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Citations de Frédéric Boyer (114)


Toute amitié, pour chaque homme, est comme un événement qui l'agrandit, qui le rend plus grand que lui-même, responsable de plus que lui-même en quelque sorte, de plus d'événements encore, de plus d'humanité, de plus d'histoire en somme, de plus de temps. Et si l'amitié peut aller au-delà de la mort, au-delà de la fin d'une personne vivante, elle ne peut pas se recommencer. Et si un ami ne remplace pas un autre ami mort, comment imaginer qu'un nouvel ami puisse remplacer un ami trahi? Parce qu'un ami trahi c'est un peu un ami mort et vivant à la fois. C'est vraiment l'ami unique, l'ami revenant, l'ami fantôme pour toujours. L'ami qui est comme le secret de toute culpabilité.
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oh petite reine dans le trou
vA
oh petite sœur voyageuse maculée de boue
vA
je ne sais rien de cette aventure-là
moi survivant devenu
dans combat perdu
toi blottie dans cet immense destin-là
notre devenue
d'un coup ma
vie
seule déracinée
à noircir la lumière que Dieu fait
car tu es et je ne suis pas
tu es où je ne sais pas
es-tu là où tu n'es pas quand je dis tu es
tu es où je ne te suis pas quand tu n'es plus
tout renaît disaient les Anciens tout recommence
les feuilles le jour et les abeilles
la nuit aussi
et toi non
peut-être pas immortelle
(...)
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(...) elle me disait qu'aimer quelqu'un était la chose la plus difficile au monde. Il fallait être capable de le laisser entièrement libre et on ne le pouvait jamais.
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Quand tu as admis ton père, disait Suzanne, quand tu es enfin capable de le voir tel qu'il est, tel qu'il a été modelé par sa propre vie, par le siècle, tu ne voudrais plus que ça s'arrête. Tu comprends que rien ni personne ne peut vraiment te séparer de ton père. Tu deviens un peu ton propre père. Tu te débrouilles comme lui pour ne dire ni trop de bien ni trop de mal du monde autour de toi. A ce moment-là, ton père te révèle ce que jamais après lui tu n'apprendras d'un autre être vivant : le très modeste chemin de l'homme vers la mort, vers sa disparition. Cela se passe de mots. Ton père retrouve sa taille humaine, rassurante et émouvante, en même temps qu'il te montre comment la vie se donne et comment elle se reprend. Ce n'est plus qu'un petit bonhomme de père, mal nourri, vacillant sur cette limite où chacun est amené à reconnaître qu'il ne peut pas vivre seul.
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Suzanne disait qu'une vie d'adulte, ce n'était parfois rien d'autre que tous les mensonges dont on recouvrait avec une féroce patience l'illumination de l'adolescence. Une sorte de deuil intarissable qui tombait sur l'incrédulité qui avait mis fin à la jeunesse. Avec le sentiment terrible de retrouver enfin le scepticisme de notre père, celui qu'il opposait silencieusement, de façon détournée, à nos désirs de justice et de bien. Nous ne voulions pas le comprendre alors. On ne savait pas qu'il nous attendait, là-bas, depuis sa douleur de père, avec la certitude désolante de ceux qui souffrent d'avoir raison et voudraient tant avoir tort par amour. Il devait se dire que nous connaîtrions ça, à notre tour, que nous n'échapperions pas à ce moment de vertige quand la vérité nous rattrape sous les traits compassés de notre père, par un rebondissement cruel. Peut-être serait-il mort... et malgré tout, il aurait sa victoire.
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Elle (...) me disait que ce qui porte les hommes à violer une femme est une chose vivante, ignoble, qu'on leur a inculquée depuis des siècles. Une forme de vanité malheureuse. Il y a toujours, même chez l'homme le plus raffiné, ou chez l'homme le plus faible, un instant où il cède à la pulsion de sa violence, à la haine du désir de l'autre, de la femme. Ils en sont après eux-mêmes écœurés, parfois horrifiés. Ils demandent vaguement: "Est-ce que tu m'aimes?" Comme pour renouer avec le vide d'une communication amoureuse ordinaire. Même ceux qui ne passent pas à l'acte vivent avec la honte de ce possible-là, tout au fond d'eux, dans l'obscurité douce de leur plaisir d'homme.
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à présent oui tu es cet esprit

crieurs criez

elle est morte

certains soirs vous pourrez la voir
à la recherche des choses qui ne sont pas

j'essaie de faire un vœu moi
qui ne suis qu'humanité

comme le bourdon et
la minuscule abeille

dissoudre les gouffres de l'horreur

faire revenir pour toi les martinets de Rome

et les roses
et tes miroirs

oh à présent oui je sais
rien ni personne ne vit longtemps
que la terre et le ciel
pour quelques temps

mais tout de même humanité demeure là

oh demeure

je t'en supplie
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Car j’observe que ce sont toujours les pauvres, les plus pauvres d’entre nous, les plus malheureux, les plus faibles du monde, que nous repoussons, et sur le dos de qui nous bricolons et recollons nos déchets de morale, et sur le dos de qui nous faisons porter le fardeau de notre identité malheureuse.
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Peut-on oublier ce qu’on cherche depuis toujours dans jamais le trouver ? Oublier ce qui n’a jamais été un souvenir pour nous et qui pourtant nous appelle comme une présence inconnue depuis le passé .
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tout renaît disaient les Anciens tout recommence

les feuilles le jour les abeilles

la nuit aussi

et toi non

peut-être pas immortelle
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On ne bâtit pas une civilisation sur le thème hallucinatoire de l'invasion et du remplacement. On ne fonde pas une communauté sur la suspicion d'autrui.
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Si on savait quelque chose de ce qu'on va vivre, avant de le vivre, je crois qu'on en perdrait la vie. J'ai pourtant comme vous tous mes amis, toujours tenté de savoir ce que je vivrais, ce qui allait se passer pour moi. Sans me douter que c'était la question la plus dangereuse. Ce que la vie nous réserve.
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Frédéric Boyer
Le langage, nous dit la Bible au commencement, est cette force de contemplation active du monde qui s'arrache de l'effroi du néant et de la solitude. L'humanité trouve sa place en parlant aux autres étants du monde. Parler, dit le texte saint, c'est prendre soin de chaque être silencieux qui attend le nom que nous lui donnerons pour être reconnu et appelé. Si l'humanité parle, c'est pour que le monde soit et commence, chaque jour, chaque nuit. Le monde autour de nous sollicite notre "reconnaissance". La Création n'a pas eu lieu une fois pour toutes selon un calendrier mythologique. La Création est devant nous comme une chose à réaliser, à reconnaître. C'est chaque fois que je parle. Chaque fois que je m'adresse à la solitude et au silence, je deviens plus humain. C'est aussi cela "peupler le monde" et se multiplier. Chaque véritable communauté est le commencement de la grande communauté de l'humanité avec le monde.
(Dans La Croix L'Hebdo no 63 1er janvier 2021)  
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En prison, on marche. On n'a même parfois que ça pour rendre à son corps un semblant de vie, de dignité.
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Parce que sans doute, comme l'assassin, l'enfance revient toujours sur les lieux de son crime.
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quand j’ai interrogé ma grand mère sur ses larmes, elle m’a répondu. Elles coulent pour laisser partir quelqu’un qui est dans mon cœur, qui est en moi depuis si longtemps.
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A cette époque, les histoires habitaient les villes et les villages, passaient de maisons en maisons, traversaient les coeurs des gens.
Devenaient vivantes, toujours en quête de nouveaux témoins.
C'est ainsi que bien après ces événements, des communautés dispersées ont entrepris de raconter tous ces signes et prodiges à propos de Jésus.
(...)
La parole est vivante. Elle agit, elle est exigeante, parfois plus mystérieuse et difficile que la vie elle-même, moins désespérante aussi.
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J’aurais depuis ce soir-là la conviction qu’une véritable attention à la sexualité, désirer ce fruit qui n’était plus si défendu, aliment parfois miraculeux, me tiendrait à jamais hors du sérieux pathétique de la plupart des vies, et serait sûrement le meilleur moyen d’échapper à l’ennui profond de l’existence.
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Ni inventaire
ni enseignement écrit

de l’acte sexuel
tout arrive
dans la passion

même en rêve
tu ne peux imaginer
les émotions
ni les fantasmes

qui surgissent
en un instant
d’érotisme
extrême

exactement
comme un cheval fou
qui s’emballe
aveuglé par sa vitesse

ne voit ni les trous
ni les fossés
ni les barrières

deux amants aveuglés
par leur passion
et le combat du sexe

prisonniers
de leurs violentes pulsions
ne voient plus les dangers
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Frédéric Boyer
Il faut beaucoup de patience et d'humilité pour goûter dans la vie présente et fugace, en dépit des souffrances et des drames qu'elle charrie, la saveur de l'instant, la profondeur de l'éphémère. Accepter que la joie envolée, la rencontre consommée, aient été finalement une participation au monde qui vient. Chaque heure qui passe réclame sa prière, lit-on dans un passage du Talmud. J'entends cela : chaque heure vécue est à honorer, comme un minuscule fragment de ce Royaume à venir. Dans chaque heure vécue passe la vie entière, celle que nous avons à vivre et celle que nous espérons.
(Dans La Croix L'Hebdo no 82 14 mai 2021)
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