Citations de Guillaume Siaudeau (205)
Les nuits ne sont pas les mêmes lorsqu'on est en fuite. La liberté les rend plus belles mais plus dangereuses. Comme ces champignons colorés qui ressemblent à des bonbons mais qui sont gorgés de poison. Chaque nuit devient une grand-mère adorable dans le ventre d'un loup.
La mort ne laissait rien d'autre que ça. Quelques images indélébiles que le temps s'efforçait de frotter pour les faire ressembler à des mensonges.
Les glaces étaient des petits sabliers de bonheur que l'on prenait le temps de faire s'écouler dans nos bouches.
Sauter dans son cœur, c'est comme prendre un taxi et rouler toute la nuit.
J'ai souri mais mon cerveau a pleuré. Au fond de moi, j'ai prié la sainte Marie des marins alcooliques et des lanceurs de couteux ratés pour que cette balade en mer ne soit pas la dernière.
AU fond de moi, j'étais triste. Parce qu'Henry avait raison. J'avais les mains pleines d'absence, pleines de vides. Il n'y avait plus de place que pour un petit poil. Et j'en étais à me demander comment il était possible de prendre sa vie en mains lorsqu'on les avait déjà pleines.
J'ai longé en bon soldat la ligne qui séparait le sable humide du sable sec, bien parallèle à l'horizon. La plage était déserte.
Je me suis assis là, comme un objet au milieu de l'ennui. [...] J'ai fait couler plusieurs litres de sable entre mes doigts en regardant la nuit tomber.
Je ne me souviens plus comment j'ai regagné la maison. Je sais simplement qu'il faisait nuit et que les étoiles étaient beaucoup trop nombreuses pour un seul type dans mon état.
Carole n'a rien compris à mon explication. Elle était persuadée qu'elle pouvait faire le ménage là-dedans. En sortant il m'a semblé voir l'ombre de Carole à la fenêtre, un sécateur dans une main et le cœur dans l'autre.
J’ai toujours pensé que papa s’était mis à boire parce qu’il n’avait jamais trouvé aucun chien capable de voler. Une succession de perruches ne sachant pas ramper aurait probablement provoqué chez lui les mêmes symptômes.
Je reste persuadé malgré les apparences, qu'on ne fuit pas pour éviter quelque chose. On fuit pour se retrouver. "Va voir là-bas si j'y suis.", qu'il disait.
On dit qu'ici il n'y a que le paysage qui reste muet.
Dans ce village de deux cent âmes, les nouvelles vont vite. Le paradis des enquêtes. Le royaume des indics.
Ils laissent peu à peu Joe en paix et il se surprend à entendre des sons auxquels il ne prêtait plus guère attention. Il ne se souvenait plus qu'un sourire émettait un léger tintement, que la beauté des brindilles venait finalement du vacarme qu'elles diffusent en se courbant à l'unisson. Il avait oublié que le silence ne sert qu'à mettre en avant l'orchestre, qu'il n'est qu'un piédestal pour le brouhaha ambiant, qu'un socle aux diverses résonances.
Ils se sont levés et le petit déjeuner était prêt sur la table. Bols fumants et pain grillé. Odeur du feu faisant la fête à la petite fraîcheur matinale installée dans la maison. Même les amants les plus aimés n'ont pas tous droit à tant d'attentions.
Il serait sans doute passé chercher l'infirmière Joséphine et il lui aurait offert une journée de rêve. Restaurant et nuit à l'hôtel.
Cette chaleur humaine est plus efficace que le feu de la cheminée. C'est elle qui les empêche de grelotter. Elle est bouillante. Profondément brûlante. Joe se demande si on pourrait y faire cuire un œuf. S'il devait jouer avec un feu,c'est avec celui-là qu'il aimerait le faire. Avec cette belle flamme d'amitié qui présentement les embrase.
Ici, ce soir, Joe se sent rassuré. Tous les feux qui ne brûlent pas sont des feux qui réchauffent.
Ici chaque chose apparaît plus simple. On parle souvent du retour à la réalité mais jamais du retour au rêve. La vie chez Robert est de cette trempe-là. Il suffit de s'attarder un instant sur ses doigts pour comprendre qu'ils ont passé plus de temps à donner qu'à prendre. On voit bien que ce sont des années de partage qui ont creusé et abîmé ses mains. Que ses rides ne sont pas là par hasard. Que ce ne sont pas des questions qui les ont dessinées mais le mauvais sang qu'il s'est fait pour les autres.
Joe termine son histoire et le vieil homme se relève pour lui poser la main sur l'épaule. Joe à le sentiment qu'un bel oiseau vient de s'y percher. C'est une sensation qu'il ne connaissait pas. Il a peur que l'oiseau prenne la fuite alors il ne bouge plus, tétanisé. Il ne sait pas ce qu'il faut donner à cet oiseau pour l'apprivoiser. Pour qu'il fasse de son épaule son nid.
"C'est une bien belle histoire, Joe", lance le vieux.
Les champignons qu'ils ont ramassés sont des marasme des collines. Ça ressemble à des mousserons mais "faut pas mettre à la bouche".