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Citations de Georges Navel (87)


Quand je lâchais pied, j'étais à bout, je voulais mourir. J'avais trop vu les murs de l'usine. Chaque journée recommençait les mêmes affres. Je ne payais pas le pain que je mangeais de sueur, mais de tristesse et d'ennui. Plus encore à l'usine qu'à l'école, je souffrais d'être enfermé. J'avais sur le dos un carcan pour toute la vie : gagner mon pain en travaillant.
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L'habitude nous abêtit et nous endort. Nous finissons par ne plus percevoir du monde que ses envers et ses ombres. Il nous faut réapprendre à aimer l'eau, le feu, à toucher la bête, le fruit, à regarder monter et descendre le jour avec des sens de prisonnier libéré, d'enfant en vacances, des yeux de commencement du monde. "La vie, dit-il* encore, ne vaut d'être vécue que dans la mesure où on s'en émerveille."


Préface de Paul Géraldy.
* c'est Georges Navel qui parle.
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Mon père allait vers sa quarantième année de présence à l'usine. Quand il n'en pourrait plus, qu'il s'arrêterait de travailler, l'usine lui servirait une pension, dix sous par jour en ce temps, juste la valeur d'un litre de vin ou d'un paquet de tabac...
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On rêve de mourir, de crever pas loin dans le silence bienheureux d'un petit bois. On se sent vivre dans un monde qui n'a ni queue ni tête, comme si l'homme avait été jeté dans la vie comme dans un marais et qu'il ne puisse s'y maintenir qu'en se châtrant de sa conscience, en se scalpant de sa raison.
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On se sent damné, séparé pour toujours de la communauté des vivants, l'âme et le corps desséchés par la torture du travail.
On rêve de mourir, de crever pas loin dans le silence bienheureux d'un petit bois...
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Ma mère m'a eu à quarante-sept ans. Je l'ai toujours connue comme une mère, comme une femme dont la beauté ne compte pas, mais seulement la bonté, la chaleur, la main à tartines. J'étais son treizième. Je l'ai toujours vue comme si elle avait eu soixante ans, comme toutes les vieilles femmes du village, les mères vertes et actives, sans jamais la confondre avec les grand-mères édentées, grondeuses, assises tout le long du jour avec leurs mains noueuses sur les genoux.
Dans le village on ne disait jamais d'une femme qui avait des enfants "madame" mais "la mère". Toutes les mère se ressemblaient. C'étaient des femmes à rides et à larmes. Leurs mains tannées sentaient l'ail. La mienne avait beaucoup pleuré, elle avait des lacs de larmes derrière ses lunettes, mais le reste du visage, du front à la bouche, continuait de sourire, la voix aussi.
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Je savais maintenant qu'on est sur la terre pour gagner seulement sa croûte, que la vie ne répond pas à cette attente de merveilleux qui donne aux enfants envie de grandir plus vite.
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Tous ces grands jeunes hommes bien portants, heureux de vivre, que faisaient ils dans la vie ? Je ne savais pas de quoi vivent les gens qui ne travaillent pas en usine ? Plus intelligents, plus habiles, riches de naissance ? Comment la richesse se gagne ?
Un jour je comprendrais de quoi les gens vivent, je n'aurais plus besoin de la terrible usine.

( p.169)
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C'était mon meilleur ami. ..........
Plus rien entre nous que des nouvelles de nos familles.
De son côté, beaucoup de morts, plus la sienne, celle de l'enfant dans l'adulte.
J'étais tombé de sa poche comme un vieux journal.
Nous n'avions plus rien à nous dire.
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Je ne crois pas au simple cafard, le cafard veut dire quelque chose. Il y a une part de cafard qui est en dehors de toutes raisons de santé. On peut être malade de la civilisation dans laquelle on vit, malade de l'homme dans les liens qu'on a avec tout l'humain.

( p.258)
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Quand ma mère lavait, je jouais avec les scarabées bleus, les cocccinelles. Toutes les couleurs se tenaient en rapport avec le ciel, le terrestre s'accordait avec l'invisible, les croyances aux anges faisaient musique, par beau temps j'étais grisé. (...)
Je regardais les champs, le ciel vide des présences dont je l'ai peuplé. Ma mère mourrait, je la perdrais pour toujours. Elle avait des cheveux gris, ma joue touchait ses lunettes, je l'embrassais. Je retournais à mes coccinelles quand elle m'avait rassuré. J'aurais voulu devenir grand sans qu'elle vieillisse. (p.16)
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J'ai cru découvrir, mais très tard, un principe de bonheur dans la pensée, la méditation, la songerie, la réflexion, qu'on appelle comme on voudra ce travail d'esprit, de création, de miroitement de la vie que fait n'importe qui, en allant seul, en marchant tranquille. Ma mère était souvent heureuse en cherchant des pissenlits. Elle aimait les champs, les bois, elle aimait ce qu'elle était là. Ce que j'ai trouvé très tard et clairement en découvrant dans la marche qu'accompagne le déroulement des songeries un principe de bonheur, je le savais inconsciemment quand je préférais l'école buissonnière à celle de l'instituteur, celle-là qui, en voulant me donner de l'instruction, s'appliquait sans le vouloir à tarir les sources qui rendent heureux.
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Ce qui était triste, il me semble que c’est la tristesse fatale à la grande industrie. Ce qui était triste, c’était la foule du matin des bataillons ouvriers en marche vers l’usine, le long de ses murs, vers son portail. Qu’il pleuve, c’est triste. L’eau dégouline sur les pardessus, les parapluies, la foule des pieds dans la boue sent le papier de journal ; elle est aussi triste que les faits divers qu’elle a lus. C’est triste encore quand il fait beau parce qu’elle va s’enfermer. Triste en hiver, parce qu’il fait noir le matin quand elle entre et noir le soir quand elle sort. Triste en été de s’enfermer dans une usine de banlieue qui touche à la campagne. Le train du matin qu’il fallait prendre sentait le vieux mégot, le schnik, le café crème, le soulier mouillé. Dans le noir du wagon, je reprenais un supplément de sommeil près des ombres transies. Le train filait dans cette banlieue d’usines à produits chimiques. C’était beau de temps à autre, en passant près des vitrages d’une fonderie violemment éclairée.
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Leur corporation, c'est un peu le corps franc des bataillons du monde du travail. Ils n'ont pas la bosse de la subordination.
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Le travail ne justifie rien. Le travail justifie le charron dans un village. Incontestablement il voit les services qu'il rend. Il justifie l'artisan, le menuisier, le plombier, l'ébéniste qui voient la tête de leur client. Il ne justifie pas le travailleur de la grande industrie qui produit pour la guerre ou pour les besoins de luxe de la classe privilégiée, qui produit une pièce en ignorant où elle va dans l'ensemble de la machine.
On peut supporter sa vie sans la justifier, mais pas seul. C'est trop pénible. Il faut une mère, une femme, des enfants, être dans des liens, cesser de réfléchir. La solitude sentimentale ne convient qu' à l'homme usé. (p.77)
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Les grands froids commençaient. J'étais rentré de permission par une nuit de cristal féerique. La neige scintillait sur les arbres en dentelles. Elle couvrait les champs, la route, d'une mince couche craquante, d'un scintillement complice des étoiles clignotantes. La terre semblait s'être parée pour recevoir le père Noël accompagné d'une foule d'archanges. Des milliers d'usines tournaient pour la guerre, des millions d'hommes en uniforme attendaient dans cette nuit- là.

( p.227)
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La mère Marion, notre propriétaire était très âgée, mais grande et droite comme un hussard. C'est elle qui venait à la maison embêter ma mère en réclamant son dû.
Son mari, un vieillard cassé en deux, marchait le dos à l'équerre comme s'il piochait dans sa vigne. la vieille femme semblait l'avoir séché et condamné au travail jusqu'à sa tombe.
Quand elle entrait, elle apportait une odeur d'avarice.
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Je marchais d'un bon pas, le fond de la clairière m'attirait. Il me semblait toujours que plus on s'éloigne, mieux on comprend le fond des choses.La route baignait là-bas dans des vapeurs bleues.C'était là-bas que je voulais arriver, au bleu de la route, où peut-être je pourrais tout comprendre.

( p.42)
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Le dos crépitant, la tête rincée de lumière, un instant le présent seul m'occupait. (...)
Je buvais au commencement du monde avant que l'homme soit devenu triste. L'eau et l'azur chantaient dans mes veines.Mon gosier était anonyme, grec ou indien, hors d'époque et d'histoire, une coulée primitive. Je ne savais plus que les usines et les armées existent, qui étaient mes parents, mon âge, mes rapports de prolétaire avec la société. Je buvais du temps pur, un bref instant d'illumination.

( p.148)
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Qu'il soit fermier, éleveur ou manœuvre, tout ça n'est rien. la raison d'être d'un homme réside dans ses aspirations et non pas dans les rôles auxquels la vie le pousse. Cette étoile signifie l'amour de l'humanité. (p. 159)
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