Citations de Hermann Hesse (2220)
A l'instar de tous les grands esprits, vous avez, Excellence Von Goethe, clairement identifiié et senti l'aspect précaire et désespéré de l'existence humaine : la spendeur de l'instant et la misère de son flétrissement.
On montrait un de ces films aux décors somptueux et raffinés, prétendument tournés dans un but noble et sacré, et non pour de l'argent. (...) C'étaient de jolis petits clichés issus de l'immense stock de camelote, de la grande braderie de la culture que représentait l'époque contemporaine.
Tu as raison, Loup des steppes, mille fois raison, et pourtant, tu dois disparaître. Tu es bien trop exigeant et affamé pour ce monde simple et indolent, qui se satisfait de si peu. Il t'exècre ; tu as pour lui une dimension de trop.
" Rosa ! Dieu soit loué, tu es venue, toi la belle, belle jeune fille. Je t'aime tant. " Ce n'était peut-être pas les paroles les plus spirituelles qui pussent être prononcées en cet instant, mais elles suffirent amplement. L'esprit n'était pas nécessaire ici.
L'existence n'est pas une épopée avec des héros et autres grands personnages ; elle ressemble au contraire à un joli petit salon bourgeois où l'on se satisfait pleinement de manger et de boire, de déguster le café en tricotant des chaussettes, de jouer au tarot en écoutant la radio. Quant à celui qui est animé de désirs, qui porte en lui autre chose, la grandeur héroïque et le sublime, le culte des grands poètes ou celui des saints, c'est un fou et un Don Quichotte.
Imaginons un jardin où poussent des centaines d'espèces d'arbres, des milliers de fleurs différentes, des centaines de variétés de fruits, des centaines de types d'herbes. Si le jardinier chargé de son entretien a des connaissances botaniques limitées, lui permettant uniquement de faire la distinction entre les plantes " comestibles " et les " mauvaises herbes ", il ne saura pas comment s'occuper des neuf dixièmes de son jardin. Il arrachera les fleurs les plus merveilleuses, abattra les variétés d'arbres les plus nobles ou les détestera, les regardera de travers. C'est ainsi que le Loup des Steppes se comporte vis-à-vis des mille fleurs ornant son âme.
Chêne amputé
Pauvre arbre, comme ils t'ont taillé!
Quelle étrange et triste figure!
Tu n'es plus, cent fois cisaillé,
Que défi, que volonté pure.
Comme toi tronqué, tourmenté,
Sans me briser, ma vie entière
Jour après jour j'ai résisté
Dressant mon front dans la lumière.
Ce qui fut en moi doux, sensible,
Le monde l'a crucifié.
Mais mon être est indestructible :
Je vis heureux, pacifié.
Je pousse mes feuilles nouvelles
Malgré mes rameaux douloureux,
Toujours dans mes peines cruelles,
De ce monde absurde amoureux.
Des groupes bavards se formaient autour de certains pupitres, un éclat de rire clair et juvénile résonnait çà et là ; vers le soir, les camarades de chaque chambrée se connaissaient déjà mieux que les passagers d'un bateau à la fin d'un voyage en mer.
Réfléchir éternellement sur les causes de mon cafard et de mon
inaptitude à la vie , c 'était vain et fatigant .
Je me sentais fier d 'être le meilleur lutteur , le meilleur joueur de balle , le meilleur coureur et le meilleur rameur , et cela
n 'excluait nullement une constante mélancolie . A peine si mon histoire d 'amour y était pour quelque chose -C 'était tout simplement la douce mélancolie de l 'avant-printemps qui me possédait plus violemment que les autres , en sorte que je me complaisait aux idées noires , à la pensée de la mort , et au pessimisme .
Narcisse sourit :
Ta mémoire est admirable. et pourtant elle t 'a un peu abusé .J 'ai toujours proclamé avec vénération la perfection du Créateur .jamais celle de la création .Jamais je n 'ai nié le mal dans le monde .Jamais encore .mon cher .un vrai penseur n 'a prétendu que la vie sur terre se déroulait dans l 'harmonie
et la justice .ni que l 'homme était bon .Au contraire .il est formellement écrit dans la sainte écriture que le cœur humain .dans ses rêves et ses aspirations .est mauvais et nous en avons chaque jour la preuve .
Refus (*)
Plutôt être tué par les fascistes
Que d'être fasciste moi-même !
Plutôt être tué par les communistes
Que d'être communiste moi-même!
Nous n'avons pas oublié la guerre. Nous savons
comme l'on se grise quand on frappe sur un tambour et des timbales.
Nous sommes sourds et nous ne nous enthousiasmons pas
Quand vous débauchez le peuple avec votre vieille drogue.
Nous ne sommes plus ni soldats ni redresseurs de torts,
nous ne croyons pas que «le monde doive guérir
Au contact de notre nature (**)».
Nous sommes pauvres, nous avons souffert un naufrage,
Nous ne croyons plus à toutes ces jolies phrases,
Avec lesquelles à coups de fouet, à cheval, on nous a envoyés à la guerre -
Les vôtres aussi - frères rouges, sont des magiciens qui conduisent à la guerre et au gaz !
Vos chefs aussi sont des généraux,
Ils commandent, crient et organisent.
Nous ne buvons plus leur tord-boyaux,
Nous ne voulons perdre ni notre cœur ni notre raison,
Ne voulons marcher ni sous de drapeaux rouges ni sous des drapeaux blancs.
Nous préférons pourrir en «rêveurs», solitaires,
Ou mourir sous vos poings fraternels et sanglants
Que de jouir d'un quelconque bonheur belliqueux et partisan
Et, au nom de l'humanité, tirer sur nos frères !
(*) Refus : En réponse à des questions sur les raisons de mon non-engament aux côtés des communistes (NB : NdL'A)
(**) Citation déformée de deux vers d'un poème célèbre d’Emmanuel Geibel (1815-1884) «vocation de l'Allemagne» (1861), "Au contact de la nature allemande, le monde doit guérir", poème repris ultérieurement par la propagande nazie.
Papillon bleu
Bleu reflet qui s'irise,
Un papillon nacré
Emporté par la brise,
Luit, brille, disparaît.
Tel, d'une aile légère,
Le bonheur est venu
Puis a, fleur éphémère ,
Lui, brillé, disparu.
N'est-il pas étrange, admirable,
Que ruisselle ainsi chaque nuit
La fontaine et son léger bruit
A l'ombre fraîche de l'érable ?
Le clair de lune, douce odeur,
Des toits d'ardoise se dégage
Tandis que fuit dans les hauteurs
L'essaim vagabond des nuages.(...)
...un jazz violent jaillit à ma rencontre, brûlant et brut comme le fumet de la viande crue...
La partie lyrique du morceau était sucrée, graisseuse, dégoulinante de sentimentalité; l'autre était sauvage, extravagante, et toutes les deux pourtant s'unissaient naïvement et paisiblement et formaient un tout.
C'était une musique de décadence, il devrait y en avoir eu de pareille dans la Rome des derniers empereurs.
Comparée à Bach ou Mozart , à la musique enfin , elle n'était, bien entendu qu'une saleté mais tout notre art , toute notre pensée , toute notre civilisation artificielle , ne l'étaient-ils pas dès qu'on les comparait à la culture véritable ?
Je rentrai un jour de l'école, je devais avoir onze ans, c'était un de ces jours où le destin vous guette, où le pire peut arriver, car le desarroi et le trouble de notre âme se reflètent sur le monde environnant et le défigurent. Mal à l'aise, pleins d'appréhension, nous cherchons en dehors de nous les prétendus motifs de notre mécontentement ; le monde entier nous paraît mal fait et nous butons à chaque pas contre un obstacle.
Il est des moments privilégiés dans l'existence où tout parait simple et facile ; insouciant, on entre, on sort, on fait ceci ou cela ; on n'éprouve ni fatigue ni contrainte : apparemment, une chose en vaut une autre. Parfois, au contraire, on sent que rien ne peut être changé, rien n'est naturel, rien ne va de soi ; le moindre geste débit à quelque arrêt irrévocable du destin.
Au fond, tout vrai lecteur est également bibliophile.Car qui sait accueillir un livre et l'aimer de tout son coeur souhaitera aussi le faire sien, le relire, le posséder et le savoir toujours à portée de main.
- Et sais-tu aussi pourquoi on se réveille de bonne humeur ?
- non, pourquoi ?
- Parce qu'on a bien dormi et qu'on a fait de beaux rêves. Mais cela, on ne le sait pas. Ainsi, cette nuit, je n'ai fait que des rêves délicieux, des rêves de fêtes ; mais j'ai tout oublié. ; je sais seulement que c'était magnifique. (page 69)
En effet, si la foule a raison, si cette musique des cafés, ces plaisirs collectifs, ces hommes américanisés, contents de si peu, ont raison, c’est bien moi qui ai tort, qui suis fou, qui reste un loup des steppes, un animal égaré dans un monde étranger et incompréhensible, qui ne retrouve plus son climat, sa nourriture, sa patrie.