Citations de Fernando Aramburu (93)
Si j’avais la certitude qu’Amalia souffrirait par ma faute la moitié de ce que cette femme a souffert après la perte de son fils, je me jetterais sur-le-champ par la fenêtre. Pas une seule fois Carmina n’a mentionné le père de l’enfant. Je frémissais de plaisir, d’un plaisir violent et physique, de voir comme elle remuait les lèvres en racontant son infortune.
Malgré tout, elle était jolie. Fanée, mais jolie. J’ai imaginé un instant que je l’appelais, à la fin de l’émission, et que nous tombions d’accord pour se mettre au lit ensemble chez elle ou chez moi, sans nous toucher, ou alors main dans la main, sous les draps.
Elle était de ces gens, de plus en plus nombreux, qui prennent un plateau de télé pour un confessionnal, et je suis prêt à parier que ladite femme aurait préféré une flagellation pour faire pénitence devant des centaines de milliers de spectateurs, plutôt que les honoraires qu’on a dû lui verser.
Je crois qu’on gave les vieux de pilules pour les garder soumis. Il vaudrait mieux qu’ils les lavent plus souvent. Mon odorat était agressé par l’odeur de maman, aujourd’hui.
En prenant le train à sept heures et quelques, il avait le temps de passer chez lui avant de se rendre au travail ; non sans avoir goûté aux délices, disait-il, d’un coït matinal avec une femme qui, au lit, ne connaissait pas de limites.
Je me suis vite convaincu que le prétendu bonheur de Pattarsouille était le fruit d’une trêve que lui avaient accordée ses troubles dus au stress post-traumatique. Ses sourires, peut-être comme ceux des photographies de vacances, lui permettaient de cacher un noyau secret d’amertume.
Certes, il est vrai qu’un être, quand il sent sa fin prochaine, visionne instinctivement sa vie entière. Je l’ai lu et entendu plus d’une fois. Je croyais qu’il s’agissait d’une bêtise, mais je commence à penser le contraire.
J’avais un besoin urgent de connaître une opinion qui ne soit pas la mienne, or il est, aujourd’hui, mon seul ami. La réaction de Pattarsouille mérite d’être qualifiée d’euphorique. Et moi qui croyais qu’il allait être horrifié et qu’il essaierait de m’en dissuader par tous les moyens !
À une certaine époque, je m’identifiais aux limaces. Non parce qu’elles sont laides et visqueuses, ou parce que j’ai eu une sale journée, mais parce que ces bestioles ont une drôle de façon de se déplacer dans l’existence, caractérisée par l’indolence et la monotonie.
La rencontre se produisit à la hauteur du kiosque à musique.Une courte accolade.Elles se regardèrent un instant dans les yeux avant de se séparer. Se dirent-elles quelques mots? Non, aucun. Elles ne se dirent pas un mot.
Tu es beau, tu as une profession prestigieuse. Que rêver de plus ? Tu ne manques pas d’argent. Les femmes doivent te suivre en troupeau !
Et il doit se prendre pour un héros. C’est un dur, dit-on. Un dur parmi les durs ou les brutes. Il ne sait même pas comment on ouvre un livre.
On avait beau lui parler, elle n’enregistrait rien. Elle semblait être ailleurs. Apathique. Elle qui était d’un naturel si bavard. Maintenant, une vraie statue. Elle avait même l’air d’oublier de battre des paupières.