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Citations de Fernando Pessoa (1984)


Or, au cours de cette campagne de propagande dont je vous ai parlé, j’ai découvert que dans ce groupe – oh, peu nombreux : nous étions une quarantaine, à peu près – apparaissait cependant de la tyrannie. – De la tyrannie ? Comment cela, de la tyrannie ? – Vous allez comprendre. L’un de nous se mettait à commander aux autres, et en faisait tout ce qu’il voulait ; ou bien il s’imposait, et obligeait les autres à être tels qu’il les voulait, ou bien il les poussait, par ses manigances, à faire toutes ses volontés. Il ne s’agissait pas de choses importantes – d’ailleurs, il n’y en avait pas. Mais le fait est là : cela se répétait tous les jours, et ne concernait pas seulement notre action de propagande, mais aussi des faits sans rapport avec elle, et même les plus petits faits de la vie ordinaire. Certains tendaient insensiblement à devenir des chefs, et les autres des subordonnés. Certains s’imposaient de force, d’autres par de savantes manœuvres. Cela se voyait jusque dans les choses les plus simples. [...] c’est exactement le contraire de la doctrine anarchiste.
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Devant moi passe un papillon
Et pour la première fois dans l’Univers je remarque
Que les papillons n’ont ni couleur ni mouvement,
Tout de même que les fleurs n’ont ni parfum ni couleur.
C’est la couleur qui est colorée dans les ailes du papillon,
Dans le mouvement, c’est le mouvement qui se meut,
C’est le parfum qui est parfumé dans le parfum de la fleur.
Le papillon n’est qu’un papillon
Et la fleur n’est qu’une fleur.
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"Passe,lent vapeur, passe et ne reste pas...
Passe loin de moi, loin de ma vue,
Va-t-en du dedans de mon cœur,
Perds toi au Large, au Large brume de Dieu
Perds toi suis ton destin, et laisse moi...
Et moi, qui suis-je, pour pleurer et interroger?
Qui suis-je pour te parler et t'aimer?
Qui suis-je pour que te voir me trouble?
Va-t-en du quai, le soleil croît, or,
Luisent les toits des bâtiments du quai,
Tout ce côté-ci de la ville brille...
Pars, laisse-moi, et deviens
D'abord ce navire au milieu du fleuve, visible et net,
Puis ce navire cheminant vers la"barre", petit et noir,
Puis, vague point à l'horizon (ô mon angoisse!)
Point de plus en plus vague à l'horizon...,
Puis rien, sinon moi et ma tristesse,
Et la grande ville maintenant pleine de soleil
Et l'heure réelle et nue comme un quai sans navires,
Et la lente rotation de la grue, comme un compas qui tourne,
Traçant un demi-cercle de je ne sais quelle émotion
Dans le silence troublé de mon âme"
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Et je t'offre ce livre, car je le sais autant beau qu'inutile. Il n'enseigne rien, ne fait croire à rien, ne fait rien sentir. Simple ruisseau coulant vers un abîme - cendre que le vent disperse, et qui n'est fertile, ni nuisible.
J'ai mis toute mon âme pour faire ce livre, mais ce n'est pas à lui que je pensais alors : je pensais seulement à moi, qui ne suis que tristresse, et à toi, qui n'est personne.

Et c'est parce que ce livre est absurde que je l'aime ; parce qu'il est inutile que je veux te le donner ; et parce qu'il ne sert à rien que je veux te le donner et te le donne...

Que ta lecture se fasse pour moi prière, que ton amour de ce livre devienne bénédiction, et puis, oublie-le, comme le soleil d'aujourd'hui oublie celui d'hier (et comme j'oublie ces femmes, vues en des rêves que je n'ai jamais su rêver).
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Je ne me plains pas de ceux qui m’entourent ou m’ont entouré. Personne ne m’a jamais fait le moindre mal, en aucun sens ni d’aucune façon. On m’a toujours traité avec affabilité, mais à distance. J’ai compris bien vite que cette distance était en moi-même, et qu’elle venait de moi. C’est pourquoi je puis dire, sans me flatter, que j’ai toujours été respecté. Mais aimé ou chéri, jamais. Je reconnais aujourd’hui que je ne pouvais pas l’être. J’avais de grandes qualités, j’avais des émotions intenses, […] mais je n’ai pas eu ce qui s’appelle l’amour.
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La tragédie essentielle de ma vie est, comme toutes les tragédies, une ironie du destin. Je rejette la vie réelle comme une condamnation ; je rejette le rêve comme une libération infâme. Mais je vis ce qu’il y a de plus sordide, de plus quotidien dans la vie réelle ; et je vis ce qu’il y a de plus intense et de plus constant dans le rêve. Je suis comme un esclave qui s’enivrerait pendant la sieste – deux déchéances en un seul corps
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J'ai déposé le masque et me suis vu dans le miroir :
C'était l'enfant d'il y a combien d'années...
Il n'avait pas du tout changé.
C'est là l'avantage de savoir ôter le masque.
On est toujours enfant!
Le passé que fut
L'enfant.
J'ai déposé le masque, et puis je l'ai remis.
C'est mieux ainsi,
Ainsi, sans le masque.
Et je retourne à la personnalité comme à un terminus de ligne.
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1 décembre 1931


L’art Consiste à faire éprouver aux autres ce que flous éprouvons, à les libérer d’eux-mêmes, en leur proposant notre personnalité comme libération particulière. L’impression que j’éprouve, dans sa substance véritable qui me fait l’éprouver, est absolument incommunicable et plus je l’éprouve profondément, plus elle est incommunicable. Pour que
je puisse, par conséquent, transmettre ce que je ressens à quelqu’un d’autre, il me faut traduire mes sentiments dans son langage à lui, autrement dit, exprimer les choses que je ressens de telle façon qu’en les lisant, il éprouve exactement ce que j’ai éprouvé. Et comme ce quelqu’un d’autre, par hypothèse de l’art, n’est pas telle ou telle personne, mais tout le monde, c’est-à-dire cette personne qui appartient en commun à toutes les personnes, ce que je dois faire, en fin de compte, c’est convertir mes sentiments propres en un sentiment humain typique, même si,
ce faisant, je pervertis la nature véritable de ce que j’ai éprouvé. Les choses abstraites sont toujours difficiles à saisir, car il leur est toujours difficile de capter l’attention du lecteur. J’en donnerai unexemple simple, par lequel je vais concrétiser les abstractions qui précèdent. Supposons que, pour un motif quelconque (la fatigue de faire des comptes, ou l’ennui de n’avoir rien à faire), je sente tomber sur moi un vague dégoût de la vie, une anxiété née au fond de moi, qui me trouble et m’angoisse. Si je traduis cette émotion par des phrases qui la serrent de près, plus je la serre de près, plus je la donne comme m’appartenant en propre, et moins, par conséquent, je la communique
aux autres. Et si on ne parvient pas à la transmettre à d’autres, il est plus facile et plus sensé de l’éprouver sans la décrire. Supposons, cependant, que je veuille la communiquer à autrui, c’est-à-dire, à partir de cette émotion, faire de l’art — car l’art consiste à communiquer aux autres notre identité profonde avec eux, identité sans laquelle il n’y a ni moyen de communiquer, ni besoin de le faire. Je cherche alors, parmi les émotions humaines, celle qui, de type banal,
présente le ton, le genre, la forme de l’émotion où je me trouve en ce moment, pour les raisons inhumaines et toutes personnelles que je suis un aide-comptable fatigué, ou un Lisboète qui s’ennuie. Et je constate que le genre d’émotion banale qui produit, dans les âmes banales, la même émotion que la mienne, c’est la nostalgie de l’enfance perdue.
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Je reste toujours ébahi quand j'achève quelque chose. Ebahi et navré.Mon instinct de perfection devrait m'interdire d'achever ; il devrait même m'interdire de commencer. Mais voilà : je pèche par distraction, et j'agis. Et ce que j'obtiens est le résultat, en moi, non pas d'un acte de ma volonté, mais bien d'une défaillance de sa part. Je commence parce que je n'ai pas la force de penser; je termine parce que je n'ai pas le courage de m'interrompre. Ce livre est celui de ma lâcheté.
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Fous sont les héros, les saints, les génies, sans lesquels l'humanité n'est qu'une espèce animale, un ensemble de cadavres en sursis qui procréent.
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Être poète n'est pas une ambition que j'aie,
c'est ma manière à moi d'être seul.
Fernando Pessoa .
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J'ai vécu, aimé - que dis-je ? j'ai eu la foi,
et aujourd'hui il n'est de mendiant que je n'envie pour le seul fait qu'il n'est pas moi.
En chacun je regarde la guenille, les plaies et le mensonge
et je pense : « peut-être n'as-tu jamais vécu ni étudié, ni aimé, ni eu la foi »
(parce qu'il est possible d'agencer la réalité de tout cela sans en rien exécuter) ;
« peut-être as-tu à peine existé, comme un lézard auquel on a coupé la queue,
et la queue séparée du lézard frétille encore frénétiquement ».
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Il n'existe pas de catégorie entre l'anormalité et la folie parce qu'il n'y a pas de point fixe entre les deux. L'espace entre les deux est dynamique et non statique. Être entre l'anormalité et la folie ne veut pas dire demeurer entre l'anormalité et la folie ; cela veut dire passer de l'anormalité à la folie. Cet acte, mon cher Guedes, a été le dernier acte rationnel de cette pauvre femme.
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- Tu as juste demandé pour savoir...C'est évident. Et tu as très bien fait. Il y a des gens qui posent des questions pour ne rien savoir.
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– Je suis le maître lunaire de tous les rêves, le musicien solennel de tous les silences. Vous vous souvenez de ce que vous pensez quand, toute seule, vous êtes devant un grand paysage d’arbres et de clair de lune ? Vous ne vous en souvenez pas, parce que vous avez pensé à moi, mais, je dois vous le dire, je n’existe pas réellement. Si quelque chose existe, je n’en sais rien.
– Les aspirations vagues, les désirs futiles, les dégoûts des choses ordinaires, même lorsque nous les aimons, l’ennui de ce qui n’ennuie pas – tout cela est mon œuvre, née lorsque, allongé sur la berge des grands fleuves de l’abîme, je pense que je ne sais rien moi non plus. Alors ma pensée descend, effluve vague, dans les âmes des hommes et ils se sentent différents d’eux-mêmes.
– Je suis l’éternel Différent, l’éternel Ajourné, le Superflu de l’Abîme. Je suis resté hors de la Création. Je suis le Dieu des mondes qui ont existé avant le Monde – les rois d’Édom qui ont mal régné avant Israël. Ma présence dans cet univers est celle de celui qui n’a pas été invité. Je porte en moi les souvenirs de choses qui ne sont pas parvenues à être, mais qui étaient sur le point d’être. (Il n’y avait alors aucun face à face ni aucun équilibre.

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Mon regard aussi bleu que le ciel
est aussi calme que l’eau au soleil.
Il est ainsi, et bleu et calme,
parce qu’il n’interroge ni ne s’effraie…

Si je m’interrogeais et m’effrayais,
il ne naîtrait pas de fleurs nouvelles dans les prés
et le soleil ne subirait pas de transformation qui l’embellit…
(Même s’il naissait des fleurs nouvelles dans les prés
et si le soleil embellissait,
je sentirais moins de fleurs dans le pré
et je trouverais le soleil plus laid… parce que toute chose est comme elle est, et voilà,
et moi j’accepte, sans même remercier,
afin de ne pas avoir l’air d’y penser…)
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Ce qu'il y a de mauvais dans les fictions socials, c'est elles-mêmes, dans leur ensemble, ou dans leurs représentants en tant que tels, mais non dans les individus.
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Quel grand repos de n'avoir même pas de quoi avoir à se reposer !
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Fernando Pessoa
Tous les mariés du monde sont des mal mariés parce que chacun d'eux abrite, dans ces recoins secrets où notre âme appartient au diable, la subtile image de l'homme désiré qui n'est pas celui-là, la figure sublime de la femme changeante que celle-ci n'a pas réalisée.
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Il est humain de vouloir ce qui nous est nécessaire, et il est humain aussi de désirer, non ce qui nous est nécessaire, mais ce que nous trouvons désirable. Ce qui est maladif, c'est de désirer avec la même intensité le nécessaire et le désirable, et de souffrir de notre manque de perfection comme on souffrirait du manque de pain. Le mal romantique, le voilà: c'est vouloir la lune tout comme s'il existait un moyen de l’obtenir.
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