AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782356870933
476 pages
Editions Le Bord de l'Eau (16/11/2010)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Le contemporain démocratique nous invite, depuis quelques décennies, à penser le sexe et le genre. La légitimité de cette réflexion s'affirme enfin. Dans cet ouvrage qui réunit La controverse des sexes, La différence des sexes et un recueil d'articles inédits, la démarche privilégie l'« à côté » d'une recherche des définitions et des identités. Le passage conceptuel de « sexe » à « genre » demande une distance critique. C'est à partir d'un repérage des lieux dans u... >Voir plus
Que lire après À côté du genreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'universel comme privilège d'une catégorie sur les autres

Dans son introduction, Geneviève Fraisse aborde un discours philosophique chez Platon, la servante de Thrace, celle qui n'a pas de nom, la question des sexes, un problème philosophique encore incertain, l'être et la pensée « à coté ». le texte se termine par Dix clés pour ouvrir les textes qui suivent. Elle y aborde, entre autre, le genre comme concept, la neutralisation des femmes et les effets du sexe, les mots sexe et genre, la « différence des sexes » comme catégorie vide, la pensée démocratique, l'opérateur « égalité », la démocratie exclusive, l'alliance égalité liberté, l'émancipation des femmes, le service, le consentement, la tradition philosophique, la reconstruction de la pensée et l'insuffisance de la déconstruction, l'invisibilité des femmes, l'histoire et l'inachèvement démocratique, l'égalité et l'inexistence d'un mouvement spontané, la représentation intemporelle des sexes et le refus de l'historicité, la contradiction entre le féminisme et les pensées radicales, le contretemps de la finalité féministe, l'exigence épistémologique, le sujet et l'objet, le statut particulier de la pensée des sexes…

De nombreuses thématiques abordées ici seront revisitées par l'autrice dans des textes ultérieurs. Un fils construit autour de la philosophie, des sexes, des femmes et de leur histoire, de l'émancipation et de ses contradictions…

Je choisis très subjectivement de ne souligner que certaines analyses.

La première partie « La différence des sexes » est un livre paru en 1996. Geneviève Fraisse indique que la différence des sexes ne fut jamais un objet officiel de la philosophie, que le lot des femmes est « d'être hors du champ conceptuel d'un coté, et sous les feux de la représentation imaginaire, fût-ce ceux de la mode, de l'autre ».

Avant de proposer les moyens d'une réflexion philosophique sur la différence des sexes, l'autrice discute de l'espace de la beauté et de la parure, des femmes comme objet de commerce, de l'apparence et de la vérité, du glissement permanent entre « le lieu du sujet et le lieu de l'objet », de l'ornement, de la nudité et de la vérité…

Le livre s'ouvre « sur « une drôle d'idée » et espère se fermer avec quelques idées plus stimulantes », des chapitres sont consacrés à l'amour, à Eros et au désir, comme objet et axe de travail philosophique ; puis à la présence réelle de la différence des sexes en philosophie et à quelques hypothèses de travail, « Celle d'une différence des sexes comme principe caché de la possibilité de pensée, celle d'une différence des sexes comme moyen d'échange de la pensée, et enfin celle d'une historicité de la différence » ; enfin à une pensée de l'altérité des sexes en termes de sujet et d'objet, « L'historicité de la différence met en lumière la mobilité extrême de ces deux positions, de sujet et d'objet, et permet ainsi un nouveau regard sur l'histoire même de la philosophie »…

Mes connaissances des auteurs philosophes cités étant bien limitées, j'en reste aux domaines que je maitrise un peu mieux. L'autrice met l'accent sur l'image traditionnelle, « celle de la femme incapable d'abstraction, de symbolisation », les femmes mises en marge du paysage philosophique, la curiosité et la peur du sexe de certains, celles qui posent « la question de leur-être femme dans la pensée », Hannah Arendt et Simone Weil et leur choix du neutre donc du « peu importe mon sexe », la forclusion de la différence des sexes du champ de la philosophie, les mots pour dire ou maquiller, l'identique et le différent, les conditions d'intelligibilité, le féminin et les femmes, le terme d'échange « en gardant l'idée à la fois de la médiation et de l'escamotage »…

J'ai particulièrement apprécié le chapitre sur « Histoire et historicité », la différence des sexes dans l'histoire – son historicité -, le temps de la redéfinition « des espaces publics et privé pour la femme », l'idéalisme oublieux du corps mais « garant de l'autonomie de l'esprit », la convention qui voudrait que la femme ne puisse échapper à « sa nature », le bêtisier misogyne des philosophes (l'autrice écrit qu'il n'est pas sûr qu'il soit à désolidariser de l'ensemble de leur pensée ; formule diplomatique – gageons qu'au contraire il est au fondement de leur pensée, à commencer par celle du sinistre Pierre-Joseph Proudhon), la disqualification des femmes, l'ère contemporaine et le problème de l'égalité des sexes, l'émancipation des femmes comme « propos abominable », la pensée de la domination de l'Ecole de Francfort…

« Réfléchir l'historicité suppose le passage d'une histoire des représentations à la représentation de l'histoire. Dans la représentation de l'histoire, le sujet sexué et la relation entre les sexes sont réintégrés dans la production de la pensée et de l'action propre de l'humanité »…

Geneviève Fraisse poursuit avec les ruptures, l'idée nouvelle au XVIIIe siècle de l'égalité des sexes, un socle nouveau de représentations possibles, l'idée que « le conflit entre les sexes peut se régler politiquement », le mouvement qui prend forme après1830, la querelle et le conflit, le droit refusé et le droit réclamé, l'espace privé « comme lieu nouvellement affecté par le politique, par l'idée d'égalité », la langue et l'écriture du sexe, le passage du sang au sexe…

L'autrice consacre un chapitre « à la connaissance que le philosophe laisse voir d'un enjeu entre hommes et femmes et à la façon dont il contourne ou détourne cet enjeu. Il est clair que l'idée d'égalité des sexes n'est pas étrangère à la lucidité nouvelle, conscience du défi et refus de le prendre en considération », la connaissance et l'ignorance, l'enjeu politique, la misogynie et l'antiféminisme, August Strindberg et Henrik Ibsen

« S'expliquer sur son propre compte va au-delà de l'identité sexuée, est un mouvement qui redistribue complètement les cartes entre objet et sujet femme ». Geneviève Fraisse discute de l'altérité et de sa conjugaison avec l'infériorité, la possibilité du savoir, l'historicité politique de la différence des sexes, le semblable ET le différent, du matérialisme, « le matérialisme peut être subversif ou conservateur suivant le sexe qui parle »…

Je me suis étendu sur cette première partie, malgré mes lacunes dans le domaine philosophique, car il me semble important, pour utiliser une expression de l'autrice, de souligner que le féminisme, ça pense.

La peur des démocrates, l'universel et le concret, « C'est donc à partir de la démocratie comme temps historique et lieu idéal que nous pouvons penser un lien nouveau entre les sexes ». Il n'y a pas d'immuabilité du rapport entre les sexes malgré la croyance à « l'anhistoricité de leur différence »… L'autrice aborde, entre autres, le pouvoir masculin, la sexualité humaine, les limites de la seule dénonciation, le genre comme concept, le sexe, « Sexe plutôt que sexualité, différence des sexes plutôt que différence sexuelle, sexe plutôt que genre », l'histoire sexuée, la mixité et la parité, les modifications de la structure de la domination masculine et sa non dissolution, la pensée de l'autre et se penser comme autre, la superposition illégitime de l'universel et du masculin, la généalogie des représentations, les femmes comme boucs émissaires, la muse et l'artiste, la chant des sirènes, « le chant est à la fois séduction et savoir, promesse et connaissance », les représentations de la vérité…

J'indique aussi d'autres sujets discutés, la stratégie de l'émancipation, « Une stratégie d'émancipation ne va pas sans une pratique de la subversion », Hannah Arendt et Simone Weil, l'universel et les catégories, Simone de Beauvoir, l'unicité et la multiplicité des formes du féminisme, l'égalité et la liberté, « La discrimination fait mentir le principe d'égalité fondé sur l'identité des êtres ; la violence dément le principe de la liberté au nom de la différence des êtres », la démocratie exclusive, la parité, « la parité est une idée, une théorie « pratiquement vraie mais théoriquement fausse », l'habeas corpus, le travail et les conditions de l'égalité économique, le service et la démocratie, la langue…

La dernière partie est consacrée à des textes publiés entre 2002 et 2008. J'y ai notamment apprécié les analyses sur la symbolisation, les outils et les concepts, « Nous en avons pour finir quatre, l'identité, la différence, l'égalité, la liberté, deux concepts ontologiques et deux politiques », l'habit de l'égalité, les rapports à l'histoire, les contradictions, « Ne pas la fuir, cette contradiction, ne pas penser qu'elle est soluble, surtout lorsqu'il s'agit de conjuguer la particularité sexe/genre avec l'universalité du genre humain… », les contretemps de l'émancipation des femmes, les dérèglement des représentations, le devenir sujet, « La résistance à la domination se transforme en affirmation de subversion », l'objet et la marchandise, la restitution de l'intelligibilité d'un discours d'émancipation et ses effets dans l'histoire politique…

Des analystes matérialistes de la construction de la différence des sexes et des possibles émancipateurs, « un éclat de lumière printanière dans la grisaille de la domination masculine ».
Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          32

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
L’historicité de la différence met en lumière la mobilité extrême de ces deux positions, de sujet et d’objet, et permet ainsi un nouveau regard sur l’histoire même de la philosophie
Commenter  J’apprécie          10
Réfléchir l’historicité suppose le passage d’une histoire des représentations à la représentation de l’histoire. Dans la représentation de l’histoire, le sujet sexué et la relation entre les sexes sont réintégrés dans la production de la pensée et de l’action propre de l’humanité
Commenter  J’apprécie          00
Ne pas la fuir, cette contradiction, ne pas penser qu’elle est soluble, surtout lorsqu’il s’agit de conjuguer la particularité sexe/genre avec l’universalité du genre humain…
Commenter  J’apprécie          00
La discrimination fait mentir le principe d’égalité fondé sur l’identité des êtres ; la violence dément le principe de la liberté au nom de la différence des êtres
Commenter  J’apprécie          00
S’expliquer sur son propre compte va au-delà de l’identité sexuée, est un mouvement qui redistribue complètement les cartes entre objet et sujet femme
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Geneviève Fraisse (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Geneviève Fraisse
Comment aimer son corps dans une société qui a longtemps cherché à dissimuler et à modifier celui des femmes ? Comment parler du corps quand sa représentation est toujours sujette à un regard normatif cherchant avant tout à façonner des corps performants et utiles ?
Chantal Thomas, de l'Académie française, est écrivaine et essayiste. Ses livres Souvenirs de la marée basse (2017), de sable et de neige (2021), et Journal de nage (2022) sont des évocations autobiographiques dans lesquelles elle révèle l'histoire de ses sensations et notamment son goût inconditionnel pour la nage et un mode de vie nomade, détaché des servitudes communes.
Geneviève Fraisse, directrice de recherche émérite au CNRS, est philosophe de la pensée féministe. Ses ouvrages La suite de l'histoire, actrices, créatrices (2019), et Féminisme et philosophie, (2020), À côté du genre. Sexe et philosophie de l'égalité (2010), ou encore La sexuation du monde. Réflexions sur l'émancipation (2019) et le féminisme, ça pense ! (2023), réintroduisent le sexe, le genre et le corps au coeur de la pensée philosophique et d'une réflexion renouvelée sur la nécessaire égalité entre les sexes.
Les extraits lus par Ambre Pietri lors de cette soirée mettront à l'honneur le corps, auquel les oeuvres de Chantal Thomas et celle de Geneviève Fraisse assignent une place prépondérante.
La rencontre est présentée par Fanny Arama, docteure en littérature française du 19e siècle.
+ Lire la suite
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (4) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}