AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Gabriel Martinez-Gros (17)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Brève histoire des Empires

Gabriel Martinez-Gros prend un parti osé : analyser l'histoire mondiale à travers les lunettes d'un postulat du Moyen Âge formulé par Ibn Khaldûn au XIVème siècle.



Que dit (en substance) Idn Khaldûn ? Pour former un empire, il faut d'abord un gros vivier de population sédentaire. Pour vivre de façon dense et sédentaire, ces populations doivent être automatiquement apaisées et désarmées (sans quoi elles se battraient tout le temps et ce serait contraire à la productivité).



Or, historiquement, la première zone répondant à ce critère fut la Mésopotamie, zone densément peuplée et entourée de zones largement moins productives. Deuxième élément déterminant dans la formation d'un empire selon notre chroniqueur du Moyen Âge, qu'une tribu avoisinante à la fois peu nombreuse, solidaire et guerrière se mette en tête de vouloir chiper le gros gâteau que constitue la zone dense et pacifiée.



Faites agir les deux composés et vous obtenez, une razzia éclair des seconds sur les premiers, victoire sans appel, puisque les productifs sont désarmés et les autres spécialistes de la violence.



Historiquement, on s'attend donc à ce qu'une peuplade périphérique se soit emparée du gros gâteau de la Mésopotamie, or, précisément, les Assyriens, originaires des montagnes de l'actuel Kurdistan, à la frontière turco-iraquienne, ont conquis très rapidement l'immense ventre populeux mésopotamien, constituant, par le fait, le premier empire de l'histoire de l'humanité.



Mais ce n'est pas tout. Ibn Khaldûn dit encore que sitôt que les ex-conquérants s'assimilent aux populations sédentaires qu'ils viennent de soumettre, ils deviennent à leur tour des sédentaires, se doivent de pacifier leurs propres rangs et perdent du même coup cette soif de conquêtes violentes qui les animait préalablement, ce qu'Ibn Khaldûn nomme la « 'asabiya ».



Selon lui, la dynastie qui a fait main basse sur le centre productif dure plus ou moins un siècle et se fait rapidement manger ensuite par une autre tribu périphérique à la 'asabiya virulente.



Si l'on considère le Croissant Fertile, premier grenier à blé de l'humanité, avec notamment ses vallée égyptienne du Nil et Mésopotamie, il sera successivement la proie de Assyriens (qui venaient du Nord), puis des Perses (qui venaient de l'Est), puis des Grecs (qui venaient de l'Ouest), puis des Romains (qui venaient encore plus de l'Ouest) et enfin des Arabes (qui eux venaient du Sud).



En ce qui concerne le Proche-Orient, on s'arrête là pour les empires car vers la fin du Moyen-Âge, il cesse d'être un grand centre de population productive sédentaire. Celui-ci se déplace d'une part vers le Nord-Ouest avec l'empire Ottoman et vers l'Est avec l'empire Moghol, le premier puisant sa subsistance des populations sédentaires d'Europe et le second des vallées fertiles hindoues.



L'auteur documente aussi abondamment la Chine qui se comporte de la même façon en respectant toujours le même schéma : lorsque la dynastie conquérante a assis son autorité sur le gros bassin de population et éradiqué la violence en ses rangs, elle est dans l'obligation de s'adjoindre l'aide de populations guerrières périphériques pour maintenir ses frontières, jusqu'au jour où, ces populations guerrières périphériques décident de combattre en leur nom propre et de renverser l'empire en place.



(À l'exception notable de la toute dernière dynastie impériale chinoise, les Mandchous qui ont clairement séparé les fonctions dominantes et violentes qu'ils se sont réservées et les fonctions productives qu'ils ont assigné au restant de la Chine. Ils ont pris le soin de ne jamais s'assimiler, au point de faire rédiger ce qui concernait uniquement la violence en langue Mandchoue et non en Chinois et en veillant scrupuleusement à éviter les mariages entre Mandchous et Chinois.)



Ce fut le cas, par exemple, de l'Empire romain qui rétribuait nombre de populations germaines pour grossir les rangs de son armée, jusqu'au jour où les Germains ont décidé d'aller se servir eux-mêmes.



Le modèle d'Ibn Khaldûn butte toutefois sur le cas de l'Europe du nord de la Méditerranée. En effet, même s'il demeure une sorte d'immense empire chrétien sédentaire dont le centre reste Rome, il n'a jamais été réellement conquis par une seule 'asabiya mais plutôt par une myriade et qui, contrairement aux dynasties impériales, ont été très durables (quasiment mille ans en France).



Selon l'auteur, ceci est attribuable au fait que les densités de population sur lesquelles on peu prélever l'impôt demeuraient assez faibles comparativement à ce qu'elles étaient en Égypte et Mésopotamie. Ainsi, le système féodal s'entretenait avec un prélèvement d'impôt ridicule comparé à ce que les empires prélevaient, d'où leur modestes proportions et leur absence de faste et d'où, peut-être, leur rapide déclin sitôt que le faste et l'impôt sont devenus plus oppressants, entre Louis XIV et la révolution (comme par hasard, on retrouve le cycle d'un siècle environ prédit par Ibn Khaldûn).



Enfin, l'auteur évoque souvent le côté culturel, on dirait de nos jours le souci du " soft power ". Mettre la main sur un empire, c'est aussi — peut-être même surtout — s'emparer de l'imaginaire qu'il suscite, du rayonnement culturel qui lui est associé. Les Romains ont tout fait pour s'attribuer la filiation des Grecs qu'ils avaient soumis. Il en va de même en Extrême-Orient.



Ce que je vais dire maintenant n'est pas développé par l'auteur mais, si l'on y réfléchit un peu, l'expédition de Bonaparte en Égypte avait une dimension d'appropriation culturelle absolument évidente. Napoléon était très désireux d'attirer sur lui le lustre culturel des empires anciens. le principal leg architectural du Premier empire reste l'arc de triomphe de la Place de l'étoile à Paris. Quoi de plus " Empire romain de la haute époque " que ça ?



Si l'on se hasarde à passer la frontière du Rhin, où Bismark a-t-il signé la naissance de l'Allemagne moderne ? À Versailles, ni plus ni moins, et il a appelé ça le " Reich ". Qu'ont fait les archéologues allemands précisément à cette époque ? Ils se sont empressés d'aller farfouiller en l'Empire ottoman en perdition pour ressusciter l'ancienne Troye, découvrir Babylone, etc. Si la porte d'Ishtar demeure de nos jours à Berlin, c'est à cette volonté d'appropriation culturelle de la grandeur des empires passés qu'on le doit très certainement.



En somme, voici un ouvrage que j'ai trouvé réellement intéressant, bien que j'aie eu plus de mal à suivre la démonstration concernant l'empire du milieu, car étant vierge de références précises concernant la Chine. Néanmoins, je ne souhaite nullement avoir trop d'empire sur votre jugement concernant cet essai, je vous conseille plutôt de vous en faire votre propre opinion car n'oubliez jamais que ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
Commenter  J’apprécie          1366
Brève histoire des Empires

Un petit ouvrage intéressant dans une dynamique relevant de la tradition des histoires universelles .



Sa concision pertinente et son style agréable en font une lecture profitable pour ce qui est de la compréhension sociologique des dynamiques globales de l’histoire des empires , des conquêtes impériales , des dynamiques structurelles du maintien sur la durée de ces imperium , et des données qui alimentent la théorisation sur le rôle des envahisseurs qui semblent fatalement et systématiquement s’insérer dans ces édifices politiques complexes et différenciés , qui partagent néanmoins des points communs notables , de même que les « barbares « en partagent souvent aussi .



L’auteur s’appuie sur le travail d’un historien musulman du 14é siècle qui a cerné de près les aspects théoriques de ces questions , des empires et des barbares . Cet auteur a nourris la réflexion de Gabriel Martinez –Gros , et ses réflexions servent de canevas à cette brève histoire de qualité . Cet auteur musulman médiéval est Ibn Khaldum .



L’auteur examine de nombreux exemples dans l’espace eurasiatique (sur une large épaisseur temporelle) et personnellement je regrette que l’exemple de Byzance ne figure pas sérieusement au tableau , car il constituerait à mon sens , un contre-exemple assez édifiant face aux apparentes constantes de l’histoire eurasiatique de la naissance et de la transformation (chute ?) inéluctable des imperium eurasiatiques à travers l’histoire .

Fondamentalement ce texte évoque (postule) des tendances (génétique ?) « pacifistes « des empires , au stade ultime de leur développements avec pour corollaire une sorte d’inaptitude à la défense , résultant de variables sociologiques implacables et constantes .



Cet ouvrage est utile du point de vue sensibilisation à cette problématique centrale en histoire ( eurasiatique) , cependant on aurait tort de considérer ces réflexions comme universellement opérationnelles en histoire ancienne , médiévale et moderne .

En effet , que ce soit Rome , Byzance , les mogols , la chine ou autres empires , du type Trans-eurasiens ( mongols ) . Les contextes ( les barbares , les structures sociales , les édifices politiques des imperium … ) sont extrêmement différents les uns des autres et au final d’une variété insondable .

Cette matière diversifiée ne vient pas nécessairement confirmer les thèses de l’auteur dans les détails et dans l’examen du particulier .



Cependant c’est un des textes de vulgarisation sur ces thématiques qui est absolument incontournable ( en vulgarisation ) . Je ne saurais trop recommander au lecteur de se pencher sur l’histoire des dynamiques eurasiatiques en histoire ancienne et médiévale . Pour ce faire l’histoire universelle la pléiade me semble être parfaite pour collecter de l’information .

Sinon une lecture de l’histoire politique de l’empire byzantin et des comparaisons ciblées avec l’histoire occidentale serrait très édifiantes , même si difficiles du fait de tendances historiographiques problématiques .



Un texte intéressant donc à condition que le lecteur ne s’approprie une pensée simplifiée qui vient du caractère extrêmement synthétique dans l’approche d’un champ historique immense , doté d’une variabilité extrême qui vient dénaturer certaines généralisations qui : si elles sont utiles d’un point de vue théorique , ne fonctionnent pourtant pas dans le détail .



Je conclurais en insistant sur le fait que cet ouvrage n’est pas une monographie sur le monde musulman de même que ce n’est pas une monographie sur Ibn Khaldum , même si ces thématiques sont au cœur de ce petit ouvrage passionnant .

Un ouvrage qui rend néanmoins visible la violence organisée , en tant qu’agent historique et finalement comme concept opératoire en histoire sociale et ce n’est pas là , la moindre des qualités de cette petite monographie .

Commenter  J’apprécie          550
De l'autre côté des croisades : L'islam entre ..

Il est toujours salutaire d'avoir une vision décentrée de l'Histoire, car on sait comme nôtre roman national peut biaiser nôtre perception.

La période concernée, XIe /XIIIe siècle, est gravée dans nos mémoires façon image d'Épinal : c'est celle des Croisades, cette folle entreprise qui envoie la fine fleur de la chevalerie vers l'Orient. On se souvient de Godefroi de Bouillon, de Saint Louis, des combats glorieux contre les Infidèles, puis des revers et de l'échec des Francs à se maintenir dans d'éphémères royaumes chrétiens.

Déjà d'autres auteurs nous ont donné une version différente : les Croisades vues par les Arabes, vision plus complexe, enrichie par la connaissance des dynasties arabo musulmane.

Cette fois vient s'ajouter une autre composante du récit : la pression des envahisseurs turcs et mongols,venus de l'est.



Tous ces belliqueux envahisseurs surviennent au moment où la civilisation musulmane est à son déclin. La thèse ici défendue est que les riches cités peuplées de commerçants, de fonctionnaires et d'intellectuels, gouvernées par des sédentaires, vont forcément être objets de convoitise pour les nomades "barbares " qui sont animés d'une énergie conquérante. L'auteur les désigne du nom de "Bédoins ", guerriers farouches qui intriguent et s'allient contre le pouvoir place.



Une lecture qui réclame une grande attention, les noms propres nous sont peu familiers, les dynasties se succèdent, et ce lointain Moyen Âge oriental est assez déconcertant. Un grand saut dans le temps et dans l'espace méditerranéen, qui laisse une impression de confusion.

Il manque une continuité qui aiderait à ordonner les événements, à les situer sur une carte. Un livre qui plaira à condition d'avoir déjà des notions sur le sujet.
Commenter  J’apprécie          152
L'Empire islamique : VIIe-XIe siècles

Que savons-nous de l'Empire islamique, à part que sa progression à l'ouest fut interrompue en 732 près de Poitiers ? On nous a abreuvés pendant nos études de l'hégémonie romaine ... Mais rien ou presque sur cet immense empire étendu des confins de la Chine au sud de l'Espagne.



Voici un livre bref, mais captivant et d'accès facile, fondé sur les écrits de l'immense philosophe, juriste et historien arabe du 14ème siècle Ibn Khaldûn. Il faut s'accrocher - c'est un travail d'universitaire - qui nous apprend à regarder l'histoire sous un autre angle, comme le faisait ce grand intellectuel, plus proche de la sociologie que de la chronologie.



J'emprunte à la présentation d'un autre ouvrage de Gabriel Martinez-Gros (né en 1950), professeur d'histoire du monde musulman à l'Université de Nanterre (Brève histoire des empires) ces lignes qui s'appliquent parfaitement à celui-ci : « Cette lecture audacieuse, qui place en son coeur les questions de la violence et de la paix, qui oppose le centre pacifique de l'empire et ses marges violentes, est inspirée de la pensée d'un grand théoricien de l'Etat et de l'Islam médiéval qui vécut au XIVe siècle, Ibn Khaldûn. Cette pensée universelle, d'une portée équivalente à celle de Marx ou de Tocqueville, l'une des seules sans doute qui ne soit pas née en Occident, est plus qu'un fil rouge ».



Ibn Khaldûn, né à Tunis en 1332 et mort au Caire en 1406, est l'auteur d'une Histoire universelle en sept volumes dont la thèse centrale est l'opposition entre sédentaires et bédouins, les premiers sous contrôle de l'Etat et soumis à l'impôt et les autres hors de contrôle. Car selon Ibn Khaldûn, l'Etat est d'abord caractérisé par sa fonction fiscale. Par définition, le cercle dirigeant est issu du monde des tribus bédouines. Il est étranger aux populations sédentaires qu'il domine et exploite. Mais devenu roi, le chef tribal désarme sa propre tribu devenue obstacle à la perception de l'impôt … ce qui lui permet de payer des mercenaires extérieurs - donc des marges - pour se défendre ou entreprendre de nouvelles conquêtes, nécessaires à l'accroissement de ses revenus.



C'est une grille de lecture qui s'applique aussi à Alexandre le Grand … qualifié d'envahisseur « bédouin ». Une autre perception de l'Empire islamique, où les dynasties se consolident dans la première génération de leur existence, atteignent leur floraison dans la deuxième, vieillissent et agonisent dans la dernière, avant d'être renversées par un nouveau chef, inaugurant un nouveau cycle. Autant de "vies " : la première est celle des Arabes (660 - 780), dans la deuxième vie (780 - 900), le califat se sépare de la guerre et de la religion, la troisième (900 - 1020) voit l'essor de l'Occident musulman, la quatrième (1020 - 1100) est celle des peuples nouveaux.



Selon Ibn Khaldûn, la violence vient des marges, les tribus bédouines entrent dans l'histoire lorsqu'elles prennent possession d'un territoire sédentaire. Mais l'arrêt des conquêtes se traduit par un retour de la violence au centre de l'Empire après les échecs devant Constantinople et Poitiers. Au 11ème siècle, avec la séparation entre sultanat et califat, donc entre le politique et le religieux, le fossé se creuse et se double de divergences ethniques (Arabes/Persans versus Turcs) et culturelles : les Seldjoukides choisissent le persan comme langue d'Etat mais la pratique du droit et de la foi maintient l'arabe.



Enfin aussi, une explication argumentée des différences entre sunnisme et chiisme, au-delà de la rivalité entre les deux branches de la famille du Prophète.



Après la mort du Prophète, rivalités, guerres civiles, assassinats, massacres, califats opposés, retraits d'allégeances, hégémonie turque et berbère, expansion franque, ravages de la peste : la période racontée par Ibn Khaldûn est particulièrement mouvementée.



Au-delà de l'histoire des différentes dynasties qui se succèdent et s'affrontent, on évoque naturellement le parallèle avec ce que nous observons aujourd'hui dans les tentatives de prise de contrôle par des groupes armés extérieurs de villes sédentaires et même d'états représentant une masse fiscale importante.



« L'Histoire ne se répète pas, elle bégaie », a-t-on fait dire à un certain Marx.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
Commenter  J’apprécie          101
De l'autre côté des croisades : L'islam entre ..

Attention! Livre d'Histoire savante destiné à des initiés qui maîtrisent histoire et géographie sur le monde d'Islam, de l'Atlantique (Maroc et Espagne) jusqu'à la Chine d'où viennent les Mongols, en passant par les steppes d'Asie Centrale, Afghanistan et Transoxiane, Perse et Mésopotamie. J'ai interrompu ma lecture à nombreuses reprises  pour saisir mon ami smartphone et GoogleMaps pour situer les villes Merv, Tus, Nichapour... Coquetteries de l'auteur qui utilise les vocables d'Ifrikiya (Tunisie) ou Jéziré (Mésopotamie) que je connaissais déjà.  De même quand il assimile les envahisseurs nomades aux Bédouins. Bédouins les Almoravides ou Almohades qui conquièrent l'Andalousie, cela me paraît naturel, comme les Berbères au Maghreb... Bédouins, les hordes des Turcs et Mongols, c'est déjà plus étonnant, encore plus quand les Chevaliers Francs entrent dans cette catégorie. 



L'auteur nous rend accessible les textes de trois historiens arabes médiévaux : Ibn Khaldoun (1332 -1406), Ibn Al-Athir (1160 - 1233) et Maqrizi (1364- 1442) qu'il fait dialoguer avec Machiavel (1469 -1527). Chacun de ces chroniqueurs va raconter à sa manière l'histoire de la région. 



Même si ma lecture fut laborieuse et lente ce fut un réel plaisir d'entrer dans ces chroniques pratiquement sans filtre ni anachronisme. L'universitaire contemporain s'efface pour nous présenter les textes, intervenant fort peu pour nous laisser la saveur orientale et l'authenticité médiévale. Il cite les textes racontant les massacres mongols, les dialogues entre les différents chefs de guerre hésitant entre telle ou telle alliance (Ibn Al-Athir) .



Comme les historiens médiévaux, il enregistre toutes les dynasties, les changements d'alliances, de capitales. Là, je me perds un peu. Un ouvrage de vulgarisation aurait simplifié, mis l'accent sur tel ou tel chef de guerre en laissant de côté les intrigues secondaires. Mais De l'autre Côté des croisades n'est pas une vulgarisation, c'est un ouvrage universitaire suivi d'un corpus de notes (70 pages) avec index, bibliographie, repères chronologiques etc... Rien que pour cette somme de notes, il est à ranger à côté des encyclopédies et des dictionnaires. Pour qui voudrait une histoire plus accessible Les Croisades vues par les Arabes d'Amin Maalouf donnent un récit vivant que j'avais beaucoup apprécié .  Le récit de la conquête du pouvoir par Baybars (1277 -1223) dans Hakawati de Alameddine sur le mode d'un conte oriental m'a aussi beaucoup appris. 



Chronique de la succession des dynasties, des migrations des capitales, c'est aussi une réflexion plus générale sur la conquête du pouvoir, de la succession dynastique, et du renversement par un conquérant plus agressif. Ibn Khaldoun oppose le centre sédentaire qui perçoit l'impôt, s'enrichit, s'amollit tandis que les bédouins en périphérie, guerriers, s'enrichissant de razzias et prédations vont à la conquête du centre, s'associant à un chef charismatique 'asabiya, puis se sédentarisant, s'amollissent. D'après Ibn Khaldoun, la durée moyenne d'une dynastie serait d'une "vie"(120 ans). J'ai eu du mal à cerner cette notion d'asabiya. Un autre concept est resté flou malgré mes efforts : le "dépotoir d'empire" situé en marge des capitales Bagdad, Mossoul, Damas ou Le Caire. 



p.73 : "L'ironie de l'histoire a voulu que l'Anatolie soit aujourd'hui devenu la "Turquie", expression politique majeure du monde turc et surtout que Constantinople ait remplacé Bagdad et Le Caire..."



Ibn Al-Athir va moins généraliser et montre les choix et les stratégies individuelles : alliances ou appel au Jihad



p157 : "s'éloigner de plus puissant que soi et ne céder aux instances et aux raisons de la religion sont de véritables structures de l'Histoire selon Ibn Al-Athir. Il en existe d'autre comme le balancement d'Orient en Occident"



Une autre stratégie serait le maintient d'un glacis favorisant un voisin peu dangereux pour se protéger des incursions bédouines. 



Et les Croisades? Evènements majeurs de la géopolitique de l'époque et de la région, mais moins redoutées que l'intervention des Mongols. L'auteur les présente comme la reconquête de l'empire romain, les resituant dans le cadre plus vaste des expéditions des Normands en Sicile et  Afrikiya, et la Reconquista en Espagne et de la maîtrise des mers par les républiques Italiennes dans le Bassin Méditerranéen.



Maqrizi a un point de vue égyptien. L'Egypte occupe une position privilégiée. Le rôle des mamelouks est bien mis en évidence. 



Quant à Machiavel, théoricien de la prise du pouvoir, il introduit une nouvelle notion : le peuple dont le prince doit tenir compte s'il veut se maintenir au pouvoir. 



Malgré mes difficultés, malgré certaines longueurs, j'ai été contente d'aborder de si près les auteurs de l'époque. 



  
Lien : https://netsdevoyages.car.blog
Commenter  J’apprécie          60
L'Empire islamique : VIIe-XIe siècles

Martinez-Gros Gabriel – "L'empire islamique VIIe-XIe siècle" – Ed Passés composés / Humensis, 2019 (ISBN 978-2-3793-3196-1)

– format 22x15cm, 336p.

– Annexes : planches de cartes entre les pages 168 et 169, présentation synthétique des principaux personnages et lieux pp. 269-281, lexique pp. 283-289, notes complémentaires réparties par chapitre pp. 290-316, bibliographie pp. 317-320, index des lieux et des personnes pp. 321-329, table des matières détaillée pp. 331-335.



Un ouvrage tout à la fois original, complexe et cependant facile d'accès en raison de sa clarté d'écriture, ce qui est rarissime. Comme le résume la dernière phrase de la quatrième de couverture, ce livre combine subtilement trois niveaux de réflexion.



Le premier niveau est contenu dans le titre : l'auteur expose ici une histoire du monde islamique au cours de ces siècles où il se met en place, du septième au onzième de notre mode chrétien de datation, avec la succession de l'expansion musulmane arabe portant le message du Prophète, bientôt relayée par l'empire "irano-sémitique" à dominante persane, pour finir subjugué par l'invasion turque et refoulé à l'Ouest par les royaumes francs et les débuts de la "reconquista" espagnole.



Le deuxième niveau réside dans l'originalité du point de vue adopté : l'auteur s'appuie sur l’œuvre d'un historien musulman, Ibn Khaldûn (né à Tunis en 1332-mort en 1406 au Caire) dont la démarche s'appuie sur une périodisation méthodique clairement affichée.

Pour lui en effet, l'histoire du monde islamique s'organise en une succession de périodes d'environ cent vingt ans, soit trois générations humaines :

- la première génération – nomade, bédouine, guerrière – se livre à la conquête par la violence d'empires déjà existants (empire byzantin, empire perse) ;

- la deuxième génération se coule dans le moule de l'empire conquis, se sédentarise, s'urbanise et fait appel à d'autres tribus pour assurer sa sécurité ;

- la troisième génération s'avère incapable de maintenir son héritage et se fait submerger par ces tribus appelées en renfort, qui elles mêmes vont connaître la même évolution.

Ainsi se succèdent les dominations arabe, puis iranienne-persane (califat), puis turque (sultanat), reléguant progressivement la souche arabe au rôle de gardien de la religion (la branche sunnite s'opposant peu à peu à la branche chiite d'abord dominante).

Le lecteur voit se dessiner une histoire du monde musulman échappant à l'européocentrisme habituel, les croisades, les royaumes francs de Sicile et du Maghreb ainsi que les débuts de la Reconquista espagnole ou la chute du royaume du Ghana sont replacés dans le contexte de l'époque tel qu'il est vu par un musulman.



Troisième niveau enfin, l'auteur produit une réflexion sur la façon même d'écrire l'histoire, par laquelle il ouvre l'ouvrage dès l'introduction et les trois premiers chapitres. Dans sa conclusion, il n'hésite pas à dresser des parallèles avec le monde d'aujourd'hui...



Cet ouvrage passionnant est de surcroît rendu fort maniable grâce à ses nombreuses annexes : planches de cartes, présentation synthétique des principaux personnages et lieux, lexique, notes complémentaires, bibliographie, index des lieux et des personnes, table des matières détaillée en font un ouvrage de référence.



Un livre à lire, à consulter, à offrir.

Commenter  J’apprécie          52
De l'autre côté des croisades : L'islam entre ..

De l'autre côté des croisades ne tient pas les promesses de son titre. Loin d'une histoire relativement chronologique démontrant la supériorité de la menace mongole sur celle des croisés, l'auteur nous perd et nous endort à cause d'une démonstration hors sol et d'une prose alambiquée.



Si vous n'avez pas de très solides connaissances sur la période, ne lisez surtout pas cet ouvrage, vous vous perdrez à cause des noms propres de lieux, régions, dynasties et personnages. Ce fouillis est d'ailleurs renforcé par l'absence de carte. Je vois que d'autres lecteurs ont été déstabilisés par la notion "d'asabya" théorisée par Ibn Khaldun, un philosophe musulman auquel l'auteur a consacré une biographie. Ce genre de retour en dit long sur le manque de pédagogie de Martinez-Gros puisque tout son livre est censé expliquer et valider cette théorie (par ailleurs très pertinente).



J'ai donc rarement été aussi déçu car le sujet est intéressant. Or, peu d'ouvrages français traitent des rapports entre Mongols et empire islamique (le récent "La horde" de Marie Favereau l'aborde du point de vue mongol).
Commenter  J’apprécie          20
Brève histoire des Empires

Après Effondrement de Jared Diamond et Histoire du Monde de John Morris Roberts, je poursuis mes lectures d'histoire globale, pour prendre du recul sur notre époque. Je viens de terminer Brève histoire des empires de Gabriel Martinez-Gros, professeur d'histoire médiévale et spécialiste des empires islamiques. L'essai n'est pas très impressionnant, par son épaisseur, mais le savoir énoncé est aussi dense qu'instructif et chaque ligne réclame une attention pour mesurer la portée du propos. L'angle d'approche est singulier : définir et décrire l'évolution et la chute des empires (essentiellement la Mésopotamie, Rome, les empires islamiques médiévaux, la Chine, l'Inde) selon le regard du penseur musulman du XIVe siècle, Ibn Khaldûn. Un pas de côté très intéressant.
Commenter  J’apprécie          20
Brève histoire des Empires

L'histoire globale, celle qui donne à lire, sous tel ou tel angle, l'ensemble de l'histoire du monde, me passionne. J'aime y découvrir ce qui nous relie au reste du monde au-delà des frontières de l'enseignement scolaire de l'histoire que j'ai connu, y compris au niveau universitaire. J'aime renverser le regard, voir que ce qui nous parait si spécifique existe ailleurs et que les éventuelles particularités de l'histoire de la partie de la planète que nous occupons sont autres que ce que nous pensions.



Le bref essai de Gabriel Martinez-Gros prend pour point de départ l'analyse que faisait en son temps ce grand intellectuel que fut Ibn Khaldun au XIVème siècle. Khaldun caractérise l'âge des empires comme celui de la pacification et la prospérité ; non pas une ère de douceur qui aurait échappé à la malédiction de la violence mais une époque marquée par le désarmement d'une majorité chargée de produire et d'enrichir un Etat contrôlé par une minorité violente et extrêmement brutale. La paix, dans ces conditions, est une tyrannie.



Dans tout le cœur du récit, l'auteur nous illustre la vigueur et la capacité d'explication de l'analyse de Khaldun, à partir des exemple des empires perse, romain, islamique, chinois, indien entre la fin du néolithique jusqu'au l'aube de la révolution industrielle.

Après la fin d'empire perse, le monde connait deux grandes poussées impériales qui s'ignorent : Rome et la Chine dont l'auteur souligne le parallélisme. Toutes deux ont pacifié d'immenses territoires en construisant avec, contre et grâce, selon les moments, aux "barbares" agissant aux frontières, le limes. L'empire sait utiliser la force combattante des "barbares", puis ceux-ci s'emparent de l'Empire et le recréent pour exploiter les masses pacifiées. Le schéma se poursuit, avec des variantes à l'époque de l'empire musulman qui réoccupe peu ou prou les territoire des anciens empires perses et s'étend vers l'Europe et vers l'Asie au contact de la Chine.



Un long développement est consacré aux empires chinois depuis les Royaumes combattants jusqu'à la dynastie Mandchoue (non chinois donc barbare) qui domine la Chine au XVII et XVIII ème siècle, en étant culturellement et matériellement totalement séparé de la masse chinoise. Le chapitre qui leur est consacré s'intitule "l'équilibre schizophrénique de l'empire".



Tous ces développements ne sont pas toujours aisés à suivre sans un minimum de point de repère sur l'histoire des territoires évoqués. Pour moi, l'empire islamique, ça va encore ; la chine, j'ai deux ou trois notions mais le chapitre sur l'Inde a été totalement mystérieux.



La conclusion reste le chapitre le plus intéressant par la synthèse qu'il propose et par la lecture particulière de l'histoire de l'Europe qu'il apporte en contrepoint et à partir de cette question de l'empire. Un peu d'européocentrisme du coup de ma part, du coup....



En quelques mots :

L'Europe a été longtemps une périphérie, à l'exception partielle de l'empire romain. Une partie de l'Europe du nord était au-delà du limes, une terre barbare. Au Moyen-âge, du point de vue des empires byzantin ou musulman, mais aussi de l'empire chinois, la terre des Francs peut être évoquée comme un empire de la chrétienté dont les rois dont des Charles. Elle est perçue comme une unité au-delà des divisions concrètes qui en sont la réalité. En effet, l'Europe n'a rien d'un empire même si certaines des ces rois s'appellent Empereur et prétendent poursuivre la grandeur de Rome.



Dès le départ, leur puissance n'a en rien le caractère absolu, violent et sans contrepartie de celle des empires orientaux. Le droit et certains contrepouvoirs sont toujours là : la puissance spirituelle et temporelle du pape, les cités et villes libres du moyen-age, le pouvoir des féodaux avec lesquels les rois devront toujours compter. C'est assez décalé du l'image que nous avons de nos souverains présentés comme tout-puissants. Non pas que ce point de vue soit nécessairement faux, mais si on compare son pouvoir à celui de l'empereur oriental, le souverain européen est toujours en train de négocier. Il y a une légalité dans les royaumes européens qui est inexistante pour un empereur chinois ou un sultan ottoman. En contrepartie, les dynasties européennes sont beaucoup plus stables que ces empires qui s'épuisent en quelques générations et sont remplacés par d'autres. Selon l'auteur, l'Europe a trouvé une position impériale uniquement au moment de l'expansion coloniale.



En Europe triomphe l'état national. La révolution industrielle, moment clé, bouleverse les conditions d'enrichissement des peuples. C'est elle selon l'auteur qui met fin à l'histoire des empires. L'Etat arme le peuple supprimant la distinction propre aux empires d'Ibn Khaldun entre les producteurs et les guerriers. Avec la Révolution française et à partir du XIX ème, le peuple s'arme pour défendre la nation. Point besoin de recourir aux "barbares", qui disparaissent, car il n'existe plus de "tribus" en dehors de la puissance des états nationaux. Les particularismes sont pourchassés et réduits au silence. Le monde est majoritairement sédentaire, scolarisé et urbain. Les puissances d'aujourd'hui (Etats-Unis, Chine) prétendent à l'hégémonie mais par des voies "pacifiques" de la production, de la science, de la culture ou de l'innovation et moins par la guerre ouverte.

Il termine en évoquant le terrorisme islamiste comme une des marges violentes possibles, avec les organisations criminelles sud-américaines, en gardant une nécessaire circonspection sur ce sujet.

Commenter  J’apprécie          22
Brève histoire des Empires

Un essai tout à fait intéressant sur la genèse des empires et la différence avec les nations européennes, inspiré d'un penseur musulman, mais qui s'applique à tous les continents et toutes les religions.

Même si ça décrit un monde passé, ce n'est pas sans donner à réfléchir sur le sens de la démocratie et l'organisation des pays aujourd'hui.

Erudit et savant, mais lisible pour un profane.
Commenter  J’apprécie          10
De l'autre côté des croisades : L'islam entre ..

Après avoir examiné les quatre premiers siècles de l'Empire islamique dans le livre éponyme de 2019, Gabriel Martinez-Gros poursuit le fil de l'histoire en s'intéressant cette fois aux périls auxquels a dû faire face l'Islam lorsqu'il fut pris en étau, aux 12ème et 13ème siècles, entre les Croisés et les Mongols.

L'histoire est racontée du point de vue musulman, à partir des travaux d'Ibn al-Athir (1160-1233), Ibn Khaldoun (1332-1406) et Maqrizi (1364-1442).



Ibn al-Athir, contemporain des Croisades et des premières dévastations mongoles, termine son histoire du monde ("al-Kâmil fi-l-tawârikh") par les événements de son temps, s'alarmant de la vague mongole qui s'est levée à l'Est, dont l'extraordinaire violence est pour lui un signe de la fin des Temps.



Ibn Khaldoun, auteur du fameux "Kitâb al-'ibar" ("le livre des exemples"), explique l'effondrement du monde islamique, qu'il constate dès le milieu du 11ème siècle, par le prisme des mécanismes impériaux.

Selon sa théorie, un empire, une fois atteint l'apogée de sa civilisation, s'affaiblit politiquement et militairement et devient une proie facile pour les "barbares" venus des confins, qui convoitent le pouvoir.

Encore que pour lui, les incursions des Croisés en Terre sainte ne sont pas celles de barbares, étant donné qu'ils viennent de l'Europe déjà civilisée, mais plutôt des entreprises visant à reprendre aux infidèles les contrées autrefois dominées par l'empire romain dont ils se réclament.



Maqrizi enfin, disciple d'Ibn Khaldoun, est l'historien de l'Égypte, qu'il décrit comme le dernier bastion de la civilisation lorsque toutes les autres terres de l'Islam classique ont sombré.

Il s'attache dans "al-Sulûk", sa chronique sur les dynasties Ayyoubide (1174-1250) et Mamelouke (1250-1517), aux continuités politiques de l'Égypte qui lui assurent sa pérennité.



Contrairement au précédent ouvrage, j'ai trouvé celui-ci compliqué à suivre et parfois un peu confus.

Si vous êtes néophyte et que vous cherchez un à comprendre les Croisades ou la période mongole, ce livre n'est clairement pas indiqué. Je vous conseille de commencer par les classiques "l'épopée des Croisades" et "l'empire des steppes" de René Grousset, qui datent un peu (publiés tous deux en 1939) mais restent des références.
Commenter  J’apprécie          10
Brève histoire des Empires

Ibn Khaldûn, de son nom entier ‘Abd al-Rahmân b. Muhammad B. Haldun, naît en 1332 à Tunis dans une famille andalouse d’origine arabe yéménite, longtemps établie à Séville avant de fuir la « Reconquista » chrétienne, qui compte des bourgeois lettrés, des hauts fonctionnaires ou politiques. Il commence ses études à Tunis à la cour des Mérinides et développe une culture savante et commence à réfléchir sur l’adéquation des systèmes de la pensée et des structures du réel. Lorsqu’il perd sa famille, après une peste qui ravage l’Ifriqiya, Ibn Khaldûn devient conseiller, secrétaire, ambassadeur ou encore ministre auprès de différents souverains grâce à sa formation solide. De 1350 à 1372, il est au service de plusieurs dynasties d’Espagne ou du Maghreb. En parallèle, il mène une activité secrète et d’intrigues car il a l’ambition d’acquérir plus de pouvoir pour jouer un rôle à sa mesure. Durant sa carrière politico-administrative, il rencontre Tamerlan, à Damas en Syrie, qui fait trembler toutes les civilisations de l'Ancien Monde. Il est délégué auprès du conquérant turco-mongol pour négocier la paix, et ce dernier prend conscience des aptitudes et du savoir d’Ibn Khaldûn et tente de l’engager dans sa cour. Ibn Khaldûn refuse et, en conséquence de ce refus, Damas est pillé. Lassé des complots et des polémiques qui gravitent autour de lui, Ibn Khaldûn décide de se retirer en 1372 dans la forteresse d'Ibn Salāma en Oranie. Dans son refuge, il construit en quatre ans l’ouvrage qui va fonder sa gloire : la Muqaddima, prolégomènes à la volumineuse histoire universelle, le Kitâb al-‘Ibâr (1375-1379). Il vit ses derniers jours au Caire à partir de 1382, où il enseigne ses connaissances et occupe une chaire de droit dans l’université d’Al-Azhar, la plus grande université du monde musulman. Il trouve la mort au Caire, en 1406. Il est aujourd’hui reconnu comme le plus grand historien du Moyen ge et de l’Islam et comme le seul grand philosophe de l’histoire qui ne soit pas européen. À proprement parler, Ibn Khaldûn n’est pas un géographe mais son étude et ses idées se rapprochent de la discipline qu’est la géographie.



C’est dans la Muqaddima, qu’Ibn Khaldûn développe avec éclat ses principes de travail, fondés sur la rationalité, sur l’étude critique des sources et sur le fait de ne pas être idéologique en dépassant les intérêts politiques ou économiques de son époque. Dans cet ouvrage, Ibn Khaldûn devait initialement centrer son étude sur l’histoire des Berbères, mais finalement il décide d’écrire une histoire universelle. Il centre son attention plus particulièrement sur la civilisation arabo-musulmane pour développer sa théorie, mais elle est aussi valable pour une grande partie des peuples de l’époque médiévale de l'Ancien Monde. Il met en place une démarche d’analyse des civilisations que l’on peut définir comme holistique, c’est-à-dire que sa doctrine considère les objets et les concepts comme appartenant à un système. Il établit un lien entre le récit politique, l’évolution des forces sociales, les productions économiques et culturelles. De plus, son objectif est de comprendre la science de la civilisation, ce qu’il nomme l’umr an, s'interroge constamment sur les causes des transformations historiques. Pour lui, les sociétés humaines sont réparties en deux groupes : les sédentaires et les nomades qui interagissent par effet de miroir. En effet, Ibn Khaldûn a une vision cyclique de l’histoire, pour lui, chaque peuple nomade, dont l’une des caractéristiques est la force de conquête (‘asabiya), est voué à prendre les possessions du peuple sédentaire vaincu, dont l’une des caractéristiques est la mollesse d’esprit.



Pour étudier les idées d'Ibn Khaldûn, plusieurs ouvrages sont disponibles, dont ce court essai de Gabriel Martinez-Gros. Dans son livre, il nous montre la justesse de la théorie historique d’Ibn Khaldûn qui tend à expliquer le fonctionnement de toutes les entités impériales au travers des siècles. L’historien expose son ambition d’écrire, en prenant appuie sur les concepts posés par Ibn Khaldûn, une histoire du monde allant des Perses Sassanides à la Compagnie britannique des Indes Orientales, tout en passant par la Rome impériale, la Chine, l’Islam médiéval, les steppes mongoles ou encore l’Inde des Moghols. Gabriel Martinez-Gros aborde les questions de la violence, de la paix, de la productivité et des autres concepts qui relèvent du système de l’empire. Il s’intéresse à l’évolution de l’humanité et des empires à travers la grille de lecture offerte par Ibn Khaldûn. L’objectif de l’ouvrage est de saisir les orientations majeures des empires comme appartenant à un système dit impérial, au sein duquel, plusieurs facteurs de naissance, de sédentarisation et de disparition sont observables. La théorie d’Ibn Khaldûn, appliqué à cette brève histoire des empires, à l’ambition de comprendre plus facilement l’explication de l’histoire.

Commenter  J’apprécie          10
Brève histoire des Empires

Gabriel Martinez-Gros nous emmène dans un ouvrage dans lequel on traverse des millénaires d’histoire et des civilisations très éloignées tant temporellement que spatialement les unes des autre et ce grâce à un fil d'Ariane (peut-être pour éviter de nous perdre, mais je penche plutôt à ce fil invisible que tisse l'histoire ancienne et l'histoire plus contemporaine) en forme de question, voire de questionnement : 

Comment naissent les empires ?

Comment meurent-ils et pourquoi meurent-ils ?



Et pour tenir ce fil d'Ariane, Gabriel Martinez-Gros s'adjoint les services d'Ibn Khaldûn, grand philosophe du XIVe siècle (1332-1408), et sa philosophie de l’histoire afin de rendre intelligible le passé historique de l’humanité que l’on sait agité et confus, afin de se donner quelques puissantes intuitions pour comprendre l’actuel.



Un mot sur Ibn Khaldûn : 

" né à Tunis en 1332 dans une très grande famille andalouse, d’origine arabe yéménite, chassée d’Espagne par la Reconquête chrétienne. Comme l’avaient fait ses ancêtres depuis plusieurs générations, il sert les princes du Maghreb comme secrétaire, ambassadeur, ministre, jusqu’à l’âge de 45 ans. Il rompt alors brutalement avec l’activité politique pour se consacrer à l’écriture d’une histoire universelle, Le Livre des Exemples (Kitâb al-‘Ibar), dont la très célèbre Introduction (Muqaddima) énonce les principes de la genèse et de la mort des États et des sociétés. Il s’établit en 1382 au Caire où il enseigne jusqu’à sa mort en 1406 cette interprétation radicalement originale de la civilisation humaine."

"Il vivait dans un monde qui ressemblait au nôtre sous certains aspects. Un monde d’empires et de capitales sans doute bien plus réduites que les nôtres, mais qui n’en paraissaient pas moins tentaculaires aux contemporains, effrayantes par le contrôle politique et fiscal qu’elles exerçaient sur d’immenses espaces soumis, merveilleuses par le raffinement de leurs productions, mais aussi par la survie qu’elles réussissaient à assurer à leurs pauvres, à leurs malades ou à leurs orphelins. Un monde urbain réglé, policé, et qui se vivait libéré de la violence, pacifié par l’autorité d’États omnipotents, mais pour cela même accablés par d’incessants soucis financiers."



Et un mot revient dans le livre de Gabriel Martinez-Gros, c'est ce que théorisa Ibn Khaldûn : le concept arabe d’‘asabiya que l’on peut traduire par « esprit de corps » ou encore comme force solidaire qui unit les individus organisés en société tribale. 



C’est à travers la distinction des forces violentes dont tout empire a besoin pour conquérir puis se maintenir et des forces productives (aussi bien matérielles qu’intellectuelles) par essence pacifiées, qu’Ibn Khaldûn met au jour le paradoxe tragique de toute civilisation : celle-ci naît (ou se poursuit) grâce à la violence de la conquête du pouvoir, violence qu’elle doit nécessairement trahir ensuite pour permettre la production, les échanges et civiliser ses sujets en les désarmant, tout en devant utiliser cette violence afin de protéger et de maintenir son empire (contre l’extérieur et pour l’ordre intérieur). Cette violence de défense et de maintien sera donc dévolue à une certaine frange de la population de l’empire, en général les guerriers de l’aire de la dissidence (blâd as-Sîba) qui se distingue de l’empire civilisé, le territoire de l’Etat (blâd al-Makhzin). La naissance et le déclin des empires, explique Ibn Khaldûn, s’explique par ce jeu de forces dialectiques : guerre et paix, barbarie et civilisation, solidarité tribale d’individus vigoureux et individualisation peureuse car désarmée des temps prospères, etc. 



Il est nécessaire de rappeler que livre porte bien sur les empires qu'il définit comme des formations politiques autoritaires, monarchiques, de dimension quasi continentale, où l’État est le seul détenteur de la violence légitime dont il use pour conquérir et garder le pouvoir. Soutenu par une 'asabiya, force armée faite de tribus guerrières nomades aux marges arides ou accidentées du territoire qu’elles ont conquis ou s’y sont imposées par leur supériorité au combat, le souverain qui est issu de leurs rangs règne sur les masses paysannes sur lesquelles il prélève l’impôt. Mais peu à peu les maîtres se sédentarisent, perdent leur efficacité militaire et, au bout généralement de quelques centaines d’années, après avoir arrêté les conquêtes pour éviter les dangers des batailles et même avoir appelé de nouveaux peuples nomades pour veiller aux frontières, il suffit de quelques catastrophes, invasions, épidémies, soulèvements des populations surexploitées fiscalement, révoltes des gouverneurs de province tentés par l’indépendance, pour abattre l’empire qui sera remplacé par un autre aux mains d’une autre ethnie belliqueuse. 



L'auteur nous fait la démonstration de ces théories et nous fait voyager en 5 parties au fil de de ces empires et de leurs territoires : 

L'emergence et l'assise des empires (400 avant J.-C.-200 après J.-C.) ;

L’expulsion idéologique de la violence (200-750) ;

L’Islam confisque la force turque (750-1200) ;

Les Mongols, la peste, et le déclin du Moyen-Orient (1200-1500) ;

L’Inde, la Chine et l’Angleterre impériales (1500-1800)



On remarquera en revanche, que "l’Europe résiste à la théorie pour l’essentiel. La raison en est simple. Après l’effondrement de Rome, entre le VIe et le XIVe siècle, l’impôt d’État y disparaît pratiquement. On n’y trouve donc ni concentration ni accumulation urbaines ; ou du moins on ne devrait pas en trouver. L’économie de l’Europe aurait dû, selon la théorie d’Ibn Khaldûn, présenter les traits caractéristiques d’une société tribale : une population clairsemée, pas de ville majeure, un extrême morcellement de groupes ou de régions. Jusqu’en l’an mil, le Haut Moyen Âge vérifie en partie la théorie. Après le XIe siècle, d’évidence, l’histoire de l’Europe échappe au schéma. Il se produit l’impensable : une population nombreuse, une civilisation urbaine émergent entre le XIe et le XIIIe siècle hors de la contrainte exercée par un État central despotique, hors de l’impôt. Ce mystère mériterait de retenir l’attention des historiens occidentaux."



"Précisément, Ibn Khaldûn est le seul grand philosophe de l’histoire et du pouvoir qui ne soit pas européen. Tous les autres, Thucydide ou Polybe, Machiavel, Montesquieu, Marx ou Tocqueville, appartiennent à l’Occident ou lui sont annexés. Il est aujourd’hui commun de célébrer les grandeurs de l’Islam médiéval et les raffinements de l’Andalousie arabe. L’exercice ne dépasse malheureusement pas le plus souvent la rhétorique creuse du politiquement correct. Mais voici un véritable défi, un mythe andalou enfin bien réel, un penseur arabe d’une envergure sans exemple. Sommes-nous capables de le prendre au sérieux, de l’écouter, de lire notre propre société à la lumière de sa réflexion ? L’Occident est-il capable de suspendre son impérieuse parole et d’en écouter une autre qui le tienne pour objet ? Est-il capable de considérer un instant qu’il n’est pas, partout et toujours, le sujet universel de l’aventure humaine ? Peut-il poser un moment la charge de l’explication de l’histoire, et en investir cette voix lointaine – et pourtant étonnamment familière, comme on le verra – venue d’Islam ? "



Gabriel Martinez-Gros nous démontre avec brio que toutes ces questions, à la lecture, de son livre imposent des réponses positives, comme un très bel exemple d'ouverture d'esprit, de mises à disposition d'autres grilles de lecture.

Et notre esprit en sort gagnant et plus riche...
Commenter  J’apprécie          10
Brève histoire des Empires

Cet essai instructif nous explique que les empires sont invariablement fondés sur deux forces : l'une sédentaire, produisant les richesses et soumise à l'impôt, l'autre violente, extérieure et garante des frontières. Souvent les dynasties de ces empires ne dépassent pas 3 siècles et souvent la force violente prend la tête de l'empire, engendrant ainsi un roulement des populations dominantes. La conclusion de cet ouvrage est particulièrement intéressante : elle ne relate plus les faits mais explique les mécanismes qui y sont en marche et décortique jusqu'à notre société actuelle à la lumière de cette définition des empires.
Commenter  J’apprécie          10
Fascination du djihad : Fureurs islamistes ..

Ce livre déroule une historicité tout-à-fait étonnante (unique), puisant son mode de pensée à une géopolitique planétaire, commençant à la constitution des grands Empires (l'Antiquité, bien que le mot n'y soit pas). Il renverse aussi la perception de l'effet de la violence : la violence crée l'histoire ; cela ne la rend pas plus aimable, elle a cependant une raison d'être, une fonction, un usage, bref, du sens, à l’opposé de notre façon de voir par laquelle elle nous apparaît comme un archaïsme dont on n'arrive pas se débarrasser et dont toute manifestation doit être moralement condamnée.

Pour sortir du face à face mortifère et répétitif entre l'Islam et l'Occident, à propos de la violence de l'Islam, Gabriel Martinez-Gros choisit deux « juges de paix » : Ibn Khaldoun (1332-1406) et... la Chine ; l'histoire de la Chine, dans sa pensée si hétérogène à celle liée au bassin méditerranéen montre la validité de la théorie d'Ibn Khaldoun. Elle est évoquée de façon un peu marginale et anecdotique. Gabriel Martinez-Gros va ainsi lier économie et politique, histoire et philosophie.

Ibn Khaldoun propose un paradigme incroyablement loin de tout ce qui a cours ici et maintenant : c'est l'impôt qui crée l'augmentation de richesse, parce qu'il oblige à travailler, à rechercher des gains de productivité et qu'il concentre la richesse produite dans des centres, les villes ; la concentration urbaine crée des métiers, par la division du travail, donc des richesses qui ne peuvent exister dans les campagnes trop dispersées (médecins, architectes, juristes, enseignants). L'impôt s'obtient par la coercition, cela va de soi. L'empire est pacifiant, les démonstrations de force coûtent cher et détournent une part de la richesse créée. L'empire organise donc la séparation de ceux qui produisent (les sédentaires) et de ceux qui exercent la violence (les bédouins, ce mot ne signifie pas « nomades », mais des hommes appartenant à des tribus excentrées très solidaires et violentes entre elles, violentes avec ceux de l'Empire). Il se forme des peuples de pilleurs parce qu'il y a des choses à piller (p 31). Les sédentaires et les bédouins sont incommensurables : ce sont presque deux espèces distinctes (p30). L'empire mène parfois des conquêtes et intègre certaines de ces tribus, les prive de leur violence et de leur solidarité, les fond dans la masse ; l'empire tue ceux qui le font (p16). Dans la Rome Antique, ceux qui tiennent le rôle des bédouins s'appellent les Barbares. Entre le VIème siècle et le IIème siècle avant notre ère, l'humanité s'organise en grands Empires perse, hellénistique, romain, chinois (p19).

L'exception de l'Occident (p20-21) : Après la chute de l'Empire romain, l'Europe connait une forme hybride, exceptionnelle : le système féodal. La puissance y est rurale, la collecte de l'impôt faible par manque de force coercitive des pouvoirs pour cette collecte. Ces pouvoirs locaux étant en violence entre eux en permanence. Les villes s'y constituent tout de même. Ibn Khaldoun n'aurait pu comprendre ce Moyen-Age, il l'aurait interprété comme le fournisseur des bédouins de l'empire d’Islam. Nous savons que ce n'est pas ce qui s'est passé. La concentration des richesses s'y est tout de même faite et les villes ont absorbé de plus en plus de population. Dans ce schéma féodal qui ne sépare pas la guerre et la production intensément, arrive l'industrialisation, étape imprévisible, impensée, de l'augmentation de la richesse, non pas par l'impôt mais par l'innovation technique. La population croît intensément... Le citoyen devient dépositaire de la force armée (la Révolution, le service militaire... et plus tard dans le reste du monde les décolonisations (p24)), il participe aux décisions politiques et reste, bien sûr, producteur.

Selon la théorie d'Ibn Khaldoun, le monde moderne, avec sa haute productivité, son idée abstraite d'un individu toujours égal à l'Autre, la baisse de la fécondité et son attachement à l'échange paisible est en train de recréer des marges solidaires et violentes qui voient dans la non-violence des Etats centraux une marque de lâcheté qui leur est profitable, tant idéologiquement, que militairement (dans les rapports de force).

La thèse selon laquelle il y aurait une islamisation de la violence, laquelle se serait portée, à d'autres moments, sur Che Guevara a un certain fondement. Cependant, elle est émise pour disculper complètement l'Islam. Cette façon de voir dessaisit les djihadistes de ce qu'ils pensent et disent. Cette vision amène à rejeter les critiques de l'Islam radical, avec le terme « islamophobie », alors que les caractéristiques de cet Islam radical feraient placer celles et ceux qui le professent bien plus à l'extrême droite que le FN : cependant, les mêmes qui dénoncent les islamophobes s'inquiètent de la montée du FN ! (p59)

Dans l'idée Tiers-mondiste, nous sommes coupables de tout. Seul, l'Occident agit, le reste du monde réagit. Et cela continuerait donc. La colonisation serait la source du mal. Que Daech soit une création de l'Occident tout-puissant est paradoxalement la poursuite de l'impérialisme occidental : les peuples se rebellant contre lui continuent d’être agis par ledit Occident, comme des peuples inertes par eux-mêmes.

Le djihadisme n'est pas un tiers-mondisme, répandu de la Mauritanie au Xinjiang, il a pleine conscience de son unité. Un revers au Nigéria est compensé par un succès en Syrie, un recul en Irak par une avancée en Afghanistan.... (p44) Cette zone immense comprend des pays qui n'ont jamais connu d'intervention occidentale et dont on ne parle pas (p57). Le communiqué de l'Etat islamique qui rendait compte des attentats parisiens du 13 novembre ne mentionnait aucune cause de type tiers-mondiste (p54). La mémoire de la colonisation n'y apparait pas parce qu’elle est désolante pour l'Islam ; selon un des hadiths du prophète : « l'Islam domine et n'est pas dominé. »

L'Islam fut un allié pour les colonisateurs, détournant le peuple des tentations révolutionnaires. Il y eut, jusqu'à la fin de la guerre froide, une alliance de l'empire et de l'Islam contre l'ennemi commun, le communisme. Cette alliance fut politiquement stable et culturellement très défiante. (p72). Après une période pendant laquelle les nouveaux Etats centraux issus de la décolonisation eurent une forte couleur laïque, sans rompre avec la religion musulmane, les bédouins sommés de se sédentariser dans cette forme, reprirent leurs combats, fédérés par le djihadisme. Pendant que l'empire développe le progressisme sociétal ouvert aux femmes, aux homosexuels... les activistes de l'islamisme déploient au contraire les valeurs d'une droite extrême et religieuse (p74).

Pour Ibn Khaldoun, l'Islam est inséparable du djihad dans son principe (p79). Une religion doit régner pour exister vraiment. Une religion est constituée d'une dawa (une cause) et d'une assabiya, rassemblement de bédouins à la conquête de l'empire qui les constitue en négatif. Contrairement aux religions juives, chrétiennes, au bouddhisme, dans l'islam dawa et assabiya coïncident, ce qui implique des devoirs de guerre, on le voit dans la personne du prophète lui-même. Cette adéquation de l'Islam à la nature politique de l'humain est une preuve de la vérité de l'Islam, pour Ibn Khaldoun (p85).

Après la création de l’islam, l'empire musulman se sédentarise et se pacifie. Dawa et assabiya se séparent. Après le XIème siècle, il n'y a plus que les arabes pour être musulmans, les maîtres turcs ont délaissé la religion qui ne leur est d'aucune utilité pour exercer le pouvoir. Pendant plusieurs siècles, l'obligation du djihad (conquérant) a disparu puisque la conquête est là.

Dans les religions monothéistes, le retour aux sources (texte et vie du prophète) est un mouvement récurrent. Et à l'inverse des deux autres monothéismes, l'Islam a la valorisation de la violence dans ses textes initiaux et dans la vie du prophète. Les guerres de religion en Occident sont brèves. En Islam, le djihad est toujours là, sous-jacent. La question de la place de la révolte djihadiste est centrale en Islam.

Si « faire l'amalgame », c'est confondre islamisme et religion musulmane, force est de constater que nombre de gouvernements de pays musulmans se livrent eux-mêmes à cet amalgame, en abandonnant implicitement la version universelle et normative du sunnisme aux islamistes. (p93).

Pour Gabriel Martinez-Gros, la question en jeu est celle, anthropologique, de l'empire et de ses bédouins.

Nous ne devons pas accepter de nous laisser guider notre conduite par des minorités violentes qui viennent nous dire que nous ne méritons pas d'être libres.
Commenter  J’apprécie          10
Brève histoire des Empires

Livre remarquablement documenté, mais à réserver à des étudiants.

En effet l'études des empires romains, chinois , romains et arabes est tellement truffé de noms de tribus et de régions, d'annotations de pieds de page occupant une grande part de la page elle même, que l'on s'y perd rapidement et aisément.

Par contre l'introduction (40 pages) et la conclusion (48 pages) permettent de tout bien recaler.
Commenter  J’apprécie          10
L'Empire islamique : VIIe-XIe siècles

Gabriel Martinez-Gros, historien spécialiste de l'Islam médiéval, introduit sa monographie par un constat : la prétention de l'Occident à l'universalité de sa civilisation a imposé depuis deux siècles une lecture particulière de l'Histoire, où l'examen du passé n'a d'autre but que d'expliquer le cheminement vers le modèle occidental, appelé à éclairer le monde par ses promesses de progrès infini.

Ainsi, pendant longtemps, le monde islamique n'a été étudié que pour mieux expliquer son déclin, qui aurait coïncidé par un effet de balancier avec le réveil de l'Europe.

Pour écrire une autre histoire de l'Islam, l'auteur a voulu sortir de cette idéologie et chercher une grille de lecture inédite, celle du plus grand historien musulman du Moyen Âge, Ibn Khaldoun (1332-1406).

Gabriel Martinez-Gros examine ainsi les quatre premiers siècles de l'histoire islamique à travers le regard et la pensée de cet historien célèbre, et notamment de ses concepts sur la naissance et la chute des empires.

Voilà donc un ouvrage stimulant mais en même temps assez exigeant.

Petit point négatif : au-delà de l'histoire politique de l'empire islamique, le livre aurait gagné à donner quelques détails sur la culture et la civilisation née de cet empire, dont on sait qu'elle fut florissante.
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Gabriel Martinez-Gros (117)Voir plus

Quiz Voir plus

Portraits d'écrivains par des peintres

Bien avant de devenir Premier peintre du roi, et de réaliser les décors de la galerie des Glaces à Versailles, Charles Le Brun fut élève de Simon Vouet. De quel tragédien fit-il le portrait en 1642 ?

Corneille
Desmarets de Saint-Sorlin
Molière
Racine

12 questions
82 lecteurs ont répondu
Thèmes : portraits d'écrivains , Peinture française , peinture anglaiseCréer un quiz sur cet auteur

{* *}