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Critiques de Feurat Alani (103)
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Je me souviens de Falloujah

Un père, hospitalisé, en fin de vie, une amnésie qui s’installe, à son fils : « Dis moi qui était celui que j’étais. »



Un fils qui y voit là la dernière chance de reconquérir une mémoire perdue, et propose d’improviser une « joute verbale de souvenirs » dans l’espoir de faire enfin connaissance avec ce père qui s’est tu sur son passé durant toute sa vie.



Le père, c’est Rami, né en 1944, opposant politique irakien qui a fui son pays en 1972 pour s’exiler en France où est né fils, Euphrate ( double de l’auteur, Feurat ) en 1980.



Le récit alternant les passages liés au passé de Rami avec ceux liés à Euphrate. Entre Irak et France, les souvenirs se répondent pour reconstituer une histoire familiale qui touche profondément. Au cœur du récit, le continent perdu de l’enfance refait surface : celle douloureuse de Rami marquée par la mort de sa mère et l’arrivée d’une terrible marâtre, puis les années de militantisme trotskiste pour s’opposer à la dictature Baas ; celle d’Euphrate troublée par la gravité d’un père dur et taiseux, par la solitude de celui qui ne sait pas d’où il vient et voudrait faire de la « décalcomanie identitaire » pour être comme ses petits voisins maghrébins ou portugais d’Argenteuil.



Ce récit intime et introspectif se double d’une plongée sensible dans l’histoire de l’Irak, la vie de la famille exilée étant rythmée par les soubresauts chaotiques du pays : de 1958, chute de la monarchie hachémite avec le coup d’Etat du général Kassem, à 2003 chute de la dictature de Saddam Hussein qui entraine administration américaine et nouvelle guerre civile avec la montée de Daesh, en passant par l’Opération Tempête du désert en 1991 avec son embargo total. Feurat Alani fait voir, entendre, sentir le drame vécu par l’Irak, sans répit, avec une fluidité qui ne tombe jamais dans le didactisme asséné lourdement.



Son travail sur la mémoire et la transmission est fort et touche au coeur. Animé par l’urgence de sa quête identitaire, le fils finit par déterrer les secrets confisqués par son père et obtenir des réponses, jusqu’à une terrible révélation. La complexité de cette mémoire à retrouver est incarné par l’Euphrate, ce fleuve qui traverse l’Irak et donne son nom au fils / auteur : un fleuve tumultueux, fait de méandres, de profondeurs, de pièges mais aussi de rives protectrices et d’eaux claires.



Comme le montre ses dernières pages quasi philosophiques, Feurat Falani a conscience de l’éphémère de la condition humaine et de la nécessaire humilité à adopter face à la mémoire d’un homme et celle d’un pays. Les plus beaux passages du roman sont sans doute ceux qui réveillent de lumineuses sensations d’enfance par la réminiscence sensorielle d’une odeur, celle de la cardamone, ou d’une saveur, celle de la glace à l’abricot que l’enfant de neuf ans découvre avec émerveillement lors de son premier voyage en Irak, en 1989.



Lecture à compléter avec la lecture du roman graphique Parfum d'Irak ( couronné du Prix Albert Londres 2019 ) et le visionnage de la webserie qui ont précédé le roman, les deux sont remarquables : https://www.youtube.com/watch?v=sfxcOGkpGag



Lu dans le cadre du Coup de coeur des lectrices Version femina, mars 2023













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Le parfum d'Irak

Triste réalité d'un pays, d'abord miné par les Anglais, sous soi-disant leur protectorat, puis les divers régimes corrompus, les guerres et enfin par le dernier coup de massue donné par les Américains qui y prétexteront le monstre qu'ils ont mis au pouvoir de leur propre main.

Triste réalité vu par un journaliste franco-irakien né et vivant en France, visitant son pays et sa famille, une première fois en 1989, il a 9 ans. Il y retourne en 1990, puis en 2003, 2004, 2005, 2006....et presque chaque fois le pays est en guerre.

Triste réalité raconté dans un format spéciale, magnifique: 1000 tweets accompagnés de superbes images graphiques de Léonard Cohen et des "footnotes" en marge, courts et concis. L'ensemble, un témoignage exceptionnel d'un pays au bord du gouffre dont le Monde s'en fiche éperdument. Alors que chaque jour une centaine d'iraquiens meurent suite à des attaques , on en parle uniquement si deux ou trois occidentaux y sont tués , sinon rien, comme s'il n'existait pas.



Le 13 février 1991, 408 civils femmes et enfants réfugiés dans l'abri d'Amiriya, ont péri à l'intérieur carbonisés par deux missiles Tomahawks ( attaque américaine).



En 1991, 1360 civils sont tués sur un marché par une bombe britannique.



En 96, Madeleine Allbright, ambassadeur américaine à l'ONU, dira sans honte que la mort de 500000 enfants irakiens valait le coup......



Une liste longue et terrible.... , aujourd'hui une guerre sans front,sans nom et sans foi.

Tout ce gâchis, pourquoi, dans quel but ???



Pourtant l'Irak est un pays, où on y vit aussi.

La poésie aprés le foot, est le sport national. On s'y accroche pour survivre.

Le courant en moyenne, il y en a 3 heures par jour, le reste du temps il faut employer un générateur, un business florissant.

Le rapt, des irakiens sont enlevés chaque jour pour des sommes dérisoires, un autre business florissant,......





Un livre poignant, exceptionnel ! On ne peut mieux raconter l'histoire d'un pays si complexe, en morceaux, divisé, un terrain de guerre entre groupes armés soutenus par des puissances étrangères et où les américains ont fait plus de mal que de bien. Ils n'avaient rien à y faire !



Ne passez pas à côté, ce serait très dommage ! Regardez juste la couverture vous y succomberez !







Parfum abricot, parfum de Bagdad, parfum d'Irak.......
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Je me souviens de Falloujah

Avec Je me souviens de Falloujah, Feurat Alani m’a embarqué pour un passionnant voyage mémoriel, sans négliger pièges, douleurs, malheurs, souffrances et moments de douceur, tout cela au travers de la vie de Rami, son père.

Ce fameux père, le 2 août 2019, a justement perdu la mémoire. Il appelle son fils « camarade » et lui propose une clope alors que celui-ci n’a jamais fumé. Ce père amnésique se meurt d’un cancer du poumon dans cette chambre 219 où l’auteur me ramène régulièrement. C’est là que cet homme avoue enfin à son fils : « - Je me souviens de Falloujah. » et que la quête de ce fils commence.

Petit à petit, la vie de Rami Ahmed ressurgit grâce aux recherches de son fils, à ses rencontres mais aussi grâce aux souvenirs éclairs de ce père qui a vécu et subi de terribles souffrances. En Irak d’où il a fui en 1972, il a laissé un passé riche de luttes, de brimades, de tortures pour le gosse qu’il fut, à Falloujah, au bord de l’Euphrate puis à Bagdad. C’est d’ailleurs en souvenir de ce fleuve, qu’il a appelé son fils Euphrate.

Dans ce premier roman parfaitement maîtrisé, Feurat Alani passe d’une époque à l’autre, revient en 2019, repart en 1952 en Irak, saute en 1988 à Paris, revient en 1953 puis en 1989…

Grand reporter, auteur de plusieurs documentaires, Feurat Alani a reçu le Prix Albert Londres en 2019 pour son livre Le Parfum d’Irak (éditions Nova). S’il romance dans Je me souviens de Falloujah, il prouve sa parfaite connaissance du pays d’origine de ses parents.

Au travers du passé de son père devenu amnésique, il me permet de bien ressentir ce qu’ont vécu les Irakiens depuis le renversement de la monarchie par le général Qassem, en 1958. L’embellie apportée par la révolution dure peu. On espionne, on dénonce, on arrête, on torture, on exécute, tout cela sur fond de vengeances, de règlements de compte, ce que Rami et son grand ami, Hatem ont vécu au quotidien.

Le jeune Rami a beaucoup souffert de la mort de sa mère, Mouhja, alors qu’il n’avait que huit ans car son père s’est remarié avec Samiya dès que l’année de deuil réglementaire a été écoulée. Cette veuve, mère de trois enfants, était hautaine, sévère. Elle ignorait Rami et ne favorisait que ses propres gosses. Ce bouleversement dans la vie familiale de Rami aura des conséquences gravissimes tout au long de sa vie.

Une valise jamais ouverte, plusieurs voyages en Irak, à Bagdad mais aussi à Falloujah permettent à l’auteur de rassembler petit à petit les pièces d’un puzzle d’où émerge un impressionnant amour filial qui m’a ému de plus en plus au fil de ma lecture.

Dans Je me souviens de Falloujah, Feurat Alani, prouve une fois de plus qu’un roman peut apprendre davantage sur l’histoire d’un pays que le plus sérieux des documentaires. Surtout, en faisant appel à l’émotion, en distillant des instantanés de la vie d’un homme qui s’est battu pour un idéal, l’auteur donne envie d’en savoir plus.

Après la tragique expérience du parti Baas menée à son apogée par la dictature de Saddam Hussein, l’Irak est toujours un pays déchiré par les factions qui n’hésitent pas à éliminer ceux qui sont susceptibles de gêner. De plus, les interventions coloniales et militaires de la Grande-Bretagne et des États-Unis ont laissé des traces. Je n’oublie pas les Kurdes et les exactions menées par les djihadistes.

Enfin, je tiens à remercier très sincèrement Babelio et les éditions JC Lattès pour cette lecture qui m’a emmené sur les rives de l’Euphrate, un fleuve dans lequel les jeunes aiment plonger pour enfouir des pastèques dans la vase, au frais.

J’ajoute un clin d’œil personnel à Feurat Alani pour ses références à l’Ardèche, département qu’il semble apprécier particulièrement, comme la Normandie d’ailleurs. Depuis la rive droite du Rhône, mon fleuve référence, pourquoi ne pas espérer qu’entre Tigre et Euphrate, berceau des civilisations, là où l’écriture est née, revienne un jour cette sagesse dont notre monde actuel semble manquer de plus en plus…


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Je me souviens de Falloujah

Alors que Rami est hospitalisé pour un cancer en phase terminale, son fils Euphrate se rend compte que ce dernier a de lourdes pertes de mémoire. Irakien exilé depuis les années 1970, Rami ne se souvient pas de sa vie en France. En revanche, il se souvient de Falloujah et de sa vie en Irak. Pour Euphrate, c'est l'occasion de connaître enfin le passé que son père a toujours tu, de découvrir l'enfant qu'il était, celui qui a côtoyé la mort bien trop tôt, aussi bien que le révolutionnaire qu'il est devenu peu après. En échange, Euphrate lui raconte sa propre enfance, reconstitue la vie "à la française" de son père à travers ses propres souvenirs.



Au fil des chapitres, Euphrate, notre narrateur, nous raconte son père sur trois périodes bien distinctes : l'une qui débute à la fin des années 1950 à Falloujah, qui correspond à l'enfance de Rami jusqu'à ses choix de jeune adulte et qui aboutiront à son exil en France ; la seconde qui débute dans les années 1980, avec l'enfance d'Euphrate en région parisienne ; la dernière en 2019, au moment présent, correspondant à l'hospitalisation de Rami.



Échange de bons procédés, le père et le fils se livrent comme jamais ils ne l'avaient fait auparavant. Dans cet homme secret et taiseux, Euphrate refait connaissance avec son père. Il découvre un enfant de huit ans malheureux qui peine à trouver sa place au sein d'une famille qui le rejette, puis plus tard un jeune homme aux idées politiques à cause desquelles il goûtera à l'enfermement et à la torture avant de connaître l'exil.



Et à travers l'histoire de Rami, c'est la grande Histoire qui nous est contée, celle de l'Irak sur près d'un demi-siècle : la guerre contre l'Iran, l'invasion du Koweït, Abdel Karim Kassem, Saddam Hussein, la dictature, les arrestations, l'intervention des États-Unis, etc. Feurat Alani, en nous parlant du parcours de Rami, nous parle en fait de son pays d'origine, dont on en ressent l'attachement tout au long de notre lecture. Il remet les événements à leur place et dans leur contexte. On imagine sans peine Falloujah, sa rivière à qui Euphrate doit son prénom, les gamins qui y plongent avec leurs pastèques, son pont, les dattiers dans les jardins et qui bordent les routes... Et puis on découvre l'envers du décor : un pays fragilisé par les guerres, les coups d'État et la dictature. L'ambiance est donnée, à la fois envoûtante et inquiétante.



Mais "Je me souviens de Falloujah" n'est pas uniquement un livre qui parle de l'Irak. C'est aussi une histoire familiale, avec ses drames et ses bons moments. Il y est question d'amour, d'un fils à sa mère défunte, d'un fils à son père condamné. Il y est question de relations humaines, familiales essentiellement mais aussi d'amitié. Il y est question de résilience, d'affirmation de soi et de ses propres idées, de combats contre l'adversité, de recherche sur ses origines, des conséquences que le passé familial peut avoir sur les générations futures.



"Je me souviens de Falloujah", ce sont 288 pages très intenses, tant dans les événements qui touchent les personnages que les personnages eux-mêmes. Feurat Alani use d'une plume riche en émotions diverses, des plus belles aux plus terribles. Très peu d'éléments le concernant sont donnés sur le Net, pourtant on ressent tout au long de notre lecture que c'est une partie de lui-même et de son histoire qu'il nous livre. D'ailleurs Euphrate est né en France en 1980 de parents irakiens, exactement comme l'auteur lui-même. Il y a donc une dimension toute personnelle dans ce roman, clairement manifeste, ce qui le rend d'autant plus réaliste, percutant et touchant.



On s'attache assez rapidement à Rami et à son fils. Leur relation, souvent complexe, quelquefois distante, ne manque pourtant jamais d'amour l'un envers l'autre. Leur histoire familiale est aussi prenante qu'elle peut être douloureuse. Là encore, bien que je ne sache rien de la relation que l'auteur entretient ou a pu entretenir avec son propre père, on a pourtant l'impression qu'il ne fait qu'un avec le narrateur. C'est beau, attendrissant, émouvant.



"Je me souviens de Falloujah", c'est l'hommage d'un homme à son pays d'origine et de cœur autant qu'une déclaration d'amour d'un fils à son père. C'est ainsi que je le ressens en tout cas... Rien dans la quatrième de couverture ne l'indique pourtant, mais je me pose encore la question de savoir si je n'étais pas en fait dans une auto-fiction ?



Reçu et lu dans le cadre d'une masse critique privilégiée, je remercie Nathan de Babelio pour la sélection, ainsi que les éditions J.C. Lattès pour l'envoi de cet ouvrage. Bravo à Feurat Alani pour ce premier roman très réussi !

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Je me souviens de Falloujah

2019

Hospitalisé pour un cancer à 75 ans, Rami voit sa mémoire s'effacer.

Ses seuls souvenirs se rattachent à sa jeunesse passée en Irak qu'il a quittée pour la France en 1972, pour fuir la dictature de Saddam Hussein.

Il habitait la ville de Fallujah située le long de l'Euphrate.

Ce fleuve jouait un rôle très important pour lui car les gamins se rassemblaient sur le pont vert qu'on peut voir sur le bandeau de la couverture. Ils se lançaient le défi de plonger du pont pour aller enterrer une pastèque dans la vase.

S'ils réussissaient, ils devenaient des hommes et amis pour la vie. "Pastèque" qui est représentée en tout petit sur la couverture du livre au-dessus du nom de l'éditeur .

L'Euphrate, tellement important dans les souvenirs de Rami qu'il a appelé son fils Euphrate.

Ce même fils est bien décidé à percer le secret de son père qui ne racontait jamais rien sur sa vie en Irak.

Ce ne sera pas difficile car la seule mémoire qui reste à Rami, c'est celle de ses souvenirs anciens.

Le roman est magnifique avec des passages teintés d'humour, avec de l'empathie pour les petits boulots que le père enchaînait à gauche à droite, avec de la gêne aussi d'avoir des parents avec un accent étranger dont les Français se moquaient.

L'auteur est né de parents irakiens. Même si le récit est imaginé, on devine qu'il est marqué par des faits réels.

Reporter de guerre, il est bien placé pour nous retracer les évènements en Irak depuis la dictature de Saddam Hussein et les évènements dramatiques qui ont suivi bien des années plus tard.



Je remercie Nathan de Babelio pour m'avoir permis de participer à une Masse Critique privilégiée et les éditions Jean-Claude Lattès pour l'envoi de cette lecture qui nous permet d'ouvrir une fenêtre sur une autre réalité que la nôtre.

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Je me souviens de Falloujah

Lorsqu’Euphrate constate que son père commence à perdre ses repères, s’impose à lui comme une urgence de mettre des mots sur les mystères de son passé, sur les non-dits de sa vie familiale. D’autant que parmi les affaires de son père, il a trouvé des papiers qui ouvrent le champ des possibles sur l’identité même du vieil homme. Qui était réellement Rami ? Quels sont les motifs de son exil ? C’est cette quête qui guide le récit, au gré de la mémoire fantasque de Rami.



Le roman retrace l’histoire tourmentée de l’Irak, depuis la révolution de 1958 jusqu’à nos jours. Un pays traversé par la guerre, civile ou fomentée par les états occidentaux avec en filigrane les possibles marchés autour du pétrole. Et derrière les décisions politiques, des êtres impliqués malgré eux, des ruines toujours plus nombreuses, des trahisons et des malheurs. Au sein de la famille même de Rami, il est difficile de différencier ami ou ennemi.

Pour Euphrate, qui découvre le pays de ces ancêtres quand il est ado, bien des illusions se perdent.





L’intérêt pédagogique est indiscutable, pour mieux connaître l’histoire de ce petit pays martyr. Le roman apporte la touche affective qui renforce l’adhésion au propos.



La construction est par contre un peu complexe. On ne sait pas ce qui ressort de la mémoire altérée du père ou d’un récit inclus dans le roman. Le fil conducteur de l’amnésie n’st pas utilisé jusqu’au bout.



Il en reste cependant un roman très intéressant.



288 pages Lattès 1 mars 2023


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Je me souviens de Falloujah

Je l'avoue humblement : si je n'avais pas été sollicitée par Masse Critique, je ne me serais pas dirigée naturellement vers « Je me souviens de Falloujah » de Feurat Alani. C'est tout l'intérêt de ces propositions pour vous faire sortir ces sentiers balisés de lecture que nous connaissons tous.

Et cela aurait été dommage, parce que j'ai été très attentive à cette lecture.



De quoi s'agit-il ? D'abord faut-il dire qu'il s'agit d'Irak.

L'Irak ? Pour moi c'était surtout : Saddam Hussein, la guerre du Golfe, et quelques clichés télévisuels légitimant une intervention américaine. Or on découvre avec les deux personnages principaux de ce récit, Euphrate le fils et Rami le père, toute la réalité d'un pays beaucoup plus riche que les deux ou trois idées que je m'en faisais.



Le récit débute lorsque Rami, installé en France depuis des années, est hospitalisé pour un cancer, et que son fils Euphrate (un très beau prénom dont on découvrira l'origine), qui va conduire le récit, se rend compte que son père commence à perdre la mémoire.

Commence alors une quête – et une course contre la montre – menée par Euphrate pour reconstituer la trame de vie de celui qui est né à Falloujah, et a fui en France pour des raisons politiques.



Feurat Alani va alterner les périodes de la vie de Rami par de nombreux allers et retours : on va découvrir Rami enfant, perdant sa mère très jeune, et subissant ensuite les foudres d'une belle-mère tyrannique qui lui préfère ses fils nés d'une première réunion, dans un combat fratricide qui va avoir des répercussions jusqu'au bout …



On verra ensuite Rami étudiant, puis (bien plus tard, à la fin du roman) on comprendra les raisons profondes de son exil en France.



On suivra aussi sa vie en France, marié puis père de famille, l'occasion pour Euphrate de livrer ses les premiers souvenirs d'enfance, s'efforçant par tous les moyens de faire oublier ses origines irakiennes inconnues des autres élèves à l'Ecole, et de faire oublier l'accent de ses parents et les expressions tronquées que son père peut avoir en français, comme lorsqu'il s'adresse à lui en le nommant « Ma fils ».



Falloujah ? Il m'a fallu regarder sur une carte pour mieux comprendre que l'on n'est pas à Bagdad, la capitale, mais pas très loin et pas très loin non plus de villes dont on parle beaucoup comme Erbil, Mossoul – des noms égrenés souvent par des grands reporters journalistiques - mais aussi de l'Iran, de la Syrie ou des autres pays du Moyen Orient voisins.



Et le voyage de retour, père et fils, dans un pays quasiment à l'abandon après la guerre, sera l'un des moments forts de ce récit … voyage abrégé presque immédiatement par un drame personnel vécu par Rami, voyant son meilleur ami retrouvé assassiné sous ses yeux.



Rami conservera sa vie durant un secret. Un secret que son fils à maintes reprises a tenté de lui faire dire, mais sans succès : le père ne voulant pas (ou ne pouvant pas ?) expliquer à son fils le contexte d'une enfance en Irak, avant la guerre du Golfe.



Car l'incompréhension entre père et fils est l'un des thèmes majeurs de ce récit, tout comme l'exil et ses conséquences psychologiques, faisant ainsi de « Je me souviens de Falloujah » beaucoup plus qu'un documentaire sur les heures sombres de l'histoire irakienne.



Sur le même thème (l'exil et les relations entre la deuxième génération et le pays de leurs parents) ce livre m'a fait penser à un tout autre pays (la Georgie) avec le livre de Kéthévane Davrichewy "Nous nous aimions" que je vous recommande aussi.



Tout enfant rêve de savoir comment étaient la vie de ses parents avant qu'il n'arrive. Mais quand ces questions forment un gouffre d'interrogations sans réponses, les conséquences psychologiques sont puissantes. Pour Euphrate ce sera un repli sur lui-même, faute de murs solides pour se construire.

La quête des souvenirs de son père, en une course contre la montre de la perte de mémoire qui le gagne, prend donc toute son importance pour celui qui a besoin de comprendre d'où il vient.



Un beau récit sensible donc, ponctué de points de repère sur un pays qui a beaucoup souffert, nous permettant de nous interroger sur notre vision occidentale très partielle de ce Moyen Orient qui est pourtant le berceau de notre civilisation : un rappel salutaire dans ces temps d'incertitude et de prolifération d'informations de tout ordre, et un bel hommage à la littérature qui permet de découvrir un récit à hauteur d'homme, celle dont on a grandement besoin en ce moment.

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Je me souviens de Falloujah

Le monde dont son père est originaire lui est totalement inconnu. Il a éprouvé le besoin urgent de faire parler ce père autrefois taiseux, de le comprendre, de l’écouter pour transmettre sa mémoire. Faire enfin la connaissance de celui qui durant toute son enfance s’est tu sur son passé. Il s’appelle Rami Ahmed, il est né en 1944 à Falloujah en Irak, il a quitté son pays en 1972. Rami, aujourd’hui, ne reconnait même plus son fils, il a perdu la mémoire.

En vingt ans, l’Irak, le pays des mille et une nuits, est devenu un immense champ de bataille et surtout, un immense champ de ruine. Feurat Alani remonte le fil de l’histoire de son pays à travers la famille d’Euphrate, le narrateur.

C’est une plume toute en émotion qui raconte la quête d’un homme à la recherche de ses racines. Les souvenirs du père alternent avec ceux du fils ; la chambre 219 où son père est hospitalisé, Bagdad sous les bombes américaines suite à l’envahissement du Koweït, l’embargo et la faim qui s’installe. L’enfance avec Hatem le petit gardien de buffles, l’ami de toujours, ils s’entraident dans l’espoir de changer leur destin. La mort de Moujah sa mère, la haine de sa belle-mère, Saad le demi-frère fourbe qui se délecte à faire souffrir les petits animaux. La prise du pouvoir par le parti Bass de Saddam Hussein, le début du règne de la terreur, des tortures, des exécutions. Les moqueries, les humiliations pour le fils. L’arrestation, la prison, l’exil pour le père. Le ciel de Bagdad qui s’illumine sous les tirs des missiles, Saddam arrêté, jugé et exécuté, l’occupation américaine. Un voyage en Irak, pour découvrit Falloujah la ville de son père et toute cette grande famille qu’il n’a jamais connue.



Une belle déclaration d’amour d’un fils à son père et à son pays. Un roman qui décrit parfaitement les souffrances d’un peuple qui sans cesse subit les dommages collatéraux d’une dictature aveugle et de guerres destructrices. Une profonde réflexion sur l’identité, sur le déracinement, la différence.

Merci aux Éditions J. C. Lattès et à Babelio pour l'envoi de ce roman



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Je me souviens de Falloujah

En août 2019, Euphrate constate que son père, Irakien réfugié politique, hospitalisé dans une clinique parisienne pour un cancer du poumon au stade quatre, cet homme qu'il aime, mais qu'il connaît mal, perd la mémoire. Il a oublié tout ce qui s'est passé depuis son arrivée en France, depuis l'exil. Est-ce l'occasion de faire parler ce taiseux de son passé dont Euphrate ne sait presque rien ? Est-ce une opportunité pour connaître les secrets de cet homme qui refuse de parler de sa vie en Irak parce que « C'est compliqué » comme il le prétend-chaque fois son fils l'interroge ? Mais là, dans cette chambre 219, quand Euphrate commence à le questionner, son père raconte certains de ses souvenirs d'enfance : « Je me souviens de Falloujah », dit-il… Les souvenirs du père attiseront ceux du fils et, si Rami raconte Falloujah, Euphrate, lui, raconte les pans de son enfance que son père a oubliés, le récit de l'un ricochant sur celui de l'autre.

***

Euphrate est né en France, en 1980, mais il porte avec lui le poids de l'exil de ses parents. le lecteur en est conscient dès le début du récit. L'Irak que nous visitons d'abord, c'est celui de l'enfance du père, Rami, rejeté par son odieuse belle-mère, harcelé par les trois fils de cette marâtre sans que son père ne réagisse. On le verra grandir tant bien que mal… Plus tard, le 14 juillet 1958, Rami et son ami Hatem se retrouveront à Bagdad, parmi une foule de manifestants, et participeront, presque par hasard, au coup d'État qui mettra fin au règne de Fayçal II. le parcours révolutionnaire des deux amis ne s'arrête pas là, et nous revivrons les événements qui font l'histoire de ce pays jusqu'à l'exil forcé de Rami. le récit du père entrecoupe celui du fils : souvenirs scolaires d'Euphrate, ses difficultés, le rejet, les moqueries, la bienveillance aussi parfois, les petits boulots de Rami pour assurer la survie de la famille, etc. Certains souvenirs racontés à hauteur d'enfant, sont bouleversants : les premières vacances d'Euphrate en Irak, la découverte de la famille maternelle qu'il aime sans la connaître, l'horrible belle-mère (belle-grand-mère ?) qui n'a pas désarmé… Et puis, en France, la honte… La honte à cause des petits boulots du père, de l'accent des parents, entre autres choses, et pire, la honte d'avoir eu honte des gens qu'on aime. Il faudra attendre 2009 pour que Rami et son fils se rendent ensemble en Irak, et même là, partageront-ils les mêmes souvenirs ? Peut-être qu'Euphrate, après ce voyage, aura à son tour quelque chose à cacher à son père.

***

Feurat/Euphrate s'interroge sur la mémoire et, partant, sur la vérité. Comment se sont vraiment déroulés les événements ? Que conserve-t-on de ce qu'on a vécu ? Que transforme-t-on ? Comment s'inscrit-on dans L Histoire ? Forcément, il s'interroge aussi sur l'exil, sur le vécu de la première génération, mais aussi sur les difficultés de la seconde à se trouver une place au présent sans renier le passé. Un beau et sensible roman de Feurat Alani.



Merci à Nathan de l'opération Masse critique et aux éditions JC Lattès pour ce roman touchant et universel.

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Le parfum d'Irak

Bookycooky : ce livre que tu m’as fortement conseillé est une véritable claque. Entre la bande dessinée et haïku. Autobiographie de Feurat Alani né à Paris en 1980 de parents irakiens. Son travail de correspondant l’amène, en autre, à Bagdad. Odeurs des aliments, bruits des bombes, les enfants privés d’école, l’absurdité de la guerre. Fort, émouvant, tendre, dessins et couleurs d’une grande force aussi. Indispensable, passionnant et inoubliable.
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Je me souviens de Falloujah

Août 2019 : Rami, le père d’Euphrate, est hospitalisé pour un cancer du poumon, stade 4. Euphrate réalise que son père ne le reconnaît plus, qu’il a perdu la mémoire, alors qu’il a encore tant de réponses à lui donner. Des morceaux de mémoire reviennent, Rami se souvient de Falloujah.

Été 1952 : Rami, huit ans, est réveillé par les cris des pleureuses. Sa mère vient de mourir. Il fuit la maison pour aller retrouver les autres garçons qui sautent du pont, une pastèque dans les mains. Un rite de passage qui renvoie à la mort de sa mère, il est un homme maintenant (enfin, si on veut).

Automne 1987 : Euphrate a sept ans. Dans une petite valise, il découvre une photo de son père, jeune homme en militaire, ainsi qu’une carte à un nom inconnu : Amir Mullah.



Les histoires de Rami et d’Euphrate se répondent, se rapprochent, s’éloignent. L’un a quitté l’Irak en 1972 pour fuir Saddam Hussein, l’autre est né en France, immigré pas comme les autres :

« L’Irak ? C’est quoi l’Irak ? C’est arabe, ça ? Tu pouvais pas être Marocain ou Algérien comme tout le monde ? » lui demande Kader, un camarade d’école.

Bien que le narrateur fasse des aller-retour entre les époques, le récit est fluide et je n’ai jamais été perdue.

Je me souviens de Falloujah nous parle des deux guerres du Golfe. Vu de France, ça ressemblait à des jeux vidéo, là-bas, les familles vivaient sous les bombes. Le livre aborde la difficulté d’être d’ici et d’ailleurs, les idéaux, l’effondrement d’un pays, la famille.



J’ai été happée dès le début et profondément émue par l’histoire de cette famille, partagée entre l’Irak et la France. Les réactions de Rami sont parfois imprévisibles, mais elles s’expliquent par son passé.


Lien : https://dequoilire.com/je-me..
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Je me souviens de Falloujah

Pourquoi écrire un roman ?

Feurat Alani est un journaliste spécialiste du Moyen-Orient, il est d’ailleurs né en Irak où se situe la majeure partie de ce livre.

Il existe une bonne réponse à cette question : les Français lisent des romans. Si on veut faire partager un sujet qui tient à cœur, il n’y a guère d’autre solution que d’en écrire un.

Et, effectivement, « Je me souviens de Falloujah » permet d’apprendre un certain nombre de choses sur l’Irak, de comprendre comment le Baas est arrivé au pouvoir, comment les adversaires de Saddam Hussein ont été réduits au silence, comment le pays a été étouffé par un Voldemort sans charisme mais dont il était interdit de prononcer le nom.

Mais il existe aussi une mauvaise raison d’écrire un roman, l’idée qu’un certain nombre de passages obligés doivent être empruntés pour fournir un objet conforme et romanesquement irréprochable. D’où :

- une mise en abyme : le lecteur doit avoir un double à l’intérieur de l’histoire, un candide qui découvre progressivement ce qu’il ignorait.

- une situation d’apprentissage : un héros digne de ce nom passe par plusieurs épreuves qu’il surmonte; et son statut d’élu doit être posé d’emblée dans une scène forte et si possible symbolique (genre fleuve = liquide amniotique) d’où le personnage, de falot et emprunté, se sort, devenu victorieux et transcendé.

- un secret de famille: dévoilé in extremis, il jette une lumière nouvelle sur le personnage principal dont l’apparente froideur n’était qu’une façon de masquer la douleur et l’intégrité.

- de la pâte humaine: le lecteur, peu familier de l’Irak, demeure en territoire connu grâce au couple père/fils qui lui rappelle opportunément que nous sommes bien tous pareils et que les problématiques familiales sont identiques sous toutes les latitudes.

Bref, littérairement parlant, ce livre n’a pas grand intérêt. Mais il donne envie d’en apprendre plus sur l’Irak et sa diaspora et de suivre son auteur dans ses récits et dans ses reportages, sans détour maladroit par la fiction. Un roman naît de l’impossibilité de dire les choses autrement, ce n’est ni une cerise on the cake ni un enjoliveur de jante.

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Le parfum d'Irak

Ce roman graphique a l'originalité d'être composé de 1 000 tweets de Feurat Alani, journaliste français, d'origine irakienne. Il nous raconte son premier séjour en Irak, la convivialité de sa famille, les odeurs de son enfance, la glace à l'abricot. Ces moments tendres et paisibles ne seront bientôt qu'un lointain souvenir. La guerre et l'embargo vont venir saccager tout un pays et bouleverser à jamais la vie de ses habitants. Les rires d'enfants ont disparu étouffés par les bruits assourdissants de la guerre, des bombardements, des hélicoptères américains qui parcourent inlassablement un ciel qui n'est pas le leur. Feurat Alani devient journaliste pour être la voix de son pays, une voix de l'intérieur dont les sons ne sont que le reflet de la réalité, sans artifice et sans mensonge. Chaque page est imprégnée de son amour pour son pays, de son envie de témoigner de son Irak, de cet Irak d'avant qui n'existera plus jamais à part dans ses souvenirs, pour faire vivre son parfum d'Irak à jamais par les mots.



Ce roman unique nous permet de mieux appréhender l'histoire de l'Irak, de mieux comprendre le déclin de ce pays ravagé où la misère et la pauvreté inondent les rues, où la mort peut frapper à tout moment. Ce témoignage intéressant et enrichissant est sublimé par l'esthétisme des illustrations de Léonard Cohen qui sont un vrai plaisir pour les yeux. J'ai particulièrement aimé les couleurs, le côté épuré et la modernité des illustrations qui rendent l'ensemble encore plus atypique. Je vous invite vraiment à découvrir ce roman graphique qui mériterait d'avoir beaucoup plus de lecteurs.



Le parfum d'Irak a été adapté en documentaire illustré pour Arte et le résultat est vraiment génial. Voici le lien qui, je l'espère, finira de vous convaincre de vous procurer ce livre :

https://www.youtube.com/watch?v=sfxcOGkpGag



Merci à Babelio et aux éditions Nova pour cette belle découverte dans le cadre d'une masse critique.

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Je me souviens de Falloujah

Ce 2 août 2019, dans la chambre 219 d’une clinique parisienne, Euphrate est subitement confronté à la perte de la mémoire de son père, Rami, hospitalisé pour un cancer du poumon bien installé. Les amnésies sont multiples, pouvant occulter les souvenirs lointains ou alors ceux bien plus récents. Certaines routes prises par la mémoire s’effacent et celle-ci se perd alors on ne sait où, dans des sinuosités devenues inaccessibles. Rami a perdu la route de son existence française pour revenir sur celle qu’il a quittée depuis tant d’années, abandonnée en Irak en 1972 juste avant ses trente ans.

De cette mémoire parcellaire, Euphrate veut enfin ouvrir les zones pleines de ténèbres que son père a toujours voulu taire, celles protégées par des portes hermétiques dont, enfant, et même devenu adulte, son père lui a refusé l’accès, arguant que c’était trop compliqué. Car pour Rami, l’échec ne doit pas être dit. Mais quel est cet échec ? En est-il réellement un ? Pour répondre à ces questions Euphrate doit connaître la vie de ce père, celle d’avant sa naissance, celle passée dans son pays d’origine. Curiosité ? Reconquête de la mémoire ? Nécessité de savoir d’où il vient ? Volonté de faire enfin connaissance avec la tranche de vie irakienne que ce père mutique lui a cachée sa vie durant ?



Des parts de révélations, telles des briques, vont composer le mur des souvenirs. Rami parle de sa jeunesse en Irak tandis qu’Euphrate lui remémore leur vie en France. L’enfance de Rami court dans le labyrinthe de la mémoire et celle d’Euphrate la rejoint, dans la banlieue parisienne.



Le regard confus, les pensées de Rami le ramènent en Irak. À huit ans, transpercé par les cris de pleureuses venues honorer la mémoire de Mouhja, sa mère, il saute dans l’Euphrate, le fleuve qui borde Falloujah. En effet, du pont vert, hérité des Britanniques, les jeunes défient le courant et plongent dans un rite initiatique de passage au statut d’homme. Ce premier plongeon, sans savoir nager, le fera se mesurer à la vie elle-même et il en gardera un si profond souvenir qu’il donnera le nom de ce fleuve à son fils. Peu de temps après, avec l’arrivée d’une belle-mère, une abominable marâtre, il découvrira la méchanceté, les brimades, l’humiliation et la haine.



En fil rouge, l’histoire de l’Irak défile, saccagé, traversé par ses guerres, ses affrontements politiques, son embargo, sa dictature, son occupation. Le pays où il faut murmurer par peur de la délation. Les mets irakiens s’achevant sur un thé à la cardamome accompagné de pâtisseries gorgées de sucre, de dattes ou de fruits secs ne font pas oublier toutes les meurtrissures.

Malgré tout, l’exilé a le mal du pays, assourdi dans la musique irakienne écoutée dans un Walkman et noyé dans l’ivresse.



À mesure qu’Euphrate grandit, son statut d’enfant d’immigrés le dérange. Le pays inconnu est pourtant présent dans son identité «Toute ma vie, cette identité flottante, inclassable, a été un partenaire, silencieux, encombrant.»



Des ruelles de Falloujah aux cafés de Bagdad, du parvis de Notre Dame aux HLM de banlieue, de passé en présent, on ne peut que compatir aux douleurs des parcours chaotiques de ces réfugiés pour qui l’exil restera un échec quoi qu’il arrive. Feurat Alani rend ici un vibrant hommage au père déraciné, à ses blessures pudiquement cachées. C’est aussi le besoin de saisir les dernières révélations de ce père dans un contexte d’urgence en raison de son état de santé. C’est bel et bien une quête de vérité, de réponses à cette question « pourquoi s’être exilé ? » Est-ce que le poids de l’engagement politique a pu suffire à motiver cette fuite ?

À la fois premier et ultime échange intime entre père et fils, le sujet de ce roman est touchant et attendrissant, il développe la motivation de l’exil et non pas son organisation. C’est ce qui fait sa singularité vis-à-vis d’autres lectures dans lesquelles l’accent est mis sur l’exil en lui-même et ses embûches.

Je remercie sincèrement les éditions JCLattès et Masse Critique pour ce livre captivant, qui génère de multiples émotions.

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Je me souviens de Falloujah

Je suis déçu par ce roman (autobiographique) que j'aurai de toute façon acheté, si je ne l'avais pas reçu en Masse Critique privilégiée.

Ça mérite pour le moins une explication.

Fleuras Alani, né en France de parents irakiens, a été lauréat du prix Albert-Londres en 2019.

Il y a bien peu de romans en français sur l'Irak (pensée émue pour "Que sur toi se lamente le tigre") et donc, pour tout dire, je m'en léchais les babines.

Feurat Alani choisit comme principe narratif l'alternance des souvenirs d'enfance et d'adolescence chez un père amnésique et son fils. Ils se racontent l'un à l'autre ce dont ils se souviennent, ce qui les a émotionnellement marqués. Ce père taiseux (Rami) va bientôt mourir. Il est né à Falloujah en 1943 et son fils (Euphrate!) en 1980 en banlieue parisienne.

Cette conversation croisée, ou plutôt ce double monologue, a pour fonction de retisser des connections mnésiques et d'avoir ainsi accès aux secrets de Rami qui a vécu la révolution irakienne, l'engagement (on ne dira pas pour qui...) et l'ascension du partie Bass et de Saddam.

Rami répète: "C'est trop compliqué" ( le cancer métastatique a touché le cerveau) puis se livre avec une étonnante vivacité.

Euphrate raconte les retours au pays ( Bagdad après l'intervention américaine, jungle urbaine éventrée...), les scènes d'humiliation à Paris (sa mère victime du racisme ordinaire dans un magasin de jeux vidéos...), ses efforts d'intégration etc...

On aimerait pouvoir dire qu'il va y avoir là un beau portrait d'amour filial, de pardon et de rédemption. Mais ce n'est pas ce que j'ai ressenti.

L'occasion était belle, comme on le lit souvent dans les romans, de restauration de la transmission ou alors du constat de son impossibilité, au seuil de la mort. Mais non, nada, il ne se passe pas grand chose dans le déploiement de cette relation.

C'est là où, pour moi, le livre pèche. Et c'est trop dommage. Quelque chose semble définitivement asséché entre ce père et ce fils. Et la révélation du fameux secret est un (gros) pétard mouillé.

Mais pour le reste, c'est à dire, l'évolution de Falloujah et de Bagdad ( de leur évolution sociétale entre 1953 et 2009) , on apprend pas mal de choses, on retrouve des ambiances, des parfums et des saveurs de datte, de pistache et de rose, on palabre dans les souks et les cafés, on redoute l'explosion, l'anéantissement inévitable.

Le sable, bien sur, emportera tout sur son passage.

Drôle de livre (enfin pas si drôle, vous m'avez compris) que l'on sent écrit par un journaliste en train de devenir un auteur, dans une sorte d'adolescence littéraire en fait, encore encerclé par tous les fantômes du désert, dans les ruines de son enfance.

Un grand merci à Babelio et aux éditions JCLattés.



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Je me souviens de Falloujah

Ignorant tout ou presque du calvaire vécu par les Irakiens, j'ai pris conscience de l'envers du décor de la guerre d'Irak : les frappes sur Bagdad ont aussi anéanti des familles à l'intérieur même de cette ville meurtrie bien sûr, mais aussi par l'intermédiaire de reportages pour celles qui avaient déjà quitté le pays et qui ont vécu l'enfer par correspondance.

Euphrate, lui, affronte l'histoire des siens au pire moment de sa vie : alors qu'il accompagne son père dans la phase finale de son cancer provoquant une amnésie.

Une fois encore, la lecture permet d'accéder à l'indicible et à l'invisible, ici incarné par un vendeur de cartes postales faisant partie des décors touristiques parisiens.

J'ai été émue par ce fils qui tâche d'accéder à ce père emmuré dans sa douleur avant qu'il ne soit trop tard.
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Je me souviens de Falloujah

Journaliste franco syrien , Feurat Alani dresse un portrait historique de l’Irak depuis plusieurs dizaines d’années

De la fin des années 1950, avec la chute de la monarchie , jusqu’en 2020 , c’est le récit d’une déliquescence

Qui se souvient de la Mésopotamie .Qui sait encore que l’Irak fut le berceau de grandes civilisations , un cité fastueuse et savante, un des grands centres du monde musulman , un pays riche (au sens occidental) il y a seulement quelques dizaines d’années

Feurat Alani remet son pays d’origine dans son contexte historique alors qu’il reste chez beaucoup qu’une vision de pays en guerre , quasiment dévasté et sans grand intérêt désormais pour un Occidental

Son livre est aussi une histoire père fils très riche .

Celle d’un père qui se meurt et celle d’un fils (Feurat Alani lui-même ?) qui est confortablement installé et qui culpabilise de regarder son pays d’origine de loin sans vraiment prendre de risques

Une auto fiction qui pose le problème de la double nationalité et du sentiment de culpabilité quand on est du bon côté de la barrière.Un livre qui remet aussi l’  Irak à sa place dans l’Histoire de l’ humanité

En moins de 300 pages, très bien écrites, faciles à lire, Feurat Alani nous parle de l’histoire récente ( guerre Iran Irak, invasion du Koweït , grandeur et décadence de Saddam Hussein, déclin économique et politique) mais aussi d’une relation très forte entre le père amnésique et mourant et le fils , tourmenté , qui cherche à trouver un sens à son histoire familiale pour exorciser sa culpabilité de privilégié

Il a l’intelligence de reconnaître que son histoire n’est pas seulement une histoire irakienne mais qu’elle est universelle et aurait pu être la même dans bien des pays qui ont, eux aussi, connu des des destins tragiques

Passionnant de bout en bout.

Un livre très riche, très dense, très au dessus des lectures habituelles y compris de certains prix littéraires récents



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Falloujah : Ma campagne perdue

C'est le roman graphique Falloujah. Ma campagne perdue" qui inaugure l 'excellente collection "Témoins du monde", co-éditée par les éditions Les Escales et Steinkis, dont le directeur Michel Welterlin l'a souhaité comme "la rencontre entre le témoignage et le dessin permettant de saisir la réalité présente ou passée et se poser en témoin de leur temps et du monde."



Le grand reporter franco irakin Feurat Alani, courronné du très prestigieux prix Albert-Londres en 2019, nous raconte avec ce très beau roman graphique co réalisé avec l'illustrateur de presse Halim,comment il est parti en 2004 à Irak dans sa ville natale de Falloujah.



Alors que la ville sous occupation américaine est interdite aux journalistes , Feurat Alani va réussir à y entrer de façon clandestine, juste après les bombardements qui ont détruit totalement la ville.

Feurat Alani va aussi prendre conscience du scandale de l'utilisation sur les civils d'armes à base de phosphore blanc qui va entrainer des anomalies génétiques sur les habitants ..



Comment cette ville jadis si solaire et lumineuse a pu devenir une ville de zombie, dont les catastrophes sur les riverains sont finalement assez proches de celles d'Hiroshima?



Mêlant très adroitement passé et présent, souvenirs d'enfance d'une ville insouciante et humaine et présent d'une ville rendue au mains de l'Etat Islamique et porté par les très beaux dessins bichrome en noir et blancs de l'excellent Halim, FALLOUJAH MA CAMPAGNE PERDUE rend un très bel hommage aux habitants de Falloujah et montre aussi l'importance de ce métier de reporter de guerre, si dangeureuse et si indispensable à la fois..






Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Je me souviens de Falloujah

Lorsqu’ Euphrate se rend au chevet de son père, il est déjà presque trop tard. Le vieil homme souffre d’un cancer du poumon stade 4, de plus il est atteint d’amnésie et ne le reconnaît pas.

« Le cancer et l’amnésie luttaient à l’envi ».

Pourtant Euphrate a tant de questions et tellement besoin d’attraper ce fil ténu lorsque son père lui dit : « Je me souviens de Falloujah ».

Les histoires de Rami et d’Euphrate se répondent, se rapprochent, s’éloignent. L’un a quitté l’Irak en 1972 pour fuir Saddam Hussein, l’autre est né en France

Malgré les changements de lieux et de temporalité, le récit est fluide et je n’ai jamais été perdue.

Je me souviens de Falloujah nous parle des deux guerres du Golfe. Vu de France, c’était si loin, presqu’irréel, là-bas, les familles vivaient sous les bombes. Le livre aborde la difficulté d’être d’ici et d’ailleurs, les idéaux, l’effondrement d’un pays, la famille.

J’ai été happée dès le début et profondément émue par l’histoire de cette famille, partagée entre l’Irak et la France.

Je remercie NetGalley et les Editions JCLattès.

#JemesouviensdeFalloujah #NetGalleyFrance





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Je me souviens de Falloujah

Rami, un homme hanté par son passé, se débat avec une amnésie sélective qui laisse des lacunes béantes dans sa mémoire. Il se souvient de son Irak natal... mais son exil en France reste une énigme.



Dans ce tumulte mental, surgit Euphrate, ce fils déterminé à dénouer les fils du passé, à rassembler les morceaux perdus de leur histoire familiale. Ensemble, père et fils entreprennent un voyage dans les méandres de la mémoire, une quête de souvenirs qui les mènera des rues animées de l'Irak aux rives de la France. Son fils va l'aider à se souvenir et à remonter son histoire, à remonter l'Histoire.



"C'est une valise que tu ne vois pas. Elle est invisible, mais elle est là. Au cours de ton existence, cette valise va se remplir de rencontres, d'objets, de souvenirs, d'expériences [...]. Sache qu'on ne naît pas. On devient."



Dès le premier regard, la couverture du livre invite à plonger tête baissée dans des flots de souvenirs. Le roman m'a tout de suite attiré. Et ce prénom, "Euphrate", résonne tel un symbole, une passerelle entre deux mondes, deux cultures, un témoignage vibrant de l'attachement et des espoirs de Rami.



Mais ce récit n'est pas qu'une promenade paisible. Non, c'est un tumulte d'émotions et de révélations. Rami a traversé des épreuves et il est toujours vivant. Il porte encore les cicatrices invisibles de la violence, de la torture, de la guerre, de la misère. Pourtant, au milieu de ce chaos, surgissent des éclats de bonheur démontrant la force des souvenirs, des liens humains, de l'espoir et du pardon.



"Ne te contente pas de ce qu'on te dit d'être. Essaie de faire ce que tu ne sais pas faire."



Au fil des pages, nous sommes transportés dans un monde où les frontières entre passé et présent s'estompent, où la vérité se dévoile. À travers les voix de Rami et d'Euphrate, nous découvrons un récit bouleversant de courage, de résilience et d'amour filial.



"La mémoire est un art choisi, un canevas blanc sur lequel on fait courir des pinceaux de couleurs, pour un résultat bien loin de la représentation exacte de la réalité...".
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