Je possède une très ancienne édition de cet essai paru en 1936 et le relis toujours avec un immense plaisir.
Les Fables de mon jardin de
Georges Duhamel, médecin, botaniste amateur, poète et académicien français, est un petit ouvrage délicieusement vieillot et gracieux dans l'expression, et cependant totalement actuel et même nécessaire dans son propos.
Le jardin de sa maison de Valmondois dans le Val-d'Oise, théâtre de sentiments intemporels, était travaillé comme un tableau en perpétuel mouvement et considéré avec une bienveillance et « une tendresse universelle ». le potager se mêlait aux plates-bandes fleuries, au verger et à la basse-cour en évoquant un monde en miniature, un équilibre à maintenir et respecter. A une époque où l'on ne parlait pas d'écologie, de permaculture et pas plus de jardin Zen, les rêveries et les considérations de l'auteur sur la nature et ses secrets, sur « le gouvernement d'un jardin » ou sa clémence envers un petit limaçon nous transportent dans un monde sensible, éclairé tout autant que poétique.
On se laisse happer avec nostalgie dans un passé lent et paisible, à l'ombre d'un tilleul, attentif aux rares autos sur la route poudreuse ou au passage du mercier ambulant qui joue d'une petite trompette. On nous parle de fleurs au nom subtil : les amarantes, les capucines, les balsamines, les clématites ou de plantes qui sont bourgeoises ou intrigantes. Les cytises, les cerisiers et les pommiers, la fourmi militaire et l'oie déplumée conversent entre eux de sujets printaniers, de floraisons parfumées et de fruits en grappes, de voyages en montagne et de l'automne précoce. Tous entretiennent un dialogue étouffé mais profond avec le coeur de l'homme qui parcourt le jardin « à la saison claire » ou s'apaise sur un banc.
« Il me faudrait à chaque pas, dès que je sors de la maison, saluer de la main, du chapeau, du sourcil, de l'oeil ou du coeur - toujours du coeur, il va sans dire.- »
Il est aussi question du parfum des confitures dans la maison, des moucherons qui « tourmentent la grand'mère qui sommeille dans son fauteuil et, pour une minutes l'arrachent à l'abîme de ses souvenirs», du chien philosophe qui « connait l'hiver et l'été, la neige et la poussière » et de limaces prodigieuses.
Un beau livre, limpide et réparateur !