Ne parvenant à me concentrer sur mes lectures en cours, j’avais besoin d’un bon page-turner capable d’accrocher mon attention dès les premières lignes : ce recueil de Gilles Perrault s’est avéré parfait pour cela grâce à la maîtrise narrative de l’auteur, mais a aussi très rapidement fini par m’agacer. La raison principale en a été une trop grande inégalité entre les nouvelles, qui m’a donné le sentiment de lire un grand fourre-tout inabouti.
Le premier texte, Rex, a réussi à fixer mon attention dès les premières lignes grâce à un début in medias res et à un crescendo narratif très bien maîtrisé : la peur des personnages va croissant, de même que celle du lecteur face aux vandales tambourinant la caravane du narrateur. Là où tout ce bel édifice s’est écroulé pour moi, c’est lors de la chute (au sens propre comme générique) : je ne l’ai pas du tout comprise. Était-ce une façon de dédramatiser cette nuit infernale ? Une touche d’humour à laquelle je n’ai pas été sensible ? Quoi qu’il en soit, elle m’est surtout apparue comme un élément inapproprié et très mal amené.
Si les autres récits sont tout aussi bien construits d’un point de vue narratif, ainsi que l’indique la quatrième de couverture – je ne nie pas le talent de raconteur de Gilles Perrault, sans pour autant aller jusqu’à une comparaison avec son illustre éponyme, ni son art du suspense bien dosé –, ils souffrent malheureusement également de quelques défauts. Plusieurs notamment m’ont laissée sur ma faim : l’univers est bien construit et installé, puis la nouvelle s’arrête sans vraiment se terminer d’après moi. On ne sait pas ce qui advient finalement de l’homme du Lutetia, ni du jeune garçon qui l’accompagnait pour retrouver ses proches à son retour après sa déportation. De même, on laisse de façon trop abrupte la comtesse du Boisjoly et son petit protégé, deux employés d’un hôtel très huppé. Ce ne fut pas le cas de La preneuse de son, qui m’a tout de même laissée perplexe : après une succession de cancans autour de l’arrivée d’un étrange jeune homme poli et insensible aux charmes féminins, la révélation finale (assez surprenante) arrive comme un cheveu dans la soupe et m’a semblée sans intérêt.
Heureusement, il n’y eut pas que des déceptions pour moi dans ce recueil : la nouvelle Train de nuit notamment est plutôt réussie. Elle détonne un peu par son caractère érotique au milieu des autres, mais garde un bon rythme narratif. Je lui ai tout de même préféré La dernière lettre, un texte très émouvant entre présent insatisfaisant et passé parental. Adieu, vieux camarade ! m’a de même bien plu : le dialogue entre les ennemis d’hier est bien mené et la révélation finale bien intégrée.
Enfin, la nouvelle qui donne son nom à l’ensemble, Les deux français…, est assez étrange : l’auteur explique son projet dans les dernières pages en avouant ne pas l’avoir réussi : était-ce bien nécessaire ? L’idée d’alterner les narrateurs pour parler de ces deux français débarqués à la base militaire anglaise est plutôt bonne, bien qu’il n’est pas facile de s’y retrouver parmi tous ces personnages. Mais encore une fois, était-il bien nécessaire d’inventer cette histoire de traducteur dans les notes de bas de page ? Le procédé est assez éculé, mais en choisissant de l’utiliser, il faut au moins l’introduire par une préface ou une note quelconque.
Bref, un avis assez brouillon pour un recueil qui me l’a paru tout autant : une trop grande inégalité entre les nouvelles gâche l’ensemble.
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