Citations de Gérald Bronner (349)
Ce n’est pas que le passé ne compte pour rien dans notre personnalité. Il serait absurde de l’affirmer. C’est plutôt qu’il nous sert aussi souvent à nous exonérer de beaucoup de nos responsabilités. Ce schéma narratif favorise ce que les psychologues ont nommé le biais d’autocomplaisance, c’est-à-dire la tendance de notre esprit à attribuer nos succès à nos qualités et nos défaites à la malveillance des autres.
C’est cet écart entre ce que nous croyons pouvoir désirer et ce qui est véritablement accessible qui définit l’espace de la frustration collective : c’est une matière sociale explosive.
Ainsi Alexis de Tocqueville soulignait-il qu’ « une idée fausse, mais claire et précise, aura toujours plus de puissance dans le monde qu’une idée vraie mais complexe ».
Aujourd’hui, quelqu’un qui détient un compte sur un réseau social peut directement apporter la contradiction, sur la question des vaccins par exemple, à un professeur de l’Académie nationale de médecine. Le premier peut même se targuer d’une audience plus nombreuse que le second.
...qui sait ce que l'humanité a perdu dans les milliards d'heures de disponibilité mentale qui sont déversées dans le dépotoir attentionnel ?
Notre histoire collective a nécessairement emporté avec elle, et pour toujours, des armées de génies méconnus.
Combien faudra-t-il de temps de cerveau utilisé a bon escient pour percer le plafond civilisationnel- si jamais la chose est seulement possible ?
La priorité de toute civilisation devrait être de faire le meilleur usage possible de ce trésor attentionnel et de mobiliser une partie des ressources à détecter les talents particuliers, où qu'ils se trouvent. p349
L'incertitude ressentie est la situation idoine pour que la croyance se trouve contaminée par le désir : dans le doute, crois ce que tu souhaites vrais ! p307
Certes, il n'y a rien d'utopique à vouloir doter les êtres humains d'outils leur permettant de faire leur déclaration d'indépendance mentale, mais l'idée qu'on puisse abolir les traits fondamentaux de notre espèce par décision devient vite une forme d'aliénation. p285
L'éditorialisation du monde par la peur crée des sillons dans lesquels vont s'écouler nos ressources sans toujours irriguer les terres qui en auraient le plus besoin. p118
Depuis 2013, la masse d'informations disponibles double tous les deux ans. [...] Chaque seconde 29000 Go d'informations sont publiées dans le monde. [...] En 2017, 253 000 textes par seconde étaient envoyés alors que, dans Le même temps, 60 000 recherches sur Google étaient effectuées tandis que chaque minute, 527 760 photos étaient partagées sur SnapChat et 456 000 messages tweetés.
Autre proportion frappante : 90 % des informations disponibles dans le monde ont été rédigées dans les deux dernières années. p96-97
Il est rare, en effet, qu'un croyant renonce à sa croyance sur la seule base d'une contradiction, aussi factuelle soit-elle.
Il cherchera plutôt à discréditer ceux qui la portent, à dissequer à l'infini les méthodes qui ont abouti à ces conclusions qui le gênent, à débusquer les fautes de raisonnements qui y ont présidé.
En bref, il ne se laissera pas faire et se battra jusqu'au bout pour préserver ce système de représentation qui l'aliène sans qu'il s'en rendent compte. p15
En 2007 (cela varie un peu d’une année à l’autre), on avait pour la population d’âge actif (20 à 60 ans) un taux de 19.6 suicides pour 100 000. Vingt-quatre suicides en dix-neuf mois, cela fait 15 sur une année. L’entreprise compte à peu près 100 000 employés. Conclusion : on se suicide plutôt moins chez France Télécom qu’ailleurs. Il n’y a pas de « vague de suicides ».
Celui-ci [le théorème de la crédulité informationnelle] se fonde sur le fait que le mécanisme de recherche sélectif de l’information est rendu plus aisé par la massification de cette information. Tout cela concourt à assurer la pérennité de l’empire des croyances. Ce théorème peut donc s’énoncer en sa forme la plus simplifiée ainsi : plus le nombre d’informations non sélectionnées sera important dans un espace social, plus la crédulité se propagera.
Le magistrat et historien français (Alexis de Tocqueville) a souligné avec une grande clairvoyance que les sociétés démocratiques engendrent par nature un taux de frustration supérieur à tous les autres systèmes sociaux en raison des principes sur lesquels elles sont fondées : récompense du mérite et revendication de l’égalité de tous.
Vous avez souvent été notés. Supposons que vous ayez eu 12 à un devoir. Étiez-vous plus heureux si les autres avaient en moyenne 8 ou si, au contraire, ils avaient en moyenne 15 ? Cela ne changeait rien à votre note, mais votre satisfaction était-elle la même pour autant ? » Sauf à être de mauvaise foi, la plupart reconnaissent que, souvent, notre aptitude au bonheur dépend en partie de la disgrâce des autres.
Partout, l’éditorialisation de l’information est contaminée par l𠆚nticipation de la demande dès lors que la pression concurrentielle augmente : moins de traitement de fond, plus de divertissements, mise en scène de conflit de personnalités avec la convocation d’éditorialistes aux positions tranchées et opposées.
Nous ne reconnaissons pas aisément dans les faiblesses de l’autre le reflet des nôtres...
Information partout, vérité nulle part !
(...) la massification de l'enseignement supérieur et l'augmentation du taux de diplôme dans les sociétés démocratiques n'accroissent pas mécaniquement la proportion de professions ou de positions sociales prestigieuses. On augmente donc le taux d'aspiration sans faire varier beaucoup celui des satisfactions.
Sans nous en apercevoir toujours bien, nous sommes enserrés de liens sociaux qui limitent et orientent notre accès à l'information en ce qu'ils nous exposent préférentiellement à tel type d'argumentations, d'idées, de croyances plutôt qu'à d'autres. p 207
De même que dans la fable d'Esope, nos contemporains crient facilement au loup, ou écoutent trop complaisants ceux qui le font. Les nouvelles conditions du marché de l'information les y aident, mais aussi l'idéologie " démocratiste" ( plutôt que démocratique ) qui considère que chacun, quelle que soit sa compétence, a le droit de s'exprimer sur tous les sujets. Ceux qui s'auto-désignent comme des "donneurs d'alerte" sont fréquemment applaudis par les défenseurs de la démocratie délibérative, sans considération pour l'état de la connaissance scientifique...