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Citations de Grégoire Polet (134)


" Paris, quelque part entre le dix-neuvième et le vingtième arrondissement,
les habitants se croisent, se frôlent, se rencontrent parfois..."
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Il y a des jours comme ça, où tout va bien. Du plus petit détail jusqu'au grand tout, des jours où le monde est un chef-d'oeuvre.
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Puisque certains diamants synthétiques sont indifférentiables d'avec les naturels, pourquoi cette dame s'offusque-t-elle le jour où le bijoutier lui apprend que sa pierre est fausse et pourquoi cesse-t-elle de la mettre à son doigt? La beauté de sa bague n'est-elle plus pareille? A-t-elle perdu, objectivement, de sa splendeur?

Le vrai le faux sont des inventions commerciales, des plus-values de marchands, des mensonges de maquignons, des arguments d'hypocrites. C'est une manière de créer des supériorités, de justifier des exclusions, d'exagérer des amours, d'exacerber des haines. Une manière de fonder le bonheur des uns sur le malheur des autres. Une raison de nier l'égalité, d'empêcher la fraternité, de miner la paix et de justifier les guerres.
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- Merde alors: l'amour! Tiens-toi prête! L'amour, c'est le plus bel accident de la vie. Une collision sacrée.
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On fait son pain. On verse de la farine dans le plat, on y ajoute un peu d'eau, un sachet de levure, une pincée de sel, on pétrit, on laisse reposer, on met au four, et avec la chaleur se lèvent lentement des effluves merveilleux. Déjà le sourire vient aux lèvres. On secoue le tablier, on balaie la table, la farine volatile se suspend dans l'air qu'on respire et dans la rainure d'un meuble vient se poser, pour combien de temps, grain minuscule, la mémoire de ce que furent les meules, les camions, la moisson, les épis, les vents et les orages, le jaune, le vert, le bleu, la semence dans le sillon en quelque point de ce champ réparti sur la Terre et vaste comme quatre France, où l'on cultive en rangs serrés blé dur et froment.
Ce grain-ci probablement vient de la campagne voisine.
Ou bien par train, camion, paquebot, de nouveau train, puis camion, d'aussi loin que le Montana américain, comtés de Hill et de Chouteau, où la prairie est vaste, plate et beige comme une crêpe, les horizons festonnés de lointaines ondulations noires et bleues, les montagnes, semblant des dos d'animaux endormis, où l'espace pâle et divisé en mosaïque est clairsemé de fermes modulaires au toit rouge, posant pour les spectateurs du ciel comme des Mondrian involontaires, tandis qu'au-dessus d'elles le ciel, aussi limpide que la terre, semble une culture d'azur clairsemée de fermes blanches.
Ou de ce petit champ bossu que je connais, dans le Brabant, en forme de hérisson quand les épis se sont dressés sur lui et, quand il est chauve, d'août à février, en forme plutôt de tête d'homme couché, comme si la couverture marron de terre humide et retournée était un linceul souple posé sur un corps mort, se soulevant en épousant les formes proéminentes de la tête et rondes du front et du crâne, donnant à tout moment l'impression que ce mort pourrait se relever et le champ noir glisser et tomber comme un drap, car en effet il renferme, ce champ, sous sa bosse presque humaine, des ruines justement d'une ferme où il y a deux mille ans cent vingt ouvriers gaulois engrangeaient pour un notable romain venu de Lucques ou de Capoue, le blé, l'orge et la luzerne fleurie dont la culture vallonnée rappelait sans doute au mélancolique colon les vues de son enfance en Toscane ou de la Campanie, les pentes douces d'où descendaient, échauffés par le labeur et le soleil, les bœufs placides, indifférents à leur sonnaille, précédant le bouvier et attendant ces deux setiers de vin qu'on leur versera dans la gorge selon la prescription de l'aimable Columelle, dételés, le soir tombant, avant d'être menés à l'abreuvoir.
À moins que, ni dans le Montana froid ni dans le Brabant humide, ce petit grain ne germât plutôt aux chaleurs de l'Inde intérieure, quelque part entre Jabalpur et Bhopal, où naguère, il y a un quart de siècle tout de même, pour qu'un hectare de blé rendît mieux et pour que le pays pût cesser d'importer tant de blé cher, on fit construire par des gens qui avaient sans doute moins le souci du blé de l'Inde que de leur pèze à eux, cette géante usine branlante de pesticides dont il ne reste aujourd'hui que quelques poutres rouillées et des toits éventrés en bordure de la route et du chemin de fer, après qu'en une nuit de décembre, à cause d'une fuite dans un réservoir, le gaz vénéneux qu'on destinait aux insectes nuisibles empoisonna cent mille personnes et en tua, d'un coup, près du quart. "You've got the brawn, I've got the brains, let's make lots of money".
S'il ne vient pas d'Inde, il vient peut-être de Chine, ce grain de blé devenu grain de farine, des rives où le fleuve du Paon, quand il a patiemment creusé la terre du Tibet, devient le fleuve Jaune et dépose sur la campagne ses alluvions fertiles, ou bien plus au nord, au-dessus des Corée, de cette plaine mandchoue où l'on voyait jadis, spectacle disparu, des petites trinités de laboureurs suivant un cheval, le cheval tirant la charrue, le soc de bois ouvrant le sillon, le premier laboureur dirigeant la manœuvre, suivi comme son ombre par le semeur, une boîte percée entre les mains qu'il va agitant de gauche et de droite et d'où tombent parcimonieusement et en rythme les semences, que le troisième homme fait disparaître en refermant le sillon de quelques coups de houe sans cesse répétés sur toute la longueur du champ, puis repartant, tous trois, le cheval et la charrue, en boustrophédon. Quand c'était du blé, on le gardait ; quand c'était du soja, une portion partait avec le convoi jusqu'au marché local, où l'acheteur le mettait en sac, l'acheminait jusqu'au poste ou à la station, pour qu'il descende, en quantités plus grandes accumulées par un acheteur plus important, par voie d'eau ou sur les rails, jusqu'aux ports de la mer Jaune, et de là s'en aille, vers les pays barbares.
Petit éloge de la gourmandise - Grégoire Polet - Folio - pp. 73-75
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Mais au moment de juger vraiment, de juger l'homme, de juger ma vie, j'espère que vous aurez des doutes, et l'humilité de vous découvrir incompétent.
Je veux dire : empêché.

A partir de quel bien, en effet, et de quel mal, jugerez-vous l'homme, le peintre, l'artiste, le faussaire, l’illustrateur, le fils, l'ami, le père, l'époux, le veuf ?
Toutes ces facettes ne sont-elles pas un étrange mélange ? Comment pourrez-vous unifier votre sentence, et ne pas vous perdre, comme je me suis perdu, dans ce -permettez-moi- ce "Ballet de masques" ?
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Ce n'était pas ma valeur propre qui tout à coup éclatait au grand jour, c'était le ridicule du monde.
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La réalité était une sorte de rêve, qui parlait, au titre qu’un rêve est un dormeur se parlant à soi-même un langage incohérent, discontinu, mais urgent. La réalité était tantôt ce rêve sous forme de rêve ou sous forme de cauchemar.
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Et , rien que de savoir qu'il s'approche de Pitcairn et d'un petit bout de terre ferme, sa pensée déjà retrouve du calme, s'incarne dans des formules possibles à noter dans son carnet. Des pensées qui marchent sur deux jambes, qui se tiennent debout, qu'on peut avoir devant soi et avec qui l'on peut parler. Un peu civilisées.
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Autour de lui, sa librairie. Comme le vieux cadre autour d'un portrait. Petite bouquinerie, livres anciens et d'occasion, grimpant aux murs comme du lierre, formant sur les tables des piles irrégulières et obliques comme une architecture de Gaudi.
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Il ne faut pas confondre la vie et les contes de fées. L'innocence et la pureté sont des facettes, des moments dans un processus complet, des états passagers et casuels d'un système en permanente métamorphose, comme le reste, ni plus, ni moins, que le reste. Le vrai c'est un point de vue, ou une réalité fortuite.
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Le trafic, dans la rue, est complètement musical : en accordéon. Il se dilate, il se contracte ; il se dilate, avec des grondements en canon de moteurs qui se lancent ; il se contracte avec la flûte suraiguë d’un frein qui siffle et la polyphonie improvisée des coups de klaxon. Crescendo, decrescendo. Contrebasses quand il reprend, cuivres quand il s’arrête et klaxonne, le trafic promène dans les milliers de rues de Paris le cortège sans queue ni tête de sa fanfare hallucinée.
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Coller des affiches. Protégé des voyageurs par deux seaux, balises précaires, qui délimitent une petite zone de travail sur le quai. Déplier les grands papiers, les coller, un par un, à la colle à poisson, bien ajuster les bords et découvrir, révéler, morceau après morceau, l'affiche dans son ensemble. Tout un spectacle : en attendant leur métro, les gens regardent. Ils admirent son adresse, sa technique à la brosse, ils devinent les mots tronqués : "Vi" "Comm". C'est un rébus. Un demi-visage de femme, une épaule nue, le colleur prépare le morceau d'affiche qui se placera sous l'épaule : nu ? vêtu ? Les gens jouent au petit bonhomme pendu. Il y en a même qui laissent passer un train, pour connaître le fin mot de l'histoire. "Vi", "Comm", et ce demi-visage de femme blonde, deux mètres de hauteur au bas-mot : combien de visages véritables faudrait-il pour en remplir la surface ? Deux cents ? Deux cents visages, un visage. (p. 14-15)
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- Ça, ça ne m'étonne pas, que ce soit un Belge. J'ai toujours pensé que c'étaient les Belges, les maîtres du monde. Ils n'ont l'air de rien, un tout petit pays, ils rigolent, leur Manneken-Pis, les frites, tout ça, leur gouvernement qui tombe tout le temps, mais après, hop, où qu'elles sont les institutions européennes ? À Bruxelles. Ils cachent bien leur jeu. Ils sont marrants. Tu sais ce qu'avait dit Jules César, des Belges?
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Éloge de la Belgique, oui, comme terre, paysage, qui est à tous, partagée. Qui est un fruit (d’or, oui d’or) offert à toute main qui passe et qui voudrait. À tout passant, bienvenue!» (p.39)
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La source du gris murmure ainsi un soir de mortes eaux, à marée basse, au bord de la mer du Nord, et la joie est grande… ». (p. 12)
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J'avais tué le concept excluant et exclusif de l'oeuvre d'art et, en considérant objectivement l'oeuvre comme un objet, je libérais le monde du complexe qui l'oppresse depuis toujours : vouloir être seul dans un monde peuplé d'autres ; vouloir être unique dans un monde peuplé de semblables.
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A quoi sert la grandeur personnelle, si elle ne nous rend pas magnanime ?
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Elle me dit un jour, avec beaucoup de précautions, qu'elle ne pensait pas suivre mon exemple et étouffer, sous prétexte de se sécuriser, les chances de percer dans le monde artistique et de réaliser son rêve, en prenant une place de professeur quelconque. Pour elle c'était une manière hypocrite de renoncer. La chute assurée, en pente douce.

Quel père n'aurait pas été blessé d'entendre cela dans la bouche de son enfant... ? Mais quel père digne de ce nom n'aurait pas fait passer cette belle détermination filiale avant la vexation personnelle ?
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Il ne s'agissait donc pas de copie, mais de création complète "dans le style exact de". Emile, en bon lettré, voulait qu'on appelle ça des "forgeries".
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— Madame, j’aurai la conscience de vous en dire la raison ; mais je réclame toute votre indulgence en vous confiant un pareil secret. Je suis le voisin de monsieur votre père. J’ignorais que madame de Restaud fût sa fille. J’ai eu l’imprudence d’en parler fort innocemment, et j’ai fâché madame votre sœur et son mari. Vous ne sauriez croire combien madame la duchesse de Langeais et ma cousine ont trouvé cette apostasie filiale de mauvais goût.

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