Avec Vie et aventures de Salavin, Duhamel introduit dans la littérature française ce type d'anti-héros aux prises avec ses problèmes existentiels et universels que l'on retrouvera dans
La Nausée de
Sartre ou dans L'Etranger de Camus. Salavin est un terne employé de bureau, qui, sur un geste stupide et gratuit, a perdu sa place. Sa chambre de vieux garçon, chez sa mère, et les rues de Paris, sont les décors privilégiés, de ses soliloques désespérés et de ses remises en question. C'est un être qui a le malheur – ô combien répandu! - de ne pas se contenter d'être seulement lui-même, et qui rêve, de don de soi, de sublimes dévouements, d'actes totalement gratuits et désintéressés, de bonté noble et d''héroïsme. Ce personnage d'écorcé-vif est humblement humain, et cependant, universel, dans sa quête de sens à sa vie et d'absolu.
J'ai le sentiment que Duhamel, grand lecteur de
DostoÏevski, a cherché à transposer , dans l'atmosphère de Paris,un personnage du génial russe, une sorte d'homme complexe, paradoxal, ténébreux et torturé. La greffe a pris avec des résultats inégaux, et ce n'est pas faire injure à ce grand romancier de dire que peu d'auteurs peuvent soutenir la comparaison avec le grand Fiodor.
Pour obéir aux goûts de l'époque en établissant une comparaison, chose aventureuse en matière d'art, je dirais que j'ai mieux goûté, de
Georges Duhamel, la Chronique des Pasquier.