprète les données et relie des conclusions limitées à un ensemble plus vaste.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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L'identité de la France

On ne présente plus Fernand Braudel, Académicien, né en 1902 dans la Meuse et chef de file d’un courant de pensée, l’Ecole des Annales, qui a cherché à unifier les sciences sociales. Par son approche pluridisciplinaire, recourant à la géographie, l'économie, l'ethnologie, la sociologie ou l’anthropologie, il a renouvelé le travail de l’historien. L’Histoire prend de la consistance, s’étoffe et s’appuie sur le temps long. Les individus et les événements passent au second plan, la primauté revenant aux forces sous-jacentes qui structurent et déstructurent les ensembles humains : le milieu, les climats, les langues, les systèmes familiaux, les modes de production, les progrès techniques, etc. L’Histoire n’est plus individuelle et événementielle mais naturelle et sociale, pour reprendre les qualificatifs que Zola attribuait à son histoire des Rougon-Macquart.



Cette approche globalisante ne fait pas l’unanimité chez les historiens mais a eu de prestigieux adeptes, comme Emmanuel Leroy-Ladurie ou Marc Ferro, pour n’en citer que deux. En fait, Fernand Braudel procède un peu comme un peintre : il part du constat d’une France qui se nomme diversité (qu’il avoue aimer par-dessus tout) et brosse, peu à peu, par petites touches impressionnistes, un tableau d’ensemble de l’identité de la France. On aboutit à un résultat qui se veut similaire aux reproductions de Van Gogh qui illustrent les couvertures des trois tomes de l’édition Arthaud – Flammarion.



L’auteur part des grands historiens ou démographes (Michelet, Emmanuel Todd et Hervé Le Bras, Alfred Sauvy, Jean Bouvier, etc.) mais aussi de ses propres observations sur le terrain.



L’Histoire étant fille de la Géographie (et la Politique sa petite-fille…), le 1er tome traite de l’aire géographique du pays (« Espace et Histoire »). Il illustre l’importance de la géographie dans la formation de la nation française : diversité des paysages, des climats, importance de l’organisation du peuplement en systèmes villages – bourgs – villes. Il aborde la question des frontières naturelles de la France (idée qu’il ne fait pas sienne) et l’infortune de Lyon supplantée par Paris (qui aurait très bien pu être ailleurs qu’à Paris…). Les grandes divisions du pays (oil vs oc, pays de champs ouverts vs bocages), le rôle des fleuves, du couloir rhodanien, les atouts du Bassin parisien ou le relatif désintérêt pour la maîtrise des mers constituent quelques angles majeurs d’approche pour comprendre la formation de la France.



Les deux volumes suivants abordent « Les hommes et les choses », d’abord sous l’angle de la démographie, suivi par une approche économique. L’étude démographique, structurée en deux parties (avant et après 950), fait ressortir des cycles longs de progression lente ou rapide suivis de rechute de la population. Dans la seconde période figure la profonde cassure de 1350 à 1450 marquée par la Peste Noire et la Guerre de 100 ans, qui vit la population française fondre de moitié ! (passant vraisemblablement de 20 à 10 millions environ). Une « saignée » comme la France n’en aurait jamais connue dans son histoire. A partir de la fin du Moyen Age, la progression sera ininterrompue avec des périodes de nette accélération. Mais la France verra aussi son poids démographique se restreindre en Europe après 1800. Le dernier volume traite de l’économie, paysanne jusqu’au début du XXe siècle (les types et méthodes de culture, l’importance de l’élevage, de la vigne, du blé) avant de s’ouvrir tardivement par rapport à nos voisins à l’industrie. Le monde rural constitue ce que Braudel appelle les infrastructures, tandis que les superstructures englobent les villes, les voies de communication et les activités industrielles, financières et commerciales.



Son étude s’arrête au début des années 1980 et représentait au départ la première partie d’une œuvre plus vaste. Une seconde partie devait être consacrée à l’Etat, la culture, la société, la France mêlée au monde…, etc. Mais elle n’a pas vu le jour, l’auteur étant décédé entre temps.



Fernand Braudel aime la France, n’hésite pas à le faire savoir et il convoque volontiers ses propres expériences et souvenirs pour étayer ses propos. Mais il n’est pas toujours aisé de le suivre dans ses démonstrations, de comprendre l’idée d’ensemble et la conclusion à laquelle il aboutit. L’ouvrage est foisonnant de références et de citations et cela nuit à mon sens à la cohérence d’ensemble. Je me suis souvent senti « noyé » dans l'enchaînement des innombrables exemples fournis par l’auteur, me demandant où était la « substantifique moelle » ! Il faut saluer, néanmoins, l’immense travail de Braudel, la somme d’archives, de correspondances et de livres qu’il a analysés pour nous offrir une autre Histoire, une Histoire sur la longue durée et par l’approche des sciences humaines. C’est pourquoi je ne saurais me résoudre à lui attribuer moins de trois étoiles Babelio, mais j’ai dû m’acharner pour terminer cet ensemble et la lecture, en diagonale vers la fin, ne fut pas des plus plaisantes. Je vais donc laisser le temps s’écouler et faire son œuvre d’ensevelissement avant d’essayer de retourner vers les autres études magistrales de Braudel, sur l’époque XVe-XVIIIe, d’une part et sur la Méditerranée et le monde méditerranéen, d’autre part.



En définitive, cette technique impressionniste, séduisante chez Van Gogh, ne m’a guère souri dans le domaine de l’Histoire. Heureusement que l’approche de Braudel ne m’a pas évoqué certaines techniques picturales plus radicales encore, le « dripping » à la Jackson Pollock, par exemple : mon acharnement à terminer l’œuvre n’aurait sûrement pas suffi…

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Civilisation matérielle, économie et capitalism..

Je tombe de l'armoire ce matin en découvrant qu'aucune critique n'existe sur ce monument de l'histoire, oeuvre fondatrice absolument indispensable à qui veut tenter de comprendre le monde dans lequel nous vivons.

Il s'agit du premier tome d'une trilogie qui nous met en main le fil de l'évolution des économies, en particulier à partir des Grandes découvertes et en fonction des innovations technologiques. Il suffit ensuite de le tirer à vous !

Effectivement, je ne peux moi non plus me permettre critiquer le travail magistral de Fernand Braudel, fondateur de l'école des Annales, inventeur de la notion d'"économie-monde", qui nous enseigne l'histoire dans sa totalité et non pas par une succession de dates. J'ai dévoré ce livre il y a plus de trente ans, la plus grande partie de mes notions d'économie politique et de l'évolution des grandes puissances au cours des siècles en est issue. C'est clair, facile à lire pour les non initiés..... Un monument incontournable.
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L'identité de la France, tome 1 : Espace et h..

Né en 1902, Fernand Braudel a été qualifié d' « homme qui a réinventé l'histoire ». C'est que sa méthodologie et sa façon de concevoir le travail historique ont complètement renouvelé la discipline. Braudel veut s'écarter d'une histoire événementielle qui s'intéresse, selon lui, trop au temps court des événements politiques. Il travaille les longues durées, la globalisation, et va être amené à développer des concepts tels que celui d' « économie-monde ». Non pas les micro-événements donc, mais identifier les courants sous-jacents qui courent sur de longues périodes de temps, et qui sont, disait-il, « souvent silencieux ».



Dans l'identité de la France, l'historien propose sa méthode à l'histoire de la France. Comme beaucoup des histoires de France, il ne va pas s'intéresser seulement à la France depuis qu'elle est France, c'est-à-dire Nation et État, mais il va remonter les siècles, et même les millénaires, jusqu'aux premiers peuplements humains. En somme, il propose d'abord une histoire de ce territoire qu'on nomme aujourd'hui France. Et pour cela, il fait régulièrement des appels à une perspective plus large car, pour bien comprendre les mutations locales, il faut adopter parfois un regard européen, voire mondial.



Ce premier tome « Espace et histoire » interroge avant tout les liens entre histoire et géographie. Il montre l'importance des réalités géographiques dans la formation de la nation française, mais aussi que celles-ci ne peuvent pas tout expliquer. Il s'essaye à esquisser d'autres Frances possibles, si Paris, qui n'est devenu capitale presque que par hasard, se serait touvé ailleurs, ou si Lyon n'avait pas été supplanté... Il rappelle les ruptures d'un pays qui est d'abord diversité : la coupure entre Nord et Midi, France d'oil et France d'oc, aussi ancienne que les premières vagues de migration préhistoriques ; mais aussi la frontière entre pays d'habitats dispersés et pays d'habitats regroupés, au moins aussi fondamentale. De plus, le livre fait régulièrement des sortes d'études de cas, notamment pour illustrer le système village-bourg-ville que Braudel propose.
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Grammaire des civilisations

Un des premiers livres d'histoire que j'ai lu (j'ai du attendre la terminale, grâce à un excellent prof!)... et qui m'a donné envie d'en lire bien d'autres.



Le choix du titre est malencontreux car forcément, la grammaire, c'est pesant!

Je pense que Braudel voulait exprimer par là le fait que l'ensemble des faits et des règles concourant à la construction des civilisations était décrit dans ce livre.



Car c'est bien cela que traite ce livre; de la création des civilisations.

On voit la dynamique de l'histoire et c'est passionnant!
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L'identité de la France, tome 2 : Les hommes ..

Dans ce 2e tome de L'Identité de la France, Fernand Braudel trace à grand trait la démographie et les évolutions de peuplement de ce territoire aujourd'hui appelé France. Pour cela, il remonte au fond des âges, aux toutes premières traces d'occupation du pays par des humains. Puis il remonte les âges, pas à pas, patiemment, avec une culture jamais démentie. C'est passionnant. Braudel arrive bien à nous faire saisir que les réalités contemporaines de la France sont héritières d'un temps extrêmement long, qu'il n'y a pas brusque surgissement ou coupure, qu'on peut comprendre en se plongeant dans la légende des siècles. C'est brillant.
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La Dynamique du capitalisme

Cet essai "résumé" de Fernand Braudel a pour thème le développement du capitalisme dans l'histoire à travers le monde. Difficile de décrire tous les processus à l'oeuvre en une centaine de pages, on y aborde donc les idées principales sans trop rentrer dans les détails historiques périphériques bien qu'essentiels.

Historiquement, on en tire un "voyage" à travers les siècles du centre de pouvoir capitaliste dans le monde occidental: les villes - etats italiennes (Venise, Gênes, Florence), Amsterdam, Londres puis New York, le capitalisme étant un phénomène adaptatif à sa zone d'influence.

Concernant le fonctionnement du capitalisme, je retiendrai de ce livre trois points essentiels:

- le capitalisme est à dissocier de l'économie de marché. Le capitalisme est un système d'accaparement des richesses par une poignée de puissants bien organisés, qui s'appuie sur de grandes échelles géographiques, l'économie de marché est une activité humaine indispensable constituant un fondement de la vie des sociétés. Selon Braudel, il peut donc y avoir des systèmes économiques dans les sociétés humaines sans forcément dériver sur notre société d'ultra-consommation et de prédation. ça rassure...

- le capitalisme ne peut fonctionner que si les pouvoirs de l'état sont dans les mains des grands acteurs capitalistes. Comprenez: nous ne sommes donc pas en démocratie selon Braudel. ça rassure moins...

- Enfin, le capitalisme est intrinsèquement inégalitaire et "esclavagiste". Même s'il peut être bénéfique à des sociétés (trente glorieuses), ces bénéfices ne peuvent être apportés sans l'exploitation d'autres sociétés en périphérie.

Essai bref mais passionnant.

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Grammaire des civilisations

Claire et passionnant. Un ouvrage à lire si vous avez envie d'acquérir des notions en sociologie.
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La Dynamique du capitalisme

Encore un petit livre (120 pages) bien passionnant. Il s’agit en fait de la présentation dans ses grandes lignes d’un livre beaucoup plus imposant : Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècles. On a ainsi accès à une sorte de fiche de lecture, de synthèse, par l’auteur lui-même en plus, ce qui dispense, du moins dans l’immédiat, de s’attaquer à l’ouvrage principal.

Ce petit livre est intéressant à plus d’un titre. D’abord bien sûr parce qu’il fait le résumé de l’histoire économique du monde (en particulier de l’Europe) sur une période (1400 – 1800) qui va connaître, de ce point de vue, de grands bouleversements. Mais surtout parce qu’il permet d’interroger notre époque. En effet, nombre des faits décrits ici, en particulier concernant la naissance du capitalisme et la façon dont il s’est imposé, sont toujours pertinents de nos jours si l’on veut analyser ce système économique.

On a tendance à penser l’histoire économique selon cette succession : esclavage, puis servage, puis capitalisme. Dès le XVe siècle existent des régions économiques - Fernand Braudel les appelle des économies-monde - distinctes, délimitées, avec chacune son centre (une ville en général) et, autour, des zones successives et des marges, de plus en plus dépendantes et de moins en moins favorisées à mesure qu’on s’éloigne du centre. Parlant de l’économie-monde « Europe » au XVIIe siècle dont le centre est alors Amsterdam, il dit : « L’économie-monde européenne, en 1650, c’est la juxtaposition, la coexistence de sociétés qui vont de la société déjà capitaliste, la hollandaise, aux sociétés serviles et esclavagistes, tout au bas de l’échelle […] En fait le capitalisme vit de cet étagement régulier : les zones externes nourrissent les zones médianes, et surtout les centrales ». A l’heure de l’économie mondialisée, il semble bien que cette juxtaposition de zones riches et de zones en marge, dépendantes plus que participantes, soit toujours d’actualité.

Autre fait du passé qui éclaire notre époque : le capitalisme est le « privilège du petit nombre ». Il naît lorsque des marchands décident de se faire intermédiaires entre producteurs et consommateurs, pour vendre les marchandises dans les grandes ou les ports exportateurs, dégageant ainsi de gros bénéfices et accumulant les capitaux qui s’investiront ailleurs. Très tôt, la bourgeoisie « pour asseoir sa fortune et sa puissance, s’appuie successivement ou simultanément sur le commerce, sur l’usure, sur le commerce au loin, sur l’ « office » administratif et sur la terre ». Reprenant le modèle des grandes familles seigneuriales - qu’elle va d’ailleurs parasiter puis dominer -, avec leur lignage, leur histoire, la bourgeoisie accumule progressivement le capital et se le transmet. La bourgeoisie est ainsi « porteuse du processus capitaliste ». Mais le capitalisme ne finit de s’imposer qu’avec la complaisance, du moins la neutralité, de l’Etat : « le capitalisme ne triomphe que lorsqu’il s’identifie avec l’Etat, qu’il est l’Etat ». C’est bel et bien toujours cette classe dominante (n’en déplaise à ceux que ce vocabulaire marxisant rebute, à leurs yeux sans doute pas assez « moderne »), la bourgeoisie, qui détient le capital, le transmet à l’intérieur de son groupe, occupe les postes-clés de la politique et de l’économie (les deux de plus en plus mêlés), assure (ou tente d’assurer) une stabilité et hiérarchisation sociales absolument nécessaires à ses intérêts et s’organise au niveau mondial pour que cela continue ainsi jusqu’à la consommation des siècles. Je renvoie à ce sujet à l’excellent livre de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Sociologie de la bourgeoisie.

Je finirai par la distinction qu’opère Fernand Braudel entre économie de marché et capitalisme, termes que l’on pense souvent synonymes. La première existait bien avant le capitalisme, il s’agit de cette économie d’échange qui fait le lien directement entre la production et la consommation, et qui est le fait des paysans, des artisans qui vendent, dans leur boutiques, sur les marchés ou les foires, ce qu’ils ont eux-mêmes produit. Le capitalisme survient, on l’a vu, lorsque apparaît cette classe de gros marchands, avec de gros capitaux, se posant en intermédiaires et prenant le contrôle du marché. Il s’agit donc bien de deux choses différentes : le capitalisme dérive de l’économie de marché. Autrement dit : économie de marché et capitalisme ont longtemps coexisté. C’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui, le capitalisme n’ayant pas envahi tout l’espace économique et social. Fort heureusement.

Je n’aime pas l’histoire pour l’histoire, pour la simple évocation de temps révolus. Je l’aime lorsqu’elle jette un pont entre passé et présent, qu’elle donne du recul sur notre temps et lève un coin du voile sur l’époque contemporaine. Comme ce livre par exemple.


Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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Les mémoires de la Méditerrannée : Préhistoire et A..

C'est parce qu'un éditeur, en 1968, avait le projet de publier en plusieurs tomes une grande histoire de la Méditerranée, que Fernand Braudel, étonnament, s'attela à composer le premier de la série consacré aux origines (de la préhistoire à la chute de l'empire romain). Mais le projet échoua et les manuscrits restèrent dans un placard plusieurs années. Toute l'attention que l'auteur portait aux conjectures économiques et sociologiques se retrouve ici dans ses multiples analogies avec les XVe et XVIe siècles européens (ap. J.-C.). Braudel associe la colonisation grecque vers l'occident méditerranéen à une découverte du nouveau monde américain, il compare aussi les conflits perpétuels des cités grecques à ceux des villes italiennes.

Si l'ensemble est passionnant, je pense que cette lecture exige tout de même un minimum de connaissances sur les histoires des différentes civilisations de la Méditerranée qui ne sont ici évidemment pas approfondies, Braudel cherchant avant tout à mettre en valeur les rapports de tous les peuples qui vécurent dans cet univers méditerranéen
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