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Citations de Georges Duhamel (202)


Quoi qu'il en soit, Eugène Roch, en l'année 1900, était si curieusement laid que, lors de sa première visite chez nous, ma petite soeur Suzanne, alors dans sa huitième année, ouvrit la bouche toute grande et se mit à pleurer. Elle ne dit pas pourquoi ; elle ne le savait pas fort bien elle-même. Roch fut sans doute le seul à saisir douloureusement, la raison de ce chagrin.
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- Ne faites donc pas le malin. Vous n'avez rien à y gagner. Si vous aviez payé vos dettes, nous ne serions pas chez vous.
- Pas de morale, Monsieur, répondit Papa. Si nous n'existions pas, nous autres, les mauvais payeurs, les pauvres gens, vous claqueriez du bec, vous et votre séquelle ; vous n'auriez rien à faire au monde. Nous sommes votre raison d'être, nous sommes votre gagne-pain. Vous devriez nous bénir, nous saluer à pieds baissés.
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Un garçon de ton âge doit commencer à se défier des dames de la rue. Et d'un ! Ecoute la suite? Défie-toi aussi des jeunes filles, oui, des très jeunes filles. Et de deux ! Ca t'étonne ? Possible. Tu me comprendras un peu plus tard. Ah ! Je devrais aussi te parler de certaines rencontres, de certains camarades, mais c'est plus rare qu'on ne le dit et, surtout... Non. On reparlerait de ça s'il y avait lieu. Je le verrais quand même bien. Au revoir, mon cher, et rappelle-toi ce que je t'ai dit : primo, les dames de la rue ; secundo, les jeunes filles. Voilà pour l'instant.
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Nous fûmes tous habillés de neuf. Grande affaire et qui mit en état de siège l'appartement à peine installé. En général, Ferdinand reprenait les habits de Joseph, et les habits de Ferdinand, lavés, reprisés, pliés attendaient dans un tiroir que je fusse en âge de leur donner le coup de grâce. Mais maman voulait que notre début rue Vandamme fût considéré comme une date capitale et nous reçûmes tous des vêtements neufs.
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La maison, l’endroit où l’on vit d’ordinaire finit par devenir comme une image de l’être : on ne connaît que ça, et on en voit toute la tristesse, toute l’intolérable tristesse. (p. 16)
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A fouler ce sol qui lui appartenait, à toucher ces pierres qu'il avait acquises et qui maintenant faisaient en quelque sorte partie de sa substance, partie de sa charpente, à contempler ces arbres majestueux, ces pelouses, ces fleurs, ces champs, ces récoltes, qu'il avait pouvoir de détruire ou de bouleverser à son gré, Joseph éprouvait une espèce de volupté qui n'était pas sans analogie avec les mystérieuses félicités de la chair.
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La raison ne saurait tout expliquer... Il faut se servir de la raison avec prudence, comme d'un instrument admirable, mais exceptionnel dans la nature, et parfois même dangereux.
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Si je n’avais pas de jardin, je pourrais malgré la guerre et plusieurs autres aventures, malgré les cheveux gris et diverses autres disgrâces, malgré tant de départs et tant de déchirements, si je n’avais pas de jardin, je pourrais oublier la mort, parfois une heure entière. Mais le jardin vit et meurt tout autour de moi, de nous. Il vit et meurt avec une égale profusion. Il n’est que naissances et deuils.
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Qui songe à priver l'homme des nouveaux biens qu'il s'est acquis par son industrie, à le priver de ses instruments, de ses machines, de tous son appareil de force ? Nul esprit de droit sens,assurément. Mais je suis bien sûr que sans les tempéraments que peut apporter aux excès de la Puissance temporelle une doctrine individualiste sagement observée, le monde se précipite dans le désordre et la détresse. C'est par l'individualisme sans cesse reviviscent que l'homme peut s'opposer à la mécanisation de l'homme, au triomphe de l'automatisme et de l'uniformité. Le goût et l'expérience d'un l'individualisme éclairé sont les conditions fondamentales d'une civilisation noble et bienfaisante
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J'ai, dans la suite des années, rencontré un grand nombre de politiques. Certains étaient des hommes intelligents. Certains étaient même des esprits cultivés. Les plus remarquables d'entre eux n'ont excité que modérément ma curiosité. Je n'ai jamais eu lieu de leur dédier un sentiment comparable à l'étonnement, à l'admiration. On ne saurait, faut-il le dire ? me croire incapable d'un sentiment tel : j'ai connu, des médecins, des artistes, une foule d'hommes admirables ou par leurs ouvrages, ou par leur caractère, ou même pour toutes ces raisons ensemble. Je vois, parmi les gens dits simples, parmi les hommes de petite condition, des mérites surprenants devant lesquels je m'incline très bas. À dire vrai, j'ai toujours trouvé, entre les talents des hommes politiques et les pouvoirs dont ils disposent, une disproportionallant parfois jusqu'à la discordance, et c'est un thème suffisant pour toutes les sévérités. En France, les hommes les mieux doués, les plus capables n'acceptaient presque jamais de se détourner de leur carrière originelle, celle dans laquelle ils s'étaient distingués dès l'abord, pour se consacrer à la chose publique. S'ils semblaient s'y essayer parfois, c'était en amateurs, comme Barrés, par exemple, qui n'a jamais songé sérieusement à prendre en main le gouvernail. Certains savants aussi se sont jetés dans la bataille politique, mais seulement lorsqu'ils ont senti que le génie de l'invention commençait de les déserter.
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M. Rohner n’a dit qu’un très petit mot:
« Alors ? »
Roch a haussé les épaules et a répondu d’une voix qu’il voulait indifférente, peut-être pour atténuer le coup:
« M. Chalgrin est nommé ».
Je suis obligé d’avouer que le visage de M. Rohner est devenu très laid. (…) Il a crié:
« C’est un intriguant ! Nous le savions ! Il n’est entré à l’Académie des Sciences que parce que je l’ai bien voulu. (…) Mais puisqu’il veut la guerre, eh bien ! ce sera la guerre. Je le briserai comme… comme… »
M. Rohner cherchait de l’œil quelque objet fragile et il s’est emparé d’une petite bouteille vide, qui se trouvait sur la table. Il répétait:
« Je le briserai comme cette bouteille ! »
Il a jeté la bouteille par terre, d’un geste furieux. Et il s’est passé la chose la plus ridicule du monde: la bouteille a rebondi deux ou trois fois et ne s’est point cassée. (…) Nous avions envie de rire et nous faisons de grands efforts pour n’en laisser rien paraître.
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Cette grande misère de la publicité littéraire semble trouver sa meilleure excuse dans les conditions aujourd'hui particulièrement âpres de la lutte pour le succès et pour la pâture pour la vie.
- D'une manière ou d'une autre, m'expliquait un jeune écrivain du type businessman, il me faut, dans la course, prendre le meilleur, distancer mes concurrents, les disqualifier si j'en ai l'occasion, les gratter au virage, les gagner au train ou au sprint, les intimider, les surprendre, bref les surclasser dans toutes les épreuves, ainsi je resterai seul sur la place.
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Chaque civilisation a les ordures qu'elle mérite. 
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Je crois aux choses autant qu'il faut pour en être le maître, pas assez pour en être esclave.
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Si j'étais Dieu, je ne souffrirais pas les arrivistes du Ciel.
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Le désir d'ordre est le seul ordre du monde.
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Pendant plusieurs semaines, je me suis trouvé si recru, si démoralisé que je faisais semblant de ne pas vivre, pour n’être point tenté de me détruire. Petit à petit, le calme est revenu. L’oubli suivra ; c’est ce qu’il y a de plus terrible. Je reprends mon journal et j’écris, pour ne pas oublier. J’ai fait, de ma personne, un examen général sans indulgence ; car, si je manque d’indulgence pour les autres, j’en manque aussi pour moi-même. Que cette justice dérisoire me soit, en secret, rendue. Je suis faible et lâche. Voilà. Me délivrer en me tuant serait trop simple et trop beau. Je suis faible et lâche pour l’éternité. Je ne crois pas à l’immortalité de l’âme et, pourtant, je suis faible, lâche, triste pour l’éternité, car la tristesse et la lâcheté ne sont pas que de Salavin, elles sont de l’éternité. Elles me survivront, comme le feraient mes vertus, si j’en avais. Je n’ai pas mérité cela, pas plus qu’Alexandre et César ne méritaient leur courage et leur gloire. Je n’ai pas mérité ce lot. Si je ne me suis pas tué, pendant le mois de septembre, c’est parce que ma mort ne suffirait pas à tuer toute la lâcheté du monde, l’éternelle lâcheté, l’éternelle tristesse du monde.
L’automne est venu. Je vis encore. Chose affreuse, je me suis repris à espérer. Déjà ma pensée, comme un chien, trotte en reniflant sur une autre piste.
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Il y a, sur la toilette, un petit miroir fêlé. Je l’ai retourné contre le mur. Je n’aime ni mon visage, ni mon âme, ni mon destin, et, pourtant, si je m’interroge avec franchise, je sens bien que je ne voudrais changer d’essence avec personne. Je ne connais pas d’homme qui voudrait changer vraiment et totalement d’essence avec qui que ce soit. D’un autre, on aimerait les dents, le teint, les traits, la prestance, le savoir, la fortune. Pas la racine, pas l’être profond, par cette chose qui est le moi, se moi que l’on préfère, malgré tout, même en le haïssant.
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30 Juillet. – Au troisième étage, de l’autre côté de la rue, dans l’hôtel neuf, loge depuis quelque temps un homme qui m’intéresse beaucoup. J’ai , sur sa chambre, un coup d’œil plongeant. Le soir, j’éteins ma lampe, je m’assieds dans le fauteuil crapaud, ce qui est une façon de ne pas le voir, ce fauteuil, puisque je n’ai pu m’en défaire, et, pendant de longues minutes, parfois des heures, je regarde l’inconnu de l’hôtel. Sa fenêtre est ouverte, à cause l’extrême chaleur. Il n’a pas même l’air de soupçonner qu’on peut le voir.
Les premiers jours , je l’observais négligemment. Je me passionne à ce jeu. L’inconnu se tient, le plus souvent, assis devant une petite table, comme moi-même. Il écrit, sur des calepins, remue toutes sortes de petits papiers, ou bien lit, un stylographe aux doigts. De temps à autre, il recule son fauteuil, allonge les jambes et s’étire en soupirant. La nuit est si calme que j’entends l’homme soupirer. Ah ! voilà qu’il enlève ses chaussures. Il soulève doucement le bout de ses chaussettes, ce qui repose le pied. Il se remet à lire. Il baille.
C’est un homme seul. Du moins il se croit seul. Peut-il imaginer que, là-haut, immobile comme une araignée à l’affut, un autre homme seul épie, dans l’ombre de la mansarde ? je ne suis pas très sûr de ne pas faire une chose coupable. Il me semble que je viole un secret terrible.
L’inconnu baille encore. Il se passe la main sur le front. De minute en minute, il glisse un index distrait dans son pantalon et se gratte. Un homme seul, que c’est triste ! Comme il est immobile ! Il dort ? Non, il doit rêvasser. Ah ! Il se met les doigts dans le nez. Il se lève. Il boit un verre d’eau
Je ne devrais pas rester là. Ce n’est plus de l’indiscrétion, c’est un crime de lèse-humanité.
Voilà qu’il se lève. Il se tord les doigts. Il remonte vers le fond de la chambre et disparait aux trois-quarts : je ne vois plus que ses jambes. Oh ! oh ! Il vient d’éteindre la lumière.
Que fait-il ? je frissonne d’une sorte d’horreur. Et j’éprouve un infini soulagement. En éteignant sa lumière, il m’a délivré, désenchainer. Je vais mettre mes paperasses en ordre et me coucher. Je fermerais ma fenêtre. Il n’y a de solitude que dans la mort.
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30 Juillet. – Au troisième étage, de l’autre côté de la rue, dans l’hôtel neuf, loge depuis quelque temps un homme qui m’intéresse beaucoup. J’ai , sur sa chambre, un coup d’œil plongeant. Le soir, j’éteins ma lampe, je m’assieds dans le fauteuil crapaud, ce qui est une façon de ne pas le voir, ce fauteuil, puisque je n’ai pu m’en défaire, et, pendant de longues minutes, parfois des heures, je regarde l’inconnu de l’hôtel. Sa fenêtre est ouverte, à cause l’extrême chaleur. Il n’a pas même l’air de soupçonner qu’on peut le voir.
Les premiers jours , je l’observais négligemment. Je me passionne à ce jeu. L’inconnu se tient, le plus souvent, assis devant une petite table, comme moi-même. Il écrit, sur des calepins, remue toutes sortes de petits papiers, ou bien lit, un stylographe aux doigts. De temps à autre, il recule son fauteuil, allonge les jambes et s’étire en soupirant. La nuit est si calme que j’entends l’homme soupirer. Ah ! voilà qu’il enlève ses chaussures. Il soulève doucement le bout de ses chaussettes, ce qui repose le pied. Il se remet à lire. Il baille.
C’est un homme seul. Du moins il se croit seul. Peut-il imaginer que, là-haut, immobile comme une araignée à l’affut, un autre homme seul épie, dans l’ombre de la mansarde ? je ne suis pas très sûr de ne pas faire une chose coupable. Il me semble que je viole un secret terrible.
L’inconnu baille encore. Il se passe la main sur le front. De minute en minute, il glisse un index distrait dans son pantalon et se gratte. Un homme seul, que c’est triste ! Comme il est immobile ! Il dort ? Non, il doit rêvasser. Ah ! Il se met les doigts dans le nez. Il se lève. Il boit un verre d’eau
Je ne devrais pas rester là. Ce n’est plus de l’indiscrétion, c’est un crime de lèse-humanité.
Voilà qu’il se lève. Il se tord les doigts. Il remonte vers le fond de la chambre et disparait aux trois-quarts : je ne vois plus que ses jambes. Oh ! oh ! Il vient d’éteindre la lumière.
Que fait-il ? je frissonne d’une sorte d’horreur. Et j’éprouve un infini soulagement. En éteignant sa lumière, il m’a délivré, désenchainer. Je vais mettre mes paperasses en ordre et me coucher. Je fermerais ma fenêtre. Il n’y a de solitude que dans la mort.
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